Silhouette discrète et omniprésente, le chef de la salle des tables de jeux du casino de niederbronn veille à la bonne marche de la soirée. Tout ici est scrupuleusement organisé... sauf la trajectoire de la boule. Sourde aux supplications silencieuses des joueurs, elle échappe à tout contrôle.
Assis à une table de roulette française, André Kriegel, chef de salle, note le nombre de jetons comptés à voix haute par deux croupiers. La mécanique de contrôle, immuable, précède l'ouverture de la table. Tout, dans la salle des tables de jeux du casino de niederbronn, est soupesé, compté, enregistré. La partie peut commencer.
Il est près de 22 h et une trentaine de personnes jouent déjà. C'est plutôt calme pour un vendredi soir. Déjà, pour pénétrer dans ce temple du jeu de hasard, il faut montrer patte blanche. Smoking et robes à paillettes ne sont plus de rigueur mais il faut une carte de joueur et surtout s'acquitter d'une taxe de 11 euros, directement reversée à l'Etat. Rien a voir avec l'ambiance de la salle de machines à sou.
André Kriegel, costume sombre bien ajusté, évolue entre les tables d'un pas détaché. Il serre une main ici et là et observe, l'air de ne pas y toucher, le déroulement des parties, avant de s'assoir pour dîner. Il est là depuis l'ouverture, à 18 h, et ne s'en ira pas avant la fermeture, à 4 h. De sa table, il garde un oeil sur la salle et avise un couple, près de la table de poker. André attrape son téléphone : « Il faut ouvrir le jeu. » Il se lève et va chercher dans l'armoire à cartes un jeu neuf, fermé cela va de soi.
Probabilités
Pendant ce temps, un « systémier » consigne des colonnes de chiffres sur des feuilles, surveillant les résultats de chaque table. Tous les numéros deviennent autant de pièces susceptibles de conduire à la résolution du problème. Une façon d'essayer de circonscrire le hasard à des lois de probabilités.
On parle allemand dans la salle, beaucoup. Ce soir, 30 % de la clientèle vient d'Outre-Rhin et une dizaine de nationalités - Italiens, Roumains, ou Français bien sûr - sont présentes. Une centaine de joueurs évoluent maintenant sous la lumière des lustres. Certains ne quittent pas leur place, penchés sur la table. André remarque : « Quand je croise certaines personnes hors du casino, je ne les reconnais pas. Ici, dès que les gens entrent, ils semblent changer de peau. » La fièvre du jeu, telle que l'a décrite Dostoïevski, la tentation inavouée de faire fortune ou le plaisir d'être là, comme d'autres iraient à la pêche ? Chacun a ses raisons. La plupart affichent en tout cas des superstitions, un croupier qui porterait chance, un emplacement favorable. Il n'y a qu'à voir l'affluence d'un vendredi 13.
La salle s'anime au fur et à mesure que tourne l'heure. Les visages sont tendus vers la roulette française. « Rien ne va plus. » Les tas de jetons de deux euros ou cinq euros, rouges et blancs, sont les plus nombreux sur la table. Une jeune fille assise à la table de Black Jack mise tous ses jetons, encouragée par ses voisins. La tension monte, elle se cache le visage dans les mains, tandis que le croupier retourne les cartes. Soulagement, petit cri de joie, elle a gagné. Au terme de la soirée, le plus gros gain aura été de 13 500 €, la plus grosse perte de 1 600 €. Et fait rare, la salle a terminé perdante.
(source : d
na.fr/Myriam Ait-Sidhoum)