Le maire d'Amnéville a gagné un round clé face au préfet et au gouvernement. Le tribunal administratif de Strasbourg valide sa « société d'économie mixte » pour gérer un casino. Même s'il manque la forme. >
METZ. _ Comme souvent avec Jean Kiffer, il manque les formes. L'élu bulldozer amnévillois passe en force, et un grain de sable juridique vient de l'empêcher de remporter une victoire totale dans son double bras de fer judiciaire avec le casinotier Georges tranchant et l'Etat français.
Rapide rappel : Jean Kiffer a décidé voici presque un an d'évincer de son casino municipal l'exploitant Georges tranchant dont la concession arrive à terme le 31 décembre prochain. Or en matière de casino, il ne suffit pas de se fâcher et de se traiter de nom d'oiseau, encore faut-il respecter les formes, et le droit, en l'occurrence la loi sur les jeux de 1907. Ses principes fondateurs excluent que les communes propriétaires de casino aillent au-delà de la perception d'une redevance annuelle, certes lucrative, mais bien en-deçà des chiffres d'affaires mirobolant des casinos.
« Ca aurait de la gueule »
Dans son combat fratricide avec le casinotier qu'il a décidé de « virer d'Amnéville », Jean Kiffer a imaginé une solution novatrice : créer une société d'économie mixte (SEM) para-municipale, où il associerait dans le capital et la gestion quotidienne un professionnel du jeu « public », c'est-à-dire la Spielbank sarroise. En Allemagne, l'exploitation des casinos et du loto relève des intérêts publics de chaque land. Au printemps dernier, à la veille du référendum, Jean Kiffer assurait avec malice que « cette solution européenne aurait de la gueule ».
L'élu savait pertinemment qu'elle se heurterait au droit français. Il a donc engagé un cabinet d'avocats spécialisés « pour préparer des délibérations aux petits oignons ». Son défenseur vedette, l'ex-ministre socialiste de Saint-Dié Christian Pierret, promettait même « une bombe à retardement ». Celle-ci a visiblement fait long feu, car le casinotier Georges tranchant qui avait répondu au dernier appel d'offres pour la concession du casino, vient d'obtenir du tribunal administratif de Strasbourg, l'annulation de la délibération municipale du 25 avril dernier, privilégiant la future SEM municipale au détriment de son propre groupe. C'est un point décisif pour Georges tranchant, car les juges administratifs ont entériné le « vice de forme » soulevé par le casinotier.
Victoire éclatante
Mais cette victoire est purement formelle. Autrement dit, la désignation de la SEM n'est pas conforme au droit. Formellement. Mais sur le fond, car un second jugement opposant le maire au préfet, donc au gouvernement qui défend ici le fondement de la loi de 1907 sur les casinos, donne le même jour raison à l'élu. Et sur ce point, sa victoire est éclatante car cette décision, qui ne manquera pas d'être contestée par le Préfet devant la cour administrative d'appel à Nancy, ne retient pas l'illégalité de la gestion d'un casino par une société d'économie mixte créée par une municipalité pour reprendre le contrôle de son casino.
En relevant que « l'incompatibilité alléguée (par le préfet) n'est pas établie », les juges administratifs déplacent de façon magistrale les lignes de la jurisprudence. En d'autres termes, les temples des jeux contrôlés par des groupes casinotiers puissants, pourraient échapper à de juteux intérêts privés pour revenir dans le giron des collectivités locales. Et cette décision arrachée contre toute attente par le tonitruant Jean Kiffer constitue, si elle est confirmée, le prélude à un bouleversement historique du monde des casinos. Au grand dam des casinotiers et de l'Etat. En ce sens, Jean Kiffer, outre son style à la hussarde et ses idées politiques que d'aucuns estiment extrêmement réactionnaires, reste néanmoins un sacré animal politique !
(source : estrepublicain.fr/Alain DUSART)