La semaine dernière, les clients de l’établissement de jeux ont reçu un accueil particulier. Avant de pouvoir approcher les machines, ils ont pu s’informer des risques liés à la pratique des jeux d’argent.
La semaine dernière, pendant tout un après-midi, huit employés du casino, formés à la prévention, proposaient "un petit jeu de sensibilisation" supervisé par le docteur Faredj Cherikh, chef du service d’addictologie du CHU de Nice.
Cette entrée en matière ludique a permis d’initier un échange sur les dispositifs mis en place pour accompagner les clients vers une pratique saine et en pleine conscience de la dépendance qu’elle peut entraîner.
Une politique de "Jeu Responsable"
Cette journée de prévention contre l’addiction aux jeux d’argent, s’inscrit dans la politique globale "Jeu Responsable" initiée par le groupe Barrière au niveau national. Ce travail "d’accompagnement, de pédagogie et de prévention" est pris au sérieux par Geoffrey D’Hier, directeur général du Casino Barrière de Menton.
Le but est de montrer "qu’on est un établissement de loisir, mais qu’on accompagne nos clients au mieux pour qu’ils puissent jouer en ayant du plaisir et non pas en étant dans de l’addiction".
Alors que la politique de "Jeu Responsable" est en vigueur depuis plus de dix ans, "il y a une vraie accélération des mesures" pour lutter contre l’addiction.
L’établissement mentonnais a développé "une démarche complète, précise Geoffrey D’Hier, car on porte un vrai respect envers les clients, pour lesquels certains de nos collaborateurs en poste depuis longtemps, ont développé un réel attachement".
Développer un dispositif de prise en charge étoffé
En premier lieu, l’accent est mis sur la prévention. L’objectif est que le client vienne par "plaisir de jouer et non pas par besoin de jouer". Cette notion est largement mise en avant dans les établissements, pour rappeler que la pratique n’a pas à être subie. "Ce n’est pas parce qu’on vient tous les jours qu’on est obligé de se ruiner."
Pour les clients souhaitant réduire leur fréquence d’entrée au casino, la signature d’une convention de Limitation Volontaire d’Accès (LVA) peut leur être proposée. Ce dispositif consiste à définir un nombre de visites mensuelles et auquel le client doit se tenir pendant une période déterminée. De ce fait, il réduit sa fréquentation, lui permettant de garder un contrôle sur sa pratique.
Outre cette mesure, le casino est partenaire du Centre de Soin, d’accompagnement et de Prévention de l’Addiction (CSAPA) de Menton (1). Cette alliance permet à un client identifié comme ayant un comportement addictif, d’être redirigé vers un accompagnement médicalisé, que l’équipe du casino n’est pas en mesure d’assurer.
"Cette journée a été une vraie réussite", se félicite Geoffrey d’Hier, puisque pas moins de 120 personnes sur les 250 entrées de l’après-midi ont bénéficié des conseils du comité, supervisé par Laurence Dudzinski, référente et membre de la direction du casino. Au-delà du chiffre, c’est l’ampleur du public touché qui est intéressant. "On a abordé tout type de clients, même des personnes qui rentraient pour la première fois, leur première réaction était l’étonnement, car c’était une totale découverte pour eux."
Prévenir pour éviter de devoir guérir
"On a l’ambition de poursuivre pour être plus dans une démarche de prévention et moins dans une démarche curative." Le Casino Barrière entend se pencher davantage sur la problématique "pour comprendre médicalement ce que le jeu peut impliquer".
Ainsi, après la journée de prévention, plusieurs employés ont rejoint les rangs du comité "Jeu Responsable". Une table ronde et une nouvelle journée de sensibilisation sont déjà en préparation, afin "d’être plus efficace et de professionnaliser nos équipes", a conclu Geoffrey D’Hier.
Entretien avec le docteur Faredj Cherikh, chef du service d’addictologie de Nice et pilote des CSAPA du département des Alpes-Maritimes. Il était présent au casino, lors de la journée de prévention qui s’est tenue le 6 mai dernier.
"De plus en plus de joueurs viennent nous solliciter à la suite de faillites"
Entretien avec le docteur Faredj Cherikh, chef du service d’addictologie de Nice et pilote des CSAPA du département des Alpes-Maritimes. Il était présent au casino, lors de la journée de prévention qui s’est tenue le 6 mai dernier.
Comment se forme l’addiction chez un individu??
Au début, jouer est une sorte d’amusement mais l’addiction peut arriver soit lorsque l’on essaye de multiplier ce plaisir, ou bien si ce plaisir de jouer s’exerce aux dépens d’autres activités. À terme, ce n’est plus le fait de gagner ou de perdre, mais juste l’action mécanique qui apporte la récompense au cerveau. La dépendance apparaît lorsque l’envie de jouer se résume à assouvir une tension psychique.
Quels sont les signes de l’addiction, que l’on peut repérer dans le comportement d’un individu??
Il y a plusieurs signes que l’on peut détecter. D’abord, il y a l’irritabilité, qui est liée à une perte de contrôle par rapport au jeu. On peut aussi identifier une forme d’excitation psychique?: ce sont des personnes qui n’arrivent pas à tenir en place. Un autre signe est le fait de demander des sommes de plus en plus importantes et de rester dans l’établissement de plus en plus tard, pour tenter de se rattraper.
Quels sont les gestes à adopter pour éviter de tomber dans la dépendance??
Une pratique saine, pour éviter le risque addictologique, est tout d’abord de ne pas y aller seul. Quand on est plusieurs, il y en a toujours un pour raisonner les autres et surtout pour partager le plaisir. Maintenant, rien n’empêche de jouer seul mais il faut établir un budget avant de rentrer dans le casino. Par ailleurs, il faut avoir en tête la part de hasard et être conscient de la probabilité infime de gagner. De ce fait, il est dangereux d’espérer gagner à tout prix, ou de vouloir jouer pour compenser un manque d’affect, de la même manière qu’avec la nourriture ou l’alcool.
En quoi un partenariat entre le casino et des institutions médicales est important??
De plus en plus de joueurs viennent nous solliciter à la suite de faillites ou de problèmes financiers. Dans une institution comme le casino, il est possible de discuter des risques addictologiques avec les professionnels du jeu, sans jugement et en toute discrétion. C’est une première étape très importante avant de recourir à une institution spécialisée. Ce n’est que si la prise en charge nécessite un accompagnement médico-social ou sanitaire, que l’individu peut être dirigé vers des spécialistes. Avoir une convention entre le casino et le CSAPA permet d’une part d’assurer une continuité, et d’autre part d’aider au mieux les équipes du casino à repérer des sujets à risque ou des conduites addictives avérées qui sont liées au jeu.
(source : nicematin.com/Clara Browarny)