Avec près de 72.000€ en espèces et un comportement suspect aux machines à sous du casino du Café de Paris à Monaco, 3 personnes ont alerté l’attention du personnel de la Société des Bains de Mer. La justice monégasque les a condamnés.
Des liasses et des liasses de billets. Si nombreuses et encombrantes que le sac à main de Madame en débordait ostensiblement ce jeudi 29 août. Ce jour-là, la sécurité du casino du Café de Paris repère la quantité considérable de cash répartie entre trois clients venus tenter le hasard aux machines à sous de l’établissement de la Société des Bains de Mer.
Placés sous étroite surveillance, ce père de famille, sa compagne et le fils de celui-ci amorcent alors un bien curieux manège: ils insèrent des billets de 20 euros par paquet de 25, ne jouent pas ou très peu, puis impriment un ticket d’avoir. En une heure, ils réitèrent l’opération à 33 reprises avant de passer en caisses pour retirer les gains en espèces.
À chaque fois, la somme introduite n’excède pas 500 euros, montant maximum avant de devoir jouer avec sa carte de fidélité et, donc, de décliner son identité. Une limite également appliquée en caisses pour prévenir toute situation abusive et mieux suivre le jeu des clients. Alertés de ces agissements suspects, les agents de la Sûreté publique interpellent alors les trois individus à leur sortie et les placent en garde à vue.
Du change pour faire du shopping
"Les policiers vont trouver 57.020 euros sur Monsieur et 14.965 euros sur Madame, soit près de 72.000 euros en liquide non déclarés. L’exploitation de la vidéosurveillance a permis de démontrer que vous avez inséré dans les machines à sous entre 15.000 et 18.000 euros de petites coupures", retrace Thierry Deschanels, président du tribunal correctionnel.
Arrivé menotté en audience de flagrance ce vendredi 6 septembre, ce chef d’entreprise italien résidant à Cuneo comparaît notamment pour blanchiment du produit d’une infraction*. L’homme de 48 ans a fait fortune dans la fabrication de glaces et de chocolats et a pignon sur rue à Monaco. Sa compagne russe de 32 ans et son fils italien de 19 ans, qui travaillent pour lui, comparaissent libres à ses côtés.
En cette fin du mois d’août, donc, la famille dit avoir rallié la Principauté pour assister au tirage au sort de la Ligue des Champions au Grimaldi Forum. Avant cela, le père distribue des espèces en guise de "cadeaux" pour s’adonner à du shopping mais, curieusement, la famille pénètre d’abord dans le casino pour faire… du change et convertir les petites en grosses coupures. Refus immédiat à la caisse.
La suite, on la connaît: ils se rabattent sur les machines à sous. "Un casino n’est pas une banque. Pourquoi avoir voulu faire du change?". "J’avais honte d’aller faire du shopping avec des billets de 20 euros. C’était stupide, j’ai fait une erreur", répond, penaud, l’homme d’affaires. L’explication n’est guère crédible aux yeux du président du tribunal correctionnel. Même le fils concède avoir trouvé "étrange" cette façon de jouer. "Vous aviez 27.000 euros en billets de 20 euros, le reste était en grosses coupures. Largement suffisant pour faire des achats, lui rétorque-t-il. De plus, la politique de la SBM est de rembourser avec les mêmes billets joués [s’il y a suspicion de malversation, ndlr]. Vous vouliez peut-être un justificatif du casino pour avoir une trace du paiement?" Négatif, jure le prévenu. Si tel avait été le cas, la SBM, de toute façon, ne génère d’attestation que lorsque le gain est avéré.
"Ils ne venaient pas ici pour jouer"
Vient alors la question de l’origine des fonds. Le chef d’entreprise confirme ce qu’il a déjà déclaré en garde à vue: les espèces proviennent de paiements de clients - commerçants et particuliers - qui n’ont pas donné lieu à facturation. Une pratique qu’il estime à environ 10.000 euros par mois. "Ils ne venaient pas pour jouer mais pour changer des billets. C’est du blanchiment, insiste Stéphane Thibault, procureur général de Monaco, pour qui le blanchiment d’abus de confiance (=abus de biens sociaux) est caractérisé. La défense est bien en peine de produire une quelconque justification de l’origine légale des fonds." Il requiert 1 mois de prison avec sursis pour le fils, "qui a fait ce que son père lui a dit", 4 à 5 mois avec sursis et 7.000 euros d’amende pour la compagne qui a menti en garde à vue avant de se rétracter, et 1 an de prison dont 1 à 2 mois ferme avec maintien du mandat d’arrêt et 20.000 euros d’amende pour le chef de famille.
"Tout est légal!"
"Les fonds ont une origine licite. Tout est légal (...) Ils sont là pour changer des espèces, pas blanchir de l’argent. C’est un problème de riches, d’un homme à la tête de sociétés qui pèsent des dizaines de millions d’euros. 20 euros, 50 euros pour eux, c’est comme 50 centimes pour vous. On préfère donc avoir de plus grosses coupures pour frimer, montrer qu’on a de l’argent et qu’on travaille dur. Ce n’est pas un comportement indicateur d’une volonté délictuelle", a plaidé Me Grégoire Gamerdinger, avocat de la défense, avant de réclamer la relaxe de ses clients aux casiers judiciaires vierges.
Après délibération, le tribunal les a reconnus coupables de la totalité des infractions et les a condamnés à de la prison avec sursis: 1 mois pour le fils, 5 mois pour la compagne (+5.000 euros d’amende) et 15 mois pour le père et homme d’affaires (+15.000 euros d’amende).
*Lui et sa compagne sont aussi poursuivis pour ne pas avoir déclaré une somme en espèces supérieure à 10.000 euros.
(source : monacomatin.mc/Thibaut Parat)