Approche de « santé publique » des jeux d’argent
Approche de « santé publique » des jeux d’argent : présentation d’un
livre collectif sur le jeu problématique et critiques de la doxa du jeu pathologie maladie :
Harm Reduction for Gambling :
Public health approach to gambling
«
(Réduction des méfaits du jeu : approche de santé publique du jeu )
Par
Jean-Pierre Martignoni ( « Docteur » en sociologie)
Janvier 2020
____
Nous voudrions - une fois n’est pas coutume - présenter rapidement dès sa
sortie un livre qui concerne les différents facettes du jeu pathologie
maladie. Cette publication éditée par Le Centre du jeu excessif
(CHUV/Lausanne) et la National Problem Gambling Clinic de Londres a pour
titre : Harm Reduction for Gambling : Public health approach to gambling (2019, 176 pages) Littéralement
« Réduction des méfaits du jeu : approche de santé publique du jeu »
Cette publication a été assurée par
Olivier Simon , Henrietta Bowden-Jones ; Cheryl Caroline
Dunand
· Olivier Simon est psychiatre et titulaire d'une maîtrise en santé
publique. Il est directeur du Centre du jeu excessif (CHU) du CHU de
Lausanne et maître de conférences à la Faculté de biologie de l'Université
de Lausanne, Suisse.
· Henrietta Bowden-Jones docteure en médecine spécialisée en psychiatrie de
la toxicomanie. Elle est la fondatrice et directrice de la National Problem
Gambling Clinic, Royaume-Uni et présidente de la Medical Women's
Federation. Elle est maître de conférences clinique honoraire à la Faculté
de médecine de l'Imperial College.
· Cheryl Dickson est titulaire d'un doctorat en psychologie clinique. Elle
s'est spécialisée en post-qualification dans le domaine du jeu
problématique et travaille depuis 2009 pour le Centre du jeu excessif
(CHU), de Lausanne, Suisse.
· Caroline Dunand est une psychologue qui a travaillé pendant plus de dix
ans en tant que chercheuse au Centre du jeu excessif CHU de Lausanne,
Suisse.
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Cet ouvrage collectif pose d’après ses éditeurs les jalons d’une politique
des jeux de hasard et d’argent (JHA) fondée « sur l’interdisciplinarité et les droits humains ». C’est une
synthèse des connaissances et enjeux contemporains des JHA vue à travers le
prisme de la santé publique. A ceux qui pourrait s’étonner que
nous fassions de la publicité pour un livre qui traite dujeu compulsif alors que nous avons toujours « combattu » cette doxa et ses multiples théories, nous répondrons que le « combat »
intellectuel, épistémologique et scientifique n’exclut pas les échanges.
D’autant que figure à l’épicentre de ce livre le franco-suisse Olivier
Simon et le CHU de Lausanne qui nous ont plusieurs fois convié à des
symposiums helvètes pour traiter de la question du jeu excessif.
Soulignons à ce propos que avons souvent constaté au long de notre carrière
qu’il est plus facile de débattre du jeu pathologique en Suisse
(mais aussi en Belgique, au Canada) qu’en France. Nous avons plusieurs fois
été invités par ces pays dans des colloques sur le jeu problématique alors que les organisateurs savaient :
· que nos travaux ethnosociologiques et socio-anthropologiques sur les jeux
(basées sur des études de terrain représentatives) notre approche
sociologique wébérienne et durkheimienne des pratiques et interactions
ludiques, des joueurs, des espaces de jeu…(fondée sur des centaines
d’entretiens de joueurs, de personnel de jeu, de managers de casinos,
d’observations naturalistes et d’observations participantes…) se situaient
aux antipodes d’une approche médicalisante du jeu
· que nous dénoncions de la manière la plus radicale la doxa du jeu pathologie maladie, une pieuvre aux multiples
visages empêtrée dans ses lobbyings, conflits d’intérêts, contradictions,
approximations scientifiques et ses rapports « incestueux » (notamment
financiers) avec les opérateurs ludiques et les États croupiers
· que nous rappelions souvent, de la manière la plus implacable - toutes
les vérités sont bonnes à dire - qu’il y a avait un importantdessous des cartes - politico scientifique - dans le dossier jeu responsable. politiquement correct, cette notion
fourre-tout de jeu responsable permet aux opérateurs ludiques ( et
notamment en France à la FDJ) d’afficher un comportement éthique et une RSE
vertueuse, aux « politiques » de se donner bonne conscience….et à la doxa
du jeu addictif d’exploiter sans vergogne le business du jeu compulsif, souvent public parfois privé.
Cet ouverture d’esprit de nos « voisins » et de nos « cousins » est
particulièrement a signaler en ce qui concerne le Canada , le Québec et
la Belgique. A de nombreuses occasions nous avons expertisés pour ces
pays des propositions de recherche, des réponses à des appels d’offre,
des demandes de financement (aux budgets considérables), des articles…
Soulignons fortement - car cela fait sens et conforte nos propos
critiques d’ensemble - que
ces expertises concernaient pratiquement toutes des demandes de
subvention pour réaliser des travaux sur l’addiction aux jeux de
hasard. Ce qui en dit long sur l’orientation « politique » des
recherches et publications sur le gambling. Malgré cela nous avons
toujours donné un avis favorable à ces projets alors que nous aurions
pu mettre notre veto en tant qu’expert indépendant. Nous nous
contentions souvent de donner des consignes méthodologiques et
épistémologiques aux candidats, les invitant également à ne pas
surdéterminer leur questionnement.
Nous ne sommes pas le seul à dénoncer cette situation.
En ce qui concerne les publications d’articles le prisme du jeu
pathologique ( miroir déformée de la réalité des pratiques ludiques)
oriente depuis des années le regard des chercheurs vers des considérations
psychologiques, médicales ou sanitaires. Brian Castellani ( Pathological Gambling: The Making of a Medical Problem, 2000 :
51-52, Albany :state university of new York press ) analysant des
centaines d’ articles publiés dans the Journal of Gambling Studies observe
« une surreprésentation des travaux renvoyant le jeu au « modèle
médical » Non seulement la psychopathologie du jeu domine le champ
intellectuel par la place qu’elle occupe dans la littérature
scientifique internationale, mais elle domine également en imposant ses
catégories aux autres disciplines ».
En ce qui concerne les recherches sur les jeux d’argent la Commission
Européenne fait le même constat. Elle a financé une étude menée par le
Professeur Rebecca Cassidy dans le cadre du projet GAMSOC (« Gambling in
Europe ») le rapport, intitulé «Fair Game producing gambling research», conclut notamment que «
les recherches sur les jeux tendent à se restreindre aux personnes pour
qui les jeux d'argent sont devenus une obsession pathologique, une
addiction, au lieu de porter sur les implications sociales et
culturelles »
( confer annexes 1 et 2)
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Ouvrons rapidement deux parenthèses :
1/En ce qui concerne le Québec nous voudrions signaler et rendre
hommage à Alain Dubois, aujourd’hui retiré des affaires… du jeu,
mais qui pendant des années a joué un grand rôle dans les débats
autour du gambling dans la Belle Province. Bien que vigoureux
partisan du jeu pathologie maladie Alain Dubois - qui a mené un
combat acharné contre Loto Québec - a spontanément et à de
multiples occasions publié nos articles, alors que nos travaux
théoriques et empiriques contredisaient son approche et sa lutte
politico intellectuelle contre les » méfaits » des jeux d’argent.
2/En ce qui concerne la Belgique soulignons que les recherches sur
le jeu n’empêchent pas le plat pays ( notamment
les groupes Ardent et Golden Palace)
de développer son industrie des jeux , de s’implanter dans les
Clubs de jeu parisien et même de damer le pion à certains
casinotiers français
-
« Sébastien Leclerc* , un belge à la conquête de Paris » par Julien
Tissot ( L’actualité des clubs de jeux parisiens, 21 janvier 2019)
*Sébastien Leclerc est le directeur opérationnel d’Adent Group en
France depuis 2016
.
