Censure de la publicité WINAMAX : une dérive liberticide de l’ANJ
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN, sociologue
Mars 2022
• jean-pierre.martignoni@univ-lyon2.fr
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L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) dirigée par Isabelle FAULQUE PIERROTIN a décidé d’interdire une publicité de WINAMAX, le célèbre opérateur de paris en ligne. Du jamais vu dans l’histoire de la publicité en France dans ce secteur. Bien que nous ayons déjà analysé dans différentes contributions – et notamment dans les deux dernières (1) - la politique néo-prohibitionniste engagée par l’ANJ sous la domination de la doxa du jeu pathologie, nous tenions à réagir par un court article à cette censure, qui apparaît comme une véritable dérive liberticide de l’autorité de la Rue Leblanc (*)(*)siège de l’ANJ dans le XV° à Paris
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Le 17 mars 2022 l’ANJ a interdit une promotion commerciale - « Tout pour la Daronne : grosse cote, gros gain, gros respect" - réalisée par WINAMAX pour promouvoir ses paris sportifs, comme le font logiquement les 15 opérateurs de jeux en ligne autorisés depuis la loi du 12 mai 2010 (annexe 1). Même si l’autorité utilise un euphémisme diplomatique - elle prescrit à Winamax de retirer sa communication - c’est bien de la censure d’une publicité dont il s’agit. D’ailleurs curieusement comme si elle en avait conscience, l’ANJ précise benoitement à la fin de son communiqué comme pour s’excuser : « c’est la première fois que l’ANJ exerce ce pouvoir de retrait d’une communication commerciale. »(2)
Les médias nationaux & régionaux - et même internationaux - ont été nombreux à réagir à cette mesure drastique. Si la plupart reprenne pro domo la dépêche AFP, certains soulignent par le choix des termes utilisés, le caractère autoritaire de la décision du gendarme des jeux. Le journal l’Equipe se distingue en consacrant un véritable article sur cet oukase* (terme qui nous ramène à l’actualité dramatique en Ukraine*) soulignant les contradictions de cette censure d’un autre âge (annexe1). Le quotidien de « l’actualité du sport en continue » - l’Equipe - parle de « revirement » de l’ANJ, de règles « encore plus strictes », encore plus « contraignantes »)
(*) = terme juridique russe, proclamation du tsar qui a force de loi. Un exemple est l’oukase d’Ems (1876) interdisant l'usage de l’ukrainien dans l'empire russe.
- Le Parisien (17/3) = «Tout pour la daronne» : Winamax contraint de retirer sa publicité »
- jeanmarcmorandini.com sur Daily motion (17/3) = « L'Autorité nationale des jeux demande à l'opérateur de paris sportifs en ligne Winamax de retirer sa publicité "Tout pour la daronne"
- Stratégies(le média des nouveaux modèles) 18/03 = Marie-Caroline Royet : » L’ANJ DEMANDE À WINAMAX LE RETRAIT DE SA PUBLICITÉ «TOUT POUR LA DARONNE» ( LIRE AUSSI : « LA COM' DES PARIS SPORTIFS DANS LE VISEUR DES RÉGULATEURS » ; 10/03/2022 - Marie-Caroline ROYET et Ambrine ZIANI)
- CBnews 17/3, AMELLE NEBIA : «LA DARONNE DE WINAMAX A UN MOIS POUR SE RETIRER»
- Le figaro économie 17/3 = Paris sportifs : l'ANJ demande à Winamax de retirer une publicité «dans un délai d'un mois»
- Notre temps 17/3 = Paris sportifs: l'ANJ demande à Winamax de retirer une publicité "dans un délai d'un mois"
- Le HuffPost 17/3 : Paris sportifs: Winamax doit retirer sa pub "Tout pour la Daronne"
- Sportbusiness.club 17/3 = Winamax prier de retirer sa publicité
- La république lorraine 17/3 : Paris sportifs : Winamax sommé de retirer une publicité « dans un délai d'un mois »
- Le progrès ( de Lyon) 17/3 = « Paris sportifs : Winamax sommé de retirer une publicité « dans un délai d'un mois »
- Gaming intelligence, 18th March 2022 = « ANJ ORDERS WINAMAX TO PULL AD LINKING GAMBLING WITH SOCIAL ELEVATION » (ANJ ORDONNE À WINAMAX DE RETIRER L'ANNONCE LIANT LE JEU À L'ÉLÉVATION SOCIALE)
- Gioconewspoker.it (gioMarzo 18, 2022) : « Winamax blastata dall anj per uno spot troppo agressivo » (Winamax fustigé par l’anj pour une publicité trop agressive)
- IGB igaming business.com 18th March 2022 | By Robert Fletcher = “French regulator orders Winamax to withdraw advertising campaign : French gambling regulator l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) has ordered Winamax to withdraw one of its marketing campaigns after ruling it breached national advertising laws. ("Le régulateur français ordonne à Winamax de retirer sa campagne publicitaire : l'Autorité nationale des jeux (ANJ), l'Autorité nationale des jeux (ANJ), a ordonné à Winamax de retirer l'une de ses campagnes marketing après avoir jugé qu'elle avait enfreint les lois nationales sur la publicité.)
- Gamblingnews.com 18/3, Yasmin Moore = “The ANJ Forced Winamax to Take Down Ads that Breached Régulations” (L'ANJ a forcé Winamax à supprimer les publicités qui enfreignaient la réglementation)
L’équipe.fr : Alain Traquet , I8/3 : pourquoi winamax a été contraint de retirer sa publicité pour « la daronne » ( annexe 1)
Il est très rare que le pays de la liberté - la France - censure messages ou films publicitaires, même quand ils apparaissent provocateurs. La campagne audacieuse pour ne pas dire aguicheuse de l’afficheur AVENIR (Les affiches Myriam, demain j’enlève le haut…) (3) - qui avait émoustillé et tenu en haleine de nombreux français et françaises pendant l’été I98I - n’avait pas été interdite. Et il faut vraiment que les annonceurs poussent le bouchon très loin dans la provocation outrancière pour qu’ils subissent les foudres de la censure et soient obligés de retirer leurs publicités scandaleuses, par exemple dans le domaine de la mode et des parfums. Selon lofficiel.com (site du magazine L'Officiel de la couture et de la mode de Paris fondé en 1921) la plupart des campagnes citées (confer ci-dessous) ont été « bannies et gravement critiquées, entrainant ainsi leur censure et leur retrait immédiat des panneaux publicitaires et pages de magazines à cause de leur contenu choquant et/ou de leurs images à caractère pornographique » (4).
