Les casinos nourrissent de nombreux fantasmes. Au Lyon Vert, quarante-cinq euros n'ont pas suffi pour décrocher la fortune
Avec quarante-cinq euros en poche, pas question de payer les dix euros qui ouvrent, à l'étage, l'accès aux jeux traditionnels. Même si les joueurs les plus « accros » y passent nuits et journées entières, roulettes française et anglaise, black jack et stud poker seront pour une autre fois.
Les cliquetis incessants des pièces que crachent les quatre cents machines à sous au rez-de-chaussée s'entendent de loin et invitent à tenter sa chance. C'est parti, avec une commande en caisse de 50 jetons de cinquante centimes et 20 pièces de 1 euro.
Dans le coin non fumeur, des machines sont libres. J'adopte le profil du gagnant, par coups de trois pièces de cinquante centimes, pour faire monter le jackpot qui affiche alors 4 880 euros de gains potentiels. Très vite, quinze euros tombent du ciel. Pas pour longtemps : il faut continuer à miser. Au final, malgré quelques gains, vingt-cinq euros sont déjà perdus.
Douze pièces de un euro, dans une autre machine soigneusement sélectionnée, « Rose sauvage », seront jouées à fonds perdus, comme les deux jetons tentés « pour voir » sur le bandit manchot voisin. Tant de malchance ne peut durer : j'insiste. Pour le même résultat désespérant.
Entre temps, une nouvelle voisine a investi la machine à ma gauche, celle où j'ai fait deux tentatives. En trois mises de trois euros, elle en gagne soixante-cinq. Rageant pour moi qui ai perdu 38 euros en vingt-cinq minutes. Et encore, j'ai pris le temps d'observer et de tourner dans les 1 300 m2 de la salle. Il est temps de changer d'air.
Au passage, on ne sait jamais, deux pièces dans une machine à poker me sont remboursées.
Devant cette chronique et inhabituelle malchance, il me faut miser plus petit. Je repasse à la caisse pour changer mes sept euros en soixante-dix pièces de dix centimes, la mise minimum.
A ce prix, toutes les machines sont prises. « Prince Frog » se libère. Après des débuts difficiles, 30 crédits tombent : je viens de gagner trois euros. Avant de tout me faire prendre. J'aurais tenu un bon quart d'heure.
« Dans un mauvais jour, il ne faut pas insister » me confie avec à propos un voisin sur qui j'avais un oeil curieux. De 528 crédits (52,80 euros), il était retombé à 287 lorsque je décidais de quitter ces lieux enfumés.
Sur la route de la sortie, la boule attend qui veut bien parier sur ces neuf numéros. Je résiste, malgré la tentation d'une mise facile à un euro.
De retour au parking, malgré une relative déception, je suis détendu. Tenter sa chance ne vide donc pas que la bourse, mais aussi la tête.
La tactique du directeur
« A quelqu'un qui veut tenter la fortune avec quarante-cinq euros ? Je souhaite bonne chance... Mais avec quatre-vingt-dix pièces de cinquante centimes, on peut déjà s'amuser » sourit Bernard Léaux, directeur du Lyon Vert depuis six mois. Son conseil : « Aux machines, il faut arriver le jour J à l'heure H ». Sauf que personne ne peut avoir accès à ces informations. Pas même les trois concepteurs de chaque machine, qui ne se connaissent pas et ignorent donc tout du programme final.
« Ça marche par cycle » peut seulement affirmer le directeur. La plus généreuse des 400 machines à sous du fleuron du groupe Partouche offre 160 000 euros pour une mise de vingt. « Ça arrivera puisque des gens y jouent », promet-il. Pour décrocher la timbale, pas question de tricher. Pour les joueurs comme pour les 260 employés du casino. Et pas moyen. « En cas de litige, on regarde tout de suite la vidéo. Pour tout le reste, nous sommes sous la tutelle du ministère de l'Intérieur qui agrée les machines comme les jeux de cartes » explique Bernard Léaux, ancien croupier. Donner sa carte d'identité à l'étage est d'ailleurs obligatoire, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent menée par les renseignements généraux.
A la tête du deuxième plus performant casino de France, le directeur voit défiler les « pros » du jeu. « Il arrive que des joueurs aient 60 000 euros devant eux. Même pour un casino, ça fait une somme à payer Souvent, ils les perdent au lieu de s'arrêter ». Il est là, le véritable conseil.
REPERES
> Fréquentation
3 000 personnes par jour environ
> Panier moyen
50 euros environ par personne
> Salle des machines
Sur environ 1 300 m, 400 machines, le plus gros parc de France, s'animent pour des mises de 0,10 centime à 20 euros
> Plus gros gain
En 1996, un jackpot de 4,6 millions de francs à été empoché sur une machine
> Tenue
Une tenue correcte est exigée, mais le port de la cravate, même à l'étage, n'est pas obligatoire
> Restauration
Trois restaurants permettent midi et soir de se restaurer sur place
> chiffre d'affaires net
Pour l'exercice 2003, il a été de 34 526 000 euros
(source : leprogres.fr/Laurent Jaouen)