Mercredi 23 octobre 2024 : Fin de la prohibition des casinos en ligne ? C’est dans la logique des choses (1)
Fin de la prohibition des casinos en ligne ? C’est dans la logique des choses
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN, Sociologue.
Centre Max Weber, équipe TIPO, ISH Lyon2.
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octobre 2024
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L’encre de notre dernière contribution(*) était à peine sèche, que nous apprenions contre toute attente que le gouvernement avait « renoncé à son projet d’augmenter les cotisations sociales payées par les entreprises de loterie et autres jeux d’argent « (2) Depuis les choses se sont accélérées et même retournées. L’exécutif a déposé un amendement, dans le cadre du PLF 2025, lui permettant « d’autoriser les casinos en ligne « (3) par ordonnance
(*)(TAXER N’EST PAS JOUER : L’augmentation annoncée des taxes sur les jeux d’argent : une vraie fausse bonne idée » (1) ( confer le résumé de l’article en annexe 1 : Monsieur le Premier Ministre Michel BARNIER, l’État cherche de l’argent ? Ca tombe bien les Français aussi !)
Un mini big-bang dans le monde des jeux. Le très sérieux journal les Échos - c’est à souligner - en a même fait sa une, affichant en première page en gros caractères avec une illustration couleur de jetons…de casino : « Le gouvernement tenté par la manne des casinos en ligne : les machines à sous et autres blackjack pourraient être légalement accessibles via smartphones et ordinateurs, le gouvernement espère 1 milliard d’euros de recettes fiscales » (4)
Isabelle FAULQUE PIERROTIN, la présidente de l’autorité nationale de jeux (ANJ) - sous la domination de la doxa du jeu pathologie maladie, d’associations moralistes anti jeu- a naturellement aussitôt poussé des cris d’orfraie. Mais chacun sait qu’elle prône - dans le dos des joueurs et sur leur dos - et construit chaque jour depuis plusieurs années désormais, une politique des jeux sanitaire (punitive, restrictive, liberticide, néo prohibitionniste…) sans se soucier des opérateurs, de l’avenir de l’économie ludique nationale, de ses différentes filières et sans tenir compte de la sociologie des jeux de hasard.
Les casinos également, s’indignent de manière alarmiste en grossissant le trait dans un lobbying contreproductif : « cette autorisation va signer notre arrêt de mort » précise Grégory RABUEL, DG du groupe Barrière & Président du syndicat Casinos de France (5) De notre point de vue la position des casinos est contradictoire et intenable à terme. Ils sont contre les casinos en ligne ( mettant en avant l’addiction, le jeu des mineurs…)….. sauf si ce sont eux qui les exploitent ! Ca tient pas la route. Mais nous pouvons comprendre le courroux d’une profession surtaxée, sur réglementée, sur-surveillée depuis des années et des années et qui est rarement en odeur de sainteté auprès des pouvoirs publics
En réalité si nous dépassons ces visions subjectives pour tenter de rester sur le chemin de crête tracé depuis des années par nos différentes fonctions ( cinq ans sociologue à l’ARJEL, organisme qui a précédé l’ANJ, cinq ans rapporteur à la Commission des sanctions à Bercy…) de nos enquêtes de terrain, rapports , expertises, articles, entretiens, conversations avec les joueurs et les opérateurs ; cette fin annoncée de la prohibition des machines à sous en ligne et des casinos sur internet, nous apparait dans la logique des choses :
Dans la logique des choses européennes tout d’abord. C’est l’argument massue, qui se suffit à lui-même et balaie ipso facto toutes les oppositions qui veulent maintenir artificiellement le statu quo prohibitionniste actuel. En Europe, la France est le seul pays avec Chypre, à interdire les casinos en ligne ! La messe est dite. Nos nombreux voisins européens ne sont pas plus bêtes que nous et aucune pandémie ludique n’a été signalée dans ces pays, suite à la légalisation des bandits manchots sur internet. Va t on avancer une nouvelle exception culturelle pour expliquer cette bizarrerie française, au risque de faire rire ?
