Recherche joueurs addicts…. désespérément
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Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN jr.
Sociologue (Université Lumière, Centre Max Weber Lyon 2, ISH)
Mars 2020
Rédigeant cet article en pleine pandémie, nous aurons une pensée pour toutes les personnes directement concernées ainsi qu’aux familles endeuillées.
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Dans notre travail de recherche sur les jeux de hasard et d’argent (JHA) nous sommes souvent et depuis très longtemps intervenus pour dénoncer la vision médicale du jeu, véhiculée par « certains » addictologues, psychologues, psychiatres, thérapeutes…. Dès 2005 dans la revue Psychotropes : « Que peut apporter la sociologie dans le débat sur le jeu compulsif ? “ (1) Plus récemment sur les sites numériques lescasinos.org et casino legal France : « Approche de « santé publique » des jeux d’argent : présentation d’un livre collectif sur le jeu problématique (Harm Reduction for Gambling : Public health approach to gambling)« et critiques de la doxa du jeu pathologie maladie » ( 2). Mais également dans de nombreux colloques en Suisse (3) en Belgique ( 4), des interventions médiatiques, des groupes de travail, par exemple à l’ARJEL. (5) En outre nos enquêtes de « terrain », nos participations à des expertises institutionnelles (notamment celle de l’INSERM), nos multiples missions et auditions (Sénat) nous ont permis d’ observer au plus près - et encore fin 2018 au colloque organisé salle à l’Assemblée Nationale par Olga GIVERNET députée REM de l’Ain et Christophe BLANCHET députés REM du Calvados (6) - comment en France s’est mise en place ce « construit social » que constitue le jeu pathologie maladie.
Nous ne sommes pas le seul à avoir déconstruit l’usine à gaz du jeu perçu comme une drogue. Outre atlantique le Professeur J.A. SUISSA s’intéresse depuis de nombreuses années aux déterminants sociaux des dépendances, à leur impact sur le processus de traitement et de réinsertion. Son ouvrage - « Le jeu compulsif : vérités et mensonges » ( Fidès 2005) a conforté nos analyses. Dans une autre publication « La construction d’un problème social en pathologie : le cas des jeux de hasard et d’argent »(7) Suissa souligne comment les jeux de hasard se transforment progressivement en maladie, quelles sont les idéologies et travaux qui expliquent cette évolution. Pour Jacob Amon SUISSA, présent à Bruxelles en septembre 2019 pour une journée d’étude sur ce thème (« L’addiction aux jeux d’argent : un phénomène social ?) (8) l’idéologie de l’individualisme tient une place centrale dans le discours de la pathologie contemporaine sur le jeu.
En ce qui concerne les publications, le prisme du jeu compulsif - miroir déformé de la réalité des pratiques ludiques - biseaute les cartes. Il oriente depuis des années le regard des chercheurs vers des considérations psychologiques, médicales, sanitaires. Brian CASTENALLI analysant des centaines de publications du Journal of Gambling Studies observe « une surreprésentation des travaux renvoyant le jeu au modèle médical. Non seulement la psychopathologie du jeu domine le champ intellectuel par la place qu’elle occupe dans la littérature scientifique internationale, mais elle domine également en imposant ses catégories aux autres disciplines ». (9)
En ce qui concerne les recherches sur les jeux d’argent la Commission Européenne fait le même constat. Elle a financé une étude menée par le Professeur Rebecca CASSIDY, dans le cadre du projet GAMSOC (« Gambling in Europe ») Le rapport de la chercheuse - intitulé «Fair Game producing gambling research» - conclut notamment que « les recherches sur les jeux tendent à se restreindre aux personnes pour qui les jeux d'argent sont devenus une obsession pathologique, une addiction, au lieu de porter sur les implications sociales et culturelles » (10)
En France en quelques années (de l’Observatoire des jeux (ODJ/BERCY) à l’Arjel en passant par le Ministère de la santé et de multiples structures, instituts, associations…) l’addictologie a colonisé le champ ludique et de nombreux autres domaines. Il y a même un « village des addictions » – Addict AIDE - véritable Disney Land aux multiples sponsors. C’est très ludique. On a presque envie de devenir addict quand on visite le village ou sévit Michel Reynaud. Le Président du « Fonds » Actions Addictions a ajouté il y a quelques mois, une baraque dans son village consacré au jeu excessif. Bingo !