« Le groupe Ardent veut doubler de taille dans les jeux d’argent en
5 ans » ( L’Écho (journal Belge) 19 janvier 2019).« Jeux d’argent :
le belge ardent mise sur le marché français : le premier groupe
belge de jeux d’argent veut croitre en France tant dans le secteur
des casinos que des jeux en ligne » ( Christophe Palierse , les
Échos 30/I2/2018)
-
« Golden Palace souffle le Casino de Boulogne sur Mer au groupe
Partouche«
27/02 /2019 , les échos :
Nicole Buyse (Correspondante à Lille)
« Repris par Golden Palace le casino de Boulogne rouvre ses porte
ce mercredi « (
Thomas Diquattro, la voix du nord.fr
|
09/07/2019 )
«
Casino de Boulogne-sur-Mer : Golden Palace rafle la mise en
évinçant Partouche » =( Elodie Soury-Lavergne, le journal des
entreprises ; le 28 février 2019)
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Au final, à ceux qui pourrait ne pas comprendre que nous fassions peu ou
prou la promotion d’un livre qui traite du jeu à travers le prisme réducteur de la pathologie - alors que les JHA sont un
fait historique, social, économique, culturel avant d’être un problème de
santé publique - nous rappellerons que lors de la création de
l’Observatoire Des Jeux à Paris il y a bien longtemps, c’est -
volontairement - avec deux psychiatres spécialistes des addictions et non
des moindres : Marc Valleur et Christian Bucher que nous l’avons réalisée.
Il faut dire que l’approche ordalique initiée par Claude
Olivenstein à Marmottan et poursuivie par Valleur permet d’avoir un
dialogue scientifique constructif et d’aboutir à une synthèse permettant de
traiter de façon pluridisciplaire la question du jeu, sans pathologiser une
pratique sociale, y compris quand elle est jugée « excessive » par
certains.
Après avoir présenté très sommairement cet ouvrage (nous aurons
l’occasion d’y revenir dans d’autres contributions) nous rappellerons
différentes critiques qui concernent le jeu pathologie maladie.
1. Résumé de l’ouvrage = Ce livre collectif vise à
faciliter l'évolution de la nouvelle approche de santé publique envers les jeux d’argent.
Rassemblant les travaux d'experts internationaux, il donne un aperçu actuel
du domaine, soulignant la nécessité d'un cadre coordonné de mesures de
prévention et de réduction des risques pour remplacer les mesures actuelles
de «protection des joueurs». Cet ouvrage explore ensuite l'impact du jeu problématique, en
examinant ses effets à plusieurs niveaux, allant de l'individu à la famille
et à la société. Un aperçu des modèles de prévention et de réduction des
méfaits est présenté, amenant le lecteur à une compréhension approfondie de
ce qu'impliquerait une approche de santé publique du jeu. Les différents
chapitres de l’ouvrage se concentrent sur les défis potentiels du suivi et
de l'évaluation, invitant le lecteur à envisager les obstacles potentiels à
la mise en œuvre et les moyens de les surmonter. Le livre se termine par
des recommandations sur la façon d’adopter une approche de réduction des
méfaits, du point de vue politique et des droits de l’homme. Au final ce
travail collectif donne un synopsis des problèmes actuels lors de la mise
en œuvre d'une stratégie de réduction des méfaits des jeux d’argent. Des
travaux récents de professionnels sont présentés afin d'encourager de
nouveaux développements dans ce domaine en constante évolution. Les
questions traitées dans cet ouvrage seront pertinentes pour ceux qui
s'intéressent au domaine du jeu problématique, des cliniciens, des
étudiants et des professionnels de la santé aux politiciens. Pour le
professeur Robert Williams ( Faculté des sciences de la santé et
coordonnateur, Alberta Gambling Research Institute)
"Ce livre donne un aperçu de l'ampleur et de la mesure des méfaits liés
au jeu ainsi que des différentes approches de prévention et de
traitement disponibles pour minimiser ces méfaits. Il offre une
ressource essentielle pour les décideurs, les cliniciens et les
chercheurs.
" Pour Idris Guessous( chef de la division de médecine de soins primaires,
Hôpitaux universitaires de Genève)
ce livre nous transporte dans un nouveau domaine des troubles addictifs
(..) il donne un excellent exemple de l'application de la santé
publique au domaine du jeu. les professionnels de la santé et les
personnes concernées par les dépendances auront une compréhension
claire d'une approche moderne de la santé publique, qui est basée sur
les dernières connaissances, et des droits de l'homme. "
2.
Structure du livre et articles publiés dans cet ouvrage =
Après une introduction de Cheryl Dickson, Caroline Dunand, Olivier Simon,
Henrietta Bowden-Jones, le livre se structure en trois sections = Section
1: Impact et compréhension actuelle du trouble du jeu. Section 2: Modèles
et initiatives de réduction des méfaits Section 3: Défis de l'évaluation et
du suivi
Dans la première section les thèmes suivants sont abordés =
-
Jeux de hasard et démocratie
par Peter Adams
-
Mesurer les méfaits du jeu et estimer sa distribution dans la
population
par Matthew Brown
-
Le coût social du jeu excessif
par Claude Jeanrenaud, Mélanie Gay, Dimitri Kohler, Jacques Besson,
Olivier Simon
-
La normalisation du jeu dangereux: un problème éthique
par Jim Orford
-
Membres de la famille affectés par un jeu excessif
par Jim Orford
-
Composantes neurocognitives du trouble du jeu: implications pour
l'évaluation, le traitement et la politique
par Juan F. Navas, Joël Billieux, Antonio Verdejo-García, José C.
Perales
Dans la deuxième section différentes problématiques sont présentées =
-
Définir la réduction des méfaits dans le cadre d'une approche de
santé publique à l'égard du jeu
par Olivier Simon, Jean-Félix Savary, Gabriel Guarrasi, Cheryl Dickson.
-
Pratiques efficaces de minimisation des méfaits: implications pour
la santé publique
par Darren R. Christensen
-
Prévention des méfaits et efforts de réduction des troubles du jeu:
une perspective internationale
par Charles Livingstone
-
Le rôle du traitement dans la réduction des dommages liés au jeu
par David C. Hodgins, Madeleine Schluter
-
Santé publique et jeux de hasard: le potentiel des politiques de
coup de pouce
par Magaly Brodeur
-
Détection précoce du jeu à risque pour réduire les méfaits
par Suzanne Lischer
-
Suivi comportemental dans les jeux de hasard: utilisation et
efficacité des outils de jeu responsable en ligne
par Mark D. Griffiths
Dans la troisième section différentes questions sont posées =
-
Un cadre logique pour l'évaluation d'une politique de réduction des
méfaits du jeu
par Jean-Michel Costes ( Observatoire des jeux Paris Bercy)
-
Le revenu provenant du jeu problématique est-il un bon indicateur
d'évaluation d'une stratégie de jeu responsable?
Jean-Michel Costes( Observatoire des jeux Paris Bercy)
· Défis du jeu en ligne pour la réduction des risques et des méfaits Louise
Nadeau, Magali Dufour, Richard Guay, Sylvia Kairouz, Jean-Marc Ménard,
Catherine Paradis
Cheryl Dickson, Caroline Dunand, Olivier Simon, Henrietta Bowden-Jones
assurent la conclusion de l’ouvrage
3 = Antidote
*Substance destinée à neutraliser les effets d'un poison, d'un venin,
d'un virus.
Nous sommes souvent, et depuis longtemps, intervenus pour dénoncer la
vision propagandiste médicale du jeu, véhiculée par « certains »
addictologues, psychologues, psychiatres, thérapeutes…. Par exemple dès
2005 dans la revue Psychotropes : «
Que peut apporter la sociologie dans le débat sur le jeu compulsif ?
“ (1) Mais également dans des colloques, par exemple en Suisse (2) en
Belgique ( 3), dans des interventions médiatiques ou des groupes de
travail, par exemple à l’ARJEL (4) En outre nos enquêtes de « terrain »,
nos participations à des expertises institutionnelles (notamment celle de
l’INSERM), nos multiples missions et auditions officielles (Sénat,
Assemblée Nationale) nous ont permis d’ observer au plus près -( et encore dernièrement au colloque organisé fin 2018 salle Lamartine par
Olga GIVERNET députée REM de l’Ain et Christophe BLANCHET (député REM
du Calvados)
(5)
) comment en France s’est mise en place ces dernières années ce « construit
social » que constitue le jeu pathologie maladie. Si l’activisme des
différents acteurs de la doxa explique cette construction, elle n’a pu être
effective qu’avec la « complicité intéressée » des « politiques », des
opérateurs et la bienveillance des médias, qui ont rarement réinterrogé le
bien-fondé scientifique du jeu pathologie maladie, n’ont jamais enquêté sur
les conflits d’intérêts qui lient les différents acteurs de cette
construction.
Nous ne sommes pas le seul à avoir déconstruit l’usine à gaz du jeu perçu comme une drogue. A. J. Suissa par
exemple s’intéresse depuis de nombreuses années aux déterminants sociaux
des dépendances, à leur impact sur le processus de traitement et de
réinsertion sociale. Auteur de « Pourquoi l’alcoolisme n’est pas une maladie « ( Fides I998) il
s’est intéressé ensuite au gambling de manière originale, iconoclaste et pluridisciplinaire.