- La campagne Sisley 2001 interdite dans plusieurs pays, où l’on voit le visage d’une mannequin très féminine, qui traie activement le pie d’une vache avec sa main et dirige le jet blanchâtre sur sa bouche qui dégouline
- La campagne Tom Ford Parfum pour homme en 2007 - interdite dans le monde entier - montrant un flacon de parfum posé entre les seins et ensuite masquant le sexe épilé d’un mannequin nue
- La campagne Sisley 2007 intitulée. Sisley fashion junkie, ou l’on voit deux mannequins aux yeux « stones » qui ont l’air de sniffer de la cocaïne. Interdite pour incitation à la consommation de drogue.
- La campagne Benetton 2015 ou un (faux) Pape et un (faux) Grand Mufti s’embrassent sur la bouche. Affiches retirées juste après leur mise en place.
- La campagne Miu Miu 2015 mettant en scène une jeune fille qui avait l’air très jeune, 12, 14 ans. Interdite pour incitation à la pornographie infantile, même si l'actrice Mia Goth avait 22 ans sur la photo.
- La campagne Dolce & Gabbana 2007 retirée pour incitation au viol en réunion.
- La campagne Saint Laurent par Hedi Slimane en 2015, retiré car mettant en scène une mannequin trop maigre. (5)
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Mais avec la pub WINAMAX censurée par l’ANJ, nous sommes aux antipodes d’une campagne sulfureuse, instrumentalisant outrageusement le corps de la femme, provoquant l’interdit pénalement condamnable (pedo-criminalité, drogue..) ou insultant les religions. Voilà comment elle est résumée par l’Equipe : « Ce spot de deux minutes met en scène un jeune homme qui, après avoir gagné son pari, indique à sa mère le chemin d'un ascenseur, qui entame un trajet tonitruant de son immeuble vers un siège de classe affaires, dans un avion qui semble rejoindre une destination paradisiaque. Une référence claire à l'ascension sociale, grâce aux gains sans efforts issus des paris » (6).
Cette publicité n’a rien d’outrancière ou de provocante. Elle cherche (comme toutes les publicités !) à promouvoir de manière originale un service ou un produit, ici les paris sportifs de Winamax. Elle suggère dans une « fiction » survoltée pleine d’humour que si on gagne à un jeu d’argent on peut immédiatement aider sa famille, ses parents, améliorer sa situation financière et dans le meilleur des cas changer de vie.
La belle affaire ! L’ANJ enfonce des portes ouvertes et nous annonce qu’il pleut partout ou c’est mouillé et que c’est scandaleux. Si les gamblers jouent avec abnégation c’est en effet pour :
- mettre du beurre dans les épinards, améliorer leur situation financière
- s’offrir des plaisirs et des divertissements associés traditionnellement à la richesse (croisières, séjours de rêve dans des endroits paradisiaques, voyages en avion « en classe affaire, palaces, voitures, maisons, grands crus, restaurants etc…)
- changer de vie, modifier peu ou prou leur destin social en décrochant un gros jackpot
- aider ses proches, ses enfants en cas de gains, comme le fait le joueur dans la pub Winamax qui paye à sa maman un beau voyage
Même si les joueurs ne jouent pas que pour l’argent (les motivations sont multiples notamment dans le domaine des paris sportifs), ils jouent toujours pour l’argent dans l’espoir d’améliorer l’ordinaire, leur situation sociale, de faire plaisir aux gens qu’ils aiment. Mais le sublime habillage musical qui accompagne la maman qui monte au ciel dans la publicité Winamax indique bien que cette espérance est à relativiser. Il s’agit de la célébre chanson d’Elvis PRESLEY "If I can dream" : si je peux rêver ? Visiblement non pour l’ANJ, qui considère qu’il est interdit de rêver à un monde meilleur pour soi ou pour ses proches à travers des gains faits aux jeux.
Les raisons moralisatrices et/ou protectrices vis à vis des catégories sociales populaires mises en exergue par l’ANJ dans sa décision pour justifier cette censure, apparaissent donc surréalistes :
- « Les communications commerciales ne doivent pas associer la pratique du jeu d’argent et de hasard avec la possibilité de changer de statut social, de vivre des expériences hors du commun ou d’accéder à des services habituellement considérés comme réservés à des personnes très fortunées, par exemple un voyage en jet privé ou une croisière en yacht de luxe »
- « Il ressort (…) que le film de Winamax « Tout pour la Daronne » véhicule le message selon lequel les paris sportifs peuvent contribuer à la réussite sociale, entendue comme une ascension sociale ou un changement de statut social, en l’occurrence celle de la mère et de son fils grâce au gain qu’il a tiré d’un pari sportif victorieux. » (7)
Cette décision apparaît d’autant plus arbitraire et autoritaire que cette publicité avait été autorisée par l'ANJ et l'ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) en 2021 comme le rappelle le journal l’Équipe. « Nous l'avons visionné avant que Winamax le sorte et en dépit de toute l'astuce qui est la leur (la métaphore de l'ascenseur), cette pub n'est pas contraire à la législation, nous expliquait, en juin 2021, Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de l'ANJ. Ce spot a d'ailleurs été approuvé par l'ARPP et nous n'avions rien à y redire. » (8)
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A la lecture du long « réquisitoire » mené par l’ANJ dans sa « sentence » (annexe 3) - pas moins de 5 pages - la justification de la censure devient ubuesque :
« Opérateur en ligne de paris sportifs et de poker, la société WINAMAX diffuse depuis 2021 auprès du public une communication commerciale intitulée « Tout pour la Daronne ». Plusieurs formats de cette vidéo ont été élaborés, dont la durée peut atteindre jusqu’à deux minutes. Celle de trente secondes, qui est aujourd’hui la plus utilisée par l’opérateur et est principalement diffusée à la télévision ainsi que sur les plateformes permettant leur visionnage, met en scène un jeune homme issu d’un milieu social modeste qui, après avoir remporté un pari sportif en ligne sur l’application mobile de l’opérateur WINAMAX, accompagne sa mère, elle aussi d’apparence modeste, jusqu’à un ascenseur. Celui-ci s’élève et passe par un étage où se trouve une femme dont la tenue vestimentaire et les manières sont généralement perçues comme celles d’une personne qui dispose d’un train de vie élevé. L’ascenseur poursuit sa montée et traverse rapidement un appartement luxueux avant de porter son occupante jusqu’au ciel dans un avion, où elle se trouve assise en classe dite Affaires » et où elle est saluée par un ambassadeur renommé de la société WINAMAX, M. Mohamed Henni* ». (9)
(*)Mohamed Henni, 32 ans est un vidéaste français connu pour ses vidéos de réaction à des matchs de foot, notamment ceux de l’OM. La page face book de cet influenceur compte plus de 196 000 abonnés
WINAMAC a naturellement contesté cette décision et le bien fondé de cette censure aberrante en précisant que leur publicité : « ne comporte aucune incitation excessive au jeu , qu’elle « vise avant tout à générer une préférence de la part des parieurs face aux autres opérateurs » et ce « en véhiculant en priorité un style, des valeurs, un spectacle plutôt qu’en invitant directement à parier », ajoutant « qu’ aucune somme n’est mise en scène » et qu’en définitive « C’est le fait de pouvoir faire plaisir qui est communiqué, plus que l’idée d’un gain excessif » (10)
Mais sans doute considéré comme coupable récidiviste (11) avant d’avoir été jugé, le bouc émissaire Winamax ne pouvait échapper à une censure quasi immédiate. L’opérateur a un mois pour retirer sa pub à partir de la décision de l’ANJ (Winamax demandait modestement de pouvoir diffusé ce film publicitaire jusqu’au 1/10/2022)
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Comme l’ANJ a tous les pouvoirs, elle se croit tout permis et désormais se permet tout. Elle en a remis une couche dans sa réponse à Winamax. Et là nous changeons de dimension. Nous ne sommes plus seulement avec le père Ubu et son comique absurde, caricaturale, grotesque, nous tombons dans un univers "kafkaïen » au pouvoir bureaucratique omniprésent, pointilleux, systématique, total. La situation devient oppressive, sans issue. Il faut chercher la faute pour punir WINAMAX. Ca fait froid dans le dos. L’extrait de la décision (confer ci-dessous) montre le machiavélisme sémantique pervers utilisé par le fonctionnaire qui a rédigé ces lignes - car ce n’est certainement Isabelle FAULQUE PIERROTIN qui l’a fait même si elle a signé le texte - sur-interprétant dans un sens bien particulier chaque seconde de la pub WINAMAX dans un procès à charge totalement abscons.
