Les anciens gérants parlent d'association de malfaiteurs, de faux et usage de faux, etc.
Camille et Philippe Mantia, les anciens gérants du casino de Dinant évincés à grand tort, disent-ils, par le député-bourgmestre Richard Fournaux (ex-CDH passé au MR), avaient déposé plainte contre lui en 1999. Il aurait, pour faire simple, truqué l'attribution de la nouvelle concession en leur défaveur, pour l'«offrir» au groupe français Accor en recueillant au passage des avantages sonnants et trébuchants. M. Fournaux s'en est toujours défendu et, bien qu'il ait depuis été inculpé, il est bien entendu présumé innocent.
Mais les Mantia et leur avocat, Me Jean Bourtembourg, ne le voient pas ainsi. Mardi, ils ont rompu leur silence à l'occasion de la fin de l'instruction, survenue au mois de septembre dernier (le parquet de Dinant a, après cela, adressé un rapport au parquet général de Liège pour obtenir un avis sur la conduite à suivre quant aux réquisitions). Ils n'ont pas fait dans la dentelle : ils estiment que l'inculpation retenue à ce stade (corruption passive) est très insuffisante et devrait être augmentée de préventions de faux et usage, de prises d'intérêt injustifiées, d'associations de malfaiteurs et on en passe.
Et d'assortir cette opinion de divers éléments - parfois des extraits du dossier judiciaire - montrant d'abord que M. Fournaux était aux abois au plan financier, dans les années 90. Ainsi, les comptes bancaires de sa société de peinture «Arts et Décor» (puis «Bayard Décor») auraient par exemple essuyé quelque 30 refus de paiement de factures domiciliées entre le 18 août 1993 et le 22 avril 1994. Ce terrible besoin d'argent aurait été à l'origine de la déconfiture des Mantia («Parce que nous, nous n'avons pas voulu l'arroser»), au bénéfice d'Accor.
Pourquoi M. Fournaux aurait-t-il pris ce risque? «Parce que sa faillite aurait été dramatique pour son image. Il se présente comme un bon gestionnaire... Mais de surcroît, il est caution solidaire des dettes de sa société et aurait été ruiné».
Dès lors, M. Fournaux aurait outrageusement favorisé ses nouveaux partenaires. «Comment expliquer par exemple que la représentante d'Accor s'est présentée quelques minutes après la fin du conseil communal où le nouveau casino fut attribué à son groupe ? Tout a été réglé en quelques minutes, chèque compris. Mais elle a reconnu qu'elle avait été avertie la veille par M. Fournaux qu'elle devait être là...»
Un risque pour Dinant?
La veille? Un pacte secret aurait été mis en oeuvre, dont Me Bourtembourg livre des détails trop longs à expliquer ici mais comportant fausses ventes de terrains, trucages de marchés, etc.
S'en prenant enfin à des relations - y compris politiques - de M. Fournaux qui auraient arrondi certains angles, les Mantia et leur conseil assurent que, quoi qu'il advienne, ils ne laisseront pas tomber l'aspect pénal des choses. Et craignent que la Ville de Dinant supporte les dommages civils (peut-être 2,5 millions d'euros). «Je m'interroge sur ce type qui pille la ville depuis des années», n'hésite même pas à dire le pourtant mesuré Me Bourtembourg.
Mardi, Richard Fournaux nous a de son côté déclaré que «tout ça, ils l'ont dit pendant l'instruction. C'est risible qu'ils y reviennent après qu'elle soit clôturée. Leur objectif c'est, via la presse, de déstabiliser le parquet général au moment où il doit rendre son avis. J'avoue que je n'ai jamais vu un tel acharnement. Cela devient intolérable. Un exemple. Philippe Mantia m'a dit, trois jours avant l'attribution du casino: «Arrangeons-nous et vos élections ne vous coûteront rien». Ce n'était pas le contraire!»
Une chose est certaine : la justice ferait bien de ne plus laisser ce dossier dans l'apparente indolence qu'il a connue à Dinant. Après tout, il pourrait être explosif.
(source : lalibre.be/Roland Planchar)