La mobilisation des salariés semble forte sur la Côte d'Azur, région comptant 14 établissements.
Nice de notre correspondant
La grève des employés de casinos devrait être assez largement suivie dans les Alpes-Maritimes. Ce département, le mieux pourvu en casinos (14 établissements de Menton à Mandelieu), est considéré comme une "région test" pour mesurer la mobilisation du personnel. "Les employés des casinos de la Côte d'Azur sont déterminés dans la perspective du 31 décembre", affirme Maurice Imbert, 59 ans.
Après avoir passé une quarantaine d'années penché sur les tapis verts, le croupier sait de quoi il parle. Délégué FO des casinos des Alpes-Maritimes, il a pris, mardi 28 décembre, le "pouls" de la profession sur la Côte d'Azur : "Il y a encore de nombreuses discussions, des hésitations, mais le mouvement ne fléchit pas", observe-t-il.
François, 39 ans, en est l'exemple vivant. Cet autre croupier, qui exerce depuis une dizaine d'années dans l'une des salles de jeu de la Côte d'Azur, confie avec émotion qu'il fera grève la nuit du réveillon. Il ira se poster devant son établissement, sereinement, pour expliquer au public les revendications des salariés des casinos. "Ils ont été trop longtemps considérés comme appartenant à une profession de luxe, d'aristocrates, or la majeure partie d'entre nous gagnent le smic", regrette-t-il.
Après tant de nuits au chevet des roulettes, François est considéré comme un "ancien". Il raconte comment il a vu, en particulier ses cinq dernières années, son pouvoir d'achat "diminuer de 30 %". Et dénonce, comme la plupart de ses collègues, l'irruption, en 1988, des machines à sous, qui assurent désormais à elles seules plus de 80 % du chiffre d'affaires des casinos. Les "bandits manchots" ont entraîné une désaffection des jeux traditionnels (roulette, black jack), où les croupiers étaient essentiellement payés au pourboire. "Maintenant, c'est le temps des vaches maigres, témoigne M. Imbert. Les croupiers n'ont rien à perdre à faire grève le 31. L'époque des généreux pourboires est révolue avec les machines à sous."
"CONTRAINT AU CÉLIBAT"
François souffre aussi de la pénibilité du travail de nuit et de ses répercussions : "La vie de fou que je mène me contraint au célibat. Je n'arrive pas à garder les femmes que je rencontre...", reconnaît-il. Désabusé, François a néanmoins tenu à participer à l'assemblée générale aux côtés de ses collègues : "Le 31, il faudra montrer au public qu'on existe."
Les salariés de casinos ne semblent pas vouloir créer de troubles, comme le confirme Pierre Criscolo, délégué FO au casino Ruhl de Nice (quatrième établissement français, premier de la Côte d'Azur avec 300 machines à sous). "Nous serons devant l'établissement le soir du réveillon, prévient-il. Pas question de gêner la clientèle : si on nous laisse entrer, nous ferons un sit-in dans nos vestiaires."
Mardi 28, la deuxième assemblée générale des employés du casino Ruhl ne s'est pas traduite, précise ce délégué syndical, par un vote à main levée pour ou contre la grève. Cependant, la plupart des salariés présents semblent déterminés à se lancer dans la grève.
Croupier depuis vingt-cinq ans, M. Criscolo, 46 ans, martèle que la revendication prioritaire demeure la
reconnaissance du travail de nuit. Si elle était enfin admise, elle apporterait ainsi des récupérations (six jours de repos compensateur par an). Et ce père de trois enfants tient à témoigner, lui aussi, de la difficulté de cette vie nocturne, qu'il assume certes, mais avec une difficulté croissante : "Ma femme travaille le jour, moi la nuit, certains jours on se croise, raconte-t-il. Le soir, quand je pars au casino, ma fille de 4 ans se met en travers de la porte, comme pour me retenir. Les patrons nous rétorquent : "Vous avez toujours travaillé la nuit !" C'est une des contraintes de ce métier. Nous l'admettons, à condition qu'ils reconnaissent enfin le travail nocturne."
(source : lemonde.fr/Paul Barelli)