Son ouvrage dont le titre en dit long - « Le jeu compulsif : vérités et mensonges » ( Fidès 2005) - a
conforté nos analyses. Ce livre montre que le phénomène de dépendance
constitue d’abord un problème social. Au concept de « pathologie » et de «
maladie du jeu compulsif » cher à la doxa, Suissa oppose une approche
mettant en valeur « les forces des individus dans leur style de vie, leur
milieu familial, social et professionnel ».
Dans une autre publication - dont le titre fait sens -
« La construction d’un problème social en pathologie : le cas des jeux
de hasard et d’argent
»(6) Suissa - qui vient de participer à une journée d’étude sur ce thème en
Belgique. (7 ) - souligne comment historiquement dans différents pays (
notamment en Angleterre et aux ETUN), les jeux de hasard se transforment
progressivement en pathologie et quelles sont les idéologies et travaux qui
expliquent cette évolution. Pour Suissa l’idéologie de l’individualisme tient une place centrale dans le
discours de la pathologie contemporaine du jeu. En ce qui concerne les
recherches,
celles d’Edmund Bergler notamment (The psychologie of gambling, 1958)
inaugurent une conception du jeu comme étant une névrose
accompagnée - contre toute attente - d’un désir inconscient de perdre. Dans cet article A. J. Suissa
réinterroge également les fondements pseudo scientifiques qui entourent le
discours du jeu pathologie maladie. Discours omnipotent qui domine en
Amérique du nord, et désormais également en Europe, notamment en France.
Dans notre « beau » pays
( mais qui est moins « beau » quand les addictologues dominent les
politiques de santé en matière de drogue et de tabac confer nos
articles sur les salles de shoot et les paquets de l’horreur que sont
les paquets « neutres »
)en quelques années -
de l’Observatoire des jeux (ODJ/BERCY) à l’Arjel en passant par le
Ministère de la santé et de multiples structures, instituts,
associations…
- cette doxa a « colonisé » la totalité du champ des Jeux de Hasard et
d’Argent. Elle continue de proliférer dans d’autres domaines que
l’addictologie traditionnelle, par exemple dernièrement à la Sorbonne avec
Jocelyne Caboche, neurologue au nom prédestiné qui a ouvert la semaine du «
cerveau » à Paris en mars 2019(8)
Des dizaines de « psy » et désormais les spécialistes des neurosciences ont
compris tous les bénéficies qu’ils pouvaient tirer de cette « nouvelle
maladie » introduite dans le DSM( Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux ) en 1980 aux ETUN par l’APA (American Psychiatric Association). Le business du jeu compulsif
fonctionne désormais à plein régime. De nouveaux « spécialistes » auto
proclamés des jeux de hasard arrivent chaque année sur ce « marché »,
souvent sans n’avoir jamais réalisé une seule étude sur les joueurs et sans
être des spécialistes des jeux d’argent.
Mais curieusement (et pour nous cela fait sens) cette pandémie ludique semble avoir du mal à trouver ses malades.
(9) Lors du colloque à l’Assemblée Nationale fin 2018, Jean-Michel Costes (
secrétaire de l’Observatoire Des Jeux - Paris BERCY) a constaté benoitement
- et condamné - le fait que :
« le joueur ne reconnaisse pas sa maladie » et que « très peu de
joueurs consultent »
Mais bizarrement cet addictologue - viré de l’Observatoire des drogues (OFDT) en 2011 par
Étienne Apaire président de la MILDT (Mission interministérielle de
lutte contre la drogue et la toxicomanie ) notamment
parce qu’il écrivait des tribunes favorables aux salle de shoot et
était sorti de son devoir de réserve (10)
- ne s’est pas interrogé une seconde sur la réalité cette maladie, ou sur
l’épistémologie de ses travaux, par exemple quand il a la prétention de
mesurer le nombre de joueurs malades du jeu dans un questionnaire
auto administré. Dans une fuite en avant il a au contraire enfoncer le
clou, proposant de nouvelles mesures liberticides pour « identifier les
millions de joueurs, les « soigner ».
La doxa du jeu pathologie a du mal à trouver ses patients ? qu’à cela ne
tienne l’hôpital Paul Brousse de Villejuif lance depuis quelques mois un
surprenant « nouvel essai thérapeutique » ou c’est le médecin (11) qui ira
à la rencontre numérique du joueur « malade du jeu » .
(Pour ceux qui veulent en savoir plus sur cet acharnement ludico
thérapeutique préventif qui n’est pas un poisson d’avril confer
annexe1)
Drôle de maladie donc que cette maladie du jeu – la maladie des perdants ? - qui semble avoir du mal à trouver
ses malades, pourtant très nombreux si l’on en croit à nouveau
l’Observatoire des jeux. Costes affirme (12) qu’il y « aurait » 1 250 000
joueurs excessifs… ou à risque modéré. La doxa donne une
définition extensive du joueur « pathologique » qui jette un doute sur la
réalité épidémiologique de cette « maladie ». L’imposture intellectuelle
consiste à exploiter une projection abscons que nous résumerons ainsi :
tous les gens bien portants peuvent toujours tombés malades et personne
ne pourra jamais prouver le contraire.
En surfant sur cette hypothèse tautologique, en établissant une taxinomie à
géométrie variable, la doxa peut, quand ça l’arrange, faire du chantage aux
pouvoirs publics, aux opérateurs
Ce jeu pathologique, dont on parle pourtant en permanence depuis des
années, ne représenterait ( le conditionnel est de rigueur) selon
la doxa que 1 à 3 % des joueurs. Ce très large « râteau » permet tout à la
fois de rassurer les opérateurs mais aussi de les maintenir sous pression
afin qu’ils crachent au bassinet ( 13) Même si le nombre de
joueurs qui signalent avoir des problèmes de jeu est riquiqui - il y a
environ 70 000 interdits de jeu volontaires en France gérés la
police des jeux - la doxa peut toujours agiter le chiffon rouge des joueurs
« qui risquent » d’avoir des problèmes de jeu….. à la Saint Glinglin !
(
14). La ficelle semble grosse mais ça marche. L’ idéologie du principe de précaution, à laquelle sont sensibles les
pouvoirs publics et nos hommes politiques, anesthésie souvent leur sens
critique dans ce domaine comme dans d’autres. Ils accueillent avec
bienveillance la Poudre de Perlimpinpin (15) que veut leur vendre
la doxa du jeu pathologie maladie pour soigner les drogués du jeu.
De leur côté les opérateurs, contraints et forcés, ont « compris » qu’ils
devaient - ça mange pas de pain - lâcher quelques miettes pour calmer le jobbard (
La FDJ a versé 1,6 millions d’euros à Jean Luc Vénisse du CHU de Nantes
en pleine expertise INSERM confer ci-dessous)
Ces mêmes opérateurs ont également intégré le fait qu’ils devaient afficher
une politique de jeu responsable mais, dans le même temps, poursuivre et
même accélérer l’ exploitation du business ludique. Ce qui explique que la
Française des jeux surperforme depuis qu’elle mène une politique de lutte
contre l’addiction.
Le cas de la FDJ est en effet exemplaire. L’opérateur de Boulogne ne s’est
jamais aussi bien porté depuis qu’il affiche une RSE vertueuse et depuis
qu’il finance la doxa du jeu pathologique. Cette politique d’information,
prévention, « formation » ….a en réalité produit plus de jeux que si elle
n’avait pas été engagée. Car bien entendu les dirigeants de la FDJ -
Christophe Blanchard et désormais Stéphane Pallez - ne sont pas restés les
bras croisés au niveau commercial, marketing et industriel. Les deux PDG
ont fortement accru, modernisé, diversifié, digitalisé… l’offre ludique de
la FDJ permettant à l’opérateur toujours en situation de monopole - ce qui
facilite grandement sa position dominante - de surperformer chaque année
pour dépasser désormais allégrement la barre des 10 milliards.
Mais il y a un Signe Noir (16) que ces hauts dirigeants du secteur public
fortement rémunérés n’avaient pas anticipé. Dans le même temps qu’elle
boostait fortement son chiffre d’affaire, la FDJ a perdu plusieurs millions
de joueurs. Comment l’opérateur historique a-t-il pu surperformer ( 17)
alors que sa clientèle diminuait ? Les français joueurs ont joué de manière
plus intensive.
