Cinq après sa rétrocession à la Chine, le 20 décembre 1999, l'ancienne colonie portugaise de Macao a quitté la quasi-léthargie dans laquelle elle se complaisait pour se transformer en bouillonnante Las Vegas d'Asie, en passe même de dépasser son modèle.
Derrière le comptoir encombré de cocktails exotiques, des filles à demi-vêtues se déhanchent sur le dernier tube de dance-music, vite repris par un rappeur semblant sorti de Harlem. Sous un écran géant bombardant des images d'un monde parfait, des milliers de tables et de machines à sous rutilantes côtoient des restaurants dernier cri: il est bien révolu le temps des tripots enfumés qui avaient donné à Macao sa réputation d'enfer du jeu. Aujourd'hui, le jeu prend des accents américains, comme dans ce casino Sands, tout droit venu de Las Vegas.
"Je suis allé à Las Vegas et c'est là où j'ai compris ce que la Chine veut faire de Macao" : José Rocha Dinis, directeur du quotidien lusophone Jornal Tribuna Macau, ne reconnaît plus "son" Macao, où il vit depuis 23 ans : "c'était une petite ville très calme. Tout a changé".
1999 a mis fin à 452 ans de présence portugaise. Le transfert politique s'est déroulé sans les anicroches connues de l'autre côté de la Rivière des Perles, à Hong Kong, car "Macao était déjà chinoise", ajoute M. Dinis. "Les Portugais n'avaient déjà plus que le pouvoir de nommer le gouverneur, la diplomatie et la sécurité. Tout le reste était déjà fait par le gouvernement local", explique M. Dinis.
La vraie révolution est plutôt survenue en 2001. Cette année-là, le chinois de Macao, Stanley Ho, perdait le monopole du jeu dont il jouissait depuis 1962. Aujourd'hui, son casino "Oriental Palace", au kitsch chinois suranné, ou son "Lisboa", aux dorures tape-à-l'oeil, font figure de dinosaures.
"Une nouvelle ère a débuté en 2001" : Glenn McCartney, expert du jeu à l'Institut des études touristiques, déplie la carte d'un Macao à naître : "d'ici 2009, 60.000 chambres d'hôtel et une vingtaine de casinos verront le jour, dont une réplique du fameux Venetian de Las Vegas, avec canaux et gondoles". Les investissements sont évalués à plus de 25 milliards de patacas (3,2 mds USD).
En 1999, les recettes du jeu ne totalisaient que 1,7 md USD. Elles ont été de 3,6 mds USD en 2003, hissant Macao à la troisième place mondiale derrière Las Vegas et Atlantic City, également aux Etats-Unis, rappelle M. McCartney. Las Vegas sera dépassé l'an prochain, s'accordent à penser les experts.
Les casinos représentent déjà "plus de 40% du produit national brut", ajoute Albano Martins, principal économiste de Macao, qui souligne: "à la fin 2004, les taxes versées par les casinos paieront à elles seules l'ensemble du budget de l'Etat, soit 15 mds de ptc" (1,92 md USD).
Tandis que la ville luttait contre la récession en 1999, sa croissance est désormais une des plus élevées au monde : 46,7% au deuxième trimestre de cette année.
"La clef, c'est l'afflux des chinois", explique M. Martins, dorénavant autorisés à venir sans voyage organisé. 9,2 millions de touristes avaient visité Macao en l'an 2000. Ils seront 16 millions cette année, pour une population de 442.000 habitants. Le nombre de chinois est passé de 2,9 millions en 2000 à près de huit millions sur les dix premiers mois de cette année. Et ils dépensent 2.820 ptc par séjour (au deuxième trimestre 2004), contre moins de 900 pour les Hongkongais et à peine 300 pour les Européens.
Mais le miracle macanais est-il éternel ? "Singapour, Taïwan, la Thaïlande et le Japon veulent aussi des casinos. Ce n'est qu'une question de temps", prédit Glenn McCartney.
(source : courrierinternational.com/Loïc VENNIN)