Des casinos sur des bateaux de croisières, un restaurant à Dubaï, un hôtel à Courchevel en 2026, la conquête de nouveaux territoires est lancée à la SBM. Pascal Camia en livre les détails.
Jour historique, le 14 novembre dernier. Pour la première fois de son histoire, la Société des Bains de Mer inaugurait, hors de ses frontières, un casino portant son style et ses valeurs. L’établissement ouvert à bord du navire de croisière Crystal Symphony est le fruit d’un partenariat entre le groupe monégasque et la compagnie Crystal Cruises.
Il représente un acte fondateur pour la Société des Bains de Mer, engagée depuis plusieurs mois dans un développement de ses établissements à l’étranger. Un rôle confié à Pascal Camia, directeur du développement international du groupe, qui en dit davantage sur ses ambitions. Interview.
L’idée étant que, quand le client entre dans notre casino, il doit retrouver nos codes et l’âme du lieu
Comment avez-vous transposé, sur un bateau, l’esprit des salles de Jeux du Casino de Monte-Carlo?
C’est un travail que nous avons réalisé en six mois grâce à l’expertise de nos équipes, que je remercie. Nous avons sélectionné d’abord des appareils automatiques qui plaisent à la clientèle nord-américaine, qui fréquente beaucoup le bateau. Pour l’aménagement, notre bureau d’études a donné à cette salle de 100mètres carrés, l’aspect d’un salon privé du Casino de Monte-Carlo. Avec les monogrammes sur les tables, la même la signalétique. Nous sommes allés dans le détail en choisissant les tables de jeux, les tapis. Nous avons même dessiné les boudins autour de la table de jeux!
Ce partenariat prévoyait que vous formiez les équipes de Crystal au savoir-faire des Jeux monégasques.
Notre équipe des Jeux est entrée sur le bateau début novembre pour former les employés de Crystal à notre modèle des Jeux à l’européenne, à notre expertise. Je remercie les deux formateurs qui sont partis, Alexis Schroeter et Jean-René Manfredi. En plus de toute la technique, ils ont aussi donné des cours magistraux sur la principauté de Monaco. Pour que ces employés connaissent notre casino et notre pays.
Y a-t-il une façon particulière de tenir une table ici aussi?
Effectivement, les règles du jeu sont partout les mêmes mais nous avons une façon de manipuler, de déplacer des jetons sur les tables. Les équipes de Crystal se sont adaptées à notre façon de jouer, très élégante, que ce soit des jeux de cartes ou la roulette. L’idée étant que, quand le client entre dans notre casino, il doit retrouver nos codes et l’âme du lieu. Et l’âme, vous ne la retransmettez qu’avec de l’humain. Le jour de l’inauguration, les premiers clients ont retrouvé ce côté "waouh" que l’on a quand on entre au Casino à Monaco.
Comment allez-vous assurer la pérennité de cet effet au fil des croisières?
Nous irons sur le bateau une fois par an regarder si les standards d’opération dans le cahier des charges de notre contrat de franchise sont bien opérés. Nous nous sommes aussi assurés, et c’est important, de faire en sorte que tout ce qui est lutte anti-blanchiment, soit respecté. Quand le bateau est à quai, le casino est fermé. Il ne peut être actif qu’en pleine mer, dans les eaux internationales. C’est une règle de base de toutes les croisières. Et dans les eaux internationales, c’est la Nevada Gaming Authority qui s’applique.
C’est la première fois dans l’histoire de la société que vous créez une salle de jeux hors de Monte-Carlo, d’autres projets vont-ils suivre?
Nous sommes en cours d’équipement d’un deuxième bateau, Crystal Serenity, pour la mer des Caraïbes. Deux de nos collaborateurs iront former les équipes sur place pour l’ouverture le 18 décembre. Dans les chantiers navals italiens Fincantieri, Crystal projette de construire trois autres bateaux de 500 à 600 passagers pour 2028, 2030 et 2032. Donc d’ici huit ans, il pourrait y avoir cinq casinos de Monte-Carlo sur les mers du globe, ce qui donnera une visibilité énorme à la marque. Par la suite, on pourrait exporter notre savoir-faire dans des salles privées d’autres casinos, en comptant sur notre partenaire Galaxy. Pour, par exemple, ouvrir un grand casino avec une salle privée au label Casino de Monte-Carlo.
Pourrait-on imaginer ce label Monte-Carlo à Las Vegas ou à macao?
Peut-être dans un deuxième temps. Mais Las Vegas ou macao sont des destinations beaucoup plus grand public. Au Casino de Monte-Carlo, nous avons ces salles grand public mais notre expertise est plutôt dans les salons pour très gros joueurs. Nous n’avons pas vocation à aller en priorité dans ces destinations-là pour les Jeux, mais peut-être plutôt avec nos marques de restauration.
