La commission fédérale des maisons de jeu a ouvert une enquête après que des milliers de joueurs de casino en ligne se sont retrouvés avec des découverts de plusieurs dizaines de milliers de francs.
Les casinos en ligne ressemblent à des jeux inoffensifs, mais l'argent misé n'est, lui, pas virtuel. Ces jeux d'argent attirent de nouveaux joueurs, qui sont différents de ceux des vrais casinos.
Il y a quelques jours, quelques milliers d'entre eux se sont retrouvés à découvert, sans s'en rendre compte, pour des sommes allant jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de francs. En cause, un bug informatique lié à leur compte Postfinance.
Cette affaire, révélée la semaine dernière dans le 19h30 de la RTS, a justifié l'ouverture d'une enquête de la commission fédérale des maisons de jeu.
"A première vue, il y a plusieurs partenaires qui sont touchés dans cette affaire, en particulier les partenaires financiers. Mais il est surtout important de savoir si les maisons de jeux concernées n'auraient pas rempli leurs obligations de diligence en matière de loi sur les jeux d'argent", explique Jean-Marie Jordan, directeur de la commission fédérale des maisons de jeu.
Les joueurs à risques rapportent la moitié des revenus
La nouvelle loi sur les jeu d'argent est entrée en vigueur au 1er janvier 2019. La protection des joueurs par l'information et le repérage précoce des comportements à risque est l'un des points centraux de sa révision.
Mais pour le Groupement romand d'études des addictions (GREA), sur le terrain, les promesses ne sont pas tenues. Et l'objectif fiscal de l'ouverture des jeux d'argent en ligne, qui génère des revenus pour l'AVS, l'emporterait sur la protection des joueurs. Selon une enquête que le Groupe a réalisée le mois dernier sur mandat du Programme Intercantonal Romand de Lutte contre le Jeu excessif (PILDJ), les joueurs à risque modéré et les joueurs problématiques sont à l'origine de près de la moitié des revenus des jeux de hasard et d'argent en ligne.
L'endettement de ces milliers de joueurs démontre justement les faiblesses de cette loi, estime Jean-Félix Savary, secrétaire général du GREA: "Les opérateurs doivent mettre en place des critères pour repérer les comportements problématiques. Or, le fait de pouvoir perdre autant d'argent sans être informé, sans que personne en Suisse ne se rende compte que des milliers d'individus se font plumer sans leur consentement et qu'aucun signal d'alerte ne soit sorti, si ce n'est pas les joueurs eux-mêmes, cela pose un vrai problème."
Manque d'informations
Dans cette affaire, les joueurs se sont plaints de ne pas avoir accès aux informations sur leurs pertes et leurs gains. Concernant l'un des sites, une victime dénonce notamment "un système peu clair, car rien n'est automatiquement calculé". Sur un autre site, il faut sélectionner une plage de temps, qui correspond aux pertes et profits. "Mais encore faut-il savoir qu'il y a eu un problème et quand! D'autant que, quand vous jouez sur plusieurs casinos, les mouvements sur votre compte bancaire sont multiples."
Pour Jean-Marie Jordan, de la commission fédéral des maisons de jeu, "le joueur reçoit beaucoup d'informations, qui doivent l'informer sur son type de jeu, et qui doivent lui permettre aussi d'interrompre le jeu à tout instant et de s'en exclure. Mais si un joueur ne trouve pas l'information suffisante, il peut toujours la demander au casino."
Le GREA souhaiterait aller beaucoup plus loin. "Avec les jeux en ligne, il est très facile de repérer les personnes à risque. Vous avez toutes les données: qui joue combien, quand et à quelle vitesse la personne presse sur les boutons. Ce sont des indicateurs qui permettent assez facilement de savoir qui va avoir un problème de jeu. Or, on se rend compte qu'on a homologué des systèmes qui ne nous permettent pas de faire cela", déplore Jean-Félix Savary.
Les joueurs floués par le bug informatique envisagent déjà de déposer une plainte civile, soit auprès de l'institut financier responsable, soit auprès du casino. Mais le temps d'éclaircir la question de la responsabilité sera probablement long.
Le Conseil fédéral interpellé
Invitée au 19h30, la conseillère nationale verte vaudoise Sophie Michaud Gigon et secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC) affirme avoir interpellé le Conseil fédéral à ce sujet. « La loi avait pris des engagements en termes de protection des joueurs excessifs et de régulation de la publicité. Il semble que ces engagements ont de la peine à être tenus. J’ai donc interpellé le Conseil fédéral pour savoir comment se passe cette surveillance ».
Selon la Verte vaudoise, la période de semi-confinement liée au Covid a été particulièrement propice à l’augmentation de la publicité pour les jeux en ligne et les jeux d'argent.
Pour réguler la publicité, Sophie Michaud Gigon souhaite "mieux distinguer les données qui sont collectées pour protéger les joueurs, des données qui sont collectées pour faire du marketing".
(source : rts.ch/Delphi
ne Gia
nora/fme)