La direction de l’un des plus grands établissements de france a annoncé ce jeudi un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Les salariés se disent « dégoûtés » ; la direction évoque des pertes « colossales ».
Les salariés le redoutaient, mais c'est désormais officiel. La direction du casino d'Enghien-les-Bains, l'un des fleurons du groupe Barrière, a présenté ce jeudi, au cours d'un comité social et économique (CSE), un projet de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Soixante-quatre des 600 emplois du premier casino de france en termes de chiffre d'affaires (son produit brut des jeux s'élevait en 2019 à plus de 160 M€) sont visés. Sont particulièrement concernés la restauration, l'hôtellerie, mais également les jeux de tables, ou encore des services annexes au casino (voituriers, vestiaires).
Un plan qui s'inscrit dans un programme d'économies global au sein du groupe. « Tous nos métiers sont à l'arrêt (NDLR : en raison de la crise liée au coronavirus), explique Patricia Legros, directrice du casino. Au moment du premier confinement, on espérait que ce serait un one-shot. Malheureusement, cela perdure dans le temps et ça met le groupe dans une situation économique très compliquée. Avec, en plus, un manque de visibilité sur la date et les conditions de réouverture et une crainte sur les années qui viennent. On sait qu'on va vers une crise économique très forte. »
« Nous n'avons jamais vécu ça », se défend la directrice
Les chiffres de l'année 2020 sont en cours de consolidation, mais la responsable évoque des pertes « colossales » pour l'établissement, fermé depuis octobre 2020 (après une première fermeture du 14 mars au 21 juin). « Nous n'avons jamais vécu ça, souffle Patricia Legros. C'est extrêmement violent. Tout ça est extrêmement anxiogène. Ce sont des décisions difficiles à prendre, mais nous sommes obligés de revoir nos organisations et de supprimer des emplois. »
L'argument économique est contesté par les organisations syndicales, qui évoquent « une restructuration d'aubaine », selon Michael Da Costa, délégué syndical CGT. « Pour nous, le motif économique n'est pas justifié, explique le représentant du personnel. On gagne habituellement beaucoup d'argent. Là, l'entreprise a touché beaucoup d'aides de l'Etat. Nous sommes presque à 4 M€ pour le chômage partiel. Le but, c'est justement de maintenir l'activité. On ne comprend pas pourquoi ils licencient maintenant. Ils ne veulent pas y perdre dans cette crise. Mais tout le monde a été perdant. Chacun doit faire un effort. »
Les syndicats disent avoir «proposé d'autres solutions»
Les représentants dénoncent également le calendrier de l'annonce. « Ils font exprès de faire ça quand on est fermé, car ils savent qu'il n'y aura pas de manifestation, regrette le syndicaliste. Cela fait des années qu'Enghien réalise 20 % du chiffre d'affaires du groupe Barrière, et nous sommes le site le plus pénalisé. On ne compte pas laisser faire ça comme ça. »
La CGT et FO, qui avaient déjà pointé du doigt des mesures d'économie au moment du premier confinement, tentent depuis plusieurs semaines d'alerter sur la situation. « Dès le début, nous avons proposé d'autres solutions qu'un PSE, comme des départs volontaires, ou des accords de performance collective, reprend Michael Da Costa. On ne veut pas de départs forcés. Mais ils ne veulent pas ouvrir la porte sur d'autres dispositifs qui pourraient maintenir l'emploi. »
La crainte d'un second plan social plus tard
Pourtant, pour certains salariés, cela aurait pu être une solution moins douloureuse. « Il y a des salariés qui sont à quelques années de la retraite, mais la direction n'y touche pas. Elle aurait pu leur proposer un départ anticipé », argue un employé, « dégoûté » par cette annonce. « Ce plan nous a flingués. Pour beaucoup d'entre nous, le casino est un pilier. C'est dur, car on se connaît tous depuis des années, c'est un peu la famille. En plus, nous n'avons pas été informés. Sans la CGT et FO, nous ne serions pas au courant », poursuit ce dernier qui totalise plus de vingt ans d'ancienneté, frustré de ne pouvoir voir ses collègues en raison de la crise sanitaire.
Les syndicats, qui ont interpellé l'inspection du travail dans un courrier envoyé la semaine dernière, redoutent l'avenir. « Ils ciblent surtout des emplois à faible revenu, et ça ne va pas renflouer les caisses, souffle le représentant de la CGT. On s'attend à un second plan social après ça. En plus, si on coupe dans tous les services, les clients n'y trouveront pas leur compte. Au final, ça va encore plus pénaliser les comptes. »
(source : leparisien.fr/Christophe Lefevre)