Au final, contre toute attente, la politique jeu responsable de la FDJ
a produit en réalité du jeu excessif
. Personne ne parle de ce constat accablant sauf… la Cour des comptes
(CDC). Pas certain cependant que le commun des mortels, ni même les
journalistes, lisent les longs et exhaustifs rapports des Sages de la rue
Cambon. Citons la page 25 du dernier rapport de la Cour sur les jeux :
« si les enjeux collectés par la FDJ sont en constante augmentation
depuis I8 ans (*) on constate en revanche une diminution régulière
du nombre de joueurs = - I8%. Les joueurs, s’ils deviennent moins
nombreux misent en revanche des sommes plus élevées, démontrant une
pratique plus intensive « (18)
(*) La FDJ a vu son chiffre d’affaire plus que doubler de 1995 à 2014,
passant de 5 milliards à 13 milliards d’euros soir une augmentation de
160% sur la période)
----
Encore récemment le jeu pathologique était au centre des débats
parlementaires et médiatiques autour du projet de privatisation de la FDJ.
Mais l’instrumentalisation de la problématique de l’addiction par les «
politiques » , de gauche comme de droite, l’impérialisme intellectuel de la
doxa, le comportement moutonnier des médias, ont empêché tout débat sérieux
sur la question.
Nous avons montré, dans de multiples contributions :
· qu’il est fallacieux de parler de dépendance, de « drogue », à l’endroit
des jeux d’argent. Et le terme d’appétence est préférable à celui
de prévalence, qui a l’inconvénient d’inscrire les JHA dans une
nosologie médicale ou l’on cherche à identifier les signes cliniques de la
maladie du jeu
-
qu’il y a danger scientifique à aborder les jeux de hasard à
travers la problématique de l’addiction, car une fois acceptées comme
entité morbide individualisée les pratiques ludiques sont analysées
comme des formes plus ou moins aiguës de jeu pathologique. Le fait que
la doxa insiste désormais sur les joueurs « à risque modéré » ou ceux «
susceptibles de tomber dans l’addiction », en est la parfaite
illustration.
---
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. De nouvelles propositions
thérapeutiques surprenantes, pour ne pas dire totalement scandaleuses,
apparaissent pour soigner les addicts du jeu. Comme celle imaginée par un
professeur de toxicologie d’Helsinki, consistant à tester sur 130 joueurs
un vaporisateur contenant du naloxone, un produit de traitement des
overdoses aux opiacés. La logique pharmaco-commerciale se dévoile. Après
avoir fait croire par tous les moyens que le jeu était une drogue, certains
dans la galaxie médico-pharmaceutique de la doxa, rêvent de fournir un
produit censé remplacer le jeu par une vraie drogue. Ironie de l’histoire,
ces apprentis sorciers n’ont réussi pour l’instant qu’à déclencher…. une
addiction aux jeux d’argent en prescrivant du Sifrol (un antiparkinsonien
)chez certains patients atteints de troubles neurologiques
Cette doxa - sous couvert de santé publique - défend en réalité ses
intérêts (notamment financiers), ses pouvoirs, ses postes, ses réseaux
d’influence…. Elle souhaite ( comme pour le tabac, l’alcool, la drogue…)
développer de nouveaux marchés qui intéressent l’industrie pharmaceutique,
exploiter l’inquiétude des « politiques » qui cherchent à se donner bonne conscience en médicalisant un fait social ou en
instrumentalisant à des fins idéologiques cette pathologisation, comme nous
avons encore pu l’observer dernièrement avec la privatisation de la
FDJ.(19) (confer = « Privatisation de la FDJ : un risque pour l’addiction au jeu ? =
La FDJ entrera en bourse fin novembre, pour une privatisation complète
début 2020. Ce changement peut-il avoir un impact sur l’addiction au
jeu ? « Lucie Descamps ;
4 octobre 2019 Yahoo finance France)
La doxa du jeu pathologie maladie se dévoile également, et souligne sa
légèreté scientifique, quand elle parle du caractère particulièrement addictif de….tous les jeux d’argent.
-
Rapido a été sacrifié sur l’autel de la doxa du jeu pathologie maladie par deux députés
et une petite association parisienne (SOS joueurs) qui trouvaient ce
jeu « particulièrement addictif » car rapide ! Rapido a été
prohibé, la FDJ a continué de financer SOS joueurs mais - avec de gros
sabots sémantiques - a relancé ce jeu sous le nom d’Amigo.
Désormais avec une appellation aussi bienveillante - « ami « -
ce jeu ne saurait être addictif
· Préalablement les machines à sous furent accusées par cette même doxa
d’être « particulièrement addictives » à cause de « l’ambiance
casino »
(sociabilité, musique, convivialité joyeuse, slots colorées qui
tintantanibulent, bruit de l’argent, absence d’horloge, politique du
free des casinos qui savent recevoir …)
outre le fait que pour les addictologues, historiquement, l’enfer du jeu ce sont naturellement les casinos.
· En 2010 bien entendu, les jeux d’argent sur internet régulés par l’ARJEL
- poker notamment - furent, sans études préalables, immédiatement accusés
par la doxa d’être particulièrement addictifs …mais - va
comprendre Charles ! (20)- pour des raisons inverses que celles citées
précédemment pour les casinos. Le joueur en ligne désocialisé seul devant
son ordinateur, qui flambe en ligne H24 au poker cash game ou dans de longs
tournois, allait forcément tomber dans l’addiction. La vaste recherche
nationale représentative que nous avons réalisée à l’ARJEL sous le contrôle
de JF Vilotte et de deux cadres de l’Arjel (et non des moindres) démontrait
que cette prédiction était pour le moins réductrice. Mais dès son arrivée
Rue Leblanc (21) Charles Coppolani a interdit que cette étude dans son volet quantitatif soit publiée sur le site de l’Arjel,
alors JF Vilotte avait donné son aval pour publication avant son départ de
l’institution(22). (
Charles de Laubier, journaliste, fait référence à cette censure dans un
dossier sur les jeux d’argent à paraitre à la mi-janvier 2020 dans le
journal Le Monde).
Dans le même temps ce haut fonctionnaire de Bercy, en programmant notre
licenciement alors que nous venions de vivre un drame personnel ( voir
ci-dessous), a empêché que cette étude dans son volet qualitatif
puisse se terminer normalement, censurant de fait la publication ultérieure
de l’ensemble des résultats qui apparaissaient riches et féconds.
· Plus récemment, en 2018, les jeux de grattage ( et notamment Cash 500 000
euros) qui représentent un pourcentage déterminant du volume d’affaire de
la FDJ ont également été accusés d’être « particulièrement addictifs »… par
J.M. COSTES ( ODJ/Bercy) et SOS joueurs, avec la « complicité »
bienveillante du quotidien Libération, qui a toujours préféré les salles de
shoot aux jeux d’argent( 23 )
-
Au final, en accusant tous les jeux de hasard
d’être particulièrement addictifs ( il ne serait pas étonnant que
les addictologues s’en prennent prochainement aux paris sportifs)
la doxa dévoile sa stratégie ( ratisser large) mais également sa
légèreté scientifique, son absolutisme, et en réalité sa méconnaissance
des pratiques ludiques contemporaines. Le fait en outre que cette doxa
donne des explications contradictoires pour expliquer « l’addiction
ludique » jette un doute sérieux, sur le sérieux scientifique
de ces affirmations et prouve que cette « addiction sans substance » a
toutes les caractéristiques d’une usine à gaz….
-----
Néanmoins l’histoire n’est pas finie et la doxa du jeu pathologie maladie a
sans doute mangé son pain blanc. Quand « les politiques » auront un doute
sur cette « maladie du jeu », quand ils consulteront les écrits
scientifiques qui critiquent le DSM ils s’interrogeront, comme l’a fait
Yann VERDO dans le quotidien les Échos en mars 2019… : « Les jeux, une
drogue ? » ( 24)
Ils se poseront ensuite une autre question soulevée depuis longtemps par
Marc VALLEUR….. qui pourtant - personne n’est parfait - n’est pas
sociologue :
« Qu’y a-t-il de réellement nouveau dans ces descriptions médicales ou
psychiatriques d’un phénomène existant depuis la plus haute antiquité ?
(…) Une évolution des regards, l’inscription dans le champ médical de
conduites qui préalablement relevaient de la morale
, un construit social issu des représentations dominantes duquel
émerge la figure du joueur pathologique comme nouvelle maladie
? » (25)
Malgré les difficultés « personnelles » et « professionnelles » tragiques que nous affrontons depuis 2013 nous avons décidé de
continuer à nous battre contre la doxa du jeu pathologie maladie en évitant
le pathos, pour ne pas que ce travail intellectuel et scientifique soit
perçu comme du ressentiment suite à notre éviction de l’ARJEL. En
2013 nous avons perdu notre fils de 20 ans en pleine santé et quelques mois
après, toujours en 2013, nous avons été licenciés de l’ARJEL par Charles
Coppolani (26) qui a remplacé Jean-François Vilotte suite à sa démission
inattendue. Haut fonctionnaire de Bercy Charles Coppolani était par
ailleurs Président de l’observatoire des jeux depuis 2011, observatoire que
nous avions fondé à Paris avec Marc Valleur et Christian Bucher mais dont
nous avons été exclu dès le départ par un « mystérieux cabinet » selon le
sénateur François Trucy.
