Conseil d’État, ANJ : guerre ludique contre la FDJ
Le recours de la Française des jeux contre l’Autorité Nationale des jeux pour excès de pouvoir, rejeté par le Conseil d’État. Le régulateur va pouvoir poursuivre en toute impunité sa guerre ludique contre les opérateurs de jeux d’argent, contre les joueurs
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Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN jr., Sociologue.
Centre Max Weber (CMW), ISH, Université Lumière, Lyon II
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Février 2025
Résumé = Le recours de Stéphane PALLEZ ( Pdg de la Française des jeux (FDJ) devant le Conseil d’État, contre l’Autorité Nationale Des Jeux (ANJ) pour excès de pouvoir, a été rejeté. C’est une très mauvaise nouvelle pour la FDJ, l’ensemble des opérateurs de jeux d’argent, et également pour les 30 millions de joueurs. La guerre ludique permanente et systémique, que mène Isabelle FALQUE PIERROTIN, le Collège de l’ANJ, la doxa du jeu pathologie maladie, se trouve renforcée par cette décision.
Alors que les opérateurs de jeux de hasard doivent déjà affronter la furia fiscale (*) du gouvernement - l’expression est de Dominique SEUX (a) - qui n’épargne aucun secteur, y compris l’ aérien déjà surtaxé (b) - à tel point que Jean Marc VITTORI indique : « Taxons aussi les petites cuillères » (c) cette nouvelle, qui donne tout pouvoir au régulateur, arrive au plus mauvais moment
(*)
- « Le gouvernement veut autoriser les casinos en ligne…et les taxer au passage : l’exécutif souhaite tout à la fois réguler et taxer lourdement ce type de jeux « ( Yann. DUVERT, les échos , 22/IO/2024, page I8)
- « sécurité sociale le gouvernement espère toucher le jackpot grâce aux jeux en ligne : l’exécutif veut relever les cotisations sociales versées par les opérateurs de jeu « ( Sébastien DUMOULIN, les échos 30/IO/2024, page 4)
- « Bientôt surtaxés les opérateurs de paris en ligne craignent des dégâts colossaux « ( Yann DUVERT, les écos. 2/12/ 2024, page 17
- “ Impôts : loteries et jeux d’argent à nouveau dans le viseur : le CPO préconise de remettre à plat la fiscalités des jeux et d’imposer les gains des joueurs ( Sébastien DUMOULIN, les échos. 3O/12/2024 , page 4)
- « Fiscalités alourdie pour les paris sportifs et le poker en ligne « ( Yann DUVERT, les échos. Les échos, 6/2/2025. , page I9
En l’absence d’une politique des jeux nationale positive, vertueuse & ambitieuse, le gendarme des jeux va pouvoir accentuer sa politique punitive, sanitaire pour lutter contre le jeu problématique et le jeu des mineurs. C’est son unique argument qu’il annone de manière répétitive & propagandiste, alors qu’on compte 70 000 interdits de jeu bien protégés et qu’aucune pandémie ludique à l’endroit des enfants et des adolescents n’a été observée à notre connaissance. En outre il est ni possible ni souhaitable, de supprimer toute socialisation ludique primaire intra familiale, groupale ou issue des publicités sur les jeux dans l’espace public. Car cette socialisation est aussi une éducation (à la perte), qui peut rendre les futurs joueurs responsables, prudents même s’il se brulent parfois les ailes. Il faut que jeunesse se fasse, dans ce domaine comme dans d’autres.
Ce gambing bashing permanent (confer notre prochain article à paraître (d) ) et de plus en plus inquisiteur mené par Isabelle FALQUE PIERROTIN, pourtant ex responsable de la CNIL, ne peut que mettre à mal l’économie ludique nationale, qui subit déjà les conséquences des recommandations néo-prohibitionnistes de l’ANJ ( le jeu Amigo de la FDJ a perdu 25% depuis qu’il applique ces recommandations !!) C’est donc une véritable balle dans le pied tiré par le Conseil d’État contre l’État croupier, qui est toujours - malgré la privatisation - actionnaire de la FDJ (20,46% du capital) et contre la Mutuelle des anciens combattants (ex Gueules Cassées) qui en possède 15,16%.
Certes tous les opérateurs ne sont pas logés à la même enseigne. Nous verrons dans cette contribution que le PMU - dirigée par la sémillante Emmanuelle MALECAZE DOUBLET - « tient bon la barre «(e). Mais ses projets d’investissement très ambitieux, son nouveau pari orignal sur les « courses passées » pour recruter de nouveaux turfistes, risquent d’être censurés par le pouvoir « total« du régulateur
Il est grand temps que tous les opérateurs de jeux de hasard se regroupent dans une seule organisation professionnelle, fassent cause commune, lancent un appel aux parlementaires, se mobilisent ( portes ouvertes , grève du jeu ?) sensibilisent leur nombreux clients. Les 30 millions de joueurs sont le premier parti de France. Ainsi les métiers du jeu pourraient dénoncer collectivement une autorité administrative - « indépendante sur le papier mais sous la domination objective de différentes doxa sanitaires, associatives, familiales.. - qui exercice son pouvoir avec excès, plutôt que de se livrer une guerre fratricide. (La FDJ conteste devant le Conseil Constitutionnel - désormais dirigé par Richard FERRAND (f ) - le nouveau pari PMU - « sur les courses passées » - annoncé dans le projet de loi de finances 2025)
Seule bonne nouvelle, la réouverture des 7 clubs de jeu parisiens. Et encore « l’addition est lourde » (g)pour ces espaces de jeu fermés depuis le 1° janvier, à cause de la lourdeur de la bureaucratie administrative et l’inertie des « politiques ». Cette fermeture a couté cher à l’État Croupier ( 1 millions d’euros par semaine*) , au groupe TRANCHANT ( plusieurs centaines de milliers d’euros*), au groupe belge CIRCUS ( 750 000 euros*) ( *source Yann DUVERT, les échos 25/2/2025 , page 17) Mais pour une fois ce n’est pas de la faute de l’ANJ qui, a notre connaissance, ne s’en est encore jamais pris aux ex cercles de jeu de Paris. En détournant le titre qui a fait la une Des Échos entreprises & marchés dernièrement, on imagine déjà le communiqué ANJ si un jour c’était le cas : « Les clubs de jeux rouvrent à Paris mais l’addiction est lourde » ! (h)
- = « Furia Fiscale« (Dominique SEUX, les échos 21/IO/2024)
- = « Taxons aussi les petites cuillères » ( Jean Marc VITTORI, les échos 4/2/2025 , page 11)
- = « L’aérien toujours vent debout contre la hausse des taxes « ( Bruno TREVIDIC , les échos. 4/2/2025. , page 21)
- = 2024 : JP MARTIGNONI-HUTIN : une année de gambling bashing avec l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) ( à paraître mars 2025)
- « Malmené le PMU tient bon la barre » (Yann DUVERT, les échos 17/2/2025 , page 19)
- : « En vue : Richard. FERRAND (Derek PERROTTE, les échos 11/2/2025 , page 32)
- : « les clubs de jeu rouvrent à Paris mais l’addition est lourde » ( Yann DUVERT, les échos 25/2/2025 , page 17)
- : détournement imaginaire du titre de l’article des Échos : « les clubs de jeu rouvrent à Paris mais l’addition est lourde » ( Yann DUVERT, les échos 25/2/2025 , page 17)
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Conseil d’État, ANJ : guerre ludique contre la FDJ
Il ne se passe pas un mois, une semaine, sans que tombe une mauvaise nouvelle concernant les opérateurs de jeux, les joueurs, à cause des décisions de l’ Autorité Nationale des Jeux (ANJ) et de l’activisme de la doxa du jeu pathologie maladie. Dans notre prochaine contribution (1) nous ferons d’ailleurs un bilan 2024 de ce gambling bashing permanent, mené l’année dernière par le régulateur. Cette politique néo prohibitionniste et sanitaire, poursuivie par Isabelle FALQUE PIERROTIN, n’est pas sans conséquence. Elle ébranle déjà certains acteurs du champ ludique. Le jeu AMIGO de la Française des jeux, a perdu 25 % depuis que l’opérateur historique a mis en œuvre les «recommandations»… imposées par l’ANJ sur l’ex RAPIDO.
Mais analysant depuis des mois dans de multiples articles :
- la politique rigoriste, moralisatrice & sanitaire mise en œuvre par l’ANJ;
- le pouvoir omnipotent et excessif du régulateur qui se croit tout permis et se permet tout,
nous ne pouvions rester muet face aux décisions récentes du Conseil d’État (2) (3), de débouter la société dirigée par Stéphane PALLEZ, suite à son recours pour excès de pouvoir contre l’ANJ(4). Constatant que le régulateur exerçait son pouvoir avec excès - ce qui conforte toutes nos contributions & analyses antérieures - la FDJ a demandé au Conseil d'annuler certaines décisions liberticides du gendarme des jeux concernant :
- son exploitation en réseau physique : du jeu " Mission nature " ; du jeu de grattage " Mission Patrimoine " ainsi que les tirages du « Loto dédié au patrimoine » qui se déroulent une fois par an
- sa stratégie promotionnelle pour 2024,
Suite à cette décision du Conseil d’État, il va être de plus en plus difficile à Stéphane PALLEZ d’exercer son activité, notamment d’exploiter ses jeux de grattage et ses deux jeux citoyens emblématiques :`
- le Loto du Patrimoine et le jeu de grattage Mission Patrimoine, qui renoue pourtant de la plus belle des manières avec l’histoire des loteries et a déjà permis de nombreux rénovations
- le Loto de la Biodiversité Mission Nature, en harmonie avec l’air du temps et qui accompagne, finance, visibilise avec pertinence et originalité, le nécessaire combat écologique
D’autant que la PDG qui a succédé à Christophe BLANCHARD DIGNAC, doit déjà affronter une « augmentation de la fiscalité qui pèsera sur ses perspectives 2025 « (5) Hausse qui inquiète les marchés financiers et les actionnaires de la FDJ. Le Conseil d’ « État » (institution financée par l’État), en donnant raison à l’ANJ (AAI (6) financée par « l’État »), tire une sacré balle dans le pied à l’ « État » Croupier détenant encore 20,46% du capital de la FDJ malgré la privatisation et à la Mutuelle des anciens combattants (ex Gueules Cassées) qui en possède 15,16%.
