Les casinos ont rouvert leurs portes le 2 juin dernier, après des semaines de fermeture. Un manque à gagner certain pour ces établissements mais aussi pour les communes qui les abrite. Certaines d'entre elles voit leur budget financé pour une part conséquente par les jeux d'argent.
"Coronavirus et confinement : rien ne va plus pour les casinos normands", titrait-on le 4 avril sur notre site internet. Ce n'est que deux mois plus tard, le 2 juin dernier, que ces établissements ont été autorisés à rouvrir, dans le respect des conditions sanitaires : gel hydroalcoliques, port du masque obligatoire mais aussi fermeture de certaines zones au public. Une reprise partielle de l'activité, donc, après trois mois de fermeture. Et sans revenu. "La fermeture du casino c'était un événement très inquiétant", expliquait le 3 juin sur notre antenne Christian Cardon, le maire sortant de Trouville. Car l'établissement contribue "à hauteur de 12 % de la section de fonctionnement" de la cité balnéaire. Chez sa voisine, de l'autre côté de la Touques où se trouve le 10e établissement dans le classement des casinos en France, les pertes se chiffreraient en millions.
Dès le mois d'avril, le maire de Deauville, Philippe Augier, indiquait que son équipe était "déjà au travail pour tenter de restructurer un nouveau budget que l'on va faire évoluer en fonction du temps de confinement." A Trouville, élection municipale oblige, le budget ne sera voté qu'en juillet. "On va rogner sur les dépenses d'investissement", explique Christian Cardon, qui quittera bientôt son fauteuil après 37 ans de mandat, "Ça tombait assez bien cette année puisqu'on n'avait pas de très gros projets à lancer. Et comme les élections municipales ont été décalées, la nouvelle équipe n'aura de toute façon pas beaucoup de temps pour faire les études et les appels d'offre nécessaire."
"Laissons passer cette année"
Dans le département de la Manche, le maire d'Agon-Coutainville semble lui aussi relativement serein. Pour l'instant, Christian Dutertre estime entre 150 000 et 250 000 euros la perte de revenus liée à la fermeture du casino, pour "un budget de fonctionnement d'un peu moins de 3,6 millions d'euros". Pas question pour lui de recourir à l'impôt pour combler le trou. L'élu local préfère miser sur l'été. "Le casino vient juste de rouvrir, il n'est pas encore en pleine activité. Il va falloir encore 15 jours un mois pour que les clients reviennent. Il fait beau, il va y avoir du monde."
Et si l'activité ne repartait pas, existe-t-il une alternative ? "Ça fait des années que c'est comme ça, on a la chance d'avoir un casino, c'est une source de revenu conséquente mais on n'est pas dépendant", affirme Christian Dutertre, "laissons passer cette année, il n'y a pas besoin pour le moment de diversifier nos revenus."
Dans le Calvados, à Luc-sur-Mer, qui tire 30% de ses revenus du casino, le maire se veut également rassurant. Pour cette année. "Compte tenu des élections, je voulais que le budget soit voté par la nouvelle équipe. On l'a adapté au contexte actuel et adopté la semaine dernière. On a fait appel à notre trésorerie et comme on est peu endetté, on prolonge notre endettement." Là encore, pas question d'augmenter les impôts. "On n'a encore rien vu de la crise. Il va y avoir de plus en plus de familles en difficulté, de plus en plus d'entreprises, de plus en plus d'artisans qui vont faire faillite. On a un rôle social à jouer. On ne va pas commencer à taxer les gens", plaide Philippe Chanu.
Une manne à double tranchant ?
La commune de Luc-sur-Mer est propriétaire du casino. L'établissement fait l'objet d'une délégation de service public. Un appel d'offre et des négociations ont lieu tous les 18 ans. Aujourd'hui, 15% des gains sont prélevés pour la cité balnéaire, ce qui représente entre 1,3 et 1,4 millions d'euros. Une source de revenus non négligeable rapportée au budget de 3,8 millions d'euros. A celà, s'ajoute une aide du casino au secteur associatif. "Si il y a un reliquat, il est récupéré par la régie animation de la commune", explique le maire. Bref, une véritable manne, dont de nombreuses communes aimeraient bénéficier. Mais qui n'exonère pas d'un questionnement.