Il serait intéressant qu’un journaliste d’investigation interroge ce fonctionnaire pour savoir s’il a travaillé en toute indépendance ou s’il a reçu des consignes avant de donner son « opinion » sur cette publicité. Une chose est certaine un membre de la doxa du jeu pathologie maladie , un addictologue ou une association prohibitionniste et moralisatrice anti jeu - ou une personne de très mauvaise fois souhaitant critiquer cette publicité par tous les moyens et plus largement dénoncer le principe même et la finalité des jeux d’argent en général - aurait pu écrire la même chose.
Nous sommes là dans une dérive liberticide abracadabrantesque d’une totale mauvaise foi qui en plus enfonce des portes ouvertes avec de gros sabots de sens commun (ascenseur ….ascenseur social). On reconnaît bien là intellectuellement l’esprit retors de la doxa du jeu pathologie et des associations anti jeu qui emploie ce procédé depuis des lustres pour par exemple prouver par tous les moyens le caractère « particulièrement addictif »… de tous les jeux d’argent ; le caractère « rapide » donc addictif du Rapido ; la liaison « évidente » entre taux de retour (TDR) élevé au joueur et addiction (étude JM Costes observatoire des drogues, observatoire des jeux et désormais membre du collège de l’ANJ) alors que rien n’a été prouvé scientifiquement. Etc…. (confer les multiples articles que nous avons consacrés à ces questions dont la liste figure dans le portail HALSHS les archives ouvertes du CNRS hal.support@ccsd.cnrs.fr)
extraits de la décision de l’ANJ concernant la censure de la publicité Winamax : (notons que le rédacteur a détaillé les arguments avec retour paragraphe alors que généralement les textes de l’ANJ sont présentés de manière neutre et linéaire, notons également que le rédacteur censeur qui a rédigé ces lignes semble avoir été particulièrement scandalisé par le fait qu’ à la fin de la publicité cette personne issue d’un « milieu social populaire » (la mère du joueur) – scandale des scandales - « sourit d’aise » ) =
« la vidéo « Tout pour la Daronne » d’une durée de 30 secondes met en scène un jeune homme dont la mère :
- - présente l’apparence d’une personne issue d’un milieu social populaire ;
- - s’élève en ascenseur ; -
- - croise lors de cette élévation une femme richement vêtue et présentant les manières d’une personne supposée financièrement aisée ;
- - traverse un appartement spacieux et élégamment décoré ;
- - prend place au sein d’un avion parmi les passagers de la classe dite « affaires » ;
- - est assise dans le même partie de l’avion que M. Mohammed HENNI, personne dotée d’une forte notoriété, notamment auprès des plus jeunes, y compris des mineurs, qui la salue et l’accueille d’un geste de la main, main serrant un verre contenant un cocktail ;
- - et qui, enfin, sourit d’aise.
La vidéo de deux minutes de cette communication commerciale, qui est encore disponible sur le compte dont l’opérateur dispose sur la plateforme YOUTUBE, comporte ces mêmes symboles d’ascension sociale. Pris ensemble, l’Autorité considère que ces éléments véhiculent le message selon lequel les jeux d’argent peuvent contribuer à la réussite sociale, entendue comme une ascension sociale ou un changement de statut social, en l’occurrence celle de la mère et de son fils grâce au gain qu’il a tiré d’un pari sportif victorieux. » (12)
(*)Mohamed Henni, 32 ans est un vidéaste français connu pour ses vidéos de réaction à des matchs de foot, notamment ceux de l’OM. La page face book de cet influenceur compte plus de 196 000 abonnés
Avec des justifications aussi absurdes c’est la totalité des publicités des opérateurs qui peuvent être retoquées. La doxa du jeu pathologie, les associations anti jeu et/ou moralisatrices en voudront toujours plus. Avec de tels arguments, toutes les communications commerciales pour les JHA seront facilement censurées. Car elles mettent toutes en scène :
- directement : le gain, l’argent, la possibilité d’améliorer sa situation financière, sa situation sociale et même en cas de big win de changer de vie
- indirectement : les attributs et les symboles de la richesse et tout ce qu’on peut s’offrir avec : voyage, avion, limousine, destination paradisiaque, diamants, bijoux, palaces, champagne….
Ensuite très facilement la doxa du jeu pathologie maladie, les associations moralistes ou celles qui exploitent le business du jeu compulsif à l’origine de cette usine à gaz passeront à l’étape suivante. Ils demanderont l’interdiction totale de la publicité pour les jeux. Comme celle obtenue en France pour le tabac en 1991 avec la loi Evin et plus récemment en Suisse suite à une votation populaire (13)
Et comme il est facile d’interdire, la tentation liberticide n’aura jamais de fin. On l’a vu avec le tabac. Après l’interdiction de la publicité pour les clops les censeurs prohibitionnistes hygiénistes s’en sont pris aux paquets de cigarettes en imposant dans les civettes les paquets de l’horreur aux images mortifères, appelés de manière mensongère paquets neutres. Mesure liberticide extrémiste qui s’ajoutant à l’augmentation incessante du prix du tabac ( inflation qui sanctionne fortement les classes populaires) a fait exploser le trafic illégal de cigarettes pour le plus grand bonheur des mafias et des délinquants petits et grands avec les conséquences en matière de criminalité et de règlements de compte.