Dans un communiqué (7) le régulateur naturellement triomphe et il n’a pas la victoire modeste. La patronne de l’ANJ se réjouit d’une manière un peu sadique de la décision du Conseil. Fort de son omnipuissance, le régulateur en rajoute une couche, dans sa volonté autoritaire de faire décroitre - dans les mois et les années à venir précise-t-il - par tous les moyens l’économie ludique nationale, en poursuivant dit-il : « les choix de régulation adoptés par l’ANJ qui a fait de la protection des mineurs et de la réduction drastique de la part du jeu excessif au sein du marché français du jeu d’argent une priorité absolue de son action pour les mois et années à venir ». (8)
Mais la FDJ n’est pas la seule à être malmenée, par l’absence d’une politique des jeux nationale ambitieuse & positive, et la présence d’une politique des jeux sanitaire & punitive, imposée depuis plusieurs années désormais par l’ANJ, avec la complicité de la doxa du jeu pathologie maladie et d’addictologues présents au sein de son Collège. L’opérateur historique de paris hippiques - le Pari Mutuel Urbain - a vu ses enjeux baisser en 2024. Malgré l’optimisme affiché par la sémillante DG du PMU - Emmanuelle MALECAZE DOUBLET - , malgré l’importance des investissements annoncés, malgré les bonnes nouvelles de l’année dernière ( 200 000 nouveaux turfistes) des contradictions apparaissent et elles ont été soulignées par les deux sociétés mère. En outre, rien ne dit que la nouvelle offre ludique très originale du PMU ( « possibilité de parier sur les courses passées » ), son plan d’investissement très ambitieux ( qui passe forcément par des dépenses accrues en matière de publicité, marketing, communication. …) rien ne dit que cette dynamique positive engagée par Emmanuelle MALECAZE DOUBLET, passent le cap de l’ANJ pour être au final censurés. Nous en diront quelques mots.
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A = Le Conseil d’État déboute la FDJ suite à son recours légitime contre les décisions liberticides, néo prohibitionnistes et la censure prise par l’Autorité nationale des jeux à l’encontre de l’opérateur historique concernant :
- son programme de jeux et de paris pour 2024
- sa stratégie promotionnelle, notamment celle à l’encontre de ses deux jeux citoyens qui défendent des causes d’intérêt général ( Loto du patrimoine, Loto de la biodiversité)
Inutile de détailler, le long, très long développement des décisions du Conseil d’État. Pas moins de 16 pages serrées, dans une mise en forme qui défient les lois de la lecture. Au final c’est un galimatias (juridico, admistratico, bureaucratico, sémantico) insensé, totalement illisible, aussi bien sur la forme que sur le fond. Nous avons même eu l’impression d’une volonté amphigourique (9) des rédacteurs, qui participe peu ou prou à une soumission à l’autorité… du Conseil d’État Visiblement le choc de simplification, le Conseil d’État connaît pas et ne souhaite surtout pas connaitre. Le lecteur qui pense que nous exagérons, prendra son courage à deux mains pour consulter les annexes 3 et 4 ou les décisions du conseil sont reproduites. Au final sur ce registre une certitude - même si « simplifier c’est compliqué « (10) comme l’a précisé récemment Julien DAMON(11) « il faut faire simple » (12) Sinon « progressivement, à renfort de décrets publics (..) la vie quotidienne devient regie par les procédures d’une minocratie, un régime inspiré du roi MINOS, lui qui confia à DEDALE la construction du labyrinthe »(13)
16 pages pour dire quoi ? :
1 : S’agissant du programme des jeux de la FDJ pour 2024. Le Conseil d’État :
- valide l’analyse de l’ANJ qui tient compte d’indicateurs de joueurs problématiques ( taux de joueurs excessifs , taux de joueurs à risque….) et notamment de l’indice canadien du jeu excessive.
- confirme les restrictions demandées ( exigées ?) par le régulateur à la FDJ, consistant : à une stabilisation des jeux de grattage vendus en réseau physique ou en ligne, à la modification ou au retrait* des jeux présentant le niveau de jeu le plus excessif.
Ce que ne dit pas le Conseil d’État c’est que ces indicateurs (issus du DSM) sont établis par la doxa du jeu pathologie maladie, sont contestés, posent de sérieux problèmes scientifiques (confer notre article à paraître mars 2025 : L’Indice canadien du jeu excessif (ICJE) : une analyse épistémologique critique.)
*Notons que le conseil d’État conforte le fait que l’ANJ ne se contente pas de « stabiliser », de « restreindre » les jeux de grattage de la Française des jeux ( qui sont un vecteur essentiel de son chiffre d’affaire) mais l’autorise légalement à prohiber certains jeux de grattage. Dans son hypocrisie bureaucratico-sémantique et pour ne pas (trop) apparaître comme un censeur, l’ANJ nomme cette prohibition : « retrait »
2 : S’agissant de la stratégie promotionnelle de la FDJ, le Conseil d’État confirme que l’ANJ peut légalement interdire, les publicités relatives au Loto du Patrimoine et au Loto de la biodiversité qui feraient référence aux causes d'intérêt général auxquelles une partie de leur produit est affecté ».
Là aussi il s’agit ni plus ni moins que d’une censure. Ces jeux ne sont pas prohibés ( pour l’instant ?), ils peuvent garder leur nom ( pour l’instant ?) mais l’ANJ peut censurer en toute légalité, grâce au Conseil d’État, tout message publicitaire qui indiquerait que le Loto du Patrimoine, le jeu de grattage Mission Patrimoine, la loterie de la biodiversité sont des jeux qui défendent des causes d’intérêt général. C’est le père Ubu. Car ces loteries sont justement :
- des jeux citoyens, crées pour restaurer le riche Patrimoine Français en péril ;
- des jeux écolos mise en place pour défendre l’environnement, protéger la vie animale et végétale.
- Bref des jeux qui d’évidence financent des causes qui ne relèvent pas d’intérêts particuliers mais de l’intérêt collectif
Contradictoirement ( et c’est là qu’on voit toute la « perversité « du régulateur sous la domination idéologique de la doxa du jeu pathologie maladie et moralisatrice de certaines associations) l’ANJ souhaite que ces jeux perdent leur âme, n’affichent plus leur raison d’être et la symbolique à laquelle ils sont associés….pour devenir de simple jeux d’argent. Ne pouvant pas (pour le moment ?) n’osant pas (pour le moment ?) interdire Mission Patrimoine et Mission Nature, l’ANJ - dans son machiavélisme - s’en prend à la finalité citoyenne de ces jeux. C’est une grossière censure, inadmissible en 2025 dans un pays démocratique comme la France, sur un sujet non polémique qui au contraire bénéficie certainement d’un large consensus. Derrière cette censure, se cache une tentation prohibitionniste. Très dangereux. Quand on commence à censurer, à interdire - dans ce domaine comme dans d’autres - ça n’a pas de fin. Tout fait sens pour le censeur.
La DARONNE : « Elle souriait d’aise » Retour sur la censure machiavélique et pointilleuse du fonctionnaire chargé d’instruire le procès contre la publicité WINAMAX à la demande du « procureur « ANJ ». Il a du - c’est impossible autrement - être longuement débriefé avant pour lancer un anathème aussi systématique contre la publicité bon enfant, joyeuse, colorée de WINAMAX
Chacun se souvient de la censure scandaleuse de la publicité WINAMAX effectuée par l’ANJ. Une bizarrerie lourde de sens dans un pays de libertés comme la France, ou les interdictions de publicités se comptent sur les doigts d’une main depuis 50 ans. Après avoir vilipendé, dans une sorte de procès à charge pointilleux & machiavélique, ethnocentré & subjectif, tous les éléments du petit film publicitaire de WINAMAX pour les paris sportifs : «Tout pour la Daronne » (voir deux exemples ci-dessous ***) le fonctionnaire « censeur » de l’ANJ ( qui a dû - c’est impossible autrement - être longuement débriefé pour lancer un anathème aussi systématique contre la publicité bon enfant, joyeuse, colorée de Winamax) conclut son expertise - véritable procès en sorcellerie - en indiquant à propos de la Daronne : « elle souriait d’aise » Censurer par le régulateur. Manquerait plus que les pauvres soient heureux de gagner à des jeux d’argent ou se réjouissent de profiter de l’argent du jeu, quand le parieur fait profiter de son gain la famille entourage : en l’occurrence ici sa maman !
***deux exemples =
- l’ascenseur de la pub - qui fait une montée vertigineuse vers le ciel avec à son bord la Daronne (une femme visiblement issue de milieux populaires, de banlieue) - devient pour l’ANJ un ascenseur social. Censurer. Ca pourrait donner des idées aux pauvres. Combien de fois Isabelle FALQUE PIERROTIN a précisé dans les médias de manière surréaliste et ubuesque, que les joueurs ne devaient pas jouer pour gagner de l’argent, changer de vie et de condition sociale mais uniquement pour le plaisir
- le luxe (champagne, petits fours, caviar, fourrure, classe affaire, coiffeur…) auquel accède la Daronne quand elle est dans l’avion ; la destination paradisiaque vers laquelle elle s’envole grâce à son fils qui a gagné aux paris sportifs ; deviennent des éléments retenus à charge par le “procureur ANJ” pour justifier sa censure. L’argent (du jeu) ne doit pas faire le bonheur des pauvres. Manquerait plus que les gens de peu vivent et consomment comme des riches ; profitent du luxe de la richesse grâce aux jeux d’argent
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B : Cette ambiance né-prohibitionniste et ces multiples mesures liberticides prises par le régulateur ont aussi de quoi inquiéter le 2° opérateur ludique historique national : le PMU.