Mais le phénomène n’est pas que national. Pour comprendre plus globalement comment s’est imposée cette psychiatrie biologique mondialisée (liée à l’industrie pharmaceutique) née aux États-Unis à travers le DSM et l’APA (American Psychiatric Association) lire l’ouvrage d’Andrew LAKOFF, sociologue à l’université de Californie à San Diego : « La raison pharmaceutique » (Les empêcheurs de tourner en rond, Seuil, Paris, 2008, 315 pages) Pour se rendre compte de l’emprise mondialisée du traitement des addictions voilà à quoi ressemble la 14e édition du Congrès de l'ALBATROS qui se déroulera en principe* à Paris en juin 2020 (11). (*Visiblement ces spécialistes de l’addiction n’ont pas peur des maladies. Contre toute attente cette manifestation a été confirmée le 20 mars en pleine pandémie ! Les organisateurs précisent que 50 euros serait retenus sur le remboursement en cas d’annulation avant le 26 avril et que le paiement de l’inscription sera pleinement du en cas d’annulation après le 26 avril.) Banco !
Hallucinogènes, annabinoïdes, analgésiques, anxiolytiques , buprénorphine, microbiote, opioïdes …. ce n’est pas une ordonnance mais le joyeux programme du colloque ( voir ci-dessous). Signalons cependant une voix dissonante dans ce symposium. Notre collègue anglais Mark D. GRIFFITHS - qui a beaucoup travaillé sur les jeux de hasard et d’argent - semble sceptique sur le caractère pathologique de nos passions numériques internet : « Addictions en ligne : existent-elles réellement ? » s’interroge-t-il. En 2018 déjà, l’introduction par l’OMS de l’addiction aux jeux vidéo dans sa Classification Internationale des maladies (CIM) avec un diagnostic fumeux («trouble du jeu vidéo») suscita des oppositions. Yann LEROUX par exemple, docteur en psychologie et spécialiste des jeux vidéo, rappelant dans le Figaro une évidence que nous soutenons depuis des lustres pour les JHA : « le jeu vidéo n’entraîne pas d’addictions, mais certains joueurs souffrent de pathologies préexistantes, qui peuvent les pousser à s’enfermer dans le jeu ». (12)
Programme de la 14e édition du Congrès de l'ALBATROS :
• Épidémiologie des addictions en 2020 : que savons-nous et où allons-nous ?
Jürgen Rehm - Toronto - Canada
• Cancer et addictions - Aider les fumeurs à arrêter : quels moyens, produits et priorités ?
Matthew J. Carpenter - South Carolina - USA
• Les approches personnalisées dans l’hépatite alcoolique
Christophe Moreno - Bruxelles - Belgique
• Inflammation : une cible thérapeutique face aux dommages liés à l’alcool
Gyongi Szabo - Worcester MA - USA
• Alcool et cancer : que faut-il savoir ?
Helmut Seitz - Heidelburg - Germany
• Microbiote et troubles liés à l’alcool
Sophie Leclerq - Bruxelles – Belgique
• TDAH et les troubles duels ?
Carlos Roncero - Salamanca - Spain
• Psychédéliques, hallucinogènes : les thérapies de demain
Matthew Johnson - Baltimore MD - USA
• Cannabinoïdes : analgésiques et anxiolytiques
David Finn - Galway - Ireland
• Tous fous des cannabinoïdes : politique, science et santé en 2020
Ryan Vandrey - Baltimore MD - USA
• Troubles des conduites alimentaires et addictions comportementales
Fernando Fernandez Aranda - Barcelona - Spain
• Addictions en ligne : existent-elles réellement ?
