Après le rachat du Palace des neiges à Courchevel, le fleuron de la principauté monégasque va ouvrir un restaurant à Dubaï. Le début d’une nouvelle aventure internationale.
Un air de Dolce Vita flotte toute l’année à la Société des bains de mer. Propriétaire du casino de Monte-Carlo, de l’Hôtel de Paris et de celui de l’Hermitage, du restaurant Louix XV-Alain Ducasse… le fleuron de la principauté incarne tout le faste et le glamour du Rocher. Conçue dès le départ comme une destination de vacances à part entière, la Société des bains de mer (SBM) n’a eu de cesse d’attirer une riche clientèle internationale dans cet État hors norme de 2,2 kilomètres carrés. Une mission qui date de sa création en 1863 sur ordonnance souveraine du prince Charles III, qu’elle a relevée sans relâche.
Rénovation à 250 millions d’euros de l’Hôtel de Paris
Malgré la concurrence de Las Vegas, Londres, Macao ou Singapour, le casino de Monte-Carlo reste un must pour tous les plus grands joueurs de la planète.
Premier employeur privé (avec 4 000 salariés), deuxième propriétaire immobilier (avec des résidences de standing, des bureaux et des boutiques, en plus de quatre hôtels, une trentaine de restaurants et deux casinos), la SBM est un poids lourd de l’économie monégasque. Elle a dégagé un chiffre d’affaires record de 667 millions d’euros l’an passé (exercice 2022-2023 clos fin mars).
Détenu à 64 % par la principauté, ce petit empire du luxe (qui a pour actionnaire LVMH à hauteur de 5 %), se sent pourtant à l’étroit. Depuis plusieurs années, il pousse les murs pour grandir à Monte-Carlo. Dans quelques jours, le Café de Paris, une de ses adresses phares, ouvrira un restaurant festif, Amazonico, sur son tout nouveau toit-terrasse. Un projet mené avec le spécialiste de ce type d’adresses, le turc D.ream International. Après dix-huit mois de travaux, l’adresse, qui n’avait qu’une salle de plain-pied, a gagné deux étages. L’Hôtel de Paris est, lui, flambant neuf, après une rénovation qui a coûté 250 millions d’euros, entre 2015 et 2019. Plus luxueux, l’hôtel est aussi plus grand, avec la création de deux suites exceptionnelles (Prince Rainier et Princesse Grace) sur les toits, avec piscine chauffée à débordement.
Accompagner la clientèle dans ses destinations de vacances
Sans relâche, la SBM continue de valoriser son patrimoine. Mais Stéphane Valeri, président délégué depuis janvier 2023, veut aussi écrire la légende de Monte-Carlo à l’international. « Je suis un réformateur, déclare le dirigeant, ancien président du Conseil national de la principauté. Monte-Carlo Société des bains de mer est une marque de renommée mondiale, synonyme d’un art de vivre, qui peut s’incarner dans des restaurants, des hôtels et de nombreuses activités. C’est le premier resort d’Europe, qui compte 7 étoiles au Guide Michelin. Il faut changer les habitudes. » Avec une équipe de direction renouvelée, il déroule sa nouvelle stratégie. « Nous avons le double objectif de développer nos revenus l’hiver et accompagner notre clientèle dans ses destinations de vacances en misant sur notre marque, poursuit-il. Notre clientèle est pour moitié américaine et du Moyen-Orient. Elle recherche des services haute couture qui sont notre ADN. Nous regardons Gstaad, Miami, Saint-Tropez, les Maldives, Rome… »
Alors que personne ne s’y attendait, la SBM a racheté le Palace des neiges à Courchevel 1850, en octobre dernier. « Une opportunité », lance le dirigeant. Un tournant majeur. L’hôtel fermera à la fin de la saison, pour deux ans de travaux. « Nous avons le meilleur emplacement de tous les palaces de Courchevel 1850, se félicite Stéphane Valeri. Nous allons le rénover pour le rendre encore plus luxueux, avec de grands dressings, les meilleures innovations domotiques. »
Plus-value exceptionnelle grâce à Betclic
Après la neige, le soleil de Dubaï. La SBM vient de signer un nouvel accord avec D.ream International pour lancer ensemble une nouvelle marque de restaurants, dans la première ville des Émirats arabes unis. Ouverture prévue en 2025 pour cette adresse, qui devrait en annoncer d’autres au Moyen-Orient, toutes dans l’optique de « capitaliser sur ce qui caractérise Monte-Carlo, son histoire de plus de 160 ans, son art de vivre et son expertise culinaire. »
Par le passé, la SBM avait envisagé de se développer hors de Monte-Carlo. Sans que cela ne se soit concrétisé. Le moment est idéal pour le faire. En plus de finir des rénovations d’ampleur, l’entreprise monégasque a les moyens de voir plus grand, grâce à une opération financière juteuse : le transfert (par cession et apport) de sa participation dans la plateforme de jeux en ligne Betclic à FL Entertainment (qui réunit désormais Betclic et Banijay, appartenant à Stéphane Courbit). Cette opération a généré un profit exceptionnel de 813,5 millions d’euros dans les comptes 2022-2023, dont une partie servira au développement à l’étranger.
Pour la première fois, un poste de directeur du développement international vient d’être créé et confié à Pascal Camia, ancien directeur des opérations. « Des destinations touristiques gagnent des parts de marché et d’autres se développent, comme Alula en Arabie saoudite, où les places sont à prendre maintenant, affirme-t-il. Nous avons pour ambition d’ouvrir plusieurs palaces, seuls ou avec des investisseurs, en assurant la gestion d’hôtels. » Sans perdre de vue Monte-Carlo.
«La vocation première de la SBM ne change pas : attirer les visiteurs internationaux à Monaco, en animant la principauté, insiste Pascal Camia. C’est quasiment une mission de service public. »
«Mission de service public»
Le jeu reste une des grandes raisons de venir à Monaco. « Nous avons le plus beau parc de machines à sous d’Europe, assure Cédric Lorenzi, directeur des jeux. Tous les fabricants veulent être à Monte-Carlo. Nous avons leurs machines en avant-première. Ici, vous êtes dans la champions League du jeu. » Tout ce qu’a développé la Société des bains de mer l’a été au service des joueurs, pour leur donner l’occasion de rester plus longtemps. Mais le Rocher propose bien plus que de flamber à la roulette ou sur des bandits manchots dernier cri. « Il y a ici un esprit club que nos clients apprécient, pense Olivier Thomas, directeur général de l’Hôtel de Paris. Ils sont nombreux à réserver la même chambre d’une année sur l’autre. » Tous les étés, il est obligé de refuser du monde, faute de disponibilités. En haute saison, des familles entières séjournent à l’hôtel trois ou quatre semaines.
«La SBM fait partie du mythe de Monaco, autant que le Grand Prix de Formule 1, conclut Guy Antognelli, directeur du tourisme et des congrès de la principauté. Trouver une telle offre (hôtellerie, gastronomie, culture, jeux…) sur un territoire aussi petit attire la curiosité. Mais c’est le niveau de qualité de ses infrastructures qui incite à revenir. »
(source : lefigaro.fr/Mathilde Visseyrias)