En France dans le domaine de la recherche, comme dans de nombreux autres
domaines, quand vous n’allez pas dans le sens du vent, vous apparaissez
facilement comme un empêcheur de tourner en rond et on vous traite
rapidement d’iconoclaste car toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.
Dès 2008 à l’occasion de l’expertise Inserm nous avions alerté la
directrice de l’expertise (Madame Étiemble) sur le fait que les Jeux de
hasard et d’argent étaient fondamentalement un fait social et culturel
collectif profondément inscrit dans l’Histoire de France, non une maladie
individuelle. Mais déjà à l’époque nous n’étions guère pris au sérieux.
Signe qui ne trompe pas Madame Étiemble, quand elle nous donnait la parole
lors de l’expertise, nous présentait comme les représentants des sciences douces, sous-entendu que les addictologues étaient du
côté des sciences dures. Addictologues et spécialistes des drogues
dominaient l’expertise Inserm et préparaient leur OPA sur les jeux d’argent. Nombre de ces experts
( et la directrice de l’expertise elle-même) se sont ensuite recyclés dans
les jeux d’argent ( notamment dans l’Observatoire des jeux voir ci-dessous
extrait d’un article du Figaro de 2016) alors qu’ils n’étaient pas des
spécialistes du gambling. Certains n’avaient pas écrit une ligne sur le
sujet avant l’expertise et encore moins réalisés d’études de terrain pour
aller observer les joueurs, les interroger…
Extrait de l’article de Carole Bellemare les décideurs,
les nominations du jour ( Le Figaro du 1/I2/2016)=
-
« Observatoire des Jeux(ODJ) :
Jeanne Étiemble,
biologiste*,
directrice de recherche de l'Inserm, dans l'instance depuis 2011,
prend la présidence de l'Observatoire des jeux
-
Jean-Michel Costes, expert démographe*, ancien directeur de
l'Observatoire de la lutte contre la drogue et la toxicomanie,
membre depuis 2011 de l’observatoire des jeux, prend le poste créé* de secrétaire général de l’ODJ »
-
* : c’est nous qui soulignons
------
Nous avons ensuite précisé à de multiples occasions (colloques, médias….)
et dans de nombreuses contributions que cette notion de jeupathologique, compulsif, impulsif, addictif… était un construit social et que le concept « d’addiction sans substance »
« d’addiction comportementale » suscitait des débats scientifiques au sein
même des addictologues. En vain. Au mieux nous étions présentés comme un
doux rêveur, au pire comme un sociologue provocateur ce qui permet
d’éviter tout débat. Soulignons pour conclure provisoirement l’historique
de cette construction sociale - qui reste à écrire de manière exhaustive
pour la période contemporaine - que l’expertise Inserm sur le jeu réalisé
en France a comporté un conflit d’intérêts scandaleux rarement dénoncé.
En pleine expertise nous apprenons dans la presse que Jean Luc Vénisse (
qui comme Jean Michel Costes participait à l’expertise bien que n’étant pas
un spécialiste des jeux d’argent) venait de signer un partenariat de
plusieurs millions d’euros sur trois ans, pour créer au CHU de Nantes un
centre sur le jeu excessif financé par la Française Des Jeux. Naïf, nous
avons cru qu’à la prochaine réunion de travail de l’INSERM, la directrice
allait demander au bénéficiaire de ce pactole de quitter l’expertise pour
des raisons évidentes de conflits d’intérêt. Respectueux, nous
avons même pensé que JL Vénisse allait présenter de lui-même sa démission
par déontologie. Mais, dans un Paris qui n’a pas peur de l’argent, ce
conflit d’intérêt passa comme une lettre à la poste, la directrice de
l’expertise félicitant même l’heureux gagnant. Curieusement les médias sont
restés muets sur ce conflits d’intérêts malgré nos alertes, y compris
l’AFP. Il y a eu - à notre connaissance - une seule exception. Claire
Legros dans l’hebdomadaire La Vie qui a rédigé un court papier sur ce
dossier en présentant quelques mois après un congrès organisé à Nantes et
financé…… par la Française des jeux :
«
Conflit d'intérêts dans l'univers du jeu = Un congrès international
francophone d’addictologie s'ouvre à Nantes demain 6 octobre. Une
initiative financée principalement par……. la Française des jeux ».(
CLAIRE LEGROS publié le 05/10/2010 dans La Vie) : extraits :
« Du 6 au 8 octobre, les médecins spécialistes de l’addiction aux jeux
d’argent ont rendez-vous à Nantes pour un congrès international. Une
initiative louable au moment où le marché des jeux en ligne explose en
France, mais dont l’organisation pose question. En effet, c’est la
Française des jeux (FDJ), premier opérateur français des jeux d’argent
(10 milliards d’euros de CA en 2009), qui est le principal partenaire
financier de l’organisateur du congrès. Le deuxième n’étant autre que
le PMU. Le rapprochement date de 2007. À l’époque, la FDJ souhaite
cultiver une image d’industriel responsable et cherche des partenaires
du côté médical. Elle approche plusieurs services spécialisés dans le
traitement des joueurs pathologiques et propose des financements. À
Nantes, le partenariat aboutit à la création d’un Centre de référence
sur le jeu excessif (CRJE), financé à hauteur de 250 000 € par an par
la FDJ et de 70 000 € par le PMU, l’hôpital mettant à disposition son
personnel médical.
Des experts de l’addiction financés par les opérateurs de jeux…
Alors, comment garantir l’indépendance de leurs travaux de recherche?
Interrogés, la directrice du centre de Nantes, Christelle Andrès, ainsi
que Raymond Bovero, à la FDJ, mettent en avant la convention signée
entre les partenaires. Christelle Andrès reconnaît qu’il serait
"souhaitable pour le centre de renforcer les garde-fous en développant
les crédits publics et en devenant une fondation". (…)Conflit
d’intérêts ou grand écart… faites vos jeux ! «
-----
Alors au final qu’en est-il, je ne suis pas « toubib même si en exergue
j’insiste par ironie sur le fait que je suis « docteur » en sociologie. Il
faut bien entendu lire ce livre collectif de la doxa pour pouvoir dialoguer
avec elle. Plus largement il faut bien évidemment prendre en compte les
conséquences du gambling et du e.gambling, mais à condition d’apprécier
cela dans une équation couts/bénéfices et pas seulement analyser, comme le
fait la doxa, « les méfaits » du jeu
Il faut accompagner les joueurs et leurs familles c’est le rôle des
associations, à condition qu’elles soient indépendantes et non financées
par l’État Croupier ou les opérateurs. Il faut certainement « soigner »
ceux qui veulent sortir du jeu mais qui n’y parviendraient pas malgré le
fait qu’ils peuvent se faire « interdire de jeu » et les addictologues
spécialisés ont certainement des compétences pour le faire. Mais en aucune
manière c’est à la doxa du jeu pathologie maladie de définir la politique
des jeux de la France ou d’instrumentaliser des recherches ( favorables à
la doxa) comme le fait souvent l’observatoire des jeux. Faire de
l’information prévention est également indispensable mais c’est déjà très
largement fait même si, en ce qui concerne les personnes vulnérables, on
peut sans doute faire plus, à condition de ne pas confondre politique des
jeux et politique sociale.
Il faut certainement aller sur le terrain chez les opérateurs et notamment
chez les revendeurs de la FDJ, les bars PMU et dans les casinos pour
vérifier si la réglementation est bien respectée en matière de prévention.
Ayant fait plusieurs études nationales représentatives dans les casinos
nous pouvons affirmer que le diable est souvent dans le détail. Ce sera une
partie du travail de d’Isabelle FALQUE PIERROTIN (qui dirige l’Autorité
Nationale Des Jeux (ANS) depuis le 1° janvier 2020 ) de se donner les
moyens d’accomplir sa mission sur ce registre. « Le respect de la
réglementation sur le jeu responsable, l’information prévention sur le jeu
problématique … ne pourra se faire uniquement depuis Paris. Nous avons fait
un certain nombre de propositions dans une contribution récente. ( 27) Le
compte rendu du conseil des Ministres du 2/10/2019 précise que « si les
casinos relèvent toujours de l’Intérieur, les compétences de l’ANJ
porteront sur la lutte contre le jeu excessif dans les 200 établissements
de jeu ». Il en va de même pour les autres opérateurs ludiques et en
premier lieu pour la FDJ, premier opérateur ludique national avec une
maillage ludique très dense d’extrême proximité, des millions de joueurs…
Ce n’est certainement pas à la FDJ d’expertiser elle-même son réseau en
matière de jeu responsable comme elle l’a fait ces dernières années.