Dans la logique de la modernité numérique, digitale ; de l’évolution des comportements de nos concitoyens vis à vis de cette modernité et de la complémentarité entre pratiques dans des espaces de jeu en dur et pratiques ludiques sur internet. Tous les secteurs sont désormais concernés par cette complémentarité. Par quel miracle les jeux de casinos échapperait-ils à cette évolution ? Et puis il y a quand même la notion de liberté au cœur des sociétés démocratiques. Laisser les joueurs qui le souhaitent profiter de cette possibilité nouvelle de jouer aux jeux de casino de manière virtuelle.
Dans la logique historique du rapport interdiction/marché illégal. Le prohibition (jeux, alcool, tabac…) a toujours entrainé la création d’un marché parallèle ou les consommateurs, ici les joueurs, se trouvent à la merci d’opérateurs pas très catholiques et parfois sans doute franchement mafieux. Ces joueurs n’ont naturellement aucun recours en cas de litige, tricherie. La France a déjà pris beaucoup de retard en la matière. Les machines à sous et les casinos jeux en ligne auraient dû être autorisées dès 2011, comme l’ont été les paris hippiques & sportifs, le poker. Mais différents lobbys (associations parisiennes anti jeu, addictologues, médias idéologiquement anti jeu d’argent…) étaient déjà à la manœuvre. Ces groupes de pression, quelques personnes à Paris, ont prohibé en catimini les casinos sur internet avec la complicité de certains hommes politiques et bien sûr sans consulter les Français et notamment les joueurs. Résultat des courses : 3 Millions de nos concitoyens ont joué sur des casinos illégaux en 2023 ! C’est même l’ANJ…. qui le dit pour le dénoncer. Mais sur ce sujet comme sur d’autres, chacun connaît désormais la position pour le moins contradictoire d’Isabelle FAULQUE PIERROTIN qui devrait pourtant se réjouir de la volonté du gouvernement d’assécher le marché gris. Elle pourrait ainsi faire de l’information prévention, protéger si nécessaire les millions de joueurs qui ont rejoint la légalité. La patronne de l’ANJ devrait être, de par sa formation, son expérience, ses fonctions antérieures notamment à la tête de la CNIL, une femme d’influence qui fasse une synthèse consensuelle, réaliste, responsable du champ ludique. Elle apparaît au contraire - en imposant chaque jour d’avantage une politique des jeux sanitaire et liberticide hors sol, contradictoire - comme une femme sous influence (doxa, addictologues, psychologues, associations moralistes....) Ce qui pose problème, quand on dirige une autorité administrative « indépendante » (AAI)
Dans la logique d’une économie libérale qui autorise la concurrence et offre plus de choix au consommateur (à condition naturellement que cette concurrence soit respectée et pas organisée de manière plus ou moins occulte dans le dos et sur le dos des joueurs, sur ce registre l’ANJ pourrait jouer un rôle important) vis à vis d’une économie dirigiste, autoritaire sur réglementée. Et contrairement à ce qu’affirme certains, les casinos en dur ne vont pas mourir, les autres espaces de jeu non plus. Cela va élargir le marché. Rien ne remplacera l’ambiance casino en dur, les socialités et sociabilités des casinos terrestre. L’ouverture de certains jeux en ligne à la concurrence en 2011, n’a pas conduit la FDJ, le PMU et les casinos à la faillite. En outre de multiples synergies peuvent se produire et les 200 casinos installés dans nos territoires, les groupes ( présents sur le web depuis longtemps) qui vont se lancer dans cette nouvelle aventure ludique, seront le mieux placés pour les exploiter
Au final, souhaitons néanmoins que cette autorisation des casinos en ligne annoncée soudainement par le gouvernement, ne soit pas un one shoot, tiré uniquement pour remplir rapidement la bougette de Bercy mais soit l’occasion pour mettre en place la véritable politique des jeux nationale dont la France a besoin et ou les principaux acteurs ( les opérateurs) et les uniques financeurs - les millions de joueurs - deviendraient enfin peu ou prou les décideurs. Ce n’est pas à l’ANJ, ce n’est pas à quelques addictologues & associations, ce n’est pas à l’UNAF et à la Fédération addiction de diriger la politique des jeux de la France et de décider directement ou indirectement du destin de l’économie ludique et de ses différentes filières. C’est pas sérieux. Ne nous mentons pas le danger à terme il est là ( le processus est déjà largement engagé par l ‘ANJ et son collège) et pas dans l’autorisation des casinos en ligne.
