Propos recueillis par Adeline Daboval / leparisien.fr
Après un moment de creux en 2008-2010, le groupe français Partouche a renoué avec la croissance. Il agrandit ses établissements pour créer des terrasses et accueillir de nouveaux jeux électroniques.
Après un passage à vide, le groupe français de casinos Partouche revient en force et avec des projets. Selon son président du directoire, Fabrice Paire, le casino du futur sera plus grand, plus digital et ... en extérieur.
De quoi se compose le groupe Partouche ?
FABRICE PAIRE - Essentiellement de casinos. Contrairement à Barrière, qui a une empreinte hôtelière importante, nous sommes vraiment centrés sur les jeux. Ils représentent 88 % de l’activité globale du groupe. Le reste, ce sont nos restaurants, de la brasserie à l’étoilé, et nos hôtels. A l’exception du Laurent, à Paris, aucun d’eux n’est développé de façon autonome. Ils viennent compléter le moment que le client vit dans nos établissements de jeux.
L’activité des casinos est-elle particulière en France ?
Elle est très différente de las vegas ou Macao, où l’on se rend spécialement pour jouer ou s’amuser dans une boîte de nuit. En France, la clientèle des casinos est locale. Elle provient d’un bassin d’environ 80 km, à l’exception du casino de Cannes qui reçoit une clientèle internationale. La carte des établissements est dictée par la réglementation française : nous sommes présents sur les littoraux, les villes thermales et les métropoles de plus 500 000 habitants.
Combien possédez-vous d’établissements ? Etes-vous dans une dynamique d’ouverture ?
Nous en avons 43 : 39 en France, 2 en Suisse, 1 en Belgique et 1 en Tunisie. Il n’y a pas de dynamique d’ouvertures. Le schéma national a été figé il y a quelques années.
Le secteur a souffert de l’interdiction de fumer dans les lieux publics en 2007. Va-t-il mieux ?
Le mouvement de baisse a été assez fort entre 2008 et 2010, puis l’activité est restée morose. Nous avons senti la reprise un peu avant 2014. Depuis, le secteur évolue à nouveau de façon positive. L’année passée, notre croissance a été de 1%. Mais c’était particulier : avec la Coupe du Monde, les casinos se vidaient en fin d’après-midi et ne se re-remplissaient pas. Entre novembre 2018 et janvier 2019, notre activité a augmenté de +2,5%. Notre chiffre d’affaires (novembre 2017-octobre 2018) s’est élevé à 410 millions d’euros. Par ailleurs, nous employons 4200 collaborateurs.
Comment assurez-vous votre croissance ?
Pas en augmentant le panier moyen, qui est de 70 euros par visite, mais en faisant grimper notre fréquentation. Grâce au marketing direct et digital, nous travaillons à ramener des clients dans nos établissements et à ce qu’ils poursuivent leur expérience de jeu une fois qu’ils en sont partis. Nous avons une appli mobile gratuite qui permet de s’amuser et de gagner des jetons utilisables dans nos casinos. Nous sommes aussi les seuls à proposer un programme de fidélité. Depuis 2016, nos clients gagnent des primes ou des bonus de fidélité : les « euros players ».
Comment sont choisies les machines à sous ?
Nous avons une équipe de mathématiciennes qui étudient préalablement leurs possibilités et statistiques et nous nous appuyons sur les responsables de machines à sous de nos établissements, qui savent ce qui plaît. Avec les agréments obligatoires en France, quand une nouvelle machine sort, nous pouvons l’acheter avec six mois de retard sur les pays voisins. L’avantage, c’est que l’on peut observer ce qui marche chez eux.
De nouvelles formes de jeux sont apparues...
Les formes électroniques de jeux traditionnels se sont ajoutées aux tables et aux machines à sous. Elles n’ont pas cannibalisé l’activité. Au contraire, elles l’ont même fait progresser : elles ont permis une éducation au jeu et ont retiré le côté intimidant ou protocolaire de la roulette anglaise. Elles ont aussi rajeuni notre clientèle. Aujourd’hui, contrairement aux idées reçues, il y a des clients de toutes les classes d’âge dans nos casinos. En France, on est à 1 terminal de jeux électroniques pour 5 ou 6 machines à sous. Cela va continuer à progresser. En Espagne, c’est déjà 1 pour 2.
