CUSSET (AP) - Ruiné par le jeu, un ancien joueur réclame près de 690.000 euros au "Casino du Grand Café" à vichy (Allier), propriété du groupe Partouche: c'est l'affaire, une première en France, que le tribunal de grande instance de Cusset (Allier) a examiné lundi après-midi, mettant son jugement en délibéré au 16 janvier 2006.
A 44 ans, Jean-Philippe Bryk doit encore aujourd'hui 150.000 euros aux amis, à la famille, aux banques, "à tous ceux à qui j'ai emprunté de l'argent pour jouer. Les 687.000 euros réclamés correspondent à mes pertes cumulées", explique-t-il. Il a assigné en justice le 25 mars 2004 le "Casino du Grand Café" pour "manquements aux obligations d'information, de conseil et de loyauté".
Il "faut que le groupe Partouche assume ses responsabilités", a plaidé Me Gilles-Jean Portejoie, avocat du plaignant, qui réclame 687.000 euros, soit 77.000 euros pour préjudice moral, et 610.000 euros pour préjudice économique.
Devant une salle d'audience pleine, l'avocat de Jean-Philippe Bryk est revenu sur la lente et longue dérive de son client. M. Bryk, qui se définit comme un "joueur pathologique" était devenu entre mars 1995 et octobre 2003 un habitué des salles du "Grand Café".
"Hormis sa maladie, personne ne l'a forcé à venir au casino du Grand Café", raconte l'avocat. "Il a sa part de responsabilité et il l'assume, mais assumez la votre", a-t-il lancé. Et de pointer "la négligence et la malice" du personnel du casino, notamment "les membres du comité directeur", qui lorsque Jean-Philippe Bryk, rendu agressif par les pertes accumulées, brise à deux reprises des machines à sous, ne le reconduisent pas à la porte de l'établissement.
L'avocat s'étonne encore que lorsqu'en mars et avril 2003, Bryk signe 123 chèques pour 61.000 euros, ils sont encaissés alors que visiblement il est "malade, à la rue, accro".
Me Portejoie rappelle que les six derniers mois de mars à octobre 2003, "tous les deux jours, Bryk, sa compagne, ses deux enfants et ses amis sont invités à dîner par le groupe Partouche. Pourquoi? Parce que sa compagne, dans les 19h-20h, essaie de le faire rentrer à la maison. Et ainsi, après-dîner, Bryk reste jusqu'à la fermeture du casino. Cette façon de se comporter est fautive, est pitoyable".
L'avocat comparera l'attitude du casinotier avec "le limonadier, le cafetier et le patron de boite de nuit qui laissent partir le client ivre à 2h du matin au volant de sa voiture".
Me Jan-Jack Sebag, avocat du groupe Partouche, objecte qu'il "est interdit aux casinos d'interdire l'accès de leur établissement si le client n'est pas inscrit sur une liste délivrée par le ministère de l'Intérieur. M. Bryk n'utilise pas cette possibilité. Vous la dénigrez même dans la presse, car vous ne la jugez pas efficace. Or c'est faux. Si le gain est supérieur à 1.500 euros, le joueur est payé par chèque et doit décliner au casino son identité. Il est donc repérable physiquement".
Me Sebag revient sur la réglementation en cours: "Pour se faire interdire de casino, il suffit de faire une lettre au service 'course et jeux' présent dans tous les casinos, et l'interdiction reste valable cinq ans, et ne peut être levée qu'à expiration du délai".
Pour le conseil du groupe Partouche, "rien dans le droit français ni dans la philosophie de la société française ne justifie l'action que M. Bryk a engagé. Sinon, que les casinos soient interdits. Mais on n'aura pas réglé le problème, car les joueurs joueront tout de même, mais pas dans un cadre protecteur et réglementé".
Des propos contestés par Jean-Philippe Bryk, qui à l'issue de l'audience, a réclamé des garde-fous pour protéger les "joueurs pathologiques" comme lui.
"Aujourd'hui, on nous dit qu'à partir de 1.500 euros de gain on doit décliner son identité, mais si on est interdit de jeu, il suffit de demander à un copain qui nous accompagne d'encaisser pour soi les gains contre 10% pour lui. Cette interdiction, c'est du baratin. Les casinos ne sont pas propres", dit-il. AP
(source : yahoo.com/lad/cre/ll)