Trois hommes étaient convoqués devant le tribunal de Nevers pour avoir trafiqué une roulette anglaise électronique. Après avoir remarqué une faille de sécurité, un technicien chargé de la maintenance du casino a imaginé une escroquerie avec deux complices.
Deux prévenus sur trois soupçonnés d’escroquerie au Casino de pougues-les-eaux comparaissaient à la barre du tribunal correctionnel de Nevers mardi 24 octobre. Entre juin 2021 et août 2023, le trio, composé de trois hommes de 35, 36 et 46 ans, aurait mis en place "une fraude constante et déterminée", selon les mots de l’avocat du casino.
Une faille de sécurité C’est un salarié de la structure, s’occupant de la maintenance depuis une quinzaine d’années, qui a imaginé le coup. Il a découvert par hasard une faille de sécurité. L’alarme de la roulette anglaise électronique ne se déclenchait pas lorsque l'on appuyait sur une pièce en particulier. À partir de là, avec un peu de dextérité, on pouvait choisir sur quel numéro la bille allait tomber. Mais il lui fallait un complice pour jouer, pendant qu’il trafiquait la roulette. Ce sera un homme qu’il a connu via des tables de jeu clandestines nivernaises.
L’homme a marché dans la combine. Ils se sont organisés : ils jouaient une à trois fois par mois, pour ne pas attirer l’attention. Ils ont veillé à ne pas dépasser une certaine somme de gains. Ils jouaient surtout le samedi, car le volume de jeux est plus important, mais privilégiaient le matin, car il y avait moins de monde. "Il ne fallait pas qu’il y ait d’autres clients sur la roulette électronique, sinon ils auraient pu remarquer qu’on bougeait la bille". Ils opéraient lorsque c'étaient des collègues moins vigilants qui travaillent. Sauf qu’en juin 2021, le complice qui mise est interdit de jeu pour un an : il a joué sur deux tables en même temps, ce qui est interdit. Le technicien fait alors appel à un troisième homme, celui qui tient une table de poker illégale. Et leurs opérations reprennent, entrecoupées par les fermetures du casino pour Covid.
Ils se sont fait prendre en août.
Le casino a remarqué que leurs gains étaient toujours à la limite du seuil et que les numéros de la roulette, censés être aléatoires, tombaient souvent sur les mêmes chiffres. Ceux les plus près du zéro, car c’était plus facile pour le technicien de placer la bille là. La vidéosurveillance a confirmé ces soupçons. Le trio est passé aux aveux. Entre 70.000 et 250.000 € dérobés Le casino, qui s’est basé sur la Police des jeux, estime son préjudice à près de 250.000 €. Les avocats du trio démentent. Entre le Covid, les interdictions de jeux et les indisponibilités de chacun, ils pensent que c’est impossible et qu’ils ont en réalité dérobé moins de 30 % de cette somme. D’ailleurs, ils n’ont pas vraiment “profité” de cet argent. L’instigateur, qui touchait 75 % des gains, s’est acheté une piscine et a en partie financé son mariage, un frigo, des courses et de l’essence. Mais comme ses compères, une grosse partie de ses gains a été rejouée dans des paris sportifs, des paris en ligne ou des tables de poker… et perdu.
Les deux prévenus à la barre sont addicts au jeu, leurs comptes bancaires en attestent. "Je me suis fait happer par le jeu et cette possibilité d’avoir de l’argent facile", reconnaît l’instigateur de l’arnaque, qui s’excuse auprès de ses anciens employeurs.
Tous deux ont entamé des démarches pour se faire soigner et se sont volontairement interdits de jeu. Ils ont retrouvé des emplois stables et économisent pour rembourser leurs dettes au casino. Ces actes arrivent un peu tard pour la procureure, qui retient la persistance des faits : "Il a choisi un premier complice, puis un autre et a réitéré". Elle requiert dix mois de sursis avec un suivi de deux ans pour l’instigateur, et cinq mois de sursis pour son complice, avec des obligations de soins et des interdictions de jeu. Elle requiert, par contre, cinq mois ferme contre le deuxième complice, qui ne s’est pas présenté à la barre, et qui tenait une table de jeux clandestins. Le technicien n’aurait pas dû être seul L’avocate du premier complice explique : "Il pouvait dire non, mais il a dit oui, car il était addict au jeu et qu’il avait plus de 16.000 € de dettes".
L’avocat de l’instigateur pointe que les procédures de sécurité n’ont pas été respectées. Son client n’aurait jamais dû se retrouver seul au moment des opérations de maintenance : un membre de la direction est censé être là, mais ce n’est jamais le cas. La décision a été mise en délibéré. Le tribunal rendra son jugement le 28 novembre.
(source : lejdc.fr/Marlène Martin)