De la même manière après la publicité les différents doxa déjà citées s’en prendront :
- aux supports de jeu notamment aux jeux de grattage, aux machines à sous ….accusé d’être trop attrayantes, colorées, joyeuses, musicales….
- aux multiples tirages des loteries à la télévision aux heures de grande écoute (loto, kéno, millionnaire) jugées trop incitatives en prime time (pourquoi ne pas diffuser ces tirages racoleurs au milieu de la nuit pourrait suggérer la doxa)
- etc….
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Au final cette décision de l’ANJ est inquiétante. Certes nous ne sommes pas étonnés, nous avions annoncé dans nos articles antérieurs que des mesures anti publicité seraient annoncées suite à la vraie fausse consultation organisée par l’ANJ.
Cette censure n’est pas anodine. Elle est le fruit d’un long processus (à nouveau confer nos multiples articles écrits depuis plus de 10 ans sur ces questions). Pour dire vite précisons que nous considérons que l’ANJ (et plus largement la politique des jeux de la France) est sous la domination de la doxa du jeu pathologie maladie. Jean Michel COSTES (membre du collège de l’ANJ comme par hasard pour une très longue durée 2026) en est sans doute la figure emblématique. Charles COPPOLANI (le 2° et dernier Président de l’ARJEL, devenu ANJ) a fait entrer le loup dans la bergerie. Il s’y est désormais confortablement installé et intensifie son activisme de multiples manières.
Ce n’est pas Isabelle FAULQUE PIERROTIN, sans doute très soucieuse de la liberté après son long passage à la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des LIBERTES), qui s’est réveillé un beau matin en disant : « je vais interdire une publicité pour Winamax » Sa petite tournée des « popotes ludiques » en province en début de mandat ( casinos, champ de courses, bar tabac PMU, FDJ… ) lui a montré que les JHA étaient une pratique sociale et culturelle, un divertissement populaire qui intéresse plus de 30 millions de Français, un secteur économique qui irrigue nos territoires, quartiers, communes.
Mais la Présidente de l’ANJ - et au-delà l’État toujours Croupier, Bercy - croit sans doute qu’il n’est pas dangereux de manger avec le diable…avec une grande cuillère et que le fameux slogan macroniste du « en même temps » permettra de mettre cette doxa dans sa poche sans déstabiliser l’économie des jeux. Pari incertain. Cette censure d’une publicité WINAMAX s’ajoute à de multiples mesures liberticides : communications alarmistes sur le jeu des mineurs, sur les interdits de jeu, décisions, interdictions, sondages, conventions….signés par l’ANJ ces derniers mois. (Par exemple avec l’UNAF, l’observatoire des drogues…) Ces mesures vont toutes dans le même sens que nous résumerons par l’apophtegme métabiblique : « tu ne joueras point » Une boite de Pandore a été ouverte depuis plusieurs mois.
Par exemple quand l’ANJ et l’UNAF (sondage surdéterminé et instrumentalisé, convention (confer notre article = 14) ont agi – en instrumentalisant dans une sens univoque et négatif la sociologie des pratiques ludiques - comme une véritable police des familles en intervenant dans :
- l’intime des familles
- la culture ludique populaire
- la socialisation ludique primaire (parents, enfants)
- la transmission ludique intergénérationnelle (voir le point 6 ci-dessous des nouvelles mesures annoncées par l’ANJ dans son dernier collège du I7/3 qui concerne directement cette question)
En censurant une publicité banale et de bon aloi, l’ANJ a voulu faire un exemple. Mais fondamentalement elle brise une dynamique commerciale qui dans une économie concurrentielle et en démocratie passe forcément par une promotion publicitaire libre. Le processus juridico admistratatif total, le machiavélisme sémantique pervers…. employés par l’ANJ permettra désormais d’interdire n’importe quelle publicité pour les jeux.
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Souhaitons que la représentation nationale (malgré l’actualité Covid, Ukraine) s’empare de ce dossier pour juguler cette folie liberticide qui gangréne l’ANJ depuis plusieurs mois et s’accélère (*). Elle ne sera pas sans conséquences sur l’économie des jeux de notre pays, la liberté de jouer à des jeux d’argent, la liberté de communiquer sur les jeux de hasard, la liberté des parents de transmettre leurs pratiques culturelles à leurs enfants y compris quand elles concernent les pratiques ludiques et les catégories populaires, la liberté de création des publicitaires sollicités par les opérateurs…. L’histoire des jeux de hasard (par exemple celle des machines à sous) montre qu’un retour de la prohibition pour des prétextes sanitaires, moraux, idéologiques ou religieux est toujours possible, peu ou prou.
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Dernier collège de l’ANJ du 17 mars 2022 = La « tentation liberticide » de l’ANJ se confirme
(*) Au moment où nous terminons cette contribution tombent les décisions du dernier collège de l’ANJ (17 mars 2022) qui confirment cette accélération des mesures liberticides (en cours ou à venir) concernant la publicité fait par les opérateurs et plus généralement l’ensemble de leur stratégie promotionnelle & commerciale pour 2022.
Nous reviendrons sur ce dossier dans d’autres articles mais les premiers éléments qui apparaissent confirment nos analyses et nos alertes sur l’aspect de plus en plus inquisiteur de la politique des jeux menée par l’ANJ :
Extraits du Compte rendu du collège de l’anj du 17 mars 2022 = Examen des Stratégies promotionnelles des opérateurs : des approbations sous conditions & une décision de rejet =
- « volonté du régulateur de « désintensifier » le marché publicitaire en matière de jeu d’argent
- rejet pur et simple de la stratégie promotionnelle de WINAMAX pour l’année 2022, après la censure de sa publicité
- Pour les opérateurs sous monopole (FDJ et PMU) = leur politique promotionnelle doit demeurer mesurée et limitée
- la politique promotionnelle de la FDJ doit consister à informer ses clients potentiels de l’existence de son offre et non encourager la pratique du jeu.
- Le contenu des publicités des le FDJ ne doit pas faire miroiter des gains mirobolants, banaliser le jeu, stimuler la pratique de jeu.
- Le PMU doit (souligner en caractère gras par l’ANJ) « s’abstenir de diffuser, dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie de recrutement par «la transmission», toute communication commerciale qui présenterait le jeu d’argent et de hasard comme un loisir familial impliquant des mineurs ou qui ferait référence à une initiation des mineurs aux jeux par un membre de leur famille. «
- Le PMU « doit veiller à ce que la mise en œuvre de sa politique promotionnelle, en particulier via l’octroi de gratifications financières, ne conduise pas à renforcer l’intensification des pratiques de jeu qui caractérise déjà le pari hippique. » (15)
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Il est interdit d’interdire …
Au moment de terminer cette contribution nous tombons sur cet article – qui apparaît particulièrement ironique au moment ou l’ANJ interdit une publicité pour Winamax - = « Il est interdit d’interdire …de parier : INTERDICTIONS & LIMITATIONS DE PARIS : le conseil d’Etat tranche en faveur de l’ANJ - dans un décision en date du 24 mars 2021, qui opposait l’ANJ à l'Association Française du Jeu En Ligne (AFJEL). Oui, les dispositions du code de la consommation s'appliquent bien aux rapports entre parieurs et opérateurs. Non, les bookmakers ne peuvent pas arbitrairement limiter la liberté de parier de leurs clients » (16) (club poker /bar des sports du 8 avril 2021)
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© Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN, Université Lumière, Lyon 2, Centre Max Weber (CMW) UMR 5283 II, LYON,France,UE.