Mais il faut aussi préalablement redéfinir cette notion de jeu responsable
en posant la question : le jeu responsable oui, mais qui est responsable du
jeu ? Cela permettrait de redéfinir les différentes responsabilités pour ne
pas imposer un principe de précaution généralisé ou multiplier les mesures
liberticides ( comme le souhaite la doxa) qui tout à la fois
déresponsabiliseraient les joueurs et entraveraient leur liberté de jouer
dans une sorte de néo-prohibition.
Au final nous le constatons les problématiques en matière de jeux d’argent
sont multiples et complexes ( par exemple celles qui concernent la
socialisation ludique primaire, le jeu des mineurs, l’identification
généralisée de tous les joueurs souhaitée par la doxa qui serait une mesure
liberticide) Mais le jeu ( malgré les apparences) est une affaire trop
sérieuse pour qu’elle soit laissée entre les mains des administrations, des
addictologues, des associations anti jeu ou des associations familiales
rigoristes comme c’est largement le cas actuellement. C’est pour cette
raison que nous avons plusieurs fois appelé les pouvoirs publics a
organiser des États Généraux du gambling pour tout remettre à plat et que
nous venons de renouveler (28) cet appel aux députés et sénateurs ( confer
annexe 4 ) qui doivent avoir leur mot à dire sur la politique des jeux de
la France.
La privatisation de la FDJ( qui comporte de nombreuses contradictions, «
risques » ( confer notre article à paraître) ( 29) et ne saurait constituée
à elle seule une politique Des jeux Nationale. Et tout reste à faire en
matière de consumérisme ludique et de co-gouvernance de cette politique
avec les joueurs, les grands oubliés de la politique des jeux. Plus que
jamais ces États Généraux des jeux de hasard et d’argent sont donc
d’actualité. JPM.
© j.p.georges. martignoni-hutin jr.sociologue, janvier 2020,
université lumière Lyon 2, ISH,institut des sciences de l’homme,
Centre Max Weber(CMW)UMR 5283, équipe TIPO, ISH, Lyon, France.
-----------
A signaler dans la droite ligne de cet article une conférence à
Oslo:
13th European Conference on Gambling Studies and Policy Issues
Connecting differences 8 - 11 September 2020, Oslo, Norway
(13ème conférence européenne sur les études sur jeu et les questions
politiques
: «
Relier les différences »
8-11 septembre 2020, Oslo, Norvège)
Pieter et Ynze Remmers organisent leur 13e Conférence européenne sur les
études sur le jeu et les questions politiques, du 8 au 11 septembre 2020, à
Oslo, en Norvège( info sur www.easg2020.org ) Titre : CONNECTER LES
DIFFÉRENCES. Cette conférence se concentre sur les différents modes de
réglementation et de fonctionnement des JHA, mais également sur les
différentes approches de prévention, de traitement des jeux . Si vous
souhaitez participer à cette conférence envoyer votre résumé avant le 1er
mars 2020. Informations sur les ateliers pré-conférence , première version
du programme devraient être mise en ligne en avril 2020. Questions ou des
commentaires? Envoyez-nous un e-mail à conference@easg.org ou appelez notre
bureau au +31 20410 05 16
------
Notes =
1. (Psychotropes : revue internationale des toxicomanies et des addictions
: “ Le Jeu pathologique : quand jouer n’est plus jouer ” n°2 , vol
11, juillet 2005, p 55-86 )
2. JP Martignoni deux interventions au congrès international sur le jeu
organisé par le Centre du jeu excessif de Lausanne ( Direc. = Jacques
Besson – Resp. = Olivier Simon) = « Prévenir le jeu excessif dans une société addictive ? Université
de Lausanne Dorigny, 19 et 20 juin 2008 ) 1
= « L’industrie des jeux de hasard et d’argent est-elle compatible avec
les notions de jeu responsable et de développement durable ? » 2 = « Le
processus d’expertise collective à l’épreuve de l’interdisciplinarité »
»
3. JP Martignoni :
“Une société de hasard par nécessité ? Nécessité et limite des jeux de
hasard et d’argent “
notre intervention à la conférence internationale organisée par la
Fondation Rodin et la Loterie Nationale Belge : “ Le jeu dans tous ses
États ». (Bruxelles , Hôtel Conrad Hilton, 13,14,15 avril 2005)
4. JP Martignoni : Participation à la demande de l’Arjel au groupe de
travail « Addiction » présidée par JF Vilotte (7 et 22 juillet 2009, +
septembre 2009 )
5. (Jean-Pierre MARTIGNONI : :
« Colloque sur les jeux de hasard et d’argent à l’Assemblée Nationale
= L’État et les jeux, l’état du jeu «
(I)( (23/II/2018, 11 pages , 28 notes, plus une annexe)publié
lescasinos.org 23/11/2018 ) : informations et commentaires sur le colloque
organisé par Olga GIVERNET (députée REM de l’Ain) et Christophe BLANCHET
(député REM du Calvados) à l’Assemblée nationale le vendredi 30 novembre
2018 = « Jeux d’argent : enjeux et avenir d’un secteur en évolution » Nous
étions invités à ce colloque par Olga GIVERNET et Christophe BLANCHET)
6. Jacob Amnon Suissa : « La construction d’un problème social en
pathologie : le cas des jeux de hasard et d’argent (gambling) ( Nouvelles
pratiques sociales vol 18 n°1, 2005, 148-161)
7. « L’addiction aux jeux d’argent : un phénomène social ? « Le 26
septembre 2019 à l’Université Saint-Louis (Boulevard du Jardin Botanique
43, 1000 Bruxelles)
8. Conférence à la Sorbonne le 11 mars 2019 par la neurologue Jocelyne
Caboche en ouverture de la semaine du « cerveau » ! ( confer Yann VERDO , « Comment les drogues piratent le cerveau » : ( Les Échos idées
débats , II mars 2019)
9. Jean-Pierre MARTIGNONI : » L’addiction au jeu : une drôle de maladie qui
a du mal à trouver ses malades « (mars 2019, 4 pages, 6 notes, 1 annexe) «(
publié sur lescasinos.org 29 mars 2019)
10. « JEAN-MICHEL COSTES POUSSÉ VERS LA SORTIE » L’Humanité, 20 Avril, 2011
11. Il s’agit d’Amandine Luquiens psychiatre et
addictologue, praticien hospitalier dans le service d'addictologie à
l'hôpital Paul Brousse de Villejuif.
12. les casinos.org du 27 Mars 2019 :
« l’addiction au jeu touche 1,2 millions de Français ( et seuls 2% se
soignent)
» ( source : franceinter.fr avec Danielle MESSAGER)
13. Donnons la définition de cette expression car elle fait sens :
''cracher au bassinet'' s'utilise lorsqu'on doit donner une somme d'argent
sans en avoir vraiment envie. Cette locution est apparue au XIXème siècle
14. Saint-Glinglin : jour fictif du calendrier liturgique
catholique, utilisé pour renvoyer à une date indéterminée et lointaine,
voire jamais, l'accomplissement d'un événement.
15. Poudre de perlimpinpin : remède prétendument miraculeux mais
totalement inefficace.
16. Un « cygne noir » est un événement imprévisible qui a une très faible
probabilité d’arriver mais qui a des conséquences très importantes s’il se
réalise. Ce concept de « théorie du cygne noir » a été développé par le
philosophe Nassim Nicholas Taleb dans son livre le cygne noir : la
puissance de l'imprévisible (2008 les belles lettres)
17. Jean-Pierre MARTIGNONI : En attendant sa privatisation la FDJ
surperforme….…sur fond de crise sociale ( mars 2019, 22 pages, 56
notes, 4 annexes) «( publié sur : casino légal France 13/3/2019)
18.
« La régulation des jeux d’argent et de hasard : enquête demandée par
le comité d’évaluation et de contrôle publiques de l’assemblée
nationale » cour des comptes, octobre 2016, 187 pages)
19. « Privatisation de la FDJ : un risque pour l’addiction au jeu ? =
La FDJ entrera en bourse fin novembre, pour une privatisation complète
début 2020. Ce changement peut-il avoir un impact sur l’addiction au
jeu ?
