"Faites vos jeux !" Après plus de sept mois d'inactivité, les croupiers s'entraînent pour retrouver leur dextérité dans les casinos et les clubs de jeux du pays, qui rouvrent mercredi leurs tables de poker, blackjack et autres Punto Banco.
Sur les Champs Elysées, la centaine de croupiers employés par le Club de Jeux Barrière -sur 200 salariés- sont "revenus s'entraîner par groupes pendant quatre jours, pour apprendre les nouvelles règles sanitaires, les obligations légales" et aussi retrouver la fluidité des gestes, afin d'éviter qu'à la reprise, leurs doigts ne "crochètent", explique à l'AFP le directeur général, Christophe Pi.
Si les casinos ont pu remettre en service jeux automatiques et machines à sous le 19 mai, les clubs de jeux qui n'ont que des jeux de table (poker, blackjack...) rouvrent tout court mercredi.
"Il fallait recréer un esprit d'équipe, se remettre en situation: des croupiers faisaient les joueurs, je passais derrière eux pour leur mettre la pression", raconte M. Pi. Malgré "l'hécatombe annoncée par certains en matière d'effectifs, tout le monde est revenu" - quand bien même il faut dans le secteur travailler la nuit, les jours fériés et les week-ends.
Dextérité, calcul mental, animation de la table: il faut deux ans pour former un croupier et ces derniers mois, ils se sont entraînés chez eux.
Loïc Regimbeau, 14 ans d'expérience, dit avoir "pratiqué les manipulations tous les jours, pendant des heures" pour ne pas rouiller, en "faisant glisser les jetons sur une planche à repasser" - la matière ressemble à celle des tapis de jeux.
Mais les tables ne peuvent accueillir que trois à quatre joueurs à un mètre de distance, soit moitié moins que l'été dernier où les règles autorisaient un nombre supérieur de clients séparés par des parois en plexiglas. Cela réduit l'intérêt de la partie et "met en péril la rentabilité", déplore Philippe Bon, délégué général du syndicat professionnel Casinos de France.
Et le couvre-feu à 23h jusqu'au 30 juin, va encore dégrader les résultats économiques d'une activité qui d'ordinaire bat son plein jusqu'à 3 ou 4 heures du matin.
"Montées d'adrénaline"
En France, 202 casinos (appartenant aux groupes Barrière, Partouche, Joa, Tranchant... ou indépendants) et 8 clubs de jeux parisiens emploient au total quelque 16.000 salariés.
Ils ont vu leur produit brut des jeux (ce qu'ils encaissent après avoir redistribué leurs gains aux joueurs et avant le versement des prélèvements obligatoires à l'Etat et aux collectivités) chuter de 47 % sur les douze mois clos fin octobre 2020, à 1,83 milliard d'euros, selon le syndicat professionnel.
Et l'exercice qui a démarré le 1er novembre "sera pire", selon M. Bon: les établissements étaient fermés pour la lucrative période de noël.
Jessica de Souza, une "cheffe de table" -elle supervise les parties d'autres croupiers- de 38 ans, dont 20 dans l'univers du jeu, a hâte de retrouver les joueurs. "Certains ne jouent que si on est là: ils aiment notre façon de parler, notre gestuelle", assure-t-elle. Les "montées d'adrénaline" pendant les parties de Poker 21, son jeu préféré, lui ont manqué, tout comme la transmission "aux autres croupiers, de ce que j'ai appris".
Pendant ces mois d'inactivité, certains gestes automatiques, comme les "mains blanches" - se passer les mains l'une sur l'autre, levées vers la caméra (tout est filmé en permanence), avant de quitter la table, pour montrer qu'on n'a pas gardé un jeton- sont "presque devenus un TOC", s'amuse-t-elle. "Je le fais dans les magasins après avoir essayé un vêtement !"
Depuis janvier 2018, la loi a autorisé à titre expérimental pour trois ans, l'implantation à Paris de "clubs de jeux", beaucoup mieux encadrés que les "cercles de jeux" à la réputation sulfureuse, dissous après des dérives (blanchiment d'argent, fraudes fiscales...).
(source : ms
n.com/AFP)