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NOTES =
- Jean-Pierre MARTIGNONI : A quel jeu joue l’Autorité Nationale des Jeux ? : Néo prohibition ou poudre de perlimpinpin ?(I) (Première Partie) (décembre 2021, IO pages, 15 notes, 3 annexes)(publié sur lescasinos.org : 14/12/ 2021) Jean-Pierre MARTIGNONI : A quel(s) jeu(x) joue l’Autorité Nationale des Jeux ? : Néo prohibition ou poudre de perlimpinpin ?(II) (Deuxième Partie) (I8 pages, 22 notes, 3 annexes) (publié sur CASINO LÉGAL FRANCE 17 janvier 2022 )
- L’ANJ demande à Winamax le retrait de sa publicité « Tout pour la daronne »( communiqué anj, actualités, 17/3/2022,3 pages)
- En aout I98I l’afficheur AVENIR. qui voulait relancer le marché de l’affichage en montrant sa capacité d’action sur les espaces publicitaires pendant la période estivale, recouvre ses propres panneaux publicitaires d'une affiche avec la photo d'une belle jeune femme en bikini. (le mannequin Myriam SZABO) L'affiche annonce : « le 2 septembre, j'enlève le haut ». Et effectivement contre toute attente à la date annoncée la jeune femme a ôté le haut de son maillot de bain, dévoilant sa poitrine. Le texte de l'affiche précise alors : « le 4 septembre, j'enlève le bas ». A la rentrée de septembre la dernière affiche de cette campagne publicitaire hot montre à la surprise générale qu’en effet le modèle a retiré le bas de son maillot mais comme elle pose de dos, seules ses fesses musclées et bronzés sont dénudées. Un slogan qu’il est difficile de contester conclue cette campagne originale, maligne et malicieuse réalisée par l’agence CLM/BBDO : « AVENIR, l'afficheur qui tient ses promesses ».
- « Les 15 campagnes mode les plus controversées = Parce que le monde de la mode n'a cessé de repousser les limites de la bienséance, il n'est pas rare que certaines campagnes de publicité flirtent avec le scandale, voire le carrément dérangeant. Entre nudité, drogue et jeux dangereux, petit florilège des plus gros chocs mode de ces dernières années ». (18.01.2021 by L'Officiel Brésil, lofficiel.com)
- Source Ibid : 18.01.2021 by L'Officiel Brésil, lofficiel.com
- L’équipe.fr : Alain Traquet, I8/3 : pourquoi winamax a été contraint de retirer sa publicité pour « la daronne »
- Ibid. = L’ANJ demande à Winamax le retrait de sa publicité « Tout pour la daronne »( communiqué anj, actualités, 17/3/2022,3 pages)
- Ibid L’équipe.fr : Alain Traquet, I8/3 : pourquoi winamax a été contraint de retirer sa publicité pour « la daronne »
- « DECISION N° 2022-073 DU 17 MARS 2022 PRESCRIVANT A LA SOCIETE WINAMAX LE RETRAIT DE LA COMMUNICATION COMMERCIALE « TOUT POUR LA DARONNE » (Paris, 17 mars 2022. ANJ, signée par La Présidente de l’Autorité nationale des jeux, Isabelle FALQUE-PIERROTIN, 5 pages)
- ibid =« DECISION N° 2022-073 DU 17 MARS 2022 »
- « Ce n'est pas la première fois que Winamax est dans le viseur. L'an dernier, « Tout pour la daronne » avait servi de plan B à l'opérateur après le retrait d'un autre spot publicitaire controversé, « Le nouveau roi ».On y voyait un jeune de cité, casquette à l'envers, porté en triomphe et révéré dans son quartier après un pari gagné, suivi du message : « Grosse cote, gros gain, gros respect ».(L’équipe.fr : Alain Traquet , I8/3 : pourquoi winamax a été contraint de retirer sa publicité pour « la daronne »
- ibid =« DECISION N° 2022-073 DU 17 MARS 2022
- Les Suisses votent pour l’interdiction des publicités pour le tabac, lors d’un référendum (ouest France 13/2) ( à une très faible majorité de 54 % il est vrai et avec un faible taux de participation de 44,2%)
- Jean-Pierre MARTIGNONI : UNAF, ANJ : Police des familles joueuses ? = Une intrusion sociologique de l’UNAF et de l’ANJ dans la socialisation ludique primaire qui pose problème (avril 2021, 45 pages, 51 notes, 12 annexes) (publié sur : lescasinos.org 7/4/2021 casino legal France 8/4/2021) = RESUME = Va-t-on bientôt imposer une amende de 135 euros à un papa joueur achetant un ticket de grattage à son fils ? Priver d’autorité parentale une maman qui utiliserait la pochette cadeau de la FDJ pour offrir des jeux à sa fille pour son anniversaire ? Mettre en examen un turfiste qui emmènera son fils sur un hippodrome pour voir le spectacle des courses ? Interroger les couples qui s’envoient des clins d’œil ludiques le jour de la Sant Valentin ? Demander des comptes aux familles qui partent en vacances avec leurs enfants mineurs et fréquentent chaque été les casinos dans les 200 stations thermales, balnéaires et climatiques ou ils sont autorisés ? Envoyer une assistante sociale chez les parents qui évoquent devant leur progéniture ce qu’ils feraient s’ils gagnaient le pactole à un jeu d’argent ? IN MEDIAS RES* On peut s’interroger à la lecture du sondage commandé par l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux) sur la socialisation ludique primaire et à celle des conseils que l’UNAF (Union nationale des associations familiales) se permet de donner aux parents en matière de jeux de hasard.(*) sentence latine empruntée à Horace qui évoquait le style d’Homère capable dans un bref préambule d’emporter son auditoire au cœur de l’action
- Compte rendu du collège de l’anj du 17 mars 2022 Examen des Stratégies promotionnelles des opérateurs : des approbations sous conditions & une décision de rejet ( anj , I7 mars 2022, 2 pages) voir également : Annonce à la une du site de l’anj : 23/3/2022 actualités ( court extrait du communiqué) Examen des Stratégies promotionnelles des opérateurs : des approbations sous conditions & une décision de rejet ( actualités Le 23.03.2022) ; Communiqué complet = Stratégies promotionnelles des opérateurs : des approbations sous conditions & une décision de rejet ( anj, 4 pages, 23/3/2022)
- club poker /bar des sports (super caddy) du 8 avril 2021)
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ANNEXES