Mark D. GRIFFITHS - Nottingham – UK
• Buprénorphine à longue durée d’action : opportunités et challenges
Michael Frost - Conshohoken - USA
• Réduire la mortalité liée aux opioïdes : la nécessité d’allier science et politique
Sir John Strang - London - UK
Dans le domaine des jeux d’argent la planète addiction ratisse aussi très large pour attraper le gogo (13) alpaguer le cave (14) : pouvoirs publiques, gouvernement, ministères, hommes politiques, opérateurs, joueurs, familles de joueurs… Elle continue de proliférer dans d’autres domaines que l’addictologie traditionnelle, par exemple avec la neurologue Jocelyne Caboche, qui a ouvert la semaine du « cerveau » à la Sorbonne en mars 2019 (15) nous ressortant le vieux truc de la « dopamine » : «la dopamine agit comme un rhéostat dans le circuit de la récompense en modulant la réponse à la récompense». En cas d’addiction, ce rhéostat ne fonctionne plus correctement et va activer le circuit de la récompense avec une puissance bien supérieure à celle des récompenses habituelles, comme la nourriture »(16)
Des dizaines de « psy », et désormais les spécialistes des neurosciences, ont compris tous les bénéficies financiers qu’ils pouvaient tirer de cette « nouvelle maladie », introduite dans le DSM ( Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux ) en 1980 par l’APA (American Psychiatric Association). Le business du jeu compulsif fonctionne désormais à plein régime même si on a parfois l’impression qu’il y a davantage de praticiens spécialistes auto proclamés de l’addiction ludique, que de joueurs drogués du jeu.
Signe Noir
Car il y a un signe noir (17) et il fait sens. Curieusement en effet, cette pandémie ludique semble avoir du mal à trouver ses malades, comme nous l’avons précisé dans une contribution en mars 2019 : « L’addiction au jeu : une drôle de maladie qui a du mal à trouver ses malades « (18)
Lors du colloque en 2018 au Palais Bourbon, Jean-Michel Costes (Observatoire Des Jeux – ODJ Paris BERCY) a confirmé cette vacuité. Il a constaté benoitement (19) le fait que : « le joueur ne reconnaisse pas sa maladie » et que « très peu de joueurs consultent » Mais plutôt que de se remettre en question, de s’interroger sur le diagnostic que la doxa pose sur les joueurs au lieu de les accuser d’être dans une forme d’anosognosie (20), il a proposé aux politiques et aux opérateurs - nombreux à ce colloque - de nouvelles mesures liberticides pour « identifier les millions de joueurs, les « soigner ». Cet addictologue – « poussé vers la sortie » (21) de L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) en 2011 par Étienne Apaire, président de la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ) parce qu’il écrivait des tribunes favorables aux salle de shoot et sortait de son devoir de réserve - ne s’est pas interrogé une seconde sur la réalité cette pathologie et l’épistémologie de ses travaux :
- par exemple quand il a la prétention de mesurer le nombre de joueurs malades du jeu, dans un questionnaire santé en ligne auto administré.
- ou quand il conclut son étude « taux de retour au joueur (TRJ)/ addiction » (22) par une pirouette intellectuelle relevant peu ou prou de l’imposture scientifique. Comme JM Costes n’a pu prouver ce qu’il cherchait n’a pu confirmer son hypothèse, à savoir qu’un taux de retour élevé au joueur était facteur d’addiction, il affirme de manière ubuesque : « La littérature scientifique n’apporte pas de preuves définitives sur le lien existant entre TRJ élevé et addiction, non parce que ce lien est inexistant mais parce que sa mise en évidence est très difficile, voire impossible à démontrer sur le plan méthodologique. L’argument de l’absence de démonstration scientifique formelle ne permet pas néanmoins de remettre en cause la possible existence de ce lien. » Face au non-sens épistémologique, à l’aberration épistémique que constituent de tels propos, publiés néanmoins sur le site du Ministère de l’Économie, une seule conclusion s’impose : REDUCTIO AD ABSURDUM ! (expression latine à propos d’une personne qui conduit un raisonnement jusqu’à ses plus extrêmes conséquences, y compris absurdes et contradictoires, en allant jusqu’à démontrer la fausseté, voire la ridicule inconsistance des hypothèses sur lesquelles il repose). Cet exemple dévoile toute la supercherie intellectuelle et la sournoiserie stratégique qu’utilise la doxa du jeu pathologie maladie pour imposer ses vues. Nous retrouvons la logique des producteurs de fake news, des propagandistes. Le but n’est pas de chercher la vérité, c’est de propager une rumeur car il en restera toujours quelque chose. La volonté n’est pas d’informer, mais de mettre en œuvre une stratégie.
(Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur cette stratégie et cette question du taux de redistribution qui intéresse directement les joueurs car il y a beaucoup à dire et rien n’indique que des taux de redistribution généreux soient facteurs d’addiction, c’est peut-être même tout le contraire ! Mais nous voyons dès à présent la collusion qu’il peut y avoir entre addictologues et opérateurs intéressés par une baisse du TRJ)
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La doxa du jeu pathologie a du mal à trouver ses patients ? Qu’à cela ne tienne l’hôpital Paul Brousse de Villejuif lance depuis quelques mois un surprenant « nouvel essai thérapeutique » ou c’est le médecin (23) qui ira à la rencontre numérique du joueur « malade du jeu », après que celui-ci se soit signaler par @mail. Drôle de maladie donc que cette maladie du jeu qui cherche ses malades qui devraient pourtant être très nombreux.
Le titre de notre contribution était volontairement décalé et cinématographique (24) pour marquer les esprits mais l’affaire est sérieuse au moment où se met en place une Autorité Nationale des jeux indépendante qui devra traiter sérieusement cette question et se méfier de cette doxa, en conflits d’intérêts dans cette affaire. Visiblement ces médecins autoproclamés du ludique qui prolifèrent depuis quelques années rencontrent des difficultés à trouver des patients, ce qui apparait pour le moins singulier et contradictoire au regard des chiffres avancés par l’ODJ sur la population des joueurs compulsifs.
Costes affirme (25) qu’il y « aurait » 1 250 000 joueurs excessifs ou….. à risque modéré. La doxa donne volontairement une définition extensive du joueur « pathologique » qui jette un doute sur la réalité épidémiologique de cette « maladie ». L’imposture intellectuelle consiste à exploiter une projection absconse que nous résumerons ainsi : tous les gens bien portants peuvent toujours tombés malades et personne ne pourra jamais prouver le contraire. En surfant sur cette hypothèse tautologique incontestable mais absurde, en établissant une taxinomie à géométrie variable, la doxa peut ainsi - quand ça l’arrange - faire du chantage aux pouvoirs publics, aux opérateurs ludiques pour les faire cracher au bassinet. (26)
Mais cette doxa a sans doute mangé son pain blanc. Car après avoir pendant des années de manière purement théorique ânonner les méfaits de cette pathologie du jeu (souvent avec des explications totalement contradictoires) elle doit produire des données empiriques, ne serait que pour justifier les budgets dont elle dispose. Et c’est là que le bât blesse. Récemment nous avons reçu (27) une « demande d’aide » ( voir ci-dessous) du CHU de Nantes ( financé par la FDJ depuis 2010 a hauteur de plusieurs millions d’euros) qui confirme que la doxa a toujours du mal à trouver ses malades:
Bonjour à tous
Nous conduisons depuis plusieurs années* une étude clinique sur le dépistage* des pratiques excessives de d’argent en ligne (poker, paris hippiques, paris sportifs, loteries et grattage en ligne) [étude EDEIN], (…)Nous avons fini de recruter la totalité des joueurs non problématiques attendus mais avons du mal à trouver les derniers joueurs problématiques* (l'étude se termine en mars prochain). Nous recherchons des joueurs majeurs ayant un compte sur un site de jeux d'argent en ligne légal, et rencontrant des difficultés avec leur pratique de jeu en ligne. Il s'agit de répondre à un entretien téléphonique d'une trentaine de minutes et de répondre à quelques questionnaires en ligne sur une plateforme sécurisée. L'étude est indemnisée* 5 (…) Merci à l’avance pour votre aide!
Gaëlle CHALLET, IFAC - CHU Nantes »
* : c’est nous qui soulignons
Si nous comprenons bien cette chercheuse - qui n’hésite pourtant pas à payer ses clients - elle n’a toujours pas trouvé assez de joueurs addicts alors que son étude de « dépistage » (sic) a commencé « depuis plusieurs années ». Souhaitons que le CHU de Nantes trouve suffisamment de cobayes pour terminer cette longue recherche mais également s’interroge sur la réalité épidémiologique de cette maladie du jeu et/ou innove en collaborant avec des sociologues, ce qui permettrait de produire des études pluridisciplinaires scientifiquement pertinentes.