On se souvient qu’en janvier 2024 Isabelle FALQUE PIERROTIN avait agité la menace « d’identifier » tous les joueurs et donc tous les turfistes - « PMU : Vers la fin de l’anonymat ? L’Autorité Nationale des Jeux y travaille affirme Isabelle Falque-Perrotin, Présidente de l’ANJ - (14)
Elle reprenait une mesure qui avait déjà fait couler beaucoup d’encre en mars 2017, notamment dans le milieu des courses et sur laquelle nous avions consacré un article : » Identifier les joueurs » : une mesure liberticide (15)
Bombe relancée l’année dernière par Isabelle FALQUE PIERROTIN et sur laquelle nous avions publié une nouvelle contribution : « VOS PAPIERS !! : la bombe liberticide du gendarme des jeux « (avril 2024) (16)
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Certes cette mesure ne semble plus à l’ordre du jour mais elle pourrait être réactivité par le régulateur. Pour l’instant en apparence tout va bien - tout va mieux - pour le PMU qui a « bien tenu la barre en 2024 » (17) selon Emmanuelle MALECAZE DOUBLET, la dynamique DG du pari mutuel :
- 200 000 nouveaux joueurs l’année dernière,
- un résultat net qui progresse de 2 millions d’euros ( total 837 millions)
- deux point de part de marché supplémentaire sur internet
- une croissance de 10% à l’international.
Mais il y a une ombre au tableau, les enjeux ne progressent pas. Ils ont même baissé de 2% en 2024. Contradiction soulignée par les deux sociétés de courses ( France galop et la SETE )(18) qui s’interrogent : « comment le résultat net a pu augmenter ,alors que les enjeux ont baissé » ?(19 ) . Par ailleurs même si personne ne peut reprocher son optimisme à la directrice générale du PMU pour dynamiser ses troupes en interne, certaines questions se posent :
- Les 200 000 joueurs recrutés l’année dernière sont-ils des turfistes récurrents ou des joueurs occasionnels ?
- Les dizaines de millions d’investissement annoncés par le PMU dès 2025 - du jamais vu depuis IO ans d’après la directrice - n’indiquent-ils pas une inquiétude sur l’avenir qui provient justement de la conscience qu’ont les dirigeants de l’ambiance liberticide voulue par l’ANJ, du poids démesuré occupée par la doxa du jeu pathologie maladie, au sein du Collège de l’ANJ et en dehors. En outre ce plan d’investissement ambitieux du Pari Mutuel pour augmenter son PBJ, attirer de nouveaux turfistes, passera forcément par une stratégie de conquête : communication , publicité, marketing, bonus d’entrée, de fidélisation …Cette stratégie sera très certainement retoquée par le régulateur qui cherche par tous les moyens à désintensifier les pratiques ludiques des français. Lutter, progressivement interdire ? la publicité pour les jeux ; limiter, progressivement interdire ? les bonus d’entrée, de fidélisation. Sans parler de la guillotine que représenterait pour le monde des courses, l’identification des turfistes, la fin de la possibilité de parier de manière anonyme, l’impossibilité de parier en cash. Ensemble de mesures policières qui pourraient rapidement refaire surface. Isabelle FALQUE PIERROTIN pourtant ex responsable de la CNIL étant sous la domination objective de groupes de pression hygiénistes, moralisateurs` qui se moquent bien des libertés publiques mais sont prêts à tout pour élargir leur sphère d’influence, obtenir des postes et subventions dans et pour des structures spécialisées en addictologie et qui exploitent le business du jeu compulsif
- D’ailleurs on peut s’interroger pour savoir si cette baisse des investissements publicitaires imposée par l’ANJ - qui constitue une néo prohibition suicidaire pour les opérateurs, la pub étant dans ce domaine commercial comme dans d’autres le nerf de la guerre, notamment dans le cadre de la concurrence entre les opérateurs - n’est pas déjà engagé par le PMU, sous la contrainte polie mais de plus en plus autoritaire du gendarme des jeux. France Galop quand il constate avec étonnement « que le résultat net du PMU en 2024 à augmenter alors que les enjeux ont baissé « (20) s’interroge dans le même temps pour savoir « s’il n’y a pas eu en 2024 des sacrifices faits - par le PMU - au niveau communication et marketing » (21)
Certes, le PMU fait preuve d’un bel optimisme, fait tout pour développer la filière et la culture hippique, sauvegarder l’emploi - par exemple en lançant les bistrots pmu, en « démocratisant » les paris hippiques avec ses machines présentes dans les Bar Tabac PMU. Il a en outre de nombreux projets :
- 1: Une diversification accrue pour être au diapason si les casinos en lignes sortaient un jour de l’illégalité. Mais là aussi l’ANJ et Isabelle FALQUE PIERROTIN sont contradictoirement farouchement contre, alors que les chiffres du marché illégal ( des casinos en ligne) sont « préoccupants » (22) Sans même parler de la doxa du jeu pathologie - notamment Jean Michel Costes ( membre du Collège de l’ANJ) qui bataille de manière outrancière contre les machines à sous sur internet ( confer notre prochain article à paraître ( mars 2025) : « Quand la doxa du jeu pathologie maladie se déchaine contre les casinos sur internet pour influencer « les politiques » et « l’opinion » : retour critique sur une tribune publiée dans le Figaro par l’addictologue Jean-Michel Costes, membre du collège de l’Autorité Nationale des jeux : « Élargir les jeux d’argent en ligne, c’est encourager une drogue » Dans ce pamphlet provocateur, les machines à sous sur internet sont même qualifiées de « crack-cocaïnes des jeux d’argent »
- 2 : Une augmentation originale de son offre ludique, tout en poursuivant la démocratisation des paris hippiques pour qu’ils ne soient pas « réservés » à des turfistes chevronnés masculins. Le projet de loi de finance 2025 prévoit en effet d’autoriser un nouveau pari PMU : « sur les courses passées ». Mais là aussi Isabelle FALQUE PIERROTIN, sous l’influence de la doxa du jeu pathologie maladie, va certainement déclencher une furia néo prohibition contre ce nouveau pari….. qualifié « de hasard «….. par la FDJ, qui a déjà porté l’affaire devant le Conseil Constitutionnel. L’institution désormais dirigée par Richard FERRAND, pourrait considérer que ce pari sur les courses hippiques passées - constituant une loterie - est illégal. La FDJ possédant le monopole sur ce type de jeu. Pour l’instant le Conseil a jugé que cette mesure ne constituait pas un….. « cavalier » législatif.
Preuve ultime que la filière hippique s’inquiète sans doute beaucoup de l’activité néo prohibitionniste de l’ANJ et de l’activisme propagandiste de la doxa du jeu pathologie maladie les Présidents Jean-Pierre BARJON & Guillaume de Saint-Seine responsables de la SETF et de France Galop ont rencontrés en décembre dernier Isabelle FALQUE PERROTIN, Présidente de l’ANJ, et son Directeur Général, Rémi LATASTE . « Rendez-vous mis en place à l’initiative des deux sociétés-mères, qui avait pour objectif de préciser les enjeux de la SETF et de France Galop, en qualité de titulaires des droits exclusifs à organiser les paris, face à une tension forte sur le marché du pari hippique et à la nécessité d’innover pour proposer des jeux hippiques en phase avec les nouveaux modes de consommation ». ( 23)
Voir en annexe 5 la photo de cette rencontre au symbolisme qui fait sens. Malgré les sourires des protagonistes, malgré que les Présidents des deux sociétés mères des Courses « encadrent » sur la photo la Présidente de l’ANJ, et son Directeur Général ; c’est bien le régulateur qui « encadrent » de manière de plus en plus « serrés » les acteurs de toutes les filières, au risque de les « étouffer » dans la guerre ludique qu’il mène.
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Notes :
- A paraître février 2025 : Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN = 2024 : une année de gambling bashing avec l’Autorité Nationale des Jeux ( Février 2025, 42 pages, 58 notes, IO annexes
- « Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/02/2025, N° 489680 Lecture du mardi 11 février 2025, Rapporteur : Mme Ségolène Cavaliere, Rapporteur public : M. Maxime Boutron, Avocat(s) :SCP SPINOSI « ( confer annexe 3)
- « Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/02/2025, N° 489681, Lecture du mardi 11 février 2025, Rapporteur ; Mme Ségolène Cavaliere ; Rapporteur public ; M. Maxime Boutron ; Avocat(s) ; SCP SPINOSI » ( confer annexe 4)
- « La société La Française des jeux demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2.1, 2.3, 2.4 et 2.5 ainsi que le point 23 de la décision n° 2023-165 du 22 juin 2023 de l'Autorité nationale des jeux (ANJ) portant approbation de son programme de jeux et paris pour l'année 2024 ».
- « Française des jeux ( FDJ) : l’augmentation de la fiscalité pèsera sur ses perspectives 2025 »(Boursorama AOF • actualité boursière de la Française des jeux du 17/02/2025)
- AAI : Autorité Administrative Indépendante
- « Le Conseil d'État confirme le pouvoir d'encadrement de l'offre de jeux et de la stratégie promotionnelle des monopoles mobilisé par l'ANJ en vue de protéger les joueurs et lutter contre le jeu excessif « (communiqué ANJ,14.02.2025)
- Ibid. : « Le Conseil d'État confirme le pouvoir …..(communiqué ANJ, 14.02.2025)
- amphigouri : figure de rhétorique qui consiste à écrire un discours ou un texte, de manière volontairement obscur, inintelligible, hermétique, inaccessible, incompréhensible.