Annexe 1 : liste des I5 opérateurs agréés par l’ANJ
- B.E.S. SAS, Nom des sites : bwin.fr - partypoker.fr Catégories : Paris sportifs - Jeux de cercle
- Betclic Enterprises Limited Nom des sites : betclic.fr Catégories : Paris sportifs - Paris hippiques - Jeux de cercle
- Feeling Publishing Nom du site : feelingbet.fr ; Catégories : Paris sportifs
- GENYBET ; Nom des sites : genybet.fr ; Catégories : Paris sportifs - Paris hippiques
- GM GAMING LIMITED ; Nom des sites : betway.fr ; Catégories : Paris sportifs
- Joabet, Nom des sites : joa-online.fr - joabet.f ; Catégories : Paris sportifs
- La Française des Jeux ; Nom des sites : parionsweb.fr - parionsweb.fdj.fr - enligne.parionssport.fdj.fr ; Catégories : Paris Sportifs
- Netbet FR SAS ; Nom des sites : netbet.fr - netbetsport.fr ; Catégories : Paris sportifs
- Pari Mutuel Urbain ; Nom des sites : pmu.fr ; Catégories : Paris sportifs - Paris hippiques - Jeux de cercle
- Reel Malta Limited ; Nom des sites : pokerstars.fr - pokerstarsmobile.fr - betstars.fr - pokerstarssports.fr ; Catégories : paris sportifs - Jeux de cercle
- Sportnco Gaming SAS ; Nom des sites : france-pari.fr - feelingbet.fr ; Catégories : Paris Sportifs - Paris Hippiques
- SPS Betting France Limited ; Nom des sites : unibet.fr ; Catégories : Paris sportifs - Paris hippiques - Jeux de cercle
- Vivaro Limited ; Nom des sites : vbet.fr - pasinobet.fr - barrierebet.fr - partouchesport.fr ; Catégories : Paris sportifs
- Winamax ; Nom des sites : winamax.fr ; Catégories : Paris sportifs - Jeux de cercle
- Zeturf France Limited ; Nom des sites : zeturf.fr - zebet.fr ; Catégories : Paris sportifs - Paris hippiques
Annexe 2 = L'Autorité nationale des jeux (ANJ) demande le retrait d'un spot controversé de l'opérateur de paris en ligne Winamax, intitulé « Tout pour la daronne », alors qu'il avait été validé l'an dernier. Car entre-temps, la règle a changé. (Alban Traquet. L’équipe : 18 mars 2022)
« Tout pour la daronne » et bientôt plus rien, sur les écrans en tout cas. Ce spot controversé de l'opérateur de paris en ligne Winamax a fait l'objet, le 17 mars, d'un blocage de l'Autorité nationale des jeux (ANJ). Le régulateur français des jeux d'argent a ordonné à la société « le retrait de sa publicité [...] dans un délai d'un mois », en considérant qu'elle « véhicule le message selon lequel les paris sportifs peuvent contribuer à la réussite sociale ». C'est la première fois que l'ANJ exerce son pouvoir de retrait d'une communication commerciale. Contacté, Winamax n'a souhaité faire « aucun commentaire » sur le sujet.
Ce spot de deux minutes met en scène un jeune homme qui, après avoir gagné son pari, indique à sa mère le chemin d'un ascenseur, qui entame un trajet tonitruant de son immeuble vers un siège de classe affaires, dans un avion qui semble rejoindre une destination paradisiaque. Une référence claire à l'ascension sociale, grâce aux gains sans efforts issus des paris.
Dans sa décision motivant sa demande de retrait, l'ANJ explique également que cette « daronne » est « assise dans la même partie de l'avion que Mohammed Henni personne dotée d'une forte notoriété, notamment auprès des plus jeunes, y compris des mineurs, qui la salue et l'accueille d'un geste de la main, main serrant un verre contenant un cocktail. »
Winamax déjà épinglé l'an dernier
Cette demande de retrait est un revirement, car l'an dernier, la même publicité avait été autorisée par l'ANJ. « Nous l'avons visionné avant que Winamax le sorte et en dépit de toute l'astuce qui est la leur (la métaphore de l'ascenseur), cette pub n'est pas contraire à la législation, nous expliquait, en juin 2021, Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de l'ANJ. Ce spot a d'ailleurs été approuvé par l'ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et nous n'avions rien à y redire. »
Mais aujourd'hui, oui... Et il y a une raison : après un Euro saturé de pubs pour les sites de paris, lors des retransmissions de matches, l'été dernier, et une consultation auprès de différents acteurs, l'ANJ a dû ajuster sa règlementation sur ce sujet, issu d'un décret du 4 novembre 2020 relatif à ses « modalités de régulation ». Pour rendre ces règles plus contraignantes.
Le 17 février, le régulateur national, qui a relevé sans mal « certains excès »lors du dernier Euro et une « intensification inédite de la pression publicitaire », a donc adopté de nouvelles lignes directrices, publiées sur huit pages. Elles précisent les prescriptions des textes antérieurs, notamment lorsque les publicités suggèrent que « jouer contribue à la réussite sociale ». Pour l'ANJ, ces publicités « ne doivent pas associer la pratique du jeu d'argent et de hasard avec la possibilité de changer de statut social, de vivre des expériences hors du commun ou d'accéder à des services habituellement considérés comme réservés à des personnes très fortunées, par exemple un voyage en jet privé ou une croisière en yacht de luxe. »
C'est dans ce nouveau cadre que l'organisme a estimé que le spot « Tout pour la daronne » mordait désormais la ligne blanche, malgré sa validation initiale par les autorités compétentes. Ce n'est pas la première fois que Winamax est dans le viseur. L'an dernier, « Tout pour la daronne » avait servi de plan B à l'opérateur après le retrait d'un autre spot publicitaire controversé, « Le nouveau roi ».
On y voyait un jeune de cité, casquette à l'envers, porté en triomphe et révéré dans son quartier après un pari gagné, suivi du message : « Grosse cote, gros gain, gros respect ». Avec l'application du décret de novembre 2020, la diffusion de ce spot, qui avait créé beaucoup de polémiques, était devenue illégale. Jusqu'à ce que son successeur soit frappé, aujourd'hui, de la même sanction, grâce à des règles encore plus strictes.