Il va falloir se poser les vraies questions quant à notre dépendance
n="right">
Philippe Chanu, maire de Luc-sur-Mer
"Le casino, c'est 30 % de nos revenus. Il y a là une vraie question de fond à aborder", estime Philippe Chanu, "il va falloir se poser les vraies questions quant à notre dépendance. On va prendre le temps de la réflexion, on doit quand même préparer l'avenir et permettre à la commune d'être autonome."
Aujourd'hui, tout miser sur le casino, "c'est risqué pour garantir le même niveau de service et continuer à exercer notre rôle social", pense le maire de Luc-sur-Mer. "Personne n'était assez malin pour savoir ce qui allait se passer (ndlr : avec le coronavirus)", explique l'élu local. L'évènement pourrait être ponctuel. "Mais d'autres problèmes peuvent survenir, un incendie par exemple."
Casse-tête budgétaire
A Ouistreham, le poids du casino dans le budget de la ville (15% soit deux millions d'euros) se fait cruellement sentir aujourd'hui. Pour pallier le manque à gagner entraîné par la crise du coronavirus, le maire et son équipe avaient récemment décidé d'augmenter la taxe foncière de 30%, une hausse moyenne de 240 € par an et par foyer qui n'aurait touché "que les classes moyennes et supérieures". Un projet aujourd'hui remis en question. Le préfet du Calvados a récemment informé Romain Bail que "la clause de sauvegarde sur les recettes pour les communes", lancée par le gouvernement, couvrait les pertes de recettes liées au casino.
En partie. "Ça ne compenserait que 650 000 euros sur un million de perte. Et si j'augmente de 5 % la taxe foncière pour combler les 350 000 euros de manque à gagner, je perds cette compensation", peste le maire de Ouistreham, qui déplore "la démultiplication des transferts des compétences" et la baisse des recettes fiscales. "Il n'y a plus de taxe professionnelle, ni de taxe d'habitation. Il ne reste que le foncier (...) Je ne suis pas magicien."
On s'est endetté parce qu'on avait le casino
n="right">
Romain Bail, maire de Ouistreham
Les impôts, le maire les avait pourtant baissé l'an dernier. Alors que dans le même temps, le remboursement de la dette passait de 450 000 € à 1,3 million d’euros sur le budget 2019, comme l'indiquaient alors nos confrères de Liberté. Ce lourd endettement, Romain Bail l'impute à la gestion de son prédécesseur et, d'une certaine manière, au casino. "On s'est endetté parce qu'on avait le casino", affirme l'actuel maire de Ouistreham. A son tour, une fois aux affaires, celui-ci a fait appel à cette manne. "Ma réfélexion est ancienne sur le sujet de l'indépendance de la commune vis à vis du casino. J'ai posé ce débat dès le premier conseil municipal, en 2014. Et puis, il y a eu la baisse de la dotation globale de l'Etat. Le casino a été notre soupape."
Pour Romain Bail, la Ville ne doit plus inscrire au budget la totalité des recettes attendues du casino. "Sur les 2 millions d'euros, mettons qu'on en touche 1,5. Tout ce qui va au-delà en fin d'année constitue un abondement budgétaire ou mieux, finance des investissements", plaide le maire. Mais le chemin s'annonce pour le moins ardu. "L'année prochaine, on n'aura pas d'autre choix que de massivement augmenter les impôts pour sortir de la dépendance au casino", prévient l'élu local. Ce dernier espère une mise en place de ce mode de fonctionnement en 2021 pour des effets attendus l'année suivante.
(source : fra
ncetvi
nfo.fr/hristophe Meu
nier)