- « Simplifier c’est compliqué » (Julien DAMON, les échos 17/2/2025, page 10
- Julien DAMON est rédacteur en chef de Constructif, enseignant à sciences Po et HEC
- Ibid. « Simplifier c’est compliqué » (Julien DAMON, les échos
- Ibid. « Simplifier c’est compliqué » (Julien DAMON, les échos
- « Loto, PMU : Vers la fin de l’anonymat ? « L’Autorité Nationale des Jeux y travaille « ce n’est pas une question simple » affirme Isabelle Falque-Perrotin, Présidente de l’ANJ ( Béatrice MOUEDINE radio classique, 29/01/2024
- JP Martignoni : » Identifier les joueurs : une mesure liberticide « ( les casinos.org, 28 mats 2017)
- JP Martignoni : » VOS PAPIERS !! : la bombe liberticide du gendarme des jeux (avril 2024)
- « Malmené, le PMU « tient bon la barre »( Yann DUVERT, Les Échos, 17/2/2025, page 19)
- SETF société d’encouragement à l’élevage du trotteur français
- Ibid « Malmené, le PMU « tient bon la barre » ( Yann DUVERT…
- Ibid « Malmené, le PMU « tient bon la barre » ( Yann DUVERT…
- Ibid « Malmené, le PMU « tient bon la barre » ( Yann DUVERT…
- « jeux d’argent les chiffres préoccupants du marché illégal « ( les échos,4/I2/2023, Yann DUVERT)
- L'ANJ VISITE LES SOCIÉTÉS-MÈRES : Mme Isabelle Falque-Perrotin, Présidente de l’ANJ, et son Directeur Général, Rémi Lataste ont été reçus par les deux Présidents Barjon et de Saint-Seine. (11/12/2024 - INSTITUTION - 24H au Trot)
Annexes :
Annexe 1 : Le Conseil d'État confirme le pouvoir d'encadrement de l'offre de jeux et de la stratégie promotionnelle des monopoles mobilisé par l'ANJ en vue de protéger les joueurs et lutter contre le jeu excessif (communiqué ANJ,Le 14.02.2025)
Annexe 2 = FDJ : l’augmentation de la fiscalité pèsera sur ses perspectives 2025(Boursorama AOF • actualité boursière de la Française des jeux du 17/02/2025)
Annexe 3 : Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/02/2025, N° 489680 Lecture du mardi 11 février 2025, Rapporteur : Mme Ségolène Cavaliere, Rapporteur public : M. Maxime Boutron, Avocat(s) :SCP SPINOSI
Annexe 4 Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/02/2025, N° 489681, Lecture du mardi 11 février 2025, Rapporteur ; Mme Ségolène Cavaliere ; Rapporteur public ; M. Maxime Boutron ; Avocat(s) ; SCP SPINOSI
Annexe 5 : L'ANJ VISITE LES SOCIÉTÉS-MÈRES : Mme Isabelle Falque-Perrotin, Présidente de l’ANJ, et son Directeur Général, Rémi Lataste ont été reçus par les deux Présidents Barjon et de Saint-Seine. (11/12/2024 - INSTITUTION - 24H au Trot)
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Annexe 1 : Le Conseil d'État confirme le pouvoir d'encadrement de l'offre de jeux et de la stratégie promotionnelle des monopoles mobilisé par l'ANJ en vue de protéger les joueurs et lutter contre le jeu excessif ( ANJ,Le 14.02.2025)
- Par deux décisions publiées le 11 février 2025 à la suite de recours de la FDJ, le Conseil d’État confirme la capacité du régulateur à encadrer l’offre de jeu et la stratégie promotionnelle des opérateurs en monopole.
- S’agissant de la décision relative au programme des jeux et paris de la société LFDJ pour l'année 2024, le Conseil d’État valide l’analyse de l’ANJ sur l’offre de jeux de l’opérateur en ce qu’elle tient compte, d’une part, de l’existence d’indicateurs de jeu excessif ou pathologique et d’intensification des pratiques de jeux, établie notamment au regard du taux de joueurs excessifs mais également de joueurs à risque sur ces jeux, et, d’autre part, de l’importance de l’offre illégale existante sur les seuls marchés sur lesquels les monopoles interviennent. Il confirme par suite les restrictions sur l’offre de jeu demandées par l’ANJ, consistant notamment en une stabilisation de certaines gammes de jeux de grattage en réseau physique de distribution et de leur déclinaison en ligne, ainsi que la modification ou le retrait des jeux présentant le niveau de jeu le plus excessif.
- S’agissant de la décision relative à la stratégie promotionnelle, le Conseil d’État a confirmé que « l'Autorité nationale des jeux a pu légalement interdire que la publicité relative aux jeux en cause fasse référence aux causes d'intérêt général auxquelles une partie de leur produit est affecté ».
- Ces deux décisions confortent les choix de régulation adoptés par l’ANJ qui a fait de la protection des mineurs et de la réduction drastique de la part du jeu excessif au sein du marché français du jeu d’argent une priorité absolue de son action pour les mois et années à venir.
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Annexe 2 = FDJ : l’augmentation de la fiscalité pèsera sur ses perspectives 2025
(Boursorama AOF •17/02/2025)
(AOF) - La Française des Jeux a prévenu que ses perspectives 2025 seraient affectées par l’augmentation de la fiscalité sur les jeux d’argent et de hasard en France. Le spécialiste des jeux d’argent et de hasard s'attend à ce qu'elle réduise son chiffre d’affaires et son Ebitda courant d'environ 45 millions d'euros pour l'exercice, soit un impact de près de 90 millions d'euros sur une année pleine. Pour compenser cet impact, FDJ a mis en place un plan d’actions pluriannuel visant à neutraliser l'effet de cette hausse fiscale d'ici 2027.En 2024, l'Ebitda courant du groupe a progressé de 21% à 792 millions d'euros, faisant ressortir une marge de 25,8%. Le chiffre d'affaires s'est élevé à 3,065 milliards d'euros, en hausse de 17% par rapport à l'année précédente, dont 10% hors acquisition de Kindred. Pro forma, en intégrant Kindred sur l'ensemble de l'année 2024, le chiffre d'affaires atteindrait près de 3,8 milliards d'euros, avec une marge d'Ebitda courant proche de 25,5%.
Points-clés
- Deuxième loterie européenne, créée en 1933 et 4ème mondiale, acteur de référence des paris sportifs en France avec 50 % de parts de marché sous les marques Loto, Cash, Parions Sport…;
- Chiffre d’affaires de 2,5 Mds€ réalisé à 77 % dans la loterie, 19 % dans les paris sportifs & jeux en ligne et le reste dans la diversification - paiement & services, divertissement, international ;
- Modèle d’affaires « Raison d’être » fondé sur 4 piliers – l’offre de jeux, le modèle sociétal, l’ancrage territorial et la durabilité :
- bénéficiant d’un cadre régulé, d’un monopole sur la loterie assuré pour 25 ans et d’un réseau de 30 000 points de vente assurant une croissance régulière des ventes ;
- visant la place d’acteur international de référence dans les jeux et services ;
- Capital détenu à 20,46 % par l’État français (27,11 % des droits de vote), la mutuelle des anciens combattants (15,16 % et 19,82 %), Stéphane Pallez étant présidente directrice générale du conseil d’administration de 15 membres ;
- Bilan non endetté avec 925 M€ de capitaux propres, 941 M€ d’excédent net à fin juin 2023 et 1 Md€ de disponibilités.
Enjeux
- Plan stratégique 2020-2025 :
- en 3 points : dynamique de la loterie, progression des paris sportifs et leviers de croissance (exportation de l’expertise, nouveaux services en points de vente)
- objectifs rehaussés : hausse annuelle de 4 à 5 % des revenus dont 20 % de mises digitales, taux de marge opérationnelle de +25 % et taux de distribution de 80 à 90 % ;
- Stratégie d’innovation : engagements, pour 75M€, dans des fonds de financement de start-up (300 soutenues) avec 2 fonds d’investissements propres, Aria et V13Invest et, en interne, un Lab inno ;
- Stratégie environnementale visant un repli de 50 % des émissions de CO2 en 2025 vs 2017 pour toute la chaîne de valeur, la neutralité carbone du scope 1 ayant été atteinte en 2019 par financement de projets de compensation carbone ;
- Accélération des activités de distribution dans le réseau physique – factures des trésoreries publiques, services de paiements sous la marque Nirio pour les bailleurs ou énergéticiens…- et montée en puissance du digital (près de 13% des mises totales) ;
- Développement international avec l’acquisition de Premier Lotteries Ireland et redressement du britannique Sporting Group ;
- Visibilité stratégique avec la confirmation par le conseil d’État du monopole des jeux.
Défis
- Incertitudes sur le maintien de la participation dans le chinois BZCP ;
- Retombées des investissements dans les jeux en ligne : dans le poker en ligne, dans les paris sportifs en France par l’acquisition de Zeturf (20 % des paris hippiques en France) et, par partenariat avec Scientific Games, dans les jeux à gratter phygitaux
- Après une croissance de 6,3 % des revenus et du résultat net au 1er semestre, objectifs 2023 relevés : revenus en progression de + 5 % et taux de marge stable autour de 24 %.