Car ce qui nous concerne nous n’avons jamais eu de difficultés pour trouver des joueurs. Il faut dire que nous ne surdéterminions pas notre questionnement en séparant joueurs sociaux et joueurs auto proclamés malades du jeu, que nous allions directement dans les espaces de jeu au contact direct des joueurs car c’est là en principe que nous trouvons ceux qui jouent et qu’un premier contact peut s’effectuer…plus si affinité, par exemple poursuivre les entretiens en dehors du cercle de jeu dans un espace intermédiaire neutre, et/ou rencontrer le joueur dans son univers domestique, ce qui permet d’en apprendre beaucoup sur le sujet social joueur et le cas échéant de dialoguer avec la famille entourage.
Idem quand nous avons travaillé à l’Arjel ( de 2011 à 2015) sur le e gambling. Là également nous n’avons eu aucun mal - même si ce fut un gros travail réalisé grâce aux équipes de l’ARJEL - à extraire un échantillon représentatif des gamblers en ligne pour l’étude quanti (N = 4100 joueurs interrogés) Pas plus que nous n’avons eu de difficultés - même si nous avons souvent du mouiller notre chemise - à interroger en face en face ou par téléphone au siège de l’Autorité de la rue Leblanc à Paris, plus de 160 joueurs pour l’étude quali. Entretiens enregistrés et transcris par nos soins. Laborieux, épuisant certes - comme souvent quand on pratique le métier de sociologue( 28) et qu’on respecte les règles de la méthode (29) - mais passionnant. Sur ce registre nous admirons notre collègue qui arrive à faire une étude avec - précise-t-elle - un « entretien téléphonique d'une trentaine de minutes et quelques questions en ligne »
Plus fondamentalement Gaëlle CHALLET fait - de notre point de vue - une erreur scientifique majeure en séparant a priori le bon grain de l’ivraie. Elle accentue gravement cette bévue épistémologique en demandant aux joueurs d’établir eux-mêmes cette séparation, alors que c’est son étude qui, le cas échéant, aurait pu le faire.
En outre la rétribution des joueurs pose question, même si cette chercheuse dans une curieuse pudeur ne dit pas combien ils « gagneront » . En ce qui nous concerne, nous nous sommes toujours refusés à payer les personnes interrogées pour de pas biaiser l’échantillon, par déontologie. En outre c’est méconnaitre le monde des jeux de hasard …et d’argent, l’univers des joueurs, les rapports complexes que le joueur entretien avec le blé, le flouze, le fric, l’oseille, le pognon… pour oser lui proposer de la fraiche, du pèze, des picaillons, des radis…. afin qu’il réponde à une enquête, qui en plus cherche à confirmer qu’il est malade du jeu.
Alors au final de deux choses l’une, soit G. CHALLET ne connaît pas les bases de l’expérimentation scientifique, les contraintes épistémologiques de tout travail empirique, la pertinence heuristique de l’échantillon représentatif, ce que nous ne croyons pas ; soit il y a un loup. Nous penchons pour l’hypothèse du Canis lupus qui à travers la locution verbale - quand c’est flou c’est qu’ il y a un loup - indique qu’on cherche à dissimuler un problème ou une intention inavouable.
Car en agissant ainsi le Docteur Challet, certes a du mal à former son échantillon, certes a des difficultés à terminer sa très longue étude, mais finira par produire des résultats… qui iront certainement dans le sens de ses présupposés et de ce qu’elle cherche à démontrer car ces résultats se trouvent en germe dans la dichotomie binaire et primaire imposée dès le début du questionnement ( joueurs addicts/joueurs sociaux ; joueurs problématiques/joueurs non problématiques)
Mais d’autres exemples provenant de la doxa des addictologues inquiètent. Nous travaillons actuellement sur un rapport qu’a produit l’OFDT en septembre 2019, réalisés par 4 Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) : ALLER VERS LES joueurS EN DIFFICULTE? EN POINTS DE VENTE DE JEUX D’ARGENT ET DE HASARD (30) CarinNous reviendrons dans une prochaine contribution sur les nombreux problèmes épistémologiques, scientifiques et « politiques » que pose cette étude menée sous l’égide de L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Mais les premiers éléments portés à notre connaissance nous interpellent, quelques exemples :
· L’étude phase 1 (2016/2017) a été confiée à des jeunes en service civique (JSC) formés en 28 jours. Le recours a? ces jeunes n’a pas remporté? une complète adhésion et 50% ont démissionnés avant le terme de leur contrats
· Les 4 points de vente Française des jeux ou se sont déroulés l’étude (Bordeaux, Dijon, La Seyne- Sur-Mer et Montpellier) ont été? sélectionnés par la FDJ
· L’étude (phase 2 ) a été? conduite entre novembre 2017 et novembre 2018, cette fois avec l’intervention directe des professionnels de l’addictologie ( nommées BASS ) uniquement des femmes qui ont bénéficié? d’une formation de 5 jours
· Parmi les 4 CSAPA participant a? la phase 1, « seul le CEID (Comité d'Étude et d'Information Drogue) de Bordeaux a renouvelé? son engagement »
· Le public cible? comprend les joueurs excessifs et ceux a? risque modéré?, autrement désignés comme les joueurs problématiques, précise l’étude
A suivre
© j.p.georges. martignoni-hutin jr.sociologue, mars 2020, université lumière Lyon 2, ISH, Centre Max Weber(CMW)UMR 5283, équipe TIPO, Lyon, France.
