Alors que le département des Landes compte six casinos sur son territoire, ces établissements nourrissent encore de nombreux fantasmes et idées reçues. Plongée dans celui de Saint-paul-lès-Dax, le Joa César Palace, pour en comprendre les codes
Vous rêvez souvent de Las Vegas, d’Atlantic City ou d’un jackpot à plusieurs zéros, comme au cinéma ? Vous êtes plutôt casino-romantique, sombre, bas de plafond, nappé dans le mystère des jetons et des volutes de cigares ; ou plutôt casino-interactif, rivière de néons, sons électroniques et écrans hypnotiques, s’en remettant au hasard ?
Dans l’Hexagone, la réglementation sur les jeux d’argent fait qu’un casino est souvent l’objet de fantasmes, alors que c’est surtout un établissement qui répond à un cadre extrêmement précis. Qui peut soupçonner par exemple le rôle hebdomadaire que joue la police des jeux dans ces établissements ? La Société de fourniture et de maintenance (SFM) ? Le fait que chaque employé doit avoir un agrément ministériel, un casier vierge ? Le fait que 99 % des gens qui sont interdits de jeu en font eux-mêmes la demande, en général pour trois ans renouvelables ? Qu’un directeur de casino doit faire une déclaration s’il quitte le territoire national plus de 72 heures ?
Jouer, oser, s’amuser. Le groupe Joa, qui compte 33 casinos en France, se donne pour mission, avec ces trois mots et par petites touches, de changer le regard des gens. Exit les lieux sans lumière naturelle censée faire perdre la notion du temps aux joueurs, place aux activités périphériques.
À Saint-paul-lès-Dax, le casino compte deux restaurants, un bowling, un hôtel et un escape game, représentant 40 % de l’activité commerciale. Le reste est dédié aux jeux, qu’ils soient électroniques ou traditionnels. Et contrairement à ce qu’on aurait pu penser, les curistes ne sont pas en majorité au sein de la clientèle, d’un certain âge, mais où on trouve aussi des jeunes. On pourrait les croire plus attirés par les machines à sous, alors qu’ils font leur grand retour autour des tables de jeux.
92 % de restitution
Sandra Poyardon, la directrice du casino de Saint-paul-lès-Dax, connaît par cœur son univers : « Il y a beaucoup de croyances autour de l’activité de casino. Certains habitués me disent avec un clin d’œil que j’ai une télécommande pour choisir qui va gagner, et franchement, quand je vois la superstition de certains joueurs, je me demande s’ils ne le pensent pas vraiment ! La vérité, c’est que le casino César Palace a un taux de restitution des mises réalisées fixé à 92 %, que je n’ai absolument pas accès aux machines. Malgré le devoir de discrétion et de confidentialité propre à un casino, les caméras qui filment en permanence tout ce qui se passe sont obligatoires et parfois utiles, notamment en cas de litige avec un client. »
On compte au César Palace une centaine de machines à sous renouvelées régulièrement. Il y a aussi des jeux de tables, qui ont été modernisés en version électronique, mais les croupiers, à en croire la clientèle, ont encore de beaux jours devant eux : « Ça a plutôt créé quelque chose : les ‘‘primos’‘ (NDLR : les débutants) essaient sur les tables de jeux électroniques, avec une mise à 2 euros, avant de passer à la table de black-jack traditionnelle, où la mise de départ est à 5 euros », explique Émilie Corbière, chargée de la promotion.
Deux black-jacks, une roulette anglaise, cet espace n’ouvre qu’après 20 heures, alors que les machines électroniques sont disponibles dès l’ouverture du casino, à 10 heures. Il y a aussi un espace poker qui n’est ouvert que le vendredi soir. Mais ce n’est pas à Saint-paul-lès-Dax que le succès du poker peut se vérifier : « Il y a des amateurs, on faisait des tournois l’an dernier, mais il faut trouver plusieurs croupiers par partie, donc c’est assez compliqué à mettre en place. »
« Attirés par les tables »
Celle qui connaît le plus le métier de cheffe de table, c’est Valérie, qui travaille ici depuis trente ans. De la prise de service, en passant par la caisse, au déroulement de chaque partie et aux habitudes de chaque croupier, elle a les yeux partout, et a connu les bandits manchots qu’il fallait réapprovisionner avec des seaux remplis de pièces.
