Les Français ont doublé en un quart de siècle la part du budget qu'ils consacrent aux jeux d'argent, privilégiant les tirages instantanés, qui en modifient la nature et les enjeux, selon des spécialistes.
"Depuis 1976, date de la création du Loto national, les Français ont été attirés par les jeux de hasard et d'argent", selon un rapport de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) publié vendredi 13 mai, date traditionnellement propice aux jeux de chance. "La part de budget qu'ils y ont consacrée a doublé pour atteindre 0,9 % en 2003", à 7,8 milliards d'euros, soit 130 euros par habitant, un taux comparable à celui des "livres, journaux et périodiques (1 %)", souligne l'institut. "Les dépenses en jeux de loteries, lotos et jeux instantanés se sont fortement accrues", au détriment des formules traditionnelles, comme la Loterie nationale, disparue en 1990, selon l'enquête, qui relève une augmentation de 11,4 % par an en moyenne et en volume sur cette période.
Pour le docteur Marc Valleur, chef de service à l'hôpital Marmottan à Paris, spécialisé dans la dépendance, "on est passé des jeux de rêve à des jeux de sensations". "Au Loto, on s'endort en rêvant à tout ce qu'on fera quand on sera milliardaire". En revanche, les jeux de courses, de loto ou de casino à résultat immédiat sont "l'équivalent quotidien et banalisé du saut à l'élastique", ajoute-t-il.
CROISSAnCE FULGURAnTE ET DÉPEnDAnCE
Parallèlement, les machines à sous, autorisées dans les casinos depuis 1988, ont connu une "croissance fulgurante de 36,8 % par an en moyenne et en volume", indique l'Insee. En 2003, elles représentaient 93 % des dépenses dans les casinos. "Le point de départ, c'est l'autorisation des machines à sous. Les autres opérateurs ont vu le succès foudroyant des machines à sous, et tous les jeux ont été calqués sur ce principe", estime le docteur Valleur.
La responsable de l'association SOS-Joueurs, la psychologue Armelle Achour, insiste également sur les risques d'addiction entraînés par le développement des jeux d'argent. "Le fait de l'immédiateté et le fait surtout qu'il y ait beaucoup plus de jeux sur écran, ça génère des comportements de dépendance beaucoup plus fréquents", qui provoquent des difficultés financières, voire des surendettements, souligne-t-elle.
"La grande majorité de nos appels concernent des gens qui sont pris au jeu et qui sont endettés à hauteur de 120 000 euros alors qu'ils jouent depuis trois ans, qui ont vendu leur appartement pour payer les dettes de jeu et sont de nouveau endettés", raconte-t-elle. "Il y a des gens qui jouent 40 ou 50 euros par jour, mais qui ont le RMI ou le smic", souligne le docteur Valleur.
Mais, contrairement à une idée reçue, les joueurs sont aussi les premiers bénéficiaires des mises : 60 % leur sont distribués par La Française des jeux, 70 % pour les paris sur les courses de chevaux et jusqu'à 85 % dans les casinos, indique l'Insee.
Selon le rapport, "les Français ne sont pas les plus grands joueurs d'Europe. Ils se situent même légèrement en dessous de la moyenne de l'Europe des 25, qui atteint 1 % [du budget des ménages] en 2003".
(source : lemo
nde.fr/AFP)