Annexe 3 =
REPUBLIQUE FRANCAISE ——————
Autorité nationale des jeux ——————
DECISION N° 2022-073 DU 17 MARS 2022 PRESCRIVANT A LA SOCIETE WINAMAX
LE RETRAIT DE LA COMMUNICATION COMMERCIALE « TOUT POUR LA DARONNE »
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment ses articles L. 320-3, L. 320-4 et D. 320-9 ;
Vu la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 modifiée relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, notamment le second alinéa du IV de son article 34 ;
Vu le décret n°2020-1349 du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux, notamment son article 45 ;
Vu l’arrêté du 9 avril 2021 définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;
Vu la communication n°2022-C-001 du 17 février 2022 de l’Autorité nationale des jeux portant adoption de lignes directrices relatives aux contenus des communications commerciales des opérateurs de jeux d’argent et de hasard ;
Vu le courrier adressé par la société WINAMAX à la présidente de l’Autorité nationale des jeux le 4 mars 2022 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré le 17 mars 2022, Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 320-2 du code de la sécurité intérieure : « Les jeux d'argent et de hasard qui, à titre dérogatoire, sont autorisés en application de l'article L. 320-6 ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; ils font l'objet d'un encadrement strict aux fins de prévenir les risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ». Selon le 1° de l’article L. 320-3 de ce code : « La politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de : / 1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ». L’article L. 320-4 du même code dispose : « Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard définis à l'article L. 320-6 concourent aux objectifs
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Mentionnes aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 320-3. Leur offre de jeu contribue à canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique et à prévenir le développement d'une offre illégale de jeux d'argent ».
- Le deuxième alinéa du I de l’article 34 de la loi du 12 mai 2010 susvisée prévoit que l’Autorité nationale des jeux « veille au respect des objectifs de la politique des jeux définis à l'article L. 320- 3 du code de la sécurité intérieure pour les jeux et paris sous droits exclusifs, les jeux et paris en ligne soumis à agrément et, à l'exception des objectifs mentionnes aux 2° et 3° du même article, pour les jeux des casinos et des clubs de jeu ». Selon le second alinéa du IV de cet article 34 : « L'Autorité peut, par une décision motivée, prescrire à un opérateur le retrait de toute communication commerciale incitant, directement ou indirectement au jeu des mineurs ou des personnes interdites de jeu ou comportant une incitation excessive é la pratique du jeu ».
- En vertu du 2° de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure : « Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard est interdite : [...] / 2° Lorsqu'elle suggère que jouer contribue à la réussite sociale ». La communication n° 2022-C-001 du 17 février 2022 de l’ANJ susvisée exprime en ses points 19 à 21 l’interprétation que l’Autorité fait des dispositions du 2° de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure : « 19. L’Autorité considère que la réussite sociale est une notion large qui doit s’entendre comme recouvrant la réussite financière, le succès sentimental ou sexuel, la gloire, le pouvoir, le respect, l’admiration des tiers ou un signe de maturité. / 20. La représentation de signes extérieurs de richesse ou de produits de luxe, tels que des voitures de sport ou villas de rêve, doit ainsi être exclue des communications commerciales pour les jeux d’argent et de hasard. / 21. De même, les communications commerciales ne doivent pas associer la pratique du jeu d’argent et de hasard avec la possibilité de changer de statut social, de vivre des expériences hors du commun ou d’accéder à des services habituellement considérés comme réserves à des personnes très fortunées, par exemple un voyage en jet privé ou une croisière en yacht de luxe ». Par ailleurs, elle ajoute, s’agissant des publicités hyperboliques que « 32. Les publicités hyperboliques sont autorisées sous réserve qu’elles n’aient pas pour effet, par le recours à l’emphase, à la parodie ou à une mise en scène manifestement exagérée, de contourner ou de porter atteinte aux dispositions de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure susmentionnées ».
Il résulte des dispositions précitées qu’il appartient à l’Autorité de s’assurer que les opérateurs légalement autorisés concourent à l’objectif d’intérêt général de prévention du jeu excessif ou pathologique que poursuit l’Etat en matière de jeux, en veillant à ce qu’ils ne diffusent aucune communication commerciale interdite, notamment une publicité suggérant que le jeu contribue à la réussite sociale. L’Autorité dispose de la faculté, dont elle doit motiver l’exercice, de prescrire à l’opérateur diffusant une telle communication commerciale prohibée de la retirer, sans préjudice de l’opportunité dont elle dispose par ailleurs d’ouvrir à son encontre une procédure de sanction.
Les faits et la procédure
Opérateur en ligne de paris sportifs et de poker, la société WINAMAX diffuse depuis 2021 auprès du public une communication commerciale intitulée « Tout pour la Daronne ». Plusieurs formats de cette vidéo ont été élaborés, dont la durée peut atteindre jusqu’à deux minutes. Celle de trente secondes, qui est aujourd’hui la plus utilisée par l’opérateur et est principalement diffusée à la télévision ainsi que sur les plateformes permettant leur visionnage, met en scène un jeune homme issu d’un milieu social modeste qui, après avoir remporté un pari sportif en ligne sur l’application mobile de l’operateur WINAMAX, accompagne sa mère, elle aussi d’apparence
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Modeste, jusqu’à un ascenseur. Celui-ci s’élève et passe par un étage où se trouve une femme dont la tenue vestimentaire et les manières sont généralement perçues comme celles d’une personne qui dispose d’un train de vie élevé. L’ascenseur poursuit sa montée et traverse rapidement un appartement luxueux avant de porter son occupante jusqu’au ciel dans un avion, où elle se trouve assise en classe dite « Affaires » et où elle est saluée par un ambassadeur renommé de la société WINAMAX, M. Mohamed Henni.
- Par lettre recommandée avec accusé de réception et courrier électronique du 23 février 2022, la présidente de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) a informé la société WINAMAX de l’inscription éventuelle à l’ordre du jour de la séance du collège de l’ANJ du 17 mars suivant d’un point portant sur l’adoption par celui-ci d’une décision, prise en application des dispositions précitées du second alinéa du IV de l’article 34 de la loi du 12 mai 2010 susvisée, prescrivant le retrait sur tout canal de la communication commerciale dénommée « Tout pour la Daronne ».
- Par courrier électronique du 4 mars 2022, la société WINAMAX a contesté le bien-fondé de ce projet de décision et demandé à l’Autorité la possibilité de pouvoir diffuser ce film jusqu’au 1er septembre 2022.
La prescription du retrait de la communication commerciale « Tout pour la Daronne »
- En premier lieu, la société WINAMAX affirme que la communication dont s’agit ne comporte aucune incitation excessive au jeu, qu’elle « vise avant tout à générer une préférence de la part des parieurs face aux autres opérateurs » et ce, « en véhiculant en priorité un style, des valeurs, un spectacle plutôt qu’en invitant directement à parier », étant ajouté « [qu’] aucune somme n’est mise en scène », de sorte que, en définitive, « C’est le fait de pouvoir faire plaisir qui est communiqué, plus que l’idée d’un gain excessif ».
