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Un sociologue parle des casinos et de l’AnJ dans le journal Le Monde
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« On est passé du jeu comme opium du peuple, au jeu comme opium tout court ! »
- nous avons été interrogé par le journal Le Monde sur les casinos et sur l’Autorité nationale des Jeux(AnJ) :
- Confer : Articles « numériques » ( réservé aux abonnés du Monde)
- « Jean-Pierre MARTIGnOnI_HUTIn, sociologue : « Dans les casinos, la mixité sociale est remarquable » Le chercheur constate, dans un entretien au « Monde », la montée d’un courant néo-prohibitionniste qui, sous le couvert de la santé publique, reprend la condamnation morale ancestrale des jeux d’argent. » (Propos recueillis par Pascale KREMER, Le Monde, L’époque, Société, samedi 17/2/2024) nous publions ci-dessous la version exhaustive de cet entretien.
- Le lecteur consultera également le reportage de Pascale KREMER : « Au casino du Lac du Der, on trompe l’ennui en rêvant de jackpot : « On ne peut plus voyager, alors on claque ! »( Le Monde , L’époque, Société, Pascale Krémer, samedi 17/2/2024)
- nt class="normal" href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2024/02/17/au-casino-du-lac-du-der-on-trompe-l-ennui-en-revant-de-jackpot-on-ne-peut-plus-voyager-alors-on-claque_6217025_4497916.html" target="_blank">https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2024/02/17/au-casino-du-lac-du-der-on-trompe-l-ennui-en-revant-de-jackpot-on-ne-peut-plus-voyager-alors-on-claque_6217025_4497916.html
- Confer :articles « papier » publiés dans Le Monde du dimanche 18 et lundi 19/2/2024 :
- Le Monde page 1 :encadré « Avec les accros du casino »
- supplément Le Monde l’époque , pages 1 : « Rien ne va plus : tromper l’ennui, rêver du jackpot, les clients balancent ente chaleur humaine et vertige ludique » ; page 2,3 : « Mes potes et mon jackpot » enquête de Pascale KREMER » : « Loin des clichés les 202 établissements de jeu sont des lieux de brassage social et générationnel. Au casino du Lac de Der dans la Marne, on vient tenter sa chance et tromper l’ennui. Parfois jusqu’au vertige. » Interview du député ( LIOT) de la Marne Charles DE COURSOn ; page 3 : entretien avec Jean-Pierre MARTIGnOnI-HUTIn : « Dans les casinos, une mixité sociale remarquable » : spécialiste des jeux d’argent Jean-Pierre MARTIGnOnI HUTIn est sociologue et chercheur au centre Max weber, il a découvert le monde des parieurs lors d’un job étudiant en milieu hippique. Depuis plus de trente ans, il a mené des enquêtes de terrain dans les casinos notamment »
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Jean-Pierre G. MARTIGnOnI-HUTIn jr.
n="center">Sociologue
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n="center">Février 2024
Résumé = Pascale KREMER, journaliste, au Monde nous a interrogé sur les casinos et les jeux d’argent dans le cadre de la loi autorisant de nouveaux établissements de jeu. Le Sénat ayant d’adopté une proposition législative, sur l'installation de casinos dans les villes ayant des activités hippiques historiques et dans les communes frontalières(« Proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos », rapporteur François BOnHOMME , rapport n°584 ,1O mai 2023) qui s’est ensuite concrétisée dans la Loi n° 2023 -1178 adoptée le 14 /12/2023 (JO n°0290 du 15/12/2023) Par manque de place Le Monde n’a pas reproduit l’intégralité de notre entretien. nous publions ci-dessous, par soucis de transparence, l’intégralité de cette interview. Car les éléments coupés sont d’actualité pour comprendre la politique des jeux (liberticide et sanitaire) imposée par l’Autorité nationale des Jeux (AnJ) et au moment où Isabelle FAULQUE PIERROTIn ( Présidente de l’AnJ) lance une nouvelle « bombe » liberticide concernant l’identification et le pistage de plus de 30 millions de joueurs de la FDJ et de turfistes du PMU. Mesure sur laquelle nous reviendrons dans une prochaine contribution = « VOS PAPIERS !!! » : Identification des millions de joueurs de la FDJ et des turfistes du PMU : une bombe liberticide du gendarme des jeux : l’Autorité nationale des Jeux (AnJ) dirigée par Isabelle FAULQUE PIERROTIn. La Présidente de l’AnJ - et, c’est à souligner ex Présidente de la CnIL - sous la domination de la doxa du jeu pathologie maladie et des addictologues surreprésentés au Collège - vient de (re) lancer l’idée (« totale* », ubuesque, surréaliste, kafkaïenne, provocatrice) d’identifier et de pister les millions de joueurs de la FDJ et du PMU. ({*) le totalitarisme est un contrôle « total » de la société, il caractérise les sociétés autoritaires
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Entretien avec Pascale KREMER, journaliste au Monde, que nous remercions. Texte revu, corrigé et augmenté par nous, suite à une première mouture que la journaliste a eu l’amabilité de nous envoyer avant publication. La version longue publiée ci-dessous correspond à l’intégralité de notre entretien. La mouture publiée dans Le Monde numérique du samedi 17 février 2024 et celle publiée dans Le Monde « papier » du dimanche 18 et lundi 19/2/2024 :est une version nettement plus courte, amputée par manque de place par de nombreuses coupures, coupures que nous avons acceptées.
