Une nouvelle loi s'apprête à faciliter l'ouverture des casinos pour les géants du secteur.
Le petit singe est suspendu en l'air, il descend, il remonte, les mains enfantines se dressent pour l'attraper et gagner un tour de manège supplémentaire. Chacun a cette image désuète en tête. Version anglaise, le jeu est plus mécanique : une machine pince des petites peluches de tissu et l'enfant peut espérer en attraper une. C'est une des machines qui pourraient être proscrites si la nouvelle loi sur le jeu, présentée par le gouvernement britannique cette semaine, est votée. Et c'est l'un des arguments paradoxaux de l'équipe de Tony Blair pour convaincre les parlementaires qu'ils ont à l'étude tout un arsenal pour lutter contre la maladie du jeu chez leurs concitoyens. Paradoxe. Car sous cette façade régulatrice se cache une tout autre affaire que redoutent des parlementaires de tout poil, travaillistes comme conservateurs : un feu vert donné aux géants mondiaux de la roulette qui risque de transformer la Grande-Bretagne en place offshore du jeu, un Las Vegas européen.
Enclos. Wembley. Le nom est immédiatement synonyme de matchs ou de grands concerts rock au nord de Londres. Si les propriétaires du Caesars Palace de Las Vegas parviennent à leurs fins, Wembley pourrait bientôt évoquer un empire du jeu façon nevada, avec des rangées interminables de machines à sous, un hôtel, bref, l'installation du plus grand casino britannique, pour un investissement de 320 millions de livres (près de 460 millions d'euros). Le projet de loi britannique prévoit en effet de donner l'autorisation à la construction de tels casinos régionaux de vingt à quarante riches de 1 250 machines, avec la possibilité d'ouvrir toute la nuit et de jouer sur des bandits manchots sans limite de fonds.
Selon le gouvernement, cette dérégulation aurait pour avantage d'encadrer le jeu dans des «enclos» extrêmement surveillés, au lieu de laisser libre cours à la prolifération tous azimuts. Et à des accros de plus en plus nombreux. Pari sur les chevaux, les courses automobiles, le football, chez les bookmakers, bingo, machines à sous... le jeu en Grande-Bretagne s'est considérablement développé, avec des montants joués qui sont passés de 4,3 milliards de livres en 1998 à 8,7 milliards de livres. Et qui, selon le gouvernement, pourraient atteindre 12,5 milliards (17,8 milliards d'euros) en 2010.
Une scène diffusée la semaine dernière résume ce contre quoi il faudrait lutter en changeant des règles du jeu vieilles parfois de quarante ans. Très gironde et très effondrée, une jeune femme pleure, sous les yeux de sa mère, du public et des spectateurs de la BBC qui la regardent : elle avoue son péché et sa ruine, le bingo, où elle largue ses sous dans l'espoir de payer ses factures...
Stratagèmes. L'industrie traditionnelle et parfois vieillotte des casinos redoute, elle, d'être submergée par la puissance financière des grands groupes américains ou australiens. Même si certaines stations balnéaires comme Blackpool, d'une tristesse infinie, comptent retrouver de l'attrait par ce genre de stratagèmes.
Tout le monde est à peu près d'accord pour considérer, si la loi passe, que le gouvernement, en affirmant vouloir protéger les malheureux malades du jeu, aura arrondi les poches du Trésor de bonnes et rondelettes taxes nouvelles.
(source : liberatio
n.fr/Armelle THORAVAL)