Souhaitons également que Michel BARNIER et les parlementaires ne surtaxent pas hypocritement (députés et sénateurs l’ont souvent fait en matière de jeux d’argent) - pour dire vite : pour se donner bonne conscience : parlementaires de droite ; pour se venger et par principe idéologique : parlementaires de gauche - ce nouveau secteur des jeux de casino en ligne. Cette taxation est déjà prévue à hauteur de 55,66 % du PBJ ce qui est déjà énorme quand on prend un peu de recul. Une sur taxation serait contreproductive et n’assècherait pas le marché noir des casinos illégaux. Il faut que les joueurs (anciens joueurs repentis qui vont rejoindre le marché des casinos en ligne légaux, nombreux nouveaux joueurs qui n’osaient pas jouer sur internet de peur de se faire escroquer ) qui vont jouer désormais légalement aux machines à sous sur internet, n’aient plus aucune raison de le faire sur le marché gris. En outre la France, entrant très tardivement dans ce marché des casinos et machines à sous en ligne, se doit d’être très attractive et pas seulement pour les joueurs français, car par définition ce marché est mondial.
Notes :
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN = TAXER N’EST PAS JOUER : l’augmentation annoncée des taxes sur les jeux d’argent : une vraie fausse bonne idée du gouvernement BARNIER ( octobre 2024,10 pages, 13 notes, 2 annexes, publié sur les casinos.org 9 octobre 2024, casino-legal-france.fr. 9 octobre 2024)
« Les hausses d’impôts et de cotisation approchent 30 milliards « (Sébastien DUMOULIN, les Échos, 14/IO/2024 , page 3)
“ Le gouvernement veut autoriser les casinos en ligne…et les taxer au passage « (Yann DUVERT Les Échos 22/IO/2024, page 18)
« Le gouvernement tenté par la manne des casinos en ligne » les machines à sous et autres blackjack pourraient être légalement accessibles via smartphones et ordinateurs, le gouvernement espère 1 milliard d’euros de recettes fiscales » Les casinos historiques alertent sur les destructions d’emplois( Les Échos 22/IO/2024, page 1)
« Cette autorisation va signer notre arrêt de mort » (Grégory RABUEL, DG du groupe Barrière, Président du syndicat Casinos de France, interrogé par Yann DUVERT dans les Échos du 22/IO/2024 , page 18)
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Annexe 1 : Résumé de l’article : Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN = TAXER N’EST PAS JOUER : l’augmentation annoncée des taxes sur les jeux d’argent : une vraie fausse bonne idée du gouvernement BARNIER
Monsieur le Premier Ministre, l’État cherche de l’argent ? Ca tombe bien les Français aussi !