« Lucie Descamps ; 4 octobre 2019 Yahoo finance France
20. « Va comprendre Charles ! » Locution interjective
prononcée par André Pousse en réponse à Guy Marchand dans une publicité
pour le Pari Mutuel Urbain dans les années 1990 qui est devenue une
Interjection populaire destinée à soulever une incompréhension Le slogan de
cette publicité était :
« Avec le PMU, aujourd’hui on joue comme on aime ». Dans cette
publicité ces
acteurs français (incarnant des parieurs chevronnés et virils) s’étonnaient
que les nouveaux joueurs ( notamment les femmes) gagnent, alors que ces
dernières fondaient leurs jeux sur le hasard, le nom des chevaux, leur date
de naissance et autres détails sans rapport avec la course. Dans cette
publicité télévisée, les femmes jouent au hasard, […], les deux complices
se gaussent gentiment des femmes qui jouent leur date de naissance mais…..
gagnent néanmoins : va comprendre Charles ! — (Jean-Pierre
Martignoni-Hutin, Faites vos jeux : essai sociologique sur le joueur et
l’attitude ludique, 1993, p. 159)
21. Siège de l’ARJEL à Paris dans le 15°
22. « Le président de l’autorité de régulation tire sa révérence « : JF
Vilotte a précisé que son départ relevait d’une décision personnelle » (
Christophe Palierse : Les Échos 19 décembre 2013)
23. Charlotte Belaich, « Accros au grattage : à la FDJ, de l’huile sur le
jeu (Libération 25 juillet 2018 pages 14,15)Confer notre article =
Jean-Pierre MARTIGNONI :
« HARO SUR LES JEUX DE GRATTAGE : Alors que sortira le 3 septembre
Mission Patrimoine, un jeu de grattage voulu par le Président de la
République pour restaurer les monuments historiques, la doxa du jeu
pathologie maladie se déchaine dans la presse contre ces loteries
instantanées qui pèsent 50 % des ventes de la Française des jeux »
(13 pages, 26 notes, aout 2018) publié sur : lescasinos.org 29/8/2018 ;
24. Yann VERDO ,
« Comment les drogues piratent le cerveau » : encadré « Les jeux, une
drogue ?
( Les Échos idées débats , II mars 2019)
25. Marc Valleur, Christian Bucher, « le jeu pathologique »,
Armand Colin, 2006, page 5
26. Charles Coppolani,
Haut fonctionnaire de BERCY, Directeur de l’Observatoire des jeux
(ODJ/BERCY) depuis 2011, 2° directeur de l’ARJEL (2013-2019), a annoncé
qu’il terminait son mandat à l’ARJEL en 2019 dans un rapport bilan.
(confer
RAPPORT D’ACTIVITÉ ARJEL 2018-2019, 89 pages, 2019)
27. Jean-Pierre MARTIGNONI : « Isabelle FALQUE PIERROTIN une
femme d’Autorité… à la tête de l’ANS : L’ex Présidente de la CNIL a été
nommée par le Premier Ministre à la tête l’Autorité Nationale Des Jeux (ANS) qui sera installée en 2020.
Madame FALQUE PIERROTIN rendra en décembre
un rapport de préfiguration « ( novembre 2019, IO pages deux annexes)
publié dans casino legal France 22/11/2019 )
28. Jean-Pierre MARTIGNONI : =
LETTRE AUX PARLEMENTAIRES = JEUX DE HASARD ET D’ARGENT(JHA)
( 1page décembre 2019 (
publié dans lescasinos.org du 12/12/2019
29. Jean-Pierre MARTIGNONI : La Française des jeux face à ses «
risques» ( à paraître janvier 2020)
Annexe 1 :
isabelle : 30/04/2015 techno-Science
· En général, on imagine que les anthropologues visitent des contrées
reculées pour étudier des cultures «exotiques» ou des tribus considérées
comme étant primitives. Mais qu'en est-il des cultures plus proches ? Le
professeur Rebecca Cassidy a dédié ses travaux à des études
anthropologiques sur les cultures européennes du jeu d'argent. Dans le
cadre du projet GAMSOC («Gambling in Europe») financé par le CER, elle a
été encore plus loin avec son équipe, conduisant une étude anthropologique
sur la communauté de la recherche axée sur les jeux d'argent.
· Le secteur des jeux d'argent en Europe représente déjà 89 milliards
d'euros et connaît une croissance et des changements rapides. Imperméable à
la crise économique récente, il devrait représenter au niveau mondial 351
milliards d'euros en 2015.
La nature des jeux d'argent et de hasard évolue également: les jeux en
ligne, les services de jeux d'argent transfrontaliers et d'autres
nouveautés permises par les technologies représentent une source de
préoccupation pour les législateurs et les consommateurs. Leurs enjeux
restent en outre mal compris. C'est pourquoi le projet GAMSOC, après avoir
appliqué des méthodes de recherche anthropologique aux relations entre les
jeux d'argent, la religion, le sexe, l'âge, la classe sociale et la
législation, s'est ensuite attaché à appliquer ces mêmes méthodes au monde
de la recherche sur les jeux d'argent.
· «Il est plus important que jamais d'étudier comment sont générées les
connaissances sur les jeux d'argent et de hasard», explique le professeur
Cassidy. «En tant qu'anthropologues, nous faisons partie de la même culture
que les personnes que nous étudions. Et nous pensons que ceci nous donne
l'occasion unique de nous demander: 'Pourquoi ne comprenons-nous pas mieux
les jeux d'argent ?'»
-
Élargir le sujet :
Le rapport du projet, intitulé «Fair Game: producing gambling
research», conclut que la recherche sur les jeux d'argent dépend
beaucoup trop du soutien du secteur. Il souligne aussi que le secteur
est souvent réticent à partager ses données avec les chercheurs. Il
constate également un manque de transparence au niveau des relations du
secteur avec les chercheurs et son influence sur ces derniers.
«Notre rapport montre qu'il faut séparer le financement de la
recherche», déclare le professeur. «Nous voulons ouvrir le débat:
Qu'est-ce qu'une preuve ? Comment peuvent-elles aider à créer le débat
?»
-
Le projet observe que les recherches sont souvent limitées dans
leurs objectifs et tendent à se restreindre aux personnes pour qui
les jeux d'argent sont devenus une obsession pathologique. Le
financement est souvent proposé en soutien de recherches sur les
personnes pour qui ces jeux sont devenus un «problème» ou une
addiction, au lieu de porter sur les implications sociales et
culturelles pour une société dans laquelle les jeux d'argent et de
hasard prennent toujours plus d'importance.
«Le financement de la recherche est souvent limité à l'addiction aux
jeux de hasard et d'argent», déclare le professeur Cassidy, «avec le
sous-entendu implicite qu'ils sont inoffensifs pour les autres
personnes. Cette attitude escamote les questions concernant l'impact
des jeux d'argent sur la communauté dans son ensemble.»
· «La question est de savoir quelle est l'efficacité des dispositifs
actuels de protection du public ?», ajoute-t-elle. «Il tend à y avoir une
forte résistance contre les réglementations jusqu'à ce que les chercheurs
puissent présenter la 'preuve d’un lien de causalité avec l’effet nocif'.
Mais dans bien des cas, ceci peut rester impossible. Les chercheurs
proposent dans le rapport des recommandations détaillées qui, espèrent-ils,
influenceront le soutien futur aux travaux dans ce domaine. Ils suggèrent
par exemple de mettre en place un code d'éthique professionnel, de financer
la recherche pour une plus large gamme de sujets et avec une plus grande
variété de méthodologies, et de taxer le secteur des jeux d'argent afin de
fournir des fonds publics pour cette recherche.
-
Des travaux pratiques
Les quatre chercheurs composant l'équipe de GAMSOC ont déjà conduit des
études de cas approfondies sur différentes cultures de jeux d'argent
comme les casinos chinois, les croupiers en Slovénie, les jeux d'argent
en ligne dans les pays en voie de développement et les tables de
blackjack à Chypre. Ces travaux ont été publiés en 2013.
«Par exemple, pour mon étude précédente sur les courses de chevaux,
j'ai habité et travaillé à Newmarket, l'épicentre du secteur des
courses hippiques en Angleterre», explique le professeur Cassidy. «Mais
pour ce projet, la communauté de chercheurs était très large, aussi
nous avons organisé différentes conférences, des évènements et des
entretiens avec les différentes parties prenantes.»
· Au total, le projet a contacté 143 personnes et organisé des entretiens
avec 109 d'entre elles. Le Royaume-Uni était la cible principale avec 67
entretiens, mais le projet a aussi couvert Hongkong, Macao et la Slovénie,
où les secteurs du jeu sont très différents du marché plus mature qu'est le
Royaume-Uni.