Pascale KREMER = Comment expliquer qu’une grande part des 203 casinos de France soit implantée dans des petites villes ?
Jean-Pierre G. MARTIGnOnI-HUTIn jr. = Les jeux d’argent sont par principe interdits. Les casinos n’existent que par dérogation à cette prohibition. Les premiers ont ouvert au début du XXe siècle pour distraire les curistes, apporter un complément financier aux stations thermales situées généralement dans de petites agglomérations. En 1988, la loi a permis l’implantation de casinos dans les villes de plus de 500 000 habitants qui ont des activités touristiques et culturelles, à l’exception de Paris. Et le 14 décembre dernier le législateur, pour réduire les inégalités territoriales, a autorisé certaines communes (sièges des haras nationaux ou du Cadre noir qui organisent des événements équestres ou qui ont un département frontalier) a ouvrir un casino
Pascale KREMER = Jouer au casino, est-ce un loisir de privilégiés ?
Jean-Pierre G. MARTIGnOnI-HUTIn jr.= Historiquement, c’est plutôt une élite fortunée respectant un code vestimentaire qui fréquentait ces établissements installés dans des bâtiments prestigieux, pour jouer aux jeux traditionnels, jeux de table nommés également « jeux nobles ». Les casinos se sont ensuite démocratisés, avec la révolution ludique des machines à sous, légalisées par Charles PASQUA en 1988. Les slots machines ( machines à fente) , les Liberty Bells (cloches de la liberté) synonymes qui sentent bon l’Amérique et Las Vegas, ont suscité un engouement extraordinaire. Des centaines de personnes attendaient l’ouverture des casinos, qui ne pratiquaient pas encore le contrôle aux entrées. Il n’y avait pas assez de machines, l’ambiance était survoltée, une musique différente pour chaque bandit manchot qui tintinnabulait. Le bruit et les couleurs de l’argent ! Les lumières, la cloche qui sonne à chaque jackpot, le champagne amené par des valettes féminines pour féliciter le gagnant…tout cela a séduit les catégories populaires et les classes moyennes qui découvraient les casinos. Elles se sont appropriés la richesse et la mythologie du lieu grâce aux machines à sous, qui ne réclament pas de compétences particulières. Certes il y a toujours une segmentation sociale notamment dans les établissements les plus prestigieux (Deauville, Évian…), mais globalement, la mixité sociale dans les casinos est remarquable. Ils sont devenus un lieu de brassage social et intergénérationnel à forte sociabilités et socialités (entre joueurs, personnel/joueur) Il est facile d’engager la conversation dans un casino.
Plus d’un tiers des clients sont des retraité(e)s, notamment en semaine la journée. Ces seniors viennent pour jouer, mais aussi pour la restauration, les nombreuses animations, spectacles, thés dansants…. Pour les retraités notamment, les casinos ouverts 365 jours par an, ont des vertus thérapeutiques. Le week-end, des populations plus jeunes (de plus de 18 ans) en couples, entre amis, font une soirée casino - attirés par les jeux électroniques, le black jack, le poker, les machines à sous. Ils viennent pour jouer, danser, s’amuser, se restaurer, faire la fête, faire des rencontres… Les casinos sont aussi des lieux de séduction. Le casino constitue parfois un rite de passage ludique à la majorité.