Annexe 3 : Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/02/2025, N° 489680 Lecture du mardi 11 février 2025, Rapporteur : Mme Ségolène Cavaliere, Rapporteur public : M. Maxime Boutron, Avocat(s) :SCP SPINOSI
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 27 novembre 2023 et les 29 septembre et 18 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société La Française des jeux demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2.1, 2.3, 2.4 et 2.5 ainsi que le point 23 de la décision n° 2023-165 du 22 juin 2023 de l'Autorité nationale des jeux (ANJ) portant approbation de son programme de jeux et paris pour l'année 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;
- la loi n° 2019-476 du 22 mai 2019 ;
- l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 ;
- le décret n° 2019-1060 du 17 octobre 2019 ;
- le décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 ;
- l'arrêté du 9 avril 2021 du ministre des solidarités et de la santé définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société La Française des jeux ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 janvier 2025, présentée par la société La Française des jeux ;
Considérant ce qui suit :
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Par une décision du 22 juin 2023, l'Autorité nationale des jeux (ANJ) a approuvé sous conditions le programme de jeux et paris de la société La Française des jeux (LFDJ) pour l'année 2024, en application des dispositions du III de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Par un courrier du 28 août 2023, la société LFDJ a formé un recours gracieux contre cette décision auprès de l'ANJ, implicitement rejeté le 28 octobre 2023. La société LFDJ demande l'annulation pour excès de pouvoir des articles 2.1, 2.3, 2.4 et 2.5 de la décision du 22 juin 2023, qui fixent des conditions relatives respectivement à l'offre numérique, à la gamme des jeux de grattage en réseau physique de distribution et à leur déclinaison en ligne, aux jeux instantanés disponibles exclusivement en ligne dits " Exclu Web " et aux paris sportifs en réseau physique de distribution, ainsi que du point 23 de cette décision relatif à la promotion des jeux exploités dans le cadre du partenariat conclu entre la société requérante et le comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
- En premier lieu, aux termes de l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises : " I. - L'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution est confiée pour une durée limitée à une personne morale unique faisant l'objet d'un contrôle étroit de l'État. / II. - La société La Française des jeux est désignée comme la personne morale unique mentionnée au I du présent article à compter de la publication de la présente loi. (...) " Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, ces droits exclusifs ont été confiés à la société LFDJ pour une durée de 25 ans. Ces dispositions, qui réservent, pour plusieurs années, l'exploitation de certains jeux d'argent et de hasard à la société LFDJ sont de nature à restreindre, pour les opérateurs économiques ressortissants d'un autre État membre de l'Union européenne ou établis dans un tel État, la liberté de s'établir en France et la liberté d'y offrir des services pour l'exploitation de ces jeux. Elles apportent ainsi une restriction à la liberté d'établissement et à la liberté de prestation des services à l'intérieur de l'Union européenne. Toutefois, une telle atteinte peut être admise au titre des mesures dérogatoires prévues par le traité si elle est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, telles que les conséquences que les jeux d'argent et de hasard peuvent, au vu de la situation de l'État membre considéré, entraîner pour l'individu et la société au regard de leur impact psychologique et financier et de leurs répercussions sur l'ordre public. Même justifiée, l'entrave ne peut, ainsi que l'a dit pour droit la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 30 juin 2011, Zeturf Ltd (C-212/08), être acceptée que si les mesures restrictives adoptées ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés, si elles sont propres à garantir leur réalisation et si elles sont mises en œuvre d'une manière cohérente et systématique par une politique qui, si elle peut impliquer l'offre d'une gamme de jeux étendue, une publicité d'une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution, n'est pas pour autant expansionniste. L'organisme titulaire de ces droits exclusifs doit être soumis à un contrôle étroit de l'État, conformément à ce que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit par son arrêt du 15 septembre 2011, Jochen Dickinger et Franz Omer (C-347/09).
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En deuxième lieu, aux termes du I de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne : " L'Autorité nationale des jeux est une autorité administrative indépendante au sens de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. / Elle veille au respect des objectifs de la politique des jeux définis à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure pour les jeux et paris sous droits exclusifs, les jeux et paris en ligne soumis à agrément et, à l'exception des objectifs mentionnés aux 2° et 3° du même article, pour les jeux des casinos et des clubs de jeu. / Elle exerce la surveillance des opérations des jeux d'argent et de hasard sous droits exclusifs, ainsi que des jeux ou paris en ligne et participe à la lutte contre les offres illégales de jeu et contre la fraude (...) ". Aux termes de l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure : " La politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de : / 1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ; / 2° Assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ; / 3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; / 4° Veiller à l'exploitation équilibrée des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées. " Aux termes de l'article L. 320-4 du même code : " Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard définis à l'article L. 320-6 concourent aux objectifs mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 320-3. Leur offre de jeu contribue à canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique et à prévenir le développement d'une offre illégale de jeux d'argent. "
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Enfin, aux termes du III de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 : " Les opérateurs titulaires de droits exclusifs soumettent chaque année à l'approbation de l'Autorité nationale des jeux, dans des conditions fixées par décret, leur programme des jeux et paris et rendent compte, à cette occasion, de l'exécution du programme de l'année précédente. Ce programme contient la description de l'ensemble des nouveaux jeux et paris qu'ils envisagent d'exploiter lors de l'année concernée et les modalités de poursuite de l'exploitation des jeux existants. " Aux termes de l'article 1er du décret du 17 octobre 2019 relatif à l'encadrement de l'offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain : " (...) Le programme des jeux contient : / - la description des nouveaux jeux envisagés (...) et une évaluation de leur impact au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 320-4 du code de la sécurité intérieure ; (...) / Le collège de l'Autorité nationale des jeux se prononce, après avoir entendu les opérateurs titulaires de droits exclusifs sur leur programme des jeux, avant le 30 novembre suivant la transmission de ce dernier. Cette approbation précise, le cas échéant, les conditions de mise en œuvre du programme des jeux ". Aux termes de l'article 5.2 du cahier des charges conclu entre l'État et la société LFDJ approuvé par le décret du 17 octobre 2019 relatif aux modalités d'application du contrôle étroit de l'État sur la société LFDJ : " Afin de contribuer à la maîtrise de la consommation de jeux d'argent et de hasard, FDJ limite la part de son chiffre d'affaires ou de ses mises résultant de ses joueurs ayant les pratiques les plus intensives, dans des conditions définies par le ministre chargé du budget. (...) ".
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
En ce qui concerne la compétence de l'Autorité nationale des jeux pour édicter certaines des prescriptions contestées :
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D'une part, en vertu du III de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010, les programmes des jeux et paris des opérateurs titulaires de droits exclusifs sont soumis à l'approbation de l'Autorité nationale des jeux dans des conditions fixées par décret. Il appartient dès lors à l'Autorité, lorsque de tels programmes lui sont soumis, d'apprécier s'il y a lieu de les approuver, le cas échéant, ainsi que l'a d'ailleurs expressément prévu le décret du 17 octobre 2019, en assortissant son approbation de conditions de mise en œuvre, lesquelles peuvent se traduire par des restrictions ou limitations valant pour certaines catégories de jeux ou pour certains jeux déterminés.
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D'autre part, la fixation, par une décision du 23 mai 2023 du ministre du budget, prise en application des dispositions de l'article 5.2 du cahier des charges conclu entre l'État et la société LFDJ approuvé par le décret du 17 octobre 2019, de règles limitant la part du chiffre d'affaires de la société LFDJ et des mises provenant des joueurs ayant les pratiques de jeu les plus intensives, ne fait pas obstacle à ce que l'Autorité nationale des jeux, pour sa part, lorsqu'elle exerce la compétence qu'elle tient du III de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 et approuve le programme de jeux et paris de la société LFDJ, fixe des conditions supplémentaires, applicables aux jeux proposés pour une année donnée, afin de limiter la part du produit brut des jeux ou celle des mises faites par des joueurs considérés comme problématiques ou de faire évoluer certains jeux pour limiter la part ou le nombre de ces joueurs, dans le but de répondre aux objectifs fixés à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure.
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Enfin, la société requérante, qui ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article 8 du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 relatif à l'encadrement de l'offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain, lesquelles ne sont pas applicables à l'approbation du programme annuel de jeux et paris mais uniquement aux décisions d'autorisation de nouveaux jeux, n'est pas fondée à soutenir que l'ANJ n'aurait pas été compétente pour assortir sa décision des conditions fixées aux points 2.3 et 2.4 portant respectivement sur les jeux de grattage et les jeux instantanés proposés exclusivement en ligne dits " Exclu Web ".
En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée :
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les décisions prises par l'ANJ en application du III de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010, cité ci-dessus, sont motivées. Le moyen pris de ce que la décision attaquée, qui énonce, au demeurant, les considérations de fait et de droit propres à la justifier, serait insuffisamment motivée ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure et le respect des droits de la défense :
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Lorsqu'elle se prononce sur le programme de jeux et paris d'un opérateur titulaire de droits exclusifs, l'ANJ, qui ne prononce pas une sanction, statue sur une demande qui lui est présentée par cet opérateur et, alors même qu'elle se prononce sur la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée, ne tranche pas une contestation sur des droits et obligations de caractère civil. Dès lors, sa décision n'entre, en tout état de cause, pas dans le champ des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont la méconnaissance ne peut utilement être invoquée.
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Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Ainsi qu'il a été dit au point 8, la décision attaquée n'avait pas à être motivée. Elle n'est, d'autre part, pas au nombre des décisions prises en considération de la personne et ne constitue pas une sanction, ainsi qu'il a été dit au point précédent. Il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus, ni du principe général des droits de la défense, qu'elle aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire.
Au demeurant, il ressort des visas de la décision attaquée que le collège de l'ANJ a entendu la société LFDJ sur son programme de jeux avant de rendre sa décision, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 17 octobre 2019 citées au point 4.
