Ni dérogation, ni décret mais une loi instituant l'interdiction totale de fumer dans tous les lieux publics : telle est la teneur des premières conclusions de la mission parlementaire d'information sur l'interdiction du tabac.
Dans un document de synthèse - que Le Monde s'est procuré - remis le 8 septembre à ses vingt-sept membres, la mission livre ses premières réflexions et conclusions à l'issue de la série d'auditions menées avant l'été. Elles sont sans concession. "Au regard des exigences de santé publique et de sécurité des travailleurs, les seuls lieux fermés où il est envisageable et légitime d'introduire une exception de fumer sont les domiciles privés", indique le texte.
Pour le reste, aucune dérogation ne semble possible car "il n'est pas admissible de traiter les gens différemment suivant les lieux fréquentés". De plus, toute exception, comme le réclament notamment les casinos, "porterait sans doute atteinte à la protection égale de tous les salariés" et "compliquerait considérablement l'application de la loi".
UNE LOI, "SIGNAL politique"
Alors que le gouvernement s'oriente vers la rédaction d'un décret applicable dès le début de 2007, la mission se positionne, au contraire, clairement en faveur d'une nouvelle loi remplaçant la loi Evin. "Il est possible de faire beaucoup par décret, sauf de prendre une mesure d'interdiction totale, écrit-elle. Si la voie réglementaire était choisie, les décrets ne pourraient être rédigés qu'en contradiction avec le libellé législatif actuel qui permet d'aménager des endroits où la liberté de fumer peut s'exercer." Autrement dit, ajoute la mission, "si le membre de phrase "sauf dans des emplacements expressément réservés aux fumeurs" demeure dans la loi, aucun décret ne pourra interdire complètement de fumer dans les lieux publics sauf à imposer des normes techniques tellement strictes que cette dérogation ne serait plus qu'hypothétique".
Enfin, fait valoir le document de synthèse, "la loi est un support solennel, un signal politique ; le débat parlementaire pourrait, peut être mieux qu'un décret, participer à la maturation de l'opinion". Pour réussir cette réforme, la mission recommande "des mesures d'accompagnement" (campagnes de communication, aides pour les buralistes, aide au sevrage pour les fumeurs) et "le renforcement des contrôles et des sanctions". Ce dernier point "n'est pas sans lien avec la question du choix entre le décret et le règlement", précise-t-elle. Car "une extension éventuelle du pouvoir de recherches des infractions à d'autres corps de contrôle [suppose] une disposition législative et il en serait de même si le dispositif répressif devait être durci".
Pour justifier le renforcement du régime juridique de l'interdiction de fumer, le document de synthèse rappelle que la loi Evin est "mal appliquée", que "la nocivité du tabagisme passif est aujourd'hui scientifiquement prouvée" et que "l'évolution jurisprudentielle" soumet désormais l'employeur à "une obligation de sécurité de résultat en matière de lutte contre le tabagisme".
La mission parlementaire auditionnera le 27 septembre le ministre de la santé, Xavier Bertrand, avant de remettre son rapport final.
(source : lemonde.fr/Sandrine Blanchard)