PARIS (AFP) - Les Français dépensent chaque année davantage d'argent dans les casinos, aux courses de chevaux ou au loto et autre Rapido, un phénomène qui inquiète les spécialistes confrontés à un nombre croissant de "drogués" du jeu.
Le sociologue Jean-Pierre Martignoni-Hutin, président de l'Observatoire des jeux, relève que cette masse d'argent augmente d'une année sur l'autre, la croissance des trois opérateurs (Française des Jeux, PMU, casinos) étant supérieure à celle du produit intérieur brut (PIB).
Pour ce chercheur de l'Université Lumière à Lyon, cette "croissance globale des jeux perdure alors que l'indice de confiance des ménages ne cesse de baisser".
Selon une enquête de l'AFP, les Français ont dépensé en 2004 au jeu 34 milliards d'euros (32,3 mds en 2003), l'équivalent de 170 avions A380, le nouvel Airbus.
Les joueurs ont ainsi laissé chaque jour en 2004, dans les 188 casinos, les 40.000 points de vente de la Française des Jeux (FDJ) et les 8.000 points de vente du PMU, 93 millions d'euros (88 millions en 2003), soit la somme recueillie en ... une douzaine de jours par les OnG françaises pour les sinistrés des raz-de-marée d'Asie.
C'est la FDJ qui a enregistré la plus forte augmentation (9,8 %) de son chiffre d'affaires en 2004 (8,55 mds d'euros, 7,79 mds en 2003) grâce au lancement, en février, de l'Euro Millions marqué par deux gains record de 33 et 26 millions d'euros.
Le PMU a gonflé son CA de 7,6 % (7,55 mds, 7 mds en 2003) et a lancé la semaine dernière un nouveau Quinté + dont il espère une progression de 10 % des recettes.
Quant aux 188 casinos, ils ont vu passer en 2004 et en quasi-totalité dans leurs 18.000 machines à sous, 18 milliards d'euros, selon M. Martignoni-Hutin. Le produit brut des jeux (sommes perdues par les joueurs), seul chiffre officiel publié par les casinos, s'est élevé à 2,61 mds d'euros en hausse de 2,60 % par rapport à 2003.
Au passage, Bercy a empoché en 2004 plus de cinq milliards d'euros en impôts et taxes diverses.
Mais cet engouement provoque un "renforcement très fort du comportement addictif de joueurs de plus en plus nombreux", assure Marc Valleur, directeur du centre Marmottan, dédié aux toxicomanes, à Paris où il ouvert, en 1998, une consultation pour les "drogués" du jeu qui "refuse du monde".
Pour ce psychiatre, les bandits-manchots (machines à sous), les jeux instantanés comme le Rapido de la FDJ ou les jeux course par course du PMU sont "les plus addictifs". Ces jeux "simples, à la mise (un ou deux euros) peu élevée et au résultat instantané", explique-t-il, peuvent rapidement devenir une drogue.
"Les vrais dealers, dit Marc Valleur, sont ceux qui proposent des crédits revolving (rapides) qui font s'enfoncer dans la dépendance certains joueurs qui ont souvent de faibles revenus". Selon le directeur de Marmottan, après avoir entamé une thérapie, "souvent à l'initiative de leur entourage", les joueurs peuvent "modifier significativement" leur comportement en quelques semaines.
A SOS Joueurs (0810 600 115, prix d'un appel local), trois psychiatres et une avocate répondent une trentaine d'heures par semaine aux "inquiétudes des joueurs et de leurs familles", explique Armelle Achour, ajoutant que ce "samu des joueurs" reçoit quelque 2.000 appels par an.
De leur côté, les casinos commencent à former leur personnel à "reconnaître le moment où le joueur risque de se mettre en danger", selon Joël Mingasson, président du syndicat professionnel Casinos de France.
(source : yahoo.com/AFP)