Ses palaces, ses casinos, ses boutiques de luxe, sa Croisette, son Palais des festivals... Moins people que Saint-Trop’, plus sexy que Monaco, la cité cannoise attire chaque année plus de 2,5 millions de visiteurs. Un village global où princes saoudiens,banquiers londoniens et nouvelles fortunes russes trouvent...leurs marques.
« NOUS assumons totalement le fait d’accueillir ici les gens les plus riches du monde ! affirme David Lisnard, maire adjoint de Cannes et président du Palais des festivals et des congrès. Hôtels, restaurants, clientèle..., le haut de gamme est surreprésenté, cela fait partie de l’identité de la ville et nous permet aussi de beaucoup redistribuer : Cannes a un taux record de logements sociaux pour la région, le même que celui de Marseille ! » Bien. Évidemment, sur cette fameuse Croisette longue de 4 kilomètres, où les chauffeurs de taxi prennent des cours d’anglais mais oublient de mettre le compteur, ce ne sont pas les HLM qui sautent aux yeux... Sinon une enfilade de palais et d’hôtels somptueux, d’immeubles élégants et de plages chauffées à blanc non par l’odeur des sardines grillées mais par les compils lounge et des infusions frappées de verveine- gingembre sirotées avec indolence par de jeunes Ukrainiennes en Bikini Dior, quand ce ne sont pas des princesses arabes voilées de Pucci. Le pittoresque et le folklore cannois sont là.
Les 70 000 habitants de la cité azuréenne se moquent comme d’une guigne des danses provençales et de la pêche locale. Cela ne leur a jamais rapporté un sou. La beauté de la baie, si. Le nom de leur ville encore plus : depuis quelques années, Cannes est, à l’instar d’un produit de luxe, une marque déposée. Avec tout ce que cela comporte en termes d’image, d’offre et de services...
« Citez- moi une seule avenue dans le monde qui aligne 1 500 chambres classées 5- étoiles, trois casinos et autant de boutiques de luxe sur un périmètre aussi petit ? demande Pascal Brun, PDG du Majestic Barrière. Il n’y en a pas. La Croisette a non seulement une notoriété internationale mais une offre globale à même de satisfaire les clients les plus exigeants. »
Le premier d’entre eux était un Anglais, lord Brougham, qui, en 1834, découvrit ce petit village de pêcheurs où les habitants étaient si pauvres qu’on les surnommait les « mangeurs de sable » . .. Tombé sous le charme des lieux, Brougham y attira toute la gentry anglaise, puis ce fut au tour de l’aristocratie russe. En 1900, quatre cinquièmes de la population étaient étrangers ou issus de parents étrangers. En 2006, 60 % du PIB cannois est alimenté par le tourisme, le reste, par Alcatel... Cela a façonné l’esprit d’une ville qui ne s’est jamais sentie provinciale. « Nous avons des racines cosmopolites, dit ce vieux Cannois. Cannes est depuis toujours un lieu de brassage international. Cela contribue aussi à son authenticité. »
Aujourd’hui, sur les 2,5 millions de visiteurs venant chaque année à Cannes, 70 % sont étrangers. Ils débarquent sur la Croisette parce qu’ici on parle toutes les langues, parce qu’il règne une ambiance singulière, à la fois légère et ( très) professionnelle. « Les gens sont tellement gentils ! s’enthousiasme ce couple de NewYorkais, fidèles du Majestic depuis dix ans. La ville est magnifique, tout est à proximité, la mer, la montagne, Antibes, Monaco. Il y a d’excellents restaurants et on s’y sent comme chez nous. » Même sentiment pour cette honorable lady anglaise, croisée dans l’ascenseur du Carlton. « Cela fait soixante ans que je descends ici tous les étés. Et ma fille compte bien me battre sur la durée ! On a l’impression d’être au sein d’une famille, avec la plage et le shopping en plus. Notez aussi que le champagne au petit- déjeuner nous change du porridge ! »
À Cannes, les établissements de luxe affichent des taux d’occupation record. Les « mangeurs de sable » sont devenus des marchands de rêve. À prix d’or : on estime qu’un client de palace dépense en moyenne 1 400 euros par jour. C’est parfois moins, c’est souvent beaucoup plus. Comme cette Ukrainienne qui a pris ses quartiers d’été avec ses deux fils adolescents dans une suite du Martinez à 15 000 euros la nuit. « Ici, elle est tranquille, confie-t-on dans son entourage. Les gosses font du ski nautique dans la journée, vont en boîte le soir. Elle sait qu’ils ne risquent rien. Cannes n’est pas un défouloir comme Saint- Tropez ou Ibiza. » Pas un mouroir non plus. Il y a de nouveau « une night » à Cannes. Dans la gigantesque boîte de nuit éphémère montée sur la rotonde du Palais des festivals, où l’on vient danser aux rythmes de la crème des DJ internationaux. On se presse également au Baoli, au Port Canto, mi-resto mi-boîte, pour siroter un « sérieux », une vasque de 8 litres de mojito tarifée 1 000 euros. L’ambiance y est chic et joyeuse. L’argent coule à flots, mais il ne se voit pas, il est d’apparence aussi légère et grave qu’une bulle de champagne. « Après le 11 Septembre, 90 % des Arabes qui partaient en vacances aux USA n’y ont plus mis les pieds, observe ce jeune ancien ministre d’un des pays du Golfe, client du Majestic et rencontré au Baoli à 2 heures du matin. Aujourd’hui, le Liban est détruit, l’Égypte a des hôtels médiocres, la Syrie n’a aucune infrastructure. Il nous reste la France, l’Espagne et l’Angleterre, mais les Anglais sont trop pro-Américains. À Cannes, on ne nous regarde pas comme un terroriste, tout est facile, on peut manger à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. C’est simple pour les enfants, et les adultes peuvent s’amuser. Que demander de plus ? » Rien, en effet.
(source : lefigaro.fr/Fabienne Reybaud)