Notes
1. JP MARTIGNONI :: « Que peut apporter la sociologie dans le débat sur le jeu compulsif ? “ (Psychotropes : revue internationale des toxicomanies et des addictions : “ Le Jeu pathologique : quand jouer n’est plus jouer ” n°2 , vol 11, juillet 2005, p 55-86 )
2. JP MARTIGNONI :: »Approche de « santé publique » des jeux d’argent : présentation d’un livre collectif sur le jeu problématique et critiques de la doxa du jeu pathologie maladie : Harm Reduction for Gambling : Public health approach to gambling« (Centre du jeu excessif (CHUV/Lausanne) et National Problem Gambling Clinic de Londres 2019, 176 pages) (Réduction des méfaits du jeu : approche de santé publique du jeu ») ( 17 pages, 28 notes), ( publié sur : lescasinos.org 10 /1/2020 ; casino legal France 10 /1/2020 )
3. JP MARTIGNONI : deux interventions au congrès international sur le jeu organisé par le Centre du jeu excessif de Lausanne ( Direc. = Jacques Besson – Resp. = Olivier Simon) = « Prévenir le jeu excessif dans une société addictive ? Université de Lausanne Dorigny, 19 et 20 juin 2008 ) 1 = « L’industrie des jeux de hasard et d’argent est-elle compatible avec les notions de jeu responsable et de développement durable ? » 2 = « Le processus d’expertise collective à l’épreuve de l’interdisciplinarité » »
4. JP MARTIGNONI :: “Une société de hasard par nécessité ? Nécessité et limite des jeux de hasard et d’argent “ notre intervention à la conférence internationale organisée par la Fondation Rodin et la Loterie Nationale Belge : “ Le jeu dans tous ses États ». (Bruxelles , Hôtel Conrad Hilton, 13,14,15 avril 2005)
5. JP MARTIGNONI :: Participation à la demande de l’Arjel au groupe de travail « Addiction » présidée par JF Vilotte (7 et 22 juillet 2009, septembre 2009 )
6. Jean-Pierre MARTIGNONI : : « Colloque sur les jeux de hasard et d’argent à l’Assemblée Nationale = L’État et les jeux, l’état du jeu « (I)( (23/II/2018, 11 pages , 28 notes, plus une annexe)publié lescasinos.org 23/11/2018 ) : informations et commentaires sur le colloque organisé par Olga GIVERNET (députée REM de l’Ain) et Christophe BLANCHET (député REM du Calvados) à l’Assemblée nationale le vendredi 30 novembre 2018 = « Jeux d’argent : enjeux et avenir d’un secteur en évolution » Nous étions invités à ce colloque par Olga GIVERNET et Christophe BLANCHET)
7. Jacob Amnon Suissa : « La construction d’un problème social en pathologie : le cas des jeux de hasard et d’argent (gambling) ( Nouvelles pratiques sociales vol 18 n°1, 2005, 148-161)
8. « L’addiction aux jeux d’argent : un phénomène social ? « Le 26 septembre 2019 à l’Université Saint-Louis (Boulevard du Jardin Botanique 43, 1000 Bruxelles)
9. Brian Castellani Pathological Gambling: The Making of a Medical Problem, 2000 : 51-52, Albany :state university of New York press )
10. Inverser les rôles : étudier la recherche sur les jeux d’argent « (isabelle : 30/04/2015 techno-Science) erc.europa.eu du 12-04-2012 (ERC) Europena researche councilSOCIAL AND CULTURAL FACTORS IN THE EUROPEAN GAMBLING INDUSTRY
11. "Les addictions : croisement des disciplines et confrontation des savoirs" (14e édition du Congrès de l'ALBATROS, 10, 11,12 juin 2020 au Novotel Tour Eiffel à Paris)
12. « L’addiction aux jeux vidéo est désormais reconnue comme une maladie par l’OMS » (lefigaro.fr avec l’AFP du 19/6/2018)