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
En ce qui concerne la méthode, les critères et le périmètre retenus par l'ANJ pour apprécier le programme de jeux sous droits exclusifs qui lui était soumis :
Pour considérer qu'il y avait lieu d'assortir la décision d'approbation du programme de jeux sous droits exclusifs présenté par la société requérante pour 2024 des conditions qu'elles a fixées, l'ANJ a d'abord retenu l'existence d'un risque d'intensification des pratiques de jeux, qu'elle a pu regarder, sans commettre ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, comme suffisamment établi en considération de la combinaison de l'augmentation du montant total des mises et de la stabilité du bassin de joueurs. Elle a également tenu compte des éléments qui lui étaient soumis relatifs à l'état de l'offre illégale. A cet égard, le périmètre du monopole conféré à la société LFDJ étant limité à certains jeux dont le législateur a estimé qu'ils présentent des risques particulièrement élevés en termes d'ordre et de santé publics, justifiant la canalisation de la demande dans un cadre étroitement contrôlé, le bilan de l'offre de jeux proposée au regard des objectifs poursuivis n'a pas à être établi compte tenu de l'évolution du reste de l'offre légale, qui fait l'objet d'une régulation propre, ou de l'offre illégale d'autres jeux, mais uniquement de l'offre illégale sur les marchés sur lesquels la société requérante intervient. Il était loisible à l'ANJ de se fonder, à méthodologie constante, sur l'outil d'évaluation des pratiques de jeu développé par la société LFDJ, dénommé " Playscan ", qui évalue pour chaque joueur le risque de pratiques de jeu excessif. L'Autorité a enfin tenu compte, s'agissant de certains jeux, du taux de prévalence du jeu excessif en se référant à la part de joueurs dits " à Playscan rouge ", et pour l'un d'entre eux, à la part de joueurs dits " problématiques ", catégorie qui comprend à la fois les joueurs à risque et les joueurs excessifs selon un autre outil de mesure, dénommé " indice canadien de jeu excessif " (ICJE), et qui a été définie en l'espèce par référence aux joueurs dits " à Playscan jaune " et " rouge ", afin de viser des joueurs vulnérables dans l'objectif de prévenir le jeu excessif et pathologique. Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments versés au dossier que l'ANJ, en retenant ces différents partis, aurait, sur les points contestés, entaché sa décision d'erreur de droit, d'erreur matérielle ou d'erreur appréciation.
En ce qui concerne les moyens tirés du caractère disproportionné de certaines des conditions fixées par la décision du 22 juin 2023 :
S'agissant de l'interdiction des paris sportifs en réseau physique " sur mesure " et des paris sportifs " à la mi-temps " :
La décision contestée, par certaines des restrictions qu'elle retient, interdit l'exploitation de nouveaux types de paris sportifs en points de vente, dénommés " paris sur mesure ", permettant de parier simultanément sur différents aspects d'un même événement sportif, et " paris à la mi-temps ", ouvrant la possibilité de parier pendant la mi-temps d'une rencontre sportive sur la suite de celle-ci. D'une part, dans le contexte d'une offre de paris sportifs en réseau physique déjà développée et présentant un risque important en termes de jeu excessif et pathologique, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que l'exploitation des nouveaux paris que la décision attaquée a refusé d'approuver, dont les caractéristiques sont susceptibles d'inciter à des pratiques de jeu excessif, serait nécessaire pour canaliser la demande vers l'offre légale. D'autre part, les droits exclusifs conférés à la société LFDJ n'étant pas destinés à canaliser la demande orientée vers le reste de l'offre légale, la circonstance que ces types de paris soient autorisés dans le secteur des paris en ligne ouverts à la concurrence est inopérante. Il ne ressort pas des pièces du dossier, au vu de ces éléments et contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, qu'en imposant de telles restrictions plutôt que d'autoriser ces paris à titre expérimental, l'ANJ aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
S'agissant de l'offre numérique :
L'ANJ a assorti son approbation de la double condition, fixée à l'article 2.1 de la décision attaquée, que, d'une part, la société LFDJ limite la part du produit brut des jeux généré en ligne par les joueurs dont le statut " Playscan " est jaune ou rouge et diminue substantiellement cette part pour certains autres jeux à méthodologie constante de l'outil " Playscan " et, d'autre part, elle retire ou fasse évoluer d'ici la fin de l'année 2024 les jeux instantanés en ligne dont le produit brut des jeux est généré à 20 % et plus par les joueurs dits à statut " Playscan " rouge. Si la société requérante soutient que ces deux conditions ne seraient pas adaptées, nécessaires et proportionnées, il ressort des pièces du dossier que la première condition vise à prévenir les comportements de jeu excessif en tenant compte du risque d'évolution de certains joueurs vers des pratiques à risque, dans un contexte de dynamisme de l'offre de jeux en ligne de la société requérante. A cet égard, il est justifié de prendre en compte non seulement les joueurs relevant du statut " Playscan " rouge, qui présentent un risque particulièrement élevé de jeu excessif ou pathologique, mais également les joueurs dont le statut est jaune, qui présentent une vulnérabilité, même relativement faible, et qu'il est raisonnable de chercher à préserver d'une évolution vers des pratiques de jeu comportant un niveau de risque plus élevé. Il ressort également des pièces du dossier que la seconde condition, qui tend à limiter le nombre de jeux présentant, au regard de leurs caractéristiques et de celles des joueurs qui les consomment, les risques les plus forts en termes d'incitation au jeu, répond à l'objectif de prévention du jeu excessif et pathologique. Il ne ressort pas des éléments versés au dossier qu'un autre taux, plus élevé que celui de 20% fixé par la décision attaquée, aurait été mieux adapté.
S'agissant de l'offre de jeux de grattage :
L'article 2.3 de la décision attaquée fixe plusieurs conditions relatives à l'offre de jeux de grattage, qui consistent en une stabilisation du nombre de jeux dont la mise unitaire est fixée à cinq euros et plus, commercialisés en réseau physique exclusivement ou en réseau physique et en ligne à un niveau équivalent à celui de 2023, en une limitation à trois lancements ou relances de jeux précédemment autorisés dont la mise unitaire est fixée à cinq euros et en une obligation de remplacer tout jeu à cinq euros retiré par un jeu présentant une mise égale ou inférieure à deux euros. S'il ressort des pièces du dossier que la part des joueurs dits problématiques dans le bassin de joueurs des jeux de loterie est plus faible que les autres catégories de jeux, il en ressort également qu'environ un tiers des joueurs excessifs sont adeptes de ces jeux. Enfin, les conditions fixées portent uniquement sur le segment des jeux de grattage dont la mise est égale ou supérieure à cinq euros, dont il ressort des pièces du dossier qu'ils comportent davantage de risque en termes de jeu excessif ou pathologique que les autres segments de jeux de grattage et présentent des signes d'intensification des pratiques de jeu tels que l'augmentation de la mise moyenne, qui est notablement supérieure aux mises moyennes des autres gammes de jeux, et l'accroissement du produit, alors que le bassin de joueurs demeure stable, ce qui traduit une pratique plus intensive des joueurs habituels de ces jeux. Dans ces conditions, les limitations imposées par l'ANJ en ce qui concerne ces jeux, dont, au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient de nature à réduire le chiffre d'affaires de la société LFDJ sur ce marché, ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs poursuivis.
S'agissant de l'offre de jeux instantanés commercialisés exclusivement en ligne :
L'article 2.4 de la décision contestée conditionne l'approbation du programme de jeux et paris de la société requérante à un encadrement de l'offre de jeux instantanés commercialisés exclusivement en ligne, dits " Exclu Web ", par la stabilisation du nombre de jeux à deux, trois et cinq euros au niveau de 2023, à la limitation à douze nouveaux jeux et relances pour l'année 2024, comme en 2023, et à l'interdiction de commercialiser des jeux dont la mise est variable ou qui comportent un bonus virtuel pour les jeux dont la mise est supérieure ou égale à cinq euros. Ces mesures, qui visent à stabiliser l'offre de jeux, interviennent dans un contexte de forte augmentation des mises et du bassin de joueurs de la gamme des jeux instantanés en ligne et alors que des indicateurs signalent l'existence de pratiques intensives de jeu. Il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard de l'argumentation de la société requérante, que les conditions imposées seraient disproportionnées par rapport aux objectifs qu'elles poursuivent.
S'agissant de la condition énoncée au point 23 de la décision attaquée :
- La décision attaquée énonce au point 23 que : " le collège de l'Autorité souhaite tout particulièrement attirer l'attention de la société LA FRANÇAISE DES JEUX sur le fait que le partenariat qu'elle a conclu avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'été 2024, prévoyant notamment le reversement d'1% des mises à cet organisme, ne doit pas la conduire à promouvoir une offre de jeu établissant un lien direct entre l'acte de jeu et le fait qu'il contribue au financement de l'organisation des jeux olympiques et paralympiques d'été de 2024 ou au soutien du mouvement sportif français ". Par son arrêt du 15 septembre 2011, Jochen Dickinger et Franz Omer, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la publicité éventuellement mise en œuvre par le titulaire de droits exclusifs doit demeurer mesurée et strictement limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôlés et ne saurait viser à encourager la propension naturelle au jeu des consommateurs en stimulant leur participation active à celui-ci, notamment en donnant du jeu une image positive liée au fait que les recettes récoltées sont affectées à des activités d'intérêt général. Dans ce cadre, l'ANJ a pu légalement interdire à la société LFDJ de se prévaloir, pour promouvoir son offre de jeux, de son soutien au financement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ou du mouvement sportif français, une telle prescription n'étant nullement disproportionnée au regard des objectifs poursuivis.
Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 17 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les conditions fixées aux articles 2.1, 2.3, 2.4 et 2.5 et au point 23 de la décision du 22 juin 2023, examinées individuellement, seraient disproportionnées au regard des objectifs fixés à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure.
