Les complexes hôteliers, aux services aussi nombreux que sophistiqués, cherchent à capter une clientèle de court séjour et d'hommes d'affaires.
Le « resort », complexe hôtelier né dans les années 1970, n'en finit pas de muer. « De l'hôtel sur la plage avec des cocotiers genre Hilton exotique d'après-guerre, on est passé au lieu de villégiature saisonnier », explique David Mandefield, ancien président du conseil d'administration de Méridien SAS dont 35 % des hôtels du groupe sont des « resorts ». « Seulement, il faut établir des partenariats et construire, par exemple, près d'un golf existant, très demandé par les clients mais trop cher à rentabiliser. » Lieu et personnel irréprochables, services sans failles, c'est le Graal poursuivi par tous les groupes. Les séjours raccourcissent et les clients compactent leur visite en trente-six ou soixante-douze heures !
L'un des projets les plus emblématiques de la nouvelle génération de complexes hôteliers a été mené par la Société des Bains de Mer (SBM), appartenant à la famille Grimaldi. La réflexion a démarré il y a dix ans pour répondre au big-bang touristique de Monaco, avec l'idée de créer un centre de congrès entouré d'un maximum de services avec des lits, des spectacles, bars, restaurants, et des casinos. Cette anticipation a aussi pris en compte la vogue des spas. L'objectif est de figer le client sur place.
Lancés sous le prince Rainier, les travaux du Monte Carlo Bay dans le quartier du Larvotto - onze étages dominant la mer - ont pris cinq ans, pour un coût estimé à 200 millions d'euros. Inauguré en octobre dernier, ce jeune quatre étoiles a doublé la capacité hôtelière du groupe, la portant à 900 chambres.
« Compte tenu de l'espace, nous avons voulu créer un lieu très ouvert et surtout un hôtel contemporain », confie Bernard Lambert, président de la SBM. Le lieu compte 334 chambres, dont 22 suites, une héli-surface, un drugstore, quatre restaurants et autant de bars, un accès direct au Jimmy's, célèbre boîte de nuit. « On vend un statut, une image, de l'hédonisme, explique Axel Hoppenot, directeur commercial et marketing de la société. La SBM a voulu enrichir l'expérience glamour. » Avec à la clef piscine pharaonique, lagon à ciel ouvert, spa de luxe et 154 bandits manchots dans le casino.
« Devenir un lieu de vie »
La circulation entre les différentes parties est fléchée à l'extrême afin de créer une synergie. « L'hôtel doit devenir un lieu de vie. Il est fait pour une clientèle jeune, qui voyage, qui a tout vu, fan de nouvelles technologies. Ces gens travaillent beaucoup, n'ont pas de temps à perdre. Nous voulons accueillir des familles en week-end prolongé et positionner la principauté sur le tourisme d'affaires », continue son promoteur.
Dans sa catégorie, le complexe risque de donner un coup de vieux à certains hôtels de la SBM ainsi qu'à ses concurrents de même stature de la région d'autant qu'il est proposé - pour le moment - à des tarifs attractifs. « Ils sont étudiés pour lui laisser le temps de monter en puissance, soit deux ans environ. Alors, le service, les constructions, le paysage même seront rodés. Le prix suivra, mais en attendant il va coûter plus cher que ce qu'il va rapporter », calcule Bernard Lambert.
D'où une commercialisation entamée il y a dix-huit mois sur plan, notamment auprès des entreprises qui s'y prennent un an à l'avance pour leurs sessions d'« incentive ». Il est prévu qu'elles génèrent à terme environ 60 % du chiffre d'affaires. 22.000 nuitées auraient déjà été confirmées pour les six premiers mois. Un lourd dispositif marketing accompagne son lancement (lire encadré). Sachant que 5 millions de touristes fréquentent Monaco chaque année et que les Américains sont de retour avec trois fois plus de réservations qu'en 2005 (15 % de la clientèle), les services du Bay devraient rapidement démontrer leur efficacité.
Quelle que soit leur localisation, les complexes diversifient leurs prestations, mixant environnement privé et public. Le Moscow Country Club, situé sur le plus beau golf de Russie, comprend l'hôtel Le Méridien et 20 datchas louées à l'année pour 500.000 euros chacune, avec accès aux services du « resort ». Cette idée correspond à une vraie demande, comme l'explique Dominique Desseigne, président du Groupe Barrière, qui développe un projet en ce sens. « Nous reconfigurons des riads à Marrakech. Ils seront privés mais leurs propriétaires fortunés pourront bénéficier des services de l'hôtel de 90 chambres que nous construisons. Nous avons démarré la commercialisation et nous pensons même ajouter un Fouquet's. » En attendant, le groupe s'occupe activement de son complexe hôtelier de deauville où il a créé un « pass » donnant accès à tous les endroits. « Pour attirer la clientèle, on segmente, assure Nicolas Ricat, membre du directoire marketing. Il faut éviter les frustrations. Alors, à nous de proposer un golf 9 trous au lieu de 18, de dénicher un rendez-vous au spa pour madame pendant que monsieur joue au casino, d'occuper les enfants. Nous organisons aussi des tournois de poker qui attirent un public international. » Enfin, s'installer dans les capitales, tel le Fouquet's sur les Champs-Elysées à Paris cette année, avec des services très complets, est la nouvelle trouvaille qui devrait séduire cette clientèle si pressée.
(source : lesechos.fr/ELISA MORERE)