Faites jouer davantage nos concitoyens qui le souhaitent aux jeux de hasard - ce bel impôt démocratique indolore pour les non joueurs - en lançant une loterie exceptionnelle avec un pactole qui les fera rêver. Comme le font les américains avec le Power Ball qui se montait à 1,3 milliard de $ en avril 2024. Comme le font les espagnols avec « El Gordo », la traditionnelle loterie de Noel créée en 1892, dont le pactole s’élevait à 2,6 milliards en décembre 2023. N’écoutez pas la Présidente de l’Autorité Nationale des Jeux qui - sous la domination de la doxa du jeu pathologie maladie qui exploite le business du jeu compulsif - multiplie les décisions liberticides, néo prohibitionnistes & sanitaires sur l’économie ludique. Le jeu n’est pas une maladie. C’est une pratique sociale et culturelle ancestrale et pas seulement dans les milieux populaires. Par ailleurs historiquement, l'exploitation par les États des jeux d’argent est un phénomène universel qui vise le développement du bien commun
Faites les participer à un Grand Emprunt National mobilisateur dont la finalité citoyenne sera de rembourser la dette de la France. Souvenez-vous de l’emprunt Balladur (6%, 1993,1997) Il a séduit 1,4 million d’épargnants. L’État en attendait 40 milliards de francs…. il en a récolté 110.
Faites les épargner davantage en améliorant le taux du livret A, au lieu de le baisser en février 2025 comme annoncé. N’écoutez pas le Gouverneur de la banque de France. Ce haut personnage de l’État, avec sa modeste rémunération, semble un peu éloigné des préoccupions des Français. Sur ce registre n’écoutez pas non plus les banques, qui n’ont jamais gagné autant d’argent : 11 milliards de bénéfice en 2023 pour BNP Paribas ; 8,2 pour Crédit Agricole ; 4,1 pour Crédit Mutuel….).
En 2023 nos concitoyens ont déposé 39,91 milliards sur le livret A car son taux avait augmenté… d’un petit point (passant de 2 à 3% ). Résultat : « le livret A n’a jamais autant rapporté aux français « 15,2 milliards d’intérêts l’année dernière, plus du double qu’en 2022. Le magot des encours pour les livrets A et LDDS se monte désormais à 573,9 milliards. Au total avec les comptes courants, les français disposent d’un bas de laine de plus de 1400 milliards qui pourrait alimenter une politique des jeux ambitieuse ou celle de grands emprunts nationaux.
Toutes ces mesures positives, aux antipodes d’une fiscalité punitive nuisible à l’activité, aux ménages, aux entreprises, à l’attractivité de la France - rapporteront beaucoup plus que la taxation supplémentaire sur les jeux de hasard, un temps envisagée pour financer la Sécurité Sociale à hauteur de 500 millions.
En cherchant légitimement à améliorer leur situation financière, nos concitoyens joueurs…. et non joueurs participeront volontairement et librement à l’effort national, répondront par millions à ces initiatives et contribueront fortement à remplir la bougette de Bercy, tout en retrouvant un peu le moral, facteur psychologique important pour la réussite globale de votre mission. Vous devez être le tambour de ces décisions qui seront populaires et en même temps redoreront le blason de classe politique.
« Suggérons au gouvernement d'organiser une méga loterie, comme le font les Américains avec le Power Ball et comme le perpétuent les Espagnols depuis 1812 avec la Loterie de Navidad. En relançant l'impôt ludique, l'État ne ferait que renouer avec l'histoire. Les loteries importées d'Italie par Casanova ont fait rentrer de l'argent dans les caisses publiques, et les révolutionnaires de 1789 ont transformé la Loterie royale en Loterie nationale. La manne ludique a ensuite aidé les gueules cassées de la Grande Guerre et en 1933 les parlementaires ont réintroduit la Loterie pour lutter contre les calamités agricoles. Dans toutes ces époques, le jeu n'était pas synonyme d'addiction mais de solidarité. Comme l'a précisé le professeur Pierre Tremblay (Université du Québec, Montréal), l'exploitation par les États des jeux de hasard est un phénomène universel dont la finalité originelle est humanitaire et vise le développement du bien commun. » (Jean-Pierre MARTIGNONI-HUTIN, extrait d’une tribune publié dans le quotidien économique Les Échos du 30 décembre 2016)