En ce qui concerne les moyens tirés du caractère disproportionné des conditions examinées dans leur ensemble :
-
Il résulte de ce qui a dit aux points 11 à 17 que chacune des conditions assortissant la décision de l'ANJ qui sont contestées par la société requérante, et qui portent sur des catégories ou segments de jeux présentant des risques d'incitation au jeu excessif et dont l'offre est déjà développée ou en croissance, est, au vu des pièces versées au dossier, adaptée, nécessaire et proportionnée au regard des objectifs fixés à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'ANJ a fixé ces conditions ainsi que l'ensemble de celles qui assortissent la décision en litige dans un contexte de croissance générale de l'activité de la société LFDJ, au regard notamment du chiffre d'affaires produit en 2023 par ses activités de loterie qui s'est élevé à 1,9 milliard d'euros, en légère hausse par rapport à 2022 et de son bassin de joueurs, passé de vingt-quatre à vingt-sept millions de joueurs entre 2019 et 2023. Si la part du chiffre d'affaires des jeux de loterie produite par des joueurs pouvant être considérés comme problématiques est inférieure à la moyenne constatée sur l'ensemble des segments de jeux, la proportion et le nombre de ces joueurs en valeur absolue se maintiennent à des niveaux élevés. Au regard de ces éléments, les conditions fixées par l'ANJ, appréciées dans leur ensemble, répondent à l'objectif de maintenir l'offre de jeux sous droits exclusifs à un niveau strictement nécessaire pour canaliser la demande vers l'offre légale, sans inciter au jeu ni méconnaître les objectifs fixés par l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure, sans pour autant autoriser la société LFDJ à pratiquer une politique expansionniste, qui serait par elle-même contraire aux objectifs en vue desquels des droits exclusifs lui ont été conférés, non plus que contraindre son développement au-delà de ce qui est nécessaire afin d'atteindre ces objectifs dans le but de favoriser l'offre légale concurrente. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les conditions fixées par la décision du 22 juin 2023 seraient disproportionnées au regard de ces objectifs. La société LFDJ, qui ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision attaquée les stipulations des articles 56 à 62 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre prestation de services, n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les restrictions apportées à son exploitation porteraient une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété garanti tant par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
-
Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par l'ANJ, la société La Française des jeux n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de la décision qu'elle attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société La Française des jeux est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société La Française des jeux et à l'Autorité nationale des jeux.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 janvier 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'État, Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'État ; M. Laurent Cabrera et M. Stéphane Hoynck, conseillers d'État ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'État et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 11 février 2025.
Annexe 4 Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/02/2025, N° 489681, Lecture du mardi 11 février 2025, Rapporteur ; Mme Ségolène Cavaliere ; Rapporteur public ; M. Maxime Boutron ; Avocat(s) ; SCP SPINOSI
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le numéro 489681, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 2023 et le 29 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société La Française des jeux (LFDJ) demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2.3 de la décision n° 2023-163 du 25 mai 2023 par laquelle l'Autorité nationale des jeux (ANJ) a approuvé sa stratégie promotionnelle concernant son activité sous droits exclusifs pour l'année 2023, ainsi que la décision n° 2023-200 du 21 septembre 2023 en tant qu'elle n'a fait que partiellement droit à son recours gracieux contre cette décision.
2° Sous le numéro 489682, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 27 novembre 2023 et les 5 août et 18 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société LFDJ demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2.1 et 2.2 de la décision n° 2023-166 du 22 juin 2023 par laquelle l'ANJ a autorisé l'exploitation en réseau physique de distribution du jeu de loterie sous droits exclusifs dénommé " Mission nature ", ainsi que la décision n° 2023-201 du 21 septembre 2023 par laquelle cette autorité n'a fait que partiellement droit à son recours gracieux contre la décision du 22 juin 2023.
....................................................................................
3° Sous le numéro 489683, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 2023 et le 5 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société LFDJ demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir les articles 3.1 et 3.2 de la décision n° 2023-158 du 25 mai 2023 par laquelle l'ANJ a autorisé l'exploitation en réseau physique de distribution du jeu de loterie sous droits exclusifs dénommé " Mission Patrimoine " ainsi que des tirages du Loto dédiés au patrimoine, ainsi que la décision n° 2023-198 du 21 septembre 2023 par laquelle cette autorité n'a fait que partiellement droit à son recours gracieux contre la décision du 22 juin 2023.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;
- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ;
- la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ;
- la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 ;
- l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 ;
- le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
-
le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
-
les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société La Française des jeux ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 2023-163 du 25 mai 2023, modifiée par une décision n° 2023-200 du 21 septembre 2023, l'Autorité nationale des jeux (ANJ) a approuvé sous plusieurs réserves la stratégie promotionnelle de la société La Française des jeux (LFDJ) pour son activité sous droits exclusifs pour l'année 2023, en application des dispositions du IV de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Par deux décisions du 25 mai 2023 et du 22 juin 2023, modifiées par des décisions du 21 septembre 2023, l'Autorité a autorisé sous différentes réserves l'exploitation en réseau physique de distribution des jeux de loterie sous droits exclusifs dits " Mission patrimoine " et " Mission nature ", en application des dispositions du V de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
2. Par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la société requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2.3 de la décision du 25 mai 2023, concernant les communications commerciales relatives aux jeux " Mission patrimoine " et " Mission nature ", ainsi que la décision du 21 septembre 2023 en tant qu'elle ne fait que partiellement droit à son recours gracieux dirigé contre la décision du 25 mai 2023 et demandant le retrait de son article 2.3, et des articles 3.1 et 3.2 de la décision du 25 mai 2023 et 2.1 et 2.2 de la décision du 22 juin 2023, ainsi que des décisions du 21 septembre 2023 en tant qu'elles ne font que partiellement droit à son recours gracieux dirigé contre ces décisions et demandant le retrait de ces articles.
Sur le cadre juridique des litiges :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises : " I. - L'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution est confiée pour une durée limitée à une personne morale unique faisant l'objet d'un contrôle étroit de l'État. / II. - La société La Française des jeux est désignée comme la personne morale unique mentionnée au I du présent article à compter de la publication de la présente loi (...) ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, ces droits exclusifs ont été confiés à la société LFDJ pour une durée de 25 ans. Ces dispositions, qui réservent, pour plusieurs années, l'exploitation de certains jeux d'argent et de hasard à la société LFDJ sont de nature à restreindre, pour les opérateurs économiques ressortissants d'un autre État membre de l'Union européenne ou établis dans un tel État, la liberté de s'établir en France et la liberté d'y offrir des services pour l'exploitation de ces jeux. Elles apportent ainsi une restriction à la liberté d'établissement et à la liberté de prestation des services à l'intérieur de l'Union européenne. Toutefois, une telle atteinte peut être admise au titre des mesures dérogatoires prévues par le traité si elle est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, telles que les conséquences que les jeux d'argent et de hasard peuvent, au vu de la situation de l'État membre considéré, entraîner pour l'individu et la société au regard de leur impact psychologique et financier et de leurs répercussions sur l'ordre public. Même justifiée, l'entrave ne peut, ainsi que l'a dit pour droit la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 30 juin 2011, Zeturf Ltd (C-212/08), être acceptée que si les mesures restrictives adoptées ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés, si elles sont propres à garantir leur réalisation et si elles sont mises en œuvre d'une manière cohérente et systématique par une politique qui, si elle peut impliquer l'offre d'une gamme de jeux étendue, une publicité d'une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution, n'est pas pour autant expansionniste. L'organisme titulaire de ces droits exclusifs doit être soumis à un contrôle étroit de l'État, conformément à ce que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit par son arrêt du 15 septembre 2011, Jochen Dickinger et Franz Omer (C-347/09). La Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit par ce même arrêt que la publicité éventuellement mise en œuvre par le titulaire de droits exclusifs doit demeurer mesurée et strictement limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôlés et ne saurait viser à encourager la propension naturelle au jeu des consommateurs en stimulant leur participation active à celui-ci, notamment en banalisant le jeu ou en donnant une image positive liée au fait que les recettes récoltées sont affectées à des activités d'intérêt général ou encore en augmentant la force attractive du jeu au moyen de messages publicitaires accrocheurs faisant miroiter d'importants gains. La Cour relève qu'une distinction doit être opérée entre une politique commerciale restreinte, qui cherche seulement à capter ou à fidéliser le marché existant au profit de l'organisme bénéficiant d'un monopole, et une politique commerciale expansionniste, dont l'objectif est l'accroissement du marché global des activités de jeux.
4. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne : " L'Autorité nationale des jeux est une autorité administrative indépendante au sens de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. / Elle veille au respect des objectifs de la politique des jeux définis à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure pour les jeux et paris sous droits exclusifs, les jeux et paris en ligne soumis à agrément et, à l'exception des objectifs mentionnés aux 2° et 3° du même article, pour les jeux des casinos et des clubs de jeu. / Elle exerce la surveillance des opérations des jeux d'argent et de hasard sous droits exclusifs, ainsi que des jeux ou paris en ligne et participe à la lutte contre les offres illégales de jeu et contre la fraude (...) ". Aux termes de l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure : " La politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de : / 1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ; / 2° Assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ; / 3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; / 4° Veiller à l'exploitation équilibrée des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ". Aux termes de l'article L. 320-4 du même code : " Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard définis à l'article L. 320-6 concourent aux objectifs mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 320-3. Leur offre de jeu contribue à canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique et à prévenir le développement d'une offre illégale de jeux d'argent. "
5. En troisième lieu, aux termes du IV de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 visée ci-dessus : " Les opérateurs titulaires de droits exclusifs et les opérateurs de jeux ou de paris en ligne soumettent chaque année à l'approbation de l'Autorité nationale des jeux, dans des conditions fixées par décret, un document présentant leur stratégie promotionnelle sur tout support. L'Autorité peut, par une décision motivée, limiter les offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs. / L'Autorité peut, par une décision motivée, prescrire à un opérateur le retrait de toute communication commerciale incitant, directement ou indirectement au jeu des mineurs ou des personnes interdites de jeu ou comportant une incitation excessive à la pratique du jeu. " Aux termes de l'article 7 du décret du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux : " La stratégie promotionnelle sur tout support contient notamment la description des différents médias et de tout autre vecteur utilisés pour la promotion de l'offre de jeu, une estimation des budgets alloués à chaque vecteur et leur évolution pendant l'année en cours, une description du type de clientèle visée, des différents jeux concernés et une évaluation de son impact au regard du premier objectif mentionné à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure. " Aux termes de l'article 8 du même décret : " L'Autorité nationale des jeux examine la stratégie promotionnelle des opérateurs au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure (...) ". Aux termes de son article 9 : " La décision de l'Autorité (...) définit, le cas échéant, les conditions sous réserve desquelles la stratégie promotionnelle est approuvée ".
