Dans une lettre au vitriol adressée au Premier ministre, la filière mène une attaque en règle contre le géant français des Jeux d'argent et de hasard, qui va contre ses intérêts.
Rien ne va plus entre les casinos et la FDJ. Les experts de la roulette et des machines à sous ont envoyé lundi un courrier au vitriol au nouveau Premier ministre Gabriel Attal, un réquisitoire en règle contre le géant français des jeux d'argent et de hasard.
Une fois n'est pas coutume, tous les poids lourds de la profession y ont apposé leur signature : Joy Desseigne Barrière et Alexandre Barrière, désormais aux commandes du groupe familial, mais aussi Fabrice Paire (Partouche), Laurent Lassiaz (Joa), Romain Tranchant (Groupe Tranchant), ainsi que les syndicats de la profession et les casinos indépendants.
« Distorsion de concurrence »
Ils y dénoncent des « distorsions majeures de concurrence : l'accès sans pièce d'identité, la facilité de proposer de nouveaux jeux, l'absence de contrôle dans les points de vente à la différence des casinos ou encore l'utilisation du même compte client FDJ pour les jeux sous monopole et les jeux du champ concurrentiel ».
Sur ce dernier point, le groupe dirigé par Stéphane Pallez a annoncé son intention de séparer ces deux entités. Et il tient à réaffirmer auprès des « Echos » « la priorité donnée à la prévention du jeu excessif et du jeu des mineurs, dans le réseau physique de distribution ainsi qu'en ligne ».
Les signataires fustigent également la « politique agressive d'expansion de la FDJ », en référence aux nombreuses opérations réalisées ces dernières années : rachat de ZeTurf, de l'opérateur de la loterie irlandaise PLI, de Sporting Group (spécialisé dans les technologies de paris sportifs) ou de L'Addition et d'Aleda (services de paiement).
Les avantages du monopole
Selon eux, la FDJ utiliserait son avantage monopolistique pour s'imposer sur des marchés où la concurrence joue à plein. La Commission européenne doit prochainement se prononcer sur la valeur de ce monopole - la FDJ a versé 380 millions d'euros à l'Etat pour le conserver pendant 25 ans.
« Si Bruxelles estime finalement que ce montant devait atteindre un milliard d'euros, alors cela voudrait dire que la FDJ a pu utiliser plus de 600 millions pour réaliser ses opérations avec des fonds dont elle n'aurait pas dû disposer », grince l'un des casinotiers signataires.
Une critique « injustifiée » selon la Française des Jeux, qui rappelle que ses activités de monopole « ont été confirmées par la représentation nationale en 2019 et la loi pacte ».
Casino en ligne
Mais au-delà des rancoeurs récurrentes, la principale inquiétude concerne le brûlant dossier du casino en ligne. « Des informations récentes faisant état d'un possible projet d'ouverture de casinos en ligne sur le marché français réservée à un nouveau monopole de la FDJ inquiètent fortement la profession des casinos », indique le courrier.
En cause, un article de Gaming and co, une newsletter spécialisée dans les jeux et paris sportifs, faisant état de discussions entre le gouvernement et la FDJ pour une expérimentation du casino en ligne qui lui serait exclusivement réservée. De quoi mettre en ébullition les acteurs de la filière, qui fourbissent leurs armes en attendant une hypothétique légalisation.
Le coup d'après
Ce scénario semble pourtant improbable, selon plusieurs sources. De son côté, « la FDJ dément formellement les déclarations fantaisistes concernant un possible '?nouveau monopole' dévolu au groupe en matière de casinos en ligne ». « Cette allégation est dénuée de tout fondement, indique-t-elle. FDJ n'a pas de projet en ce sens et les pouvoirs publics n'ont pas manifesté leur intention d'autoriser les jeux de casino en ligne en France. »
En réalité, l'initiative des casinotiers, qui a peu de chances de rebattre les cartes de la filière, pourrait avoir pour but principal d'interpeller les pouvoirs publics à quelques mois de la fin de l'expérimentation des cercles de jeux parisiens.
Celle-ci devra faire l'objet d'un débat au Parlement, qui pourrait être l'occasion de faire entendre quelques revendications portées par les auteurs du courrier, qui demandent à être reçus par le Premier ministre.
(source : lesechos.fr/Yann Duvert)