Certains des principaux casinos des deux premiers opérateurs français sont fermés depuis samedi, pour cause de décisions préfectorales mettant en oeuvre le couvre-feu. La crise sanitaire a cassé la croissance que le secteur avait retrouvée après une décennie de crise.
Alors que l'exercice 2019-2020 des groupes de casinos va s'achever à la fin octobre sur une forte baisse d'activité, les deux principaux opérateurs, Barrière et Partouche, doivent assumer les conséquences locales du couvre-feu. Les deux groupes, qui captent à eux deux plus de la moitié du produit brut des jeux national (le chiffre d'affaires réel, résultant de la différence entre les mises et les gains des joueurs) ont prévu de saisir le Conseil d'Etat en référé dès ce lundi, avec le soutien de l'organisation patronale sectorielle Casinos de France. Ils entendent faire annuler la fermeture dès samedi matin de leurs établissements situés en zone de couvre-feu, des décisions préfectorales ayant alourdi celle du gouvernement car la plupart des plus gros casinos français sont concernés.
Réouvertures puis fermetures
Barrière, numéro un du secteur, déplore la fermeture du premier des quelque 200 casinos de France, son établissement d'Enghien-les-Bains (Val d'Oise) (161,6 millions d'euros de PBJ pour 2018-2019). S'ajoutent ceux de Lille - troisième casino de France -, de Toulouse - le huitième - et ceux de Cassis et Carry-le-Rouet dans les Bouches-du-Rhône. L'ensemble de ces établissements fermés représentait lors du précédent exercice, 40 % du PBJ de Barrière en France explique le directeur général du pôle casinos de Barrière, Eric Cavillon,
Dans le cas des casinos de Lille et de Toulouse, Barrière venait d'obtenir des tribunaux administratifs concernés leur réouverture, après décision de fermeture préfectorale ! Le premier a été rouvert vendredi pour être à nouveau fermé le lendemain. Quant au second, il a repris son activité samedi entre 9 h 00 et 13 h 30, le temps d'avoir connaissance d'une position de la préfecture très tardive…
Des décisions incompréhensibles
Groupe Partouche est également affecté avec six casinos fermés. Il s'agit de celui d'Aix-en-Provence, des deux établissements lyonnais, de celui de Palavas-les-Flots, rattaché à la métropole de Montpellier, enfin, de son unité de Saint-Galmier dans la région de Saint-Etienne. En substance, indique le président du directoire, Fabrice Paire, 30 % % du PBJ des casinos français de Groupe Partouche sont ainsi neutralisés.
« Ces décisions sont incompréhensibles. Le secteur des casinos a probablement le protocole sanitaire le plus strict qui soit. Le port du masque est obligatoire pour tout le monde. Nous avons mis en place des Plexiglas partout où cela est nécessaire. Nous sommes en permanence contrôlés par le service Courses et Jeux du ministère de l'Intérieur. Il n'y a aucun danger à venir chez nous. Aucun cluster n'a été constaté dans la profession. On fait fermer nos établissements alors que les restaurants et les cinémas restent ouverts », tempête le président du directoire de Groupe Partouche, alors même, poursuit-il, que « nous étions en train de repartir de l'avant depuis l'été ».
Poids lourds des jeux
Même si des déplacements de clientèles sont à prévoir, ces décisions préfectorales vont aggraver la chute d'activité du secteur en frappant des poids lourds, en particulier le casino d'Enghien-les-Bains qui souffrait de la désaffection du tourisme international. Groupe Partouche avait déjà prévenu en juillet d'un renversement de tendance, en annonçant alors une perte pour les six premiers mois de son exercice.
Avant même les dernières fermetures administratives, le PBJ total pour l'ensemble des opérateurs est en baisse de l'ordre de 25 % pour l'exercice 2019-2020 par rapport au précédent, à 1,8 milliard d'euros, selon le syndicat patronal Casinos de France. Au début de l'année, la tendance était à une hausse de 4 à 5 %, précise l'organisation. Cet exercice 2019-2020 s'inscrivait donc dans le prolongement d'un exercice passé qui était le meilleur depuis onze ans . « A la fin février, nous étions sur une hausse du PBJ de 7 », précise de son côté le directeur général du pôle casinos de Barrière. « Cela paraît remonter à des lustres », soupire Eric Cavillon.
Les huit clubs de jeux parisiens sont à nouveau fermés depuis le 6 octobre, rappellent les professionnels jusqu'à début décembre au moins.
Conséquences sociales
Au-delà du choc économique, l'inquiétude monte sur les conséquences sociales de ce retournement de tendance qui va se traduire par du chômage partiel supplémentaire. Près de 800 personnes sont concernées chez Groupe Partouche, et 1.200 chez Barrière.
FO a tiré le signal d'alarme en alertant le président de la République et les parlementaires : « les salariés sont en grand danger. Nous risquons d'avoir des PSE », s'exclame le secrétaire fédéral de la section casinos et clubs de jeux de la Fédération Employés et Cadres FO, Jean-Christophe Tirat. Globalement, le secteur compte 16.000 emplois directs, en incluant les clubs parisiens.
(source : lesechos.fr/Christophe Palierse)