13. Gogo : Personne crédule, naïve, prête à croire n'importe quoi.
14. Cave : Personne que l'on peut duper facilement
15. Conférence à la Sorbonne le 11 mars 2019 par la neurologue Jocelyne Caboche en ouverture de la semaine du « cerveau » ! ( confer Yann VERDO , « Comment les drogues piratent le cerveau » : ( Les Échos idées débats , II mars 2019)
16. Jocelyne Caboche : »Le jeu pathologique, une addiction qui se soigne (lefigaro.fr du 22/3/2019, Anne prigent)
17. Un « cygne noir » est un événement imprévisible qui a une très faible probabilité d’arriver mais qui a des conséquences très importantes s’il se réalise. Ce concept de « théorie du cygne noir » a été développé par le philosophe Nassim Nicholas Taleb dans son livre le cygne noir : la puissance de l'imprévisible (2008 les belles lettres)
18. Jean-Pierre MARTIGNONI : » L’addiction au jeu : une drôle de maladie qui a du mal à trouver ses malades « (mars 2019, 4 pages, 6 notes, 1 annexe) «( publié sur lescasinos.org 29 mars 2019)
19. on utilise l’adverbe benoitement pour qualifier un comportement, une parole, une action réalisés hypocritement, sournoisement
20. anosognosie : trouble qui fait qu'un patient atteint d'une maladie ne semble pas avoir conscience de sa condition.
21. « JEAN-MICHEL COSTES POUSSÉ VERS LA SORTIE » L’Humanité, 20 Avril, 2011
22. JM Costes « taux de retour au joueur, addiction et blanchiment », publication de l’Observatoire des jeux mai 2012.)
23. Il s’agit d’Amandine Luquiens psychiatre et addictologue, praticien hospitalier dans le service d'addictologie à l'hôpital Paul Brousse de Villejuif.
24. Recherche Susan désespérément (Desperately Seeking Susan) est une comédie américaine sortie en 1985 avec Madonna et réalisée par Susan Seidelman
25. les casinos.org du 27 Mars 2019 : « l’addiction au jeu touche 1,2 millions de Français ( et seuls 2% se soignent) » ( source : franceinter.fr avec Danielle MESSAGER)
26. Donnons la définition de cette expression car elle fait sens : ''cracher au bassinet'' s'utilise lorsqu'on doit donner une somme d'argent sans en avoir vraiment envie.
27. Mail du 4 février 2020 envoyé par A.F Goalic chu Nantes
28. Paru en 1968, Le métier de sociologue Préalables épistémologiques témoigne d'un travail d'autoréflexion sur la pratique sociologique par ses auteurs Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron L'ouvrage a pour ambition de mettre à jour les principes qui font de la sociologie une science et de donner au chercheur les moyens d'assumer lui-même la surveillance de son travail scientifique, afin d'assurer une réelle portée heuristique.
29. Les Règles de la méthode sociologique, publié en 1895 par Émile Durkheim père de la sociologie française. Pour l’auteur du « Suicide » le sociologue doit mettre en œuvre une méthode de recherche scientifique, rigoureuse, objective, de manière à se détacher le plus possible des prénotions, des préjugés, de la subjectivité produites par l’expérience ordinaire
30. « ALLER VERS LES joueurS EN DIFFICULTE? EN POINTS DE VENTE DE JEUX D’ARGENT ET DE HASARD (JAH) = E?VALUATION DE MODES D’INTERVENTION PRE?COCE EN POINTSDE VENTE « FDJ » FACE AUX PRATIQUES DE JEU PROBLE?MATIQUES OFDT ( Carine Mutatayi, septembre 2019 , 27 pages, OFDT, 69 rue de Varenne - CS 70780 75700 PARIS CEDEX 07 )