- S’il lui est loisible de faire la promotion de son offre de jeu auprès du public à travers des communications commerciales originales et révélatrices de la spécificité de ses services par rapport à ceux de ses concurrents, un opérateur n’en reste pas moins tenu de respecter les obligations mises à sa charge, en s’assurant que ses communications, qui portent sur un service qui n’est pas ordinaire, ne comportent pas d’incitation excessive au jeu. A cet égard, la circonstance que la communication commerciale de l’opérateur ne fait pas ostensiblement mention de la somme gagnée n’exclut pas qu’elle puisse être regardée comme une incitation excessive au jeu. Au reste, en l’occurrence, si elle n’est pas en tant que telle visible dans la vidéo, la perception d’une somme d’argent importante par le jeune parieur est évidente : c’est elle qui rend possible l’ascension sociale de sa mère. Il est remarquable, à cet égard, qu’un sondage commandé à la société ODOXA par l’opérateur en octobre 2021 révèle que 58 % des plus jeunes parieurs considèrent que ce spot met en avant l’idée que parier constitue un moyen facile de faire fortune.
- En deuxième lieu, la société WINAMAX soutient que la communication commerciale « Tout pour la daronne » ne porte aucun message qui, directement ou indirectement, serait contraire aux dispositions précitées de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure. L’opérateur ajoute « qu’aucune satisfaction à s’enlever [n’est] mise en scène (la mère est effrayée durant cette montée » et « [qu’] aucune valorisation d’un statut social pour le gagnant » n’est réalisée.
Ainsi qu’il l’a dit au point 5, la vidéo « Tout pour la Daronne » d’une durée de 30 secondes met en scène un jeune homme dont la mère :
- présente l’apparence d’une personne issue d’un milieu social populaire ;
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- - s’élève en ascenseur ;
• - croise lors de cette élévation une femme richement vêtue et présentant les manières d’une
personne supposée financièrement aisée ;
- - traverse un appartement spacieux et élégamment décoré ;
- - prend place au sein d’un avion parmi les passagers de la classe dite « affaires » ;
- - est assise dans le même partie de l’avion que M. Mohammed HENNI, personne dotée
d’une forte notoriété, notamment auprès des plus jeunes, y compris des mineurs, qui la
salue et l’accueille d’un geste de la main, main serrant un verre contenant un cocktail ;
- - et qui, enfin, sourit d’aise.
La vidéo de deux minutes de cette communication commerciale, qui est encore disponible sur le compte dont l’opérateur dispose sur la plateforme YOUTUBE, comporte ces mêmes symboles d’ascension sociale.
- Pris ensemble, l’Autorité considère que ces éléments véhiculent le message selon lequel les jeux d’argent peuvent contribuer à la réussite sociale, entendue comme une ascension sociale ou un changement de statut social, en l’occurrence celle de la mère et de son fils grâce au gain qu’il a tiré d’un pari sportif victorieux. La société WINAMAX le reconnait d’ailleurs elle-même lorsqu’elle précise que l’idée d’élévation sociale « n’est jamais rendue explicite », admettant ainsi qu’elle l’est implicitement, ce qui signifie, pour reprendre le terme employé au 2° de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure, que l’opérateur la « suggère ». C’est donc à tort que l’opérateur soutient que la communication commerciale en cause ne porte pas atteinte aux dispositions de cet article, telles qu’interprétées par l’Autorité dans les lignes directrices du 17 février 2022 susvisées.
- En troisième lieu, la société WINAMAX affirme avoir agi en transparence à l’égard de l’Autorité nationale des jeux lors de la préparation de la communication commerciale « Tout pour la Daronne », communication par ailleurs plusieurs fois modifiée à la demande de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), laquelle ne s’est pas opposée à sa diffusion.
- Outre que le fait qu’elle ne précise pas les conséquences juridiques qui s’attacheraient à cette affirmation, le société WINAMAX ne saurait tenir de l’avis préalable rendu par les services de l’ANJ, qui est délivré aux opérateurs qui les saisissent au titre de l’accompagnement à la conformité ainsi qu’il est précisé dans le cadre de référence susvisé, une quelconque validation définitive de la communication en cause, qui relève de l’appréciation du collège de l’Autorité, seul compétent pour prescrire le retrait de la communication commerciale en application du V de l’article 34 de la loi du 12 mai 2010 susvisée et, le cas échéant, saisir sa commission des sanctions sur le fondement de l’article 43 de cette loi. A cet égard, il est constant que le collège de l’Autorité n’a jamais indiqué, d’une part, que la communication commerciale « Tout pour la Daronne » serait conforme aux dispositions des articles L. 320-3 du code de la sécurité intérieure ainsi qu’à celles du 2° de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure, ni, d’autre part, qu’il n’en prescrirait jamais le retrait. La circonstance que l’ARPP ne se soit pas opposée à la diffusion de cette communication commerciale doit, en tout état de cause, être regardée comme un argument inopérant.
Enfin, il convient de préciser que la circonstance alléguée par la société WINAMAX que cette communication commerciale n’inciterait pas au jeu des mineurs est sans incidence, en l’espèce, sur la mise en œuvre par l’ANJ du pouvoir qu’elle tire du second alinéa du IV de l’article 34 de la loi du 12 mai 2010 susvisée, dès lors que la présente décision est motivée par la méconnaissance
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de la communication en cause aux dispositions combinées des articles L. 320-3, 1°, L. 320-4 et de celles du l’article D. 320-9, 2° du même code de la sécurité intérieure.
Il résulte de ce qui précède que la communication commerciale « Tout pour la Daronne » viole l’interdiction érigée au 2° de l’article D. 320-9 du code de la sécurité intérieure et que l’opérateur, en la diffusant, ne satisfait pas à son obligation de concourir à l’objectif qui lui a été fixé par la loi de prévenir le jeu excessif ou pathologique. L’Autorité est ainsi fondée à user de la faculté que lui confère le second alinéa du IV de l’article 34 de la loi du 12 mai 2010 susvisée de prescrire à la société WINANAX le retrait sur tout support de cette communication commerciale, dans le délai fixé au dispositif de la présente décision.
DECIDE :
Article 1er : L’Autorité nationale des jeux prescrit à la société WINAMAX de retirer sa
Communication commerciale intitulée « Tout pour la Daronne » de tout support de diffusion. Article 2 : Ce retrait interviendra au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la notification
de la présente à la société WINAMAX.
Article 3 : Le directeur général de l'Autorité nationale des jeux est chargé de l'exécution de la présente décision qui sera notifiée à la société WINAMAX et publiée sur le site Internet de l’Autorité, occultée de celles de ses mentions protégées par le secret des affaires.
Fait à Paris, le 17 mars 2022.
La Présidente de l’Autorité nationale des jeux
Isabelle FALQUE-PIERROTIN
Décision publiée sur le site de l'ANJ le 17 mars 2022
© Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN, Université Lumière, Lyon 2, Centre Max Weber (CMW) UMR 5283, ISH LyonII, LYON,France,UE.