L’image sulfureuse des casinos, le côté mafieux tout cela a évolué. La clientèle s’est fortement féminisée, l’endroit est sécurisé, la police des jeux omniprésente. Les joueurs sont certains de ne pas se faire pigeonner. Les groupes casinotiers (Barrière, Partouche, Joa…) savent recevoir. Ils investissent énormément et modernisent en permanence leurs établissements. Tout cela favorise grandement l’ouverture sociologique des casinos, qui font des millions d’entrées chaque année.(28 millions en 2022)
Pascale KREMER = Le client type du casino, aujourd’hui, est donc issu d’un milieu populaire ?
Jean-Pierre G. MARTIGnOnI-HUTIn jr. = Oui, mais statistiquement il est faux de dire que plus on est pauvre, plus on joue, comme le font certains économistes. Les inactifs non-retraités représentent moins de 10 % de la clientèle casinotière. Il faut de l’argent pour jouer ! Une majorité des personnes qui fréquentent les casinos travaillent. Les employés sont les plus nombreux (46 %), suivis des artisans commerçants(18%). Les joueurs cherchent à améliorer l’ordinaire, leurs espoirs de gains sont souvent modestes. La dépense était de 87 euros par entrée en 2022, le joueur qui repart avec 500 euros, il est content, il a été plus malin que la machine. Mais tous espèrent décrocher un jackpot progressif qui peut atteindre plusieurs millions d’euros. Les gains intermédiaires sont quotidiens dans les casinos, 1000, 5000 euros, cela représente une petite fortune par les temps qui courent.
Dans les catégories populaires, gagner de l’argent au jeu n’est pas forcément vilipendé, c’est même parfois valorisé. Par ailleurs il y a une transmission ludique intrafamiliale, une éducation ludique, une socialisation ludique
Au casino, le joueur donne sens au jeu. Il mélange espérance ludique, logique probabiliste (en repérant la machine bien remplie qui n’a rien donné) et croyance (il posera un grigri sur « sa » machine). « Que le hasard vous serve mais préparez-vous à l’accueillir*» tel est le leitmotiv du joueur, constitutif de son illusio. Si l’on y passe suffisamment de temps dans les casinos comme nous avons pu le faire**, nous observons une pratique culturelle riche, de nombreux rituels et interactions devant les machines à sous
Pascale KREMER = En 2022, les jeux d’argent ont généré un chiffre d’affaires record de près de 13 milliards d’euros, dont 2,5 milliards d’euros pour les seuls casinos. Et l’Autorité nationale des jeux (AnJ)met en garde contre une « intensification des pratiques »…
Jean-Pierre G. MARTIGnOnI-HUTIn jr. = Environ 40 000 personnes sont interdites (volontaires) de jeu. Un épiphénomène comparé aux 30 millions de joueurs. Ces joueurs, qualifiés abusivement de « pathologiques » par certains addictologues, peuvent avoir des problèmes dans leur vie sociale, professionnelle, conjugale…. Le jeu n’est pas forcément à l’origine de leur comportement dispendieux,. En réalité, depuis la légalisation des paris sur internet en 2010, nous assistons à un renforcement de la politique contre le jeu qualifié d’excessif. Je sens monter un courant sanitaire, moralisateur, néo-prohibitionniste contre les jeux d’argent, véhiculé par l’AnJ et la doxa du jeu pathologie maladie. Sous couvert de santé publique, ce courant liberticide ne fait que reprendre la condamnation ancestrale des jeux d’argent (religieuse, morale, idéologique..) Il s’inspire également des États-Unis où en 1980 le jeu a été introduit dans le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders*** ), le manuel controversé de la psychiatrie américaine. Certains addictologues comparent même les jeux d’argent à une drogue, un opiacé. On est passé du jeu comme opium du peuple, au jeu comme opium tout court. Cette pathologisation des pratiques ludiques, constitue une vision réductrice des jeux de hasard, qui ont une longue histoire dans toutes les cultures. En réalité nos sociétés apolliniennes de logique et de raison semblent effrayées, face au besoin dionysien de nos concitoyens de se lâcher, de prendre du plaisir, de jouer de l’argent en espérant changer de vie , améliorer sa condition sociale. Rappelons en outre que si 25 à 30 millions de français versent avec enthousiasme l’impôt ludique - un impôt démocratique volontaire - cette fiscalité, qui rapporte à Bercy, aux territoires, aux communes casinos, à la filière hippique, au sport, au patrimoine… est indolore pour ceux qui ne jouent pas. nous pouvons conclure avec Aragon : « Allez allez vous aurez beau faire… on jouera toujours »****.