Quels sont vos projets ?
Ces trois prochaines années, nous allons rénover les établissements d’Annemasse, près de Genève, pour 6 millions d’euros et de la Tour de Salvagny, près de Lyon, pour 8 millions d’euros.
Pourquoi avoir recruté deux anciens pontes de la police : Martine Monteil (Police Judiciaire) et Eric Battesti (Renseignements Généraux) ?
Recruter des policiers, nous l’avons toujours fait car notre métier est extrêmement réglementé et contrôlé. Mais nous avons effectivement élevé le niveau de ceux que nous recrutons. Nous améliorons sans cesse nos process automatisés grâce à leur expertise.
Deux directeurs de votre établissement à Cannes font l’objet d’une enquête pour « abus de biens social », suspectés de «dissimulation de mises au poker ». Avez-vous mis en place des garde-fous ?
Non seulement je n’en ai pas mis, mais je suis tellement sûr que nous sommes en règle que j’ai continué à exploiter nos tables de Omaha Poker exactement de la même façon dans d’autres établissements. Il n’y avait aucun problème. J’ai porté plainte pour diffamation et violation du secret de l’instruction. Depuis, nous avons fait l’objet de 15 contrôles et tout va bien. L’instruction est terminée. Nous attendons. Mais je suis certain qu’il ne s’est rien passé d’illégal.
Partouche est côté en Bourse. Est-ce un avantage ?
Contrairement à d’autres entreprises, Partouche ne l’a pas fait pour lever des capitaux ou émettre des obligations. C’était la vision du fondateur Isidore Partouche. Notre métier génère beaucoup de fantasmes. Etre coté nous permet de prouver que notre industrie est claire, encadrée, transparente, notamment lorsque nous répondons à des appels d’offres publics.
Ouvrirez-vous un club de jeux dans la capitale ?
Nous sommes toujours en réflexion. Le principal écueil, c’est de trouver le lieu. Vu le prix du m2 à Paris, l’importance du personnel nécessaire et le coût des prélèvements, il faut atteindre des niveaux d’activité très élevés pour que ce soit rentable. Pour l’instant, seul Tranchant a ouvert un club sur l’avenue Marceau (VIIIe). Tous les autres dossiers sont au point mort.
BIO EXPRESS
1969. Naissance à Montmorency (Val-d’Oise).
1992. Diplômé de gestion de Paris-Dauphine, puis d’audit interne à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
1993. Reprend le cabinet d’expertise-comptable de son père. Parmi les clients : Partouche.
2001. Intègre Partouche en tant que directeur administratif.
2005. Devient secrétaire général puis directeur général 2011. Prend la tête du directoire du groupe Partouche.
A quoi ressemblera le casino du futur ?
Le casino du futur sera plus grand, plus digital et toujours plus... en extérieur. Le groupe Partouche vient d’ouvrir un établissement entièrement en plein air à La Ciotat (Bouches du Rhône). Toute l’offre y est disponible dehors : jeux, restaurant, jacuzzi, animations... « C’est un site pilote, ne cache pas Fabrice Paire, le président du directoire du groupe. La Ciotat a dépassé nos espérances puisque l’activité a doublé par rapport à celle de l’établissement antérieur. Nous y poussons l’expérience au maximum et nous verrons si nous pouvons transposer dans d’autres sites Partouche. A chaque fois qu’on peut le faire, nous intégrons une surface extérieure supplémentaire. »
Ouvert sur l’extérieur, le casino de demain sera aussi plus grand à l’intérieur. Pour 17 millions d’euros, Partouche vient de rénover son casino historique d’Aix-en-Provence. « En fréquentation de pointe, il accueille 800 000 visiteurs par an. Nous l’avons rouvert début avril sur 15 000 m2 de surface d’exploitation revisitée. » Plusieurs zones accueillent des écrans géants, ludiques et interactifs. « Nous avons signé un contrat d’exclusivité pour six ans avec Moment Factory, un studio canadien de production de contenus digitaux, se félicite le dirigeant. Cela dépoussière totalement l’image du casino. On apporte une nouvelle expérience au client, un vrai moment de divertissement. C’est l’avenir. »
(source : leparisien.fr/Adeline Daboval)