Un conseil municipal extraordinaire désignera ce soir le nouvel exploitant. La fin d'une guerre larvée entre Tranchant et Kiffer.
METZ. - La convocation des conseillers municipaux amnévillois en cette fin d'après midi à 18 h 30, avec comme seul menu la désignation du futur concessionnaire du casino, mettra un terme définitif à une année et demie d'incertitude. Les premières escarmouches entre le maire Jean Kiffer et le casinotier Georges Tranchant, avaient tourné à une guerre fratricide entre les deux hommes en 2005. Le casinotier avait multiplié les attaques sur le « système Kiffer » sans jamais vraiment apporter d'éléments tangibles, si ce n'est des allusions diffamatoires complaisamment relayées par des adversaires du maire. De son côté, l'élu avait rendu coup pour coup, allant jusqu'à s'allier avec les Allemands de la Spielbank, - l'équivalent de la Française des Jeux en Sarre. Jean Kiffer avait imaginé de reprendre la gestion de son casino sous forme d'une société d'économie mixte. Le préfet de région avait attaqué en justice ce montage, relayé par nicolas Sarkozy. Manque de chance pour les pouvoirs publics, l'automne dernier, le tribunal administratif de Strasbourg donnait raison au maire d'Amnéville, qui, avec le renfort de l'avocat maire de Saint-Dié, Christian Pierret, était parvenu à faire évoluer la jurisprudence.
« Droit d'entrée » à 25 millions d'euros
La validation administrative de sa structure d'économie mixte constituait une victoire majeure, permettant derrière à des centaines de municipalités en France de reprendre le contrôle de leurs casinos.
A Amnéville, l'enjeu est de taille, puisque le casino fondé à la fin des années 80 par le maire, à l'époque député proche de Charles Pasqua, a grimpé au classement 2005 à la quatrième place dans le top 50 des casinos français. Entre temps, Jean Kiffer a fait volte face, abandonnant son projet de société d'économie mixte pour finalement relancer un appel d'offres en imposant un droit d'entrée mirobolant, estimé aux alentours de 25 millions d'euros. Il est vrai qu'en ce début d'année, les magistrats de la chambre régionale des comptes d'Epinal sont revenus chatouiller Jean Kiffer, l'épinglant sur sa gestion et sur son endettement. S'estimant freiné dans son ardeur entreprenante « par des fonctionnaires qui ne mesurent pas de quelle énergie nous avons fait preuve pour créer plus de 2.000 emplois sur un ancien crassier de la sidérurgie », Jean Kiffer a imaginé ce « ticket d'entrée » pour accroître les marges de manoeuvre budgétaire de sa commune.
Même si ces 25 millions d'euros paraissent énormes, le futur concessionnaire du casino a toutes les chances d'en empocher bien plus tout au long de la gestion de ce joyau, concédé pour les seize années à venir.
Trois candidats ont été retenus au terme de l'appel d'offres : le groupe Emeraude qui gère sept casinos dans des villes moyennes en province, un groupement d'investisseurs réunis par l'ancien patron du casino de Divonne-les-Bains et les fils Tranchant. Le maire a reçu chaque équipe. Il vient d'envoyer à ses collègues élus le contenu des trois propositions afin de nourrir leur réflexion avant la décision définitive de ce soir.
Lucidité des fils Tranchant
« Le conseil municipal souverain tranchera aujourd'hui et je lui réserve la primeur de ma préférence », explique Jean Kiffer avec une prudence de sioux. L'élu refuse de commenter la présence de Tranchant dans ce tour de table final. C'est cependant un secret de polichinelle à Amnéville : au plus fort de la crise, même lorsque leur père insultait Jean Kiffer et lui promettait le pire, les fils Tranchant, notamment Benjamin, n'ont jamais rompu les fils ténus d'un dialogue secret avec le maire. On murmure même que là où le père avait abandonné la construction d'un hôtel, véritable verrue dans le parc de loisirs amnévillois, les fils ont fait miroiter une métamorphose gigantesque du casino, avec un dôme de verre le reliant à l'hôtel enfin achevé.
Romain et Benjamin Tranchant ont même créé une structure juridique distincte de l'empire familial. Si les fils Tranchant l'emportent ce soir, Jean Kiffer aura, ipso facto, réduit leur père, non seulement au silence, mais à un rôle de figurant.
(source : estrepublicai
n.fr/Alai
n DUSART)