*Alain, Les Dieux, Gallimard, 1985
** JP Georges MARTIGnOnI-HUTIn , Ethnosociologie des machines à sous, L’Harmattan, 2000, Logiques sociales
***Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
**** Aragon, Les voyageurs de l’Impériale, Gallimard,1942
Prochains articles à paraitre =
- VOS PAPIERS !!! : Identification des joueurs de la FDJ et des turfistes du PMU : une bombe liberticide du gendarme des jeux : Isabelle FAULQUE PIERROTIn (Présidente de l’AnJ et ex Présidente de la CnIL ) sous la domination (intellectuelle, idéologique, pseudo scientifique) de la doxa du jeu pathologie maladie vient de (re) lancer d’identifier et de pister les millions de joueurs de la FDJ et du PMU.
- Politique des jeux sanitaire, folie bureaucratique : L’Autorité nationale des Jeux (AnJ) dirigée par Isabelle FAULQUE PIERROTIn multiplie - dans le cadre de sa politique des jeux sanitaire - les actions, décisions, communications, sondages, clips liberticides… qui ne peuvent que nuire à l’économie ludique nationale. Quelques exemples mais nous pourrions en citer des dizaines: 1 = «Guide identification et accompagnement des joueurs excessifs ou pathologiques, casinos, clubs de jeux, jeu en ligne » (anj, 31/1/2024 ) Une orgie de recommandations bureaucratiques redondantes et tatillonnes , pas moins de 64 pages pour les deux guides !!2= « Plan stratégique 2024/2026 » du régulateur qui a la prétention autoritaire de viser à « une diminution drastique de la part des joueurs excessifs » (anj 25/1/2024).3= Sondage commandé à grand frais et instrumentalisé par l’AnJ, contre la légalisation des casinos en ligne (AnJ, novembre 2023, 63 pages), qui permettrait pourtant de lutter contre les jeux illégaux ( plutôt que de publier la liste noire ubuesque de ces sites comme le fait l’AnJ) ; 4 = Fin de l’anonymat pour les millions de joueurs qui jouent au PMU et à la FDJ ? (Isabelle Falque-Pierrotin sur Radio Classique le 29/01/2024) au mépris des libertés individuelles les plus élémentaires. Qu’en pense la CnIL, dont Isabelle FAULQUE PIERROTIn a été longtemps la présidente ?
- Quand la doxa du jeu pathologie maladie se déchaine contre les casinos sur internet pour influencer « les politiques » et « l’opinion » : critique de la tribune provocatrice publiée dans le Figaro par l’addictologue Jean-Michel COSTES , membre du collège de l’Autorité nationale des jeux, premier signataire cette tribune collective : « Élargir les jeux d’argent en ligne, c’est encourager une drogue » (Figaro/Vox tribune ; 21/9/2023 ) Dans ce pamphlet les machines à sous sur internet sont même qualifiés de « crack-cocaïnes des jeux d’argent » !
- Le dernier Rapport de la cour des comptes sur les jeux d’argent* : précis, informé, didactique… mais il oublie les millions de joueurs qui pourraient être peu ou prou les décideurs de la Politique des Jeux de la France( *« EnTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES : LES JEUX D’ARGEnT ET DE HASARD : Un SECTEUR En MUTATIOn, DES EnJEUX DE RÉGULATIOn « ( cour des comptes, Rapport public thématique , Septembre 2023 , 115 pages )
- La composition du collège de l’Autorité nationale des jeux (AnJ) : deux addictologues dont Jean-Michel COSTES mais peu de spécialistes des jeux de hasard et d’argent