Le débat entourant le déménagement du Casino de Montréal a provoqué une profonde remise en question à Loto-Québec qui envisage maintenant de renoncer à toute hausse de sa clientèle et donc, de ses revenus.
Dans ce qui ressemble à un virage à 180 degrés, le président, Alain Cousineau, se demande même s'il peut continuer à minimiser le jeu pathologique tout en tentant d'augmenter la clientèle du casino.
«Il y a actuellement une discussion en profondeur sur les orientations de la société, a confié le grand patron de Loto-Québec en entrevue avec La Presse. Nous sommes en train de réfléchir à cette question : est-ce que la croissance fait partie de nos objectifs, compte tenu de la situation?»
Loto-Québec est en pleine réflexion sur le plan stratégique 2007-2010.
Loto-Québec dit avoir définitivement tourné la page sur le projet de mégacasino. Dans ce contexte, M. Cousineau s'interroge sur le mandat de son organisme. «Est-ce que la gestion responsable du jeu va de pair avec un mandat où il y a toujours davantage de joueurs?»
Faisant face au même dilemme que la Société des alcools (SAQ), Loto-Québec a en effet la délicate tâche d'assurer l'équilibre entre sa mission économique (hausser ses revenus) et sa responsabilité sociale (ne pas augmenter le jeu pathologique).
Les objectifs fixés à Loto-Québec par le gouvernement l'obligent en effet à «accroître l'efficacité et la performance générale de la société de manière à maintenir le niveau de bénéfices nets versés annuellement» à Québec. Mais parallèlement, on lui refuse le droit d'augmenter l'offre de jeu.
«Quand vous regardez le plan 2004-2007, nous faisions état d'une croissance significative durant les années 90 et d'une cassure en 2001, précise-t-il. Cette cassure est intervenue pour toutes sortes de raisons, entre autres parce que le marché est peut-être venu à maturité. Or, dans ce contexte, le mandat de Loto-Québec est-il d'aller en chercher plus? () Est-ce qu'on veut de la croissance à tout prix?»
Pendant les années 90, les revenus de la société d'État ont augmenté en moyenne de 11% annuellement. Depuis 2001 toutefois, la moyenne de cette hausse ne dépasse pas 1%. Le secteur des casinos a même connu une décroissance en 2003-2004, essentiellement en raison de la baisse de revenus du Casino de Montréal.
Si une augmentation de la clientèle était possible avec le projet de mégacasino conçu en partenariat avec le Cirque du Soleil, la situation actuelle rend l'objectif plus difficile à atteindre, croit M. Cousineau.
Sans nécessairement vouloir parler de décroissance ou de baisse des revenus, il estime qu'il sera difficile de maintenir la compétitivité du Casino de Montréal. D'autant que tous les problèmes évoqués ces dernières années pour justifier un déménagement sont toujours présents: congestion fréquente autour du casino, insuffisance des espaces de stationnement, absence d'hôtels au parc Jean-Drapeau, capacité de restauration insuffisante, salle de spectacle trop exiguë, etc.
«On travaille dans une optique qui n'est pas la décroissance, a-t-il dit. On pense pouvoir avoir une performance correcte, mais qui est évidemment moins bonne que si on avait tous les leviers en notre possession.»
Cela incite donc Loto-Québec à travailler sur un «repositionnement» du casino pour s'ajuster à un marché en ébullition dans le nord-est de l'Amérique du Nord. Cela permettrait au mieux de stabiliser la clientèle.
«On travaille beaucoup sur un positionnement qui a très bien marché dans le cas de l'opération du Hilton Lac-Leamy (Gatineau). Peut-on, avec un positionnement sur la qualité de service, arriver à modifier les revenus? Peut-on segmenter davantage notre clientèle?»
Rappelons que le «centre de divertissement» que Loto-Québec souhaitait construire dans le secteur du bassin Peel, à l'ouest du Vieux-Port de Montréal, avait pour objectif de «devenir un levier de développement touristique» en augmentant le nombre de joueurs, notamment étrangers. Loto-Québec a abandonné son projet à la suite du désistement de son partenaire, le Cirque du Soleil.
(source : cyberpresse.ca/François Cardinal)