Avec la crise du covid-19, le Casino Barrière enregistre de très lourdes pertes et accumule de la dette. Une situation qui va laisser des traces importantes en matière d'emploi.
C’est un mastodonte du divertissement qui se retrouve lui aussi empêtré dans une crise économique et financière sans précédent. Le Groupe Barrière a vu l’ensemble de ses casinos, dont celui de Toulouse, fermés.
Et malgré les aides de l’Etat, c’est un acteur du divertissement qui vacille. Avec quelles conséquences. Fin 2020, le syndicat FO a évoqué la suppression de 70 emplois dans toute la France.
Des dizaines de postes pas renouvelés
Dans les faits, des mesures ont déjà été prises sur l’emploi, pour faire face à la nouvelle donne du covid-19.
À Toulouse, ce sont des dizaines de postes qui n’ont pas été renouvelés au casino qui a fermé 90 jours en 2020 et qui n’a pas réouvert depuis le mois d’octobre.
Sans perspective de réouverture à court terme, son directeur, Eric Darago, évoque la situation complexe à laquelle doit faire face le Casino Barrière de Toulouse. Interview :
Eric Darago :
2020 restera une mauvaise année. Au 31 octobre qui marque la fin de l'année pour nous, nous avions fait 30% de chiffre d’affaires en moins (-25% sur l’activité casino, -35% sur la restauration et -50% sur la partie spectacles). Avec, en tout, 90 jours de fermeture, cela a été très difficile. Nous avons été le premier casino confiné. Puis, nous avions obtenu en octobre la réouverture de la part du tribunal administratif. Mais l’État a renforcé les mesures d’interdiction, nous contraignant à fermer à nouveau.
L'année 2021 démarre sans perspective et sans calendrier de réouverture. Comment envisagez-vous les mois à venir?
E.D. : Ce qui est terrible cette année, c'est que nous sommes fermés pendant la période la plus importante pour nous, celle durant laquelle nous réalisons 40% de notre chiffre d'affaires. Clairement, l'année démarre avec zéro recettes. Elle est donc d'ores et déjà râpée et, quoi qu'il arrive désormais, nous allons perdre de l'argent. C'est aussi très dur moralement pour les équipes. Nous faisons des points réguliers, nous nous tenons informés et rester fermé nous rend vraiment furieux, car nous avons un protocole sanitaire très strict, 480 caméras pour surveiller que ce protocole soit bien respecté par nos clients et des locaux très spacieux, près de 14 000 m² avec cinq mètres de plafond, pour les recevoir tout en respectant les distances de sécurité. Qui plus est sur des créneaux horaires très élargis.
Quelles sont les conséquences sur l'emploi ?
E.D. : La situation actuelle laisse et va laisser des traces très très lourdes sur l'emploi et quant à notre capacité à rebondir dans les années à venir. Le Casino Barrière de Toulouse emploie 250 équivalents temps plein à l'année et, selon les saisons, ce chiffre augmente. En 2020, nous avons annulé ou reporté 80 événements. C'est dire que les nombreux intermittents et les extra en restauration que nous employons pour ces événements ont été les premiers sacrifiés. Les départs n’ont pas pu être remplacés, les CDD n’ont pas été renouvelés. Malgré la situation, nous avons sauvegardé le maximum d'emplois. Aujourd'hui, la quasi totalité des employés est au chômage partiel. Le nombre des équivalents temps plein que l'on emploie à l'heure actuelle s'élève à 190 personnes.
Des charges fixes qui demeurent, des recettes qui ne rentrent plus : quelle est la santé financière du groupe Barrière?
E.D. : Avec l'ensemble de ses casinos fermés sur toute la France, la dette du groupe a explosé. Il faut se refinancer et cela représente des appels de fonds énormes. Il faut bien évidemment continuer à entretenir les sites où nous accueillons habituellement le public et même avec le chômage partiel, il faut nous acquitter de 12% des salaires et verser les congés payés à nos salariés. Tout ceci représente des dizaines de milliers d'euros chaque mois. Même si on obtient actuellement des reports de charge de la part de l'Etat, il faudra bien payer un jour. Et avec les prêts engagés, on aura d'ici-là engrangé une dette colossale...
L'existence même du Casino de Toulouse est-elle remise en cause ?
E.D. : La situation est catastrophique, c'est clair. Si le Casino de Toulouse s'est installé dans le paysage des loisirs à Toulouse et qu'il est une réussite commerciale, c'est plus difficile financièrement. Même si l'établissement ne perdait plus d'argent depuis 2014, il y avait une dette qui s'était accumulée les années précédentes. Et là, nous repartons sur deux années de dette d'affilée. Quand le reste du groupe fonctionne, cela ne pose pas de problème mais quand le reste du groupe tousse, c'est plus compliqué. Ces dernières années, le groupe Barrière a toujours réinjecté de l'argent dans le casino de Toulouse pour qu'il ne soit pas fermé au tribunal administratif et, là encore, nous irons jusqu'au bout de la concession qui se termine en juillet 2025. Nous avons toujours rempli nos obligations et nous les remplirons jusqu'au bout. Ce casino, c'est une réussite pour la ville de Toulouse. Il est devenu le troisième casino de France en très peu de temps, dans un territoire qui n'était pas un territoire historique du jeu. On amène un vrai divertissement.
Quel est votre état d'esprit ? Que demandez-vous à l'Etat ?
E.D. : La situation actuelle est une catastrophe et une injustice. C'est très dur pour nos équipes. Et plus que jamais, nous pensons que nous ne sommes pas moins légitimes qu'une grande surface à ouvrir dans ce contexte sanitaire. Nous avons même plus de moyens qu'eux pour garantir un strict respect des gestes barrière, notamment sur la partie jeu. Nous demandons donc à pouvoir relancer l'activité jeu, la moins contraignante, mais aussi l'activité spectacle avec port du masque obligatoire, désinfection de la salle après chaque représentation et condamnation d'un siège sur deux.
(source : actu.fr/David Saint-Sernin)