6. Enfin, aux termes du V de l'article 34 de la même loi du 12 mai 2010 : " L'exploitation de jeux sous droits exclusifs est soumise à une autorisation préalable de l'Autorité nationale des jeux. Cette autorisation porte sur un jeu ou sur un ensemble de jeux présentant des caractéristiques et conditions d'exploitation communes strictement définies/ L'Autorité définit le contenu des dossiers de demande individuelle d'autorisation des opérateurs et instruit ces demandes. Elle s'assure qu'elles respectent les objectifs mentionnés à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure et sont conformes au cadre législatif et réglementaire applicable ainsi qu'au programme des jeux et paris de l'année concernée tel qu'approuvé par elle, notamment s'agissant du taux de retour aux joueurs. (...) / Les décisions prises par l'Autorité dans le cadre du présent V (...) précisent, le cas échéant, les conditions sous réserve desquelles l'exploitation d'un jeu ou d'un ensemble de jeu est autorisée ". L'ANJ a précisé les modalités de dépôt et le contenu des dossiers en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter ces jeux dans sa décision du 8 septembre 2020.
Sur la légalité externe des décisions attaquées :
7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 et du décret du 4 novembre 2020 qui viennent d'être citées que l'Autorité nationale des jeux est compétente pour approuver la stratégie promotionnelle de la société LFDJ et pour autoriser l'exploitation d'un jeu ou d'un ensemble de jeux, le cas échéant en assortissant son approbation ou son autorisation de conditions, limitations ou restrictions, notamment pour encadrer le contenu ou les vecteurs et modalités de diffusion des communications commerciales concernant certaines catégories de jeux ou certains jeux déterminés.
8. En second lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les décisions prises par l'Autorité nationale des jeux en application du V de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 sont motivées. Il en va de même des décisions prises en application du IV de ce même article, en dehors des cas où l'Autorité limite les offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs ou prescrit à un opérateur le retrait d'une communication commerciale. Le moyen pris de ce que les décisions attaquées, qui énoncent, au demeurant, les considérations de fait et de droit propres à les justifier, seraient insuffisamment motivées doit donc être écarté.
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
9. Il appartient à l'Autorité nationale des jeux, pour se prononcer sur la stratégie promotionnelle qui lui est soumise, de rechercher si elle est appropriée à l'objectif de canaliser la demande de jeux vers l'offre légale tout en évitant les effets d'incitation au jeu excessif, en tenant compte des objectifs de cette stratégie et des moyens qu'elle met en œuvre, et en mettant ces éléments en regard avec l'évolution de l'offre de jeux et le risque de jeu excessif ou pathologique. Il lui appartient, en outre, pour se prononcer sur une demande d'autorisation d'exploiter un jeu ou un ensemble de jeux présentée par un opérateur titulaire de droits exclusifs, d'apprécier de la même manière et en tenant compte, le cas échéant, des conditions fixées dans sa décision d'approbation de la stratégie promotionnelle, la campagne promotionnelle prévue autour des jeux concernés et présentée dans le dossier de demande d'autorisation.
10. La décision d'approbation de la stratégie promotionnelle attaquée conditionne, par son point 2.3, l'approbation de la stratégie présentée par la société requérante pour 2023 à ce que la société se borne à la délivrance de messages purement informatifs s'abstenant d'établir un lien direct entre l'acte de jeu et une cause d'intérêt général dans ses communications commerciales relatives aux jeux " Mission patrimoine " et " Mission nature ". Elle conditionne également son approbation à ce que la société requérante limite la diffusion des communications commerciales relatives à ces jeux aux points de vente de son réseau physique de distribution, et, sous des conditions restrictives, à ses sites et applications mobiles.
11. L'affectation prévue par le législateur d'une fraction du produit de la fiscalité appliquée aux jeux " Mission nature " et " Mission patrimoine " respectivement à l'Office français de la biodiversité, conformément à l'article 115 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, et à la Fondation du patrimoine, conformément à l'article 90 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, n'a ni pour objet ni pour effet de soustraire ces jeux à la règlementation en matière de jeux d'argent et de hasard, qui, en application du chapitre Ier de la loi du 12 mai 2010, a pour objet de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin, notamment, de prévenir le jeu excessif ou pathologique et de protéger les mineurs.
12. Conformément à ce qui a été dit au point 3, l'Autorité nationale des jeux a pu légalement interdire que la publicité relative aux jeux en cause fasse référence aux causes d'intérêt général auxquelles une partie de leur produit est affecté. Elle a pu, sans commettre d'erreur de droit, s'abstenir de rechercher si le financement d'activités d'intérêt général par ces jeux n'est qu'une conséquence bénéfique accessoire du monopole conféré à la société requérante et si ces campagnes affectent la cohérence globale de la politique de jeux d'argent et de hasard.
13. En outre, d'une part, l'offre de jeu proposée par les opérateurs de jeux titulaires de droits exclusifs doit, conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 320-4 du code de la sécurité intérieure, permettre de canaliser la demande de jeux d'argent et de hasard dans un circuit contrôlé et de prévenir le développement d'une offre illégale. Cette offre et la stratégie promotionnelle associée n'ont, en revanche, pas pour objectif de capter la demande orientée vers les jeux exploités légalement dans un cadre concurrentiel, qui relèvent d'un régime juridique distinct propre à assurer qu'ils répondent aux objectifs fixés par l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'Autorité a tenu compte, dans ses décisions, de l'objectif de canalisation de la demande vers l'offre légale et a estimé, sans commettre d'erreur d'appréciation, que la stratégie promotionnelle soumise à son approbation par la société requérante pour son activité de jeux sous droits exclusifs pour l'année 2023 excédait ce qui est strictement nécessaire à cette fin et était de nature à inciter au jeu de manière excessive. A cet égard, elle a pu légalement retenir qu'il était prévu que les campagnes promotionnelles envisagées autour des jeux " Mission patrimoine " et " Mission nature " soient de grande ampleur et mobilisent un large éventail de vecteurs de communication et d'outils publicitaires afin de recruter un nombre important de nouveaux joueurs, alors que ces jeux présentent des caractéristiques susceptibles d'inciter à des pratiques de jeu excessif, tenant à leurs règles, au montant des mises et aux perspectives de gain, mais aussi au lien susceptible d'être établi avec des activités d'intérêt général. L'Autorité a pu légalement limiter, en conséquence, les canaux et vecteurs de communication susceptibles d'être utilisés en vue d'autoriser un effort promotionnel n'allant pas au-delà de ce que requiert la canalisation de la demande vers l'offre légale sans pour autant provoquer d'incitation au jeu ni autoriser la société LFDJ à pratiquer une politique expansionniste, contraire aux objectifs en vue desquels des droits exclusifs lui ont été conférés.
14. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les limitations figurant au point 2.3 de la décision approuvant sa stratégie promotionnelle pour 2023, pas plus que celles fixées aux articles 3.1 et 3.2 de la décision du 25 mai 2023 et 2.1 et 2.2 de la décision du 22 juin 2023 modifiées, qui se bornent à les rappeler et à les préciser, au vu des éléments soumis à l'Autorité dans le cadre de la demande d'autorisation d'exploiter les jeux " Mission nature " et " Mission patrimoine ", seraient disproportionnées au regard des objectifs fixés par l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure. Il suit de là que la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir à l'encontre des décisions qu'elle attaque des stipulations des articles 56 à 62 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre prestation de services, n'est pas fondée à soutenir que les restrictions en cause porteraient une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté d'entreprendre, et au droit de propriété garanti tant par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société LFDJ n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions qu'elle attaque.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes de la société La Française des jeux sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société La Française des jeux et à l'Autorité nationale des jeux.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 janvier 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'État, Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'État ; M. Laurent Cabrera et M. Stéphane Hoynck, conseillers d'État ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'État et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 11 février 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteur :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet
ECLI:FR:CECHR:2025:489681.20250211
Annexe 4
L'ANJ VISITE LES SOCIÉTÉS-MÈRES
11/12/2024 - INSTITUTION - 24H au Trot
Deux représentants de l'Autorité Nationale des Jeux ont été reçus par les deux Présidents des sociétés mères, ce mercredi 11 décembre à l'immeuble Thémis.
©DR
Mardi, alors que le tirage au sort des saillies de Tactical Landing avait lieu quelques étages plus bas, Mme Isabelle Falque-Perrotin, Présidente de l’ANJ, et son Directeur Général, Rémi Lataste ont été reçus par les deux Présidents Barjon et de Saint-Seine. Rendez-vous mis en place à l’initiative des deux sociétés-mères, il avait pour objectif de préciser les enjeux de la SETF et de France Galop, en qualité de titulaires des droits exclusifs à organiser les paris, face à une tension forte sur le marché du pari hippique et à la nécessité d’innover pour proposer des jeux hippiques en phase avec les nouveaux modes de consommation.
Annexe 5 :
Identifier les joueurs : une mesure liberticide
(Lescasinos.org 28 mars 2017)