«Le secteur n'est pas homogène», souligne le professeur Cassidy. «Nous
avons constaté une grande diversité d'opinions dans le secteur, ce qui a
généré des informations que le secteur n'avait pas encore considérées, y
compris des réponses très candides à la question: 'pourquoi la recherche
est-elle limitée ?'»
· «Grâce au financement du CER, nous avons bénéficié d'une position
privilégiée qui nous a réellement permis d'étudier comment s'effectue la
recherche sur les jeux, et d'une façon qui aurait été impossible sans ce
soutien indépendant», souligne le professeur Cassidy. «Ce soutien nous a
encouragé à prendre des risques et à poser des questions difficiles et
moins évidentes. Les subventions de démarrage du CER ont effectivement un
point commun; elles encouragent à sortir des sentiers battus et à poser de
nouvelles questions.»
Annexe 2 :
Source : erc.europa.eu du 12-04-2012
(ERC) Europena researche council
SOCIAL AND CULTURAL FACTORS IN THE EUROPEAN GAMBLING INDUSTRY
-
We normally think of anthropologists studying ‘exotic’ cultures –
ancient tribes that live in faraway places. But how about cultures
that are closer to home? Professor Rebecca Cassidy has devoted
herself to anthropological studies of European cultures of
gambling. In the ‘Gambling in Europe’ (GAMSOC) project – funded by
the ERC – Prof. Cassidy and her team have taken this a step
further, and conducted an anthropological study of the gambling
research community itself.
· Since the 1980s and until the financial crisis, risky methods of
generating income and speculation became socially more widespread,
particularly in the EU and the US. Participation in markets of various
kinds including property and shares became markers of full citizenship.
Changes in technologies and economic systems also contributed to the
transformation of gambling, which came to be studied as an individual
pathology. By focusing on quantifying and categorising gambling activity
within national borders, this approach de-emphasised gambling that crosses
borders, including the impact of virtual gamblers and tourism.
· Prof Cassidy and her team propose an alternative. Their approach
acknowledges the changing technological and transnational dimensions of
gambling and at the same time embeds individual gambling decisions within
their various social and cultural contexts. This alternative is based on an
anthropological approach to questions such as the relationship between
gambling and religion, gender, age or social class; or the impact of
regulation on gamblers’ daily lives.
· The research team focuses on four case studies representing some of the
most important features of gambling in Europe and combining methodologies
including participant observation to suit the overall research questions.
The four case studies cover spread betting among financial traders in the
UK, domestic and commercial gambling in Cyprus, the UK remote gambling
industry and finally casino workers, gamblers and their families in the
border region of Italy and Slovenia.
· Results of these studies will produce high quality data which could help
inform future policies and legislation on this activity, while allowing the
enhancement of European research capabilities in that field. It also aims
at forming the basis of a new approach that matches the dynamism and
internationalism of the European gambling industry.
Annexe 3 :
L'addiction au jeu touche 1,2 million de Français (et seuls 2 % se
soignent)
par
France Inter avec
,
Danielle Messager
publié le 27 mars 2019 à 6h07
L'hôpital Paul Brousse de Villejuif lance un nouvel essai thérapeutique
pour aider les accros aux jeux à se défaire de leur addiction, plus facile
d'accès puisqu'elle peut se pratiquer directement à domicile. L'addiction
au jeu, par définition "sans substance", est encore trop peu traitée en
France. «Attention ces jeux peuvent entraîner une addiction" : ce message
de prévention ne suffit pas à détourner des jeux d'argent, que ce soit les
tickets à gratter, les grilles de loto, le tiercé, le casino etc.
L'addiction au jeu est une vraie pathologie, même si c'est l'une des seules
à être sans substance, contrairement à l'alcool ou la drogue. Dettes, perte
de travail , famille qui éclate : les conséquences néfastes d'une telle
pathologie sont multiples.
L'Observatoire des jeux
dénombre 1,2 million de joueurs "problématiques «en France. La proportion
de joueurs en ligne s'élève à 17% environ.
La spirale du jeu : Evelyne a été élevée dans le jeu. Elle jouait le ticket
de tiercé pour ses parents car à l'époque, les jeux n'étaient pas interdits
aux moins de 18 ans :C'est une pulsion. C'est très puissant : gratter,
gratter, gratter et au fur et à mesure que je gratte, que je perds, je
continue à jouer.
Evelyne a dépensé jusqu'à 300 à 400 euros par semaine avec sa carte
bancaire. Elle a contracté plusieurs milliers d'euros de dettes
.
Evelyne a décidé de suivre une thérapie de groupe pour
s'en sortir mais très peu de dépendants aux jeux d'argent font la démarche
d'aller dans une structure de soins.
Seuls 2% des joueurs pathologiques demandent une aide thérapeutique : Un
nouvel essai thérapeutique démarre à l'hôpital Paul Brousse de Villejuif pour aider les joueurs
pathologiques. Il est en effet très difficile à ces joueurs de se rendre
dans un centre d'addictologie.
D'où l'idée de lancer une intervention où les médecins vont vers les
joueurs
et non l'inverse*.
Il n'y a pas besoin de se déplacer. Les exercices sur son écran
d'ordinateur sont ensuite complétés par des entretiens téléphoniques avec
une neuropsychologue afin de mieux apprendre à se contrôler.
Pour participer, il suffit de contacter l'équipe via e-mail Le but est de
retrouver le contrôle de son comportement y compris de sa pratique de jeu,
précise le docteur Amandine Luquiens, à l'origine de l'essai. Ce sont des
fonctions cérébrales, on va aider les patients à renforcer leur capacité à
dire stop.
Des questions sont posées au patient via son écran d'ordinateur. Par
exemple, ils doit indiquer si la croix à l'écran se situe au-dessus ou
au-dessous d'une ligne*.
Après quelques réponses données instinctivement à cette même question, il
lui est demandé de retenir sa réponse et donc de ne pas cliquer
machinalement.
-
C’est nous qui soulignons
Annexe 4 :LETTRE AUX PARLEMENTAIRES = JEUX DE HASARD ET D’ARGENT(JHA)
LYON le 11 Décembre 2019, Madame, Monsieur,
Avec l’entrée en « bourse « de la Française Des Jeux(FDJ), sa
privatisation partielle ; la mise en place en janvier 2020 de
l’Autorité Nationale Des Jeux (ANJ)
dirigée par
Isabelle FALQUE PIERROTIN
,
le paysage ludique évolue très sensiblement. Cette évolution
ambivalente (on privatise tout en conservant le monopole ; on construit
une nouvelle Autorité Administrative unique et indépendante dont sont
exclus les casinos) sera certainement observée en Europe, notamment
depuis Bruxelles.
En France cette nouvelle situation doit constituer une opportunité pour
la représentation nationale de débattre de la politique Des jeux de
notre pays, de questionner les moyens et missions de la future ANJ et
plus globalement de réinterroger - de manière critique et sans tabou* -
les nombreuses problématiques et nœuds gordiens qui concernent
l’économie, la sociologie, l’histoire, la fiscalité, la régulation… des
jeux d’argent contemporains.
Plus que jamais des États Généraux du gambling et du e gambling nous
paraissent nécessaires afin de réunir l’ensemble des acteurs du champ
ludique (opérateurs, ministères, administrations, autorités
administratives - régulation, concurrence , CNIL - maires des villes
casino, buralistes revendeurs de la FDJ ou du PMU, filière hippique
métiers du secteur cheval, chercheurs spécialisés
, tous les chercheurs en sciences sociales
et pas seulement les addictologues…) et
à condition d’inclure les joueurs
- les grands oubliés de la politique des jeux de la France - alors
qu’ils sont, depuis des lustres et avec une belle constance, les seuls
véritables « actionnaires » de cette économie.
Dans ce domaine comme dans d’autres, le mouvement social actuel traduit
sans doute la demande d’une nouvelle relation entre société et
politique, qui implique co-élaboration, co-gérance.
Recevez, Madame , Monsieur nos respectueuses salutations.
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN
Sociologue spécialisé sur les jeux
(*) Notamment les questions suivantes (jeu des mineurs/socialisation
ludique primaire ; jeu problématique/jeu excessif, identification des
joueurs ; taux de retour aux joueurs ….) qui sont trop souvent
instrumentalisées
© j.p.georges. martignoni-hutin jr.sociologue, janvier 2020,
université lumière Lyon 2, ISH,institut des sciences de l’homme,
Centre Max Weber(CMW)UMR 5283, équipe TIPO, ISH, Lyon, France.