Devant le Lac d’Enghien-les-Bains, où les jets d'eau sont embellis par des jeux de lumière à la tombée de la nuit, les individus les plus aisés se livrent à l'excitation des jeux : une variété de machines à sous, des tables de black-jack, des roulettes... Le casino Barrière connaît un grand succès, générant plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, dont près de 100 millions d'euros provenant uniquement des jeux et des machines à sous.
Cependant, tout le monde ne bénéficie pas de cette manne financière. Les 600 employés, dont le travail contribue à la renommée du casino, de son complexe hôtelier, de ses thermes et de ses jeux, sont comme toujours les oubliés en matière de partage des richesses.
Suite à la pandémie de Covid-19, une prise de conscience des employés
La crise sanitaire du Covid-19 et les longues périodes de fermeture ont fortement touché l'établissement, en particulier les caissiers centraux des machines à sous, dont une part substantielle du salaire provient des pourboires. Ils ont ainsi brusquement pris conscience de la vulnérabilité du système de rémunération, entraînant des discussions de plus en plus fréquentes concernant leur salaire.
Au cours de ces échanges, en scrutant de près leurs bulletins de paie, ils ont découvert avec stupeur que la direction du casino ne suivait pas la grille des salaires : quel que soit leur ancienneté (allant jusqu'à quinze ans pour certains), tous les employés étaient classés au premier échelon.
Refusant cette situation inacceptable, l'ensemble du service s'est rapproché du syndicat CGT présent au casino afin de passer à l'action.
Le mouvement a débuté le 9 juillet dernier par une pétition dénonçant le non-respect de la grille des salaires pour les douze caissiers centraux des machines à sous, signée par tout le service et remise à la direction par le syndicat CGT.
Les revendications énoncées étaient les suivantes :
- Une augmentation substantielle des salaires pour tous les caissiers centraux des machines à sous, afin de garantir une rémunération équitable en fonction des compétences, de l'ancienneté et des responsabilités ;
- Une amélioration des perspectives de carrière et une réévaluation salariale au niveau 4 de l'échelle de rémunération en tant qu'agents de maîtrise, spécifiquement pour les indices 155 et 160 ;
- La mise en place d'un mécanisme de réévaluation régulière pour garantir des augmentations en adéquation avec l'évolution du coût de la vie.
Face à l'apparente absence de prise en considération sérieuse de leurs justes revendications par la direction du casino, les employés ont décidé d'intensifier leur mouvement.
Face au mépris de la direction, la grève s'organise
Le 13 juillet à 5 heures du matin, en face de la splendide façade en verre de style "belle époque" du casino Barrière, les caissiers centraux ont érigé leur piquet de grève, symbolisé par un barnum et des drapeaux aux couleurs de la CGT, teintant d'une touche de rouge l'entrée principale du casino. L'atmosphère est empreinte de résistance et de combativité. Le mot d'ordre est clair : "Nous ne quitterons pas cet endroit tant que la direction n'aura pas mis en application la grille des salaires".
Les caissiers ont maintenu ce piquet 24 heures sur 24, témoignant ainsi de leur résilience et de leur détermination. Ils ont pu compter sur le soutien d'autres employés de différents services, venus échanger avec les grévistes et leur fournir des provisions. Ces derniers ont également pris conscience que leur rémunération était bien loin d'être proportionnelle aux efforts exigés par le casino, et aux sacrifices des soirées et week-ends, ainsi qu'à l'impact sur leur vie familiale et leur bien-être.
Les grévistes ont également bénéficié du soutien des camarades de l'union départementale CGT du Val-d'Oise et de la Fédération du commerce, qui se sont joints à eux sur le terrain et ont apporté un soutien militant et matériel essentiel à la lutte.
Cependant, l'agitation du piquet ne pouvait franchir les portes du casino, car la profession est fortement réglementée (seuls les employés autorisés à manipuler de l'argent ont accès à l'intérieur du casino), et par conséquent, le fonctionnement de la salle des machines à sous était ralenti. Faute de caissiers, le frisson des jeux s'évanouissait, tout comme les millions d'euros en jeu... Cette situation, devenue intenable pour la direction, l'a forcée à s'asseoir à la table des négociations.
La lutte porte ses fruits... et pourrait inspirer d'autres
Le 18 juillet, après six jours de grève ininterrompue, la direction a finalement accédé aux demandes des grévistes. Ces derniers ont obtenu le changement de leur statut, passant du rôle d'employés à celui d'agents de maîtrise, avec une augmentation de salaire individuelle mensuelle de 100 à 350 euros en fonction de leur ancienneté respective, et ce changement prenant effet rétroactivement au 1er juillet 2023.
À la suite de cette victoire, de nombreux employés se sont rapprochés du syndicat CGT afin de poursuivre activement la lutte pour une répartition plus équitable des fruits de leur travail. Aujourd'hui, plus de 110 employés du casino Barrière sont membres de la CGT.
Cette bataille est une source d'inspiration pour tous les employés des casinos en France, les encourageant à revendiquer des augmentations salariales et de meilleures conditions de travail. Les employeurs de ce secteur ont été avertis...
(source : cgt.fr/M.A.)