Le développement international de la SBM est lancé. Comment les marques du groupe sont-elles accueillies dans un contexte de forte concurrence?
Quand le président Valeri m’a confié cette mission, il savait que la marque Monte-Carlo était vraiment très reconnue dans le monde. Quand vous dites que vous venez du Casino de Monte-Carlo, votre interlocuteur, en général, a les yeux qui brillent. Il sait que c’est un casino mythique, il sait que c’est une marque iconique. Automatiquement, quand notre groupe a voulu s’exporter, il y a eu du répondant. Une marque comme la nôtre, sur des destinations un peu nouvelles ou avec des partenaires qui veulent avoir une marque de luxe exceptionnelle, cela fonctionne bien. Notre notoriété est très forte. L’objectif est d’aller vers des destinations fréquentées par notre clientèle, pour trouver un nouveau levier de croissance et de devenir profitable en installant nos marques dans de nouveaux marchés.
Lesquelles en particulier?
Nous sommes très fiers d’avoir commencé à exporter la marque Casino de Monte-Carlo qui est l’ADN du groupe. Et c’est la marque très attractive Monte-Carlo que nous allons mettre en avant, que ce soit dans l’hôtellerie ou dans la résidence, qui est devenue une activité fortement profitable. Mais toujours en combinant la résidence avec de l’hôtellerie de luxe autour d’un label Monte-Carlo One Hôtels et Résidences, à l’international.
Nos clients fréquentent ce "triangle" Monaco/Courchevel/Saint-Tropez
Quelles destinations avez-vous en ligne de mire?
Des destinations de très haut de gamme, où proposer des services sur mesure dans l’hébergement ou la restauration. Je pense à Courchevel, où nous avons acquis un hôtel, à Saint-Tropez, à Saint-Barth, à Dubaï, à Londres, où à Miami, éventuellement. Pourquoi pas l’Arabie Saoudite également, ou des destinations qui sont en train de se réinventer comme Ibiza ou Mykonos.
Ça a du sens d’être à Saint-Tropez, si proche de Monaco?
Oui, parce que nos clients fréquentent ce "triangle" Monaco/Courchevel/Saint-Tropez. Quelques fois, ils sont à Monaco et peuvent avoir envie d’une journée de détente sur les plages de Pampelonne. Si nous arrivons à avoir un établissement à Saint-Tropez, il pourrait être un levier de croissance et créer de la synergie entre les deux destinations.
Votre premier restaurant doit ouvrir à Dubaï en 2025, comment progresse le dossier?
Plusieurs locaux qui ont été sourcés. Nous travaillons à la fois le design, l’installation et le menu qui sera un mariage de la gastronomie des deux Rivieras. Ce restaurant haut de gamme, mais pas gastronomique, s’appellera Monte-Carlo Club 1863. 1863 étant l’année de la fondation du groupe.
Et comment progresse le chantier de l’hôtel à Courchevel?
L’objectif est de l’ouvrir en décembre 2026 pour la saison d’hiver. On a commencé cet automne à curer le bâtiment. Les travaux démarreront en mai 2025. L’hôtel sera surélevé avec des toits en pente, comme le permet la réglementation. Commercialement, il nous offre la possibilité d’y loger des appartements de très grande surface, ce que recherche la clientèle. A côté, nous allons construire trois chalets, étendre le spa, créer un ski room de luxe...
Sur une quinzaine de projets, je dirais que l’on en retient entre un et trois
Par le passé, la SBM a eu des revers de fortune dans ses ambitions de développement international. Aujourd’hui, le groupe est-il équipé pour cette expansion?
La période est la bonne, oui. Pour éviter d’être dilué dans le monde du luxe international, il faut aussi que l’on aille planter quelques drapeaux dans ces destinations où nos clients sont. Actuellement, nous recevons globalement nos clients d’avril à novembre.
Avec un hôtel à Courchevel et un restaurant à Dubaï, et puis d’autres établissements au fil du temps, nous pourrons être visibles tout au long de l’année. Et nous faire connaître auprès de clientèles qui ne viennent pas à Monaco en faisant briller notre savoir-faire. L’aspect héritage est fort, depuis 160 ans nous avons passé toutes les crises, les guerres, les générations, les tendances. Mais il faut justement toujours innover.
Aujourd’hui, combien de projets pourraient se concrétiser dans les prochains mois?
Beaucoup de développeurs, de promoteurs, recherchent la marque Monte-Carlo. À chaque fois, nous réalisons des analyses financières et stratégiques assez précises. Sur une quinzaine de projets, je dirais que l’on en retient entre un et trois. Et tous doivent prendre en maturité.
(source : monacomatin.mc/CEDRIC VERANY)