Une délibération met un terme anticipé à la concession accordée à Georges Tranchant. Tout en attaquant le préfet en justice.
METZ. - Onze pages. Millimétrées. Dans un rapport de onze pages, le docteur Jean Kiffer a fait adopter hier par la majorité de son conseil municipal, une délibération mettant un terme à l'exploitation du casino par le groupe Tranchant. Cette concession, accordée en principe jusqu'au 31 décembre prochain, devrait donc s'interrompre selon la volonté des élus amnévillois. Une première fois en juin 1994, le conseil municipal avait déjà pris une délibération de révocation. Celle-ci avait provoqué une crise qui aboutira en 1995 à un protocole d'accord entre la ville et le groupe Tranchant.
Or depuis plusieurs mois, le torchon brûle, et de façon virulente, entre le maire et le casinotier. Jean Kiffer n'a pas attendu la fin du contrat pour nouer des contacts avec d'autres partenaires. Le casinotier sentant le casino lui échapper, a lancé début mars dernier une campagne d'accusations contre l'élu, mettant en cause ses proches, sa gestion du centre de loisirs d'Amnéville ou le Galaxie. Le docteur Kiffer a décidé d'accélérer les choses en s'associant à la Spielbank sarroise et en prenant le maire de Saint-Dié comme avocat.
Avis du ministre
Voici un mois, Christian Pierret avait promis des arguments « fulgurants ». Les voici résumé dans la délibération d'hier. En gros, il s'agit de dénoncer la gestion du casino sous forme de « société à actions simplifiées » où les décisions seraient prises « par une entité qui n'est pas agréée par le ministre de l'Intérieur ». De même, les élus pointent « l'incompatibilité entre la société qui importe, vend et assure les machines à sous et la société d'exploitation du casino ». Selon le maire, il s'agit sur toute la ligne du groupe Tranchant. Ce dernier serait par ailleurs en contradiction avec la loi Sapin qui détermine la durée de la concession en fonction des investissements consentis par le concessionnaire. « Or le concessionnaire actuel n'a jamais investi un seul centime sur le site », a indiqué M. Kiffer à ses collègues.
Cette révocation « municipale » de Georges Tranchant n'oblige cependant pas celui-ci à remettre les clés de son casino. C'est le ministre de l'Intérieur qui doit entériner ou non cette délibération dans un délai d'un mois. En cas de refus, la municipalité pourra exercer un recours devant le Conseil d'Etat.
Le préfet visé
Plus étonnant, le conseil municipal estimant que « le code pénal fonctionne encore dans les deux sens », a également adopté une motion approuvant une « constitution de partie civile dans la plainte déposée contre le préfet pour prise illégale d'intérêt au profit du casinotier ». L'intitulé paraît étonnant, car il sous-entend que le préfet aurait eu des intérêts dans ces démêlés. Il s'agirait en fait d'une erreur, les rédacteurs de la motion visant plutôt le favoritisme. La motion avec la mention « prise illégale d'intérêt » a pourtant été adoptée.
Sur le fond, Jean Kiffer rend coup pour coup. Vendredi dernier, le préfet de Région transmettait le budget 2005 de sa commune à la Chambre régionale des comptes et au tribunal administratif de Strasbourg la délibération de constitution de la société économie mixte franco-sarroise future délégataire du casino. Le maire d'Amnéville, s'appuyant sur une lettre où le préfet lui recommandait en avril 2004 de reconduire l'actuel exploitant, estime que le haut-fonctionnaire s'est départi de sa neutralité et l'attaque personnellement en justice. Le préfet Bernard Hagelsteen, en déplacement hier à Paris, faisait savoir qu'il ne souhaitait pas réagir, ceci d'autant que, référendum oblige, la période de réserve des fonctionnaires vient de s'ouvrir.
(source : estrepublicain.fr/A. D.)