« Les machines avaient pris le dessus sur les tables, c’était beaucoup plus économique pour les casinos en matière de charge salariale, mais le travail de table est de retour, notamment chez les jeunes. C’est un peu comme un jeu de société pour eux, là où les machines à sous représentent plus le jeu vidéo. Mais ils l’ont chez eux ou sur leur téléphone, le jeu vidéo, donc ils sont attirés par les tables : toucher les jetons, échanger quelques mots avec le croupier, miser… Il y a aussi les pourboires, il y a de l’interaction, et c’est ce qui plaît. »
Sabot, jeux de cartes agréés, roulette anglaise, tout est sous clef jusqu’à 20 heures. Les croupiers arrivent et vérifient tout le matériel, tout est consigné dans des cahiers eux-mêmes consignés. Pour être croupier, il faut être bon en calcul mental, ne pas avoir de handicap au niveau des mains, et avoir une bonne capacité de concentration. Toutes les quinze minutes, ils changent de table, et font une pause tous les trois quarts d’heure.
Aucun contact physique, pas de poignée de mains, des poches cousues, pas de montre ou peu de bijoux : les codes des tables de jeux sont restés les mêmes qu’au siècle dernier, mais l’atmosphère un peu austère peut vite basculer au chaleureux.
« Les clients sont là pour se détendre, explique Valérie, certains aiment discuter, et l’autre soir, un jeune homme a joué 20 euros, dix minutes avant la fermeture, et il a fini par gagner 1 500 euros en quelques parties. Il dansait tout seul au milieu des tables, il a discuté avec tout le personnel, puis il a annoncé qu’il partait au ski sur-le-champ ! »
Manque de croupiers
Il y a bien une école de croupiers et une antenne à Bordeaux, quai de Paludate, mais les candidats sont rares. Les horaires de travail sont difficiles, et les femmes, notamment, sont de moins en moins nombreuses derrière les tables, au grand regret de la clientèle : « On a du mal à recruter, voire à former. Nous avons un chef de table qui a décidé de prendre sous son aile les candidats », explique Valérie.
Guillaume leur fait une petite formation accélérée : « En général, un futur croupier a déjà sa place dans un casino, et se forme sur le tas, parce qu’une formation coûte cher. Moi, je leur fais quelques tests, comme le daltonisme, de calcul mental, de réussir à prendre dans une main 20 jetons sans les faire tomber… » Et ensuite, c’est de l’expérience. « Il faut savoir compter et répondre au client en même temps sans perdre le fil, ça vient avec le temps. »
Guillaume leur fait une petite formation accélérée : « En général, un futur croupier a déjà sa place dans un casino, et se forme sur le tas, parce qu’une formation coûte cher. Moi, je leur fais quelques tests, comme le daltonisme, de calcul mental, de réussir à prendre dans une main 20 jetons sans les faire tomber… » Et ensuite, c’est de l’expérience. « Il faut savoir compter et répondre au client en même temps sans perdre le fil, ça vient avec le temps. »
Le « mix », le changement de machines à sous, deux fois par an
C’est une opération très encadrée qui a généralement lieu la nuit : chaque machine coûte 40 000 euros, chaque déplacement d’une machine, même sur quelques mètres, doit être validé par le ministère de l’Intérieur. Une fois la machine ouverte par un employé de la Société de fourniture et de maintenance (SFM), on se retrouve face à un ordinateur, qui doit être paramétré.
« Les personnes qui interviennent sont mêmes spécialisées sur une marque de machine. Le CBU, c’est l’unité centrale. Là aussi, il faut rentrer le taux de restitution de l’établissement (il doit être de 85 % minimum, il est de 92 % à Saint-paul-lès-Dax). Jean-Michel, qui a débuté chez IBM, commence à sourire, sa longue nuit se termine. « Il faut savoir tout faire, informatique, soudure, électronique, électromécanique, sur les anciennes machines… »
(source : sudouest.fr/Arnauld Bernard)