Si la loi autorisant les casinos au Japon a été votée en 2016, une loi encadrant les conditions de leur implantation a été votée par la Diète seulement en juillet 2018. Près d’un an après, les casinos divisent toujours mais le gouvernement a approuvé les normes pour leur construction.
La difficile acceptation des casinos mais un enjeu économique
En dépit d’une forte opposition, liée notamment au risque élevé d’addiction dans un pays où une partie des habitants est déjà très accro aux jeux d’argent, la loi sur les modalités d’ouverture d’un casino a été approuvée par la Diète en juillet ouvrant la voie à leur construction. Il avait alors été décidé de délivrer des licences à trois établissements sur tout le pays à la condition d’ouvrir des complexes de loisirs intégrés dans lesquels se trouveront un casino. Les opérateurs de ces établissements seront alors tenus de verser une taxe de jeu correspondant à 30% sur les revenus du complexe au gouvernement central et local. Afin de rassurer sur le risque d’une augmentation de l’addiction, le gouvernement japonais avait décidé d’inclure dans le texte, une restriction pour les japonais : si les étrangers pourront entrer gratuitement dans un casino au Japon, les japonais devront payer un droit d’entrée de 6 000 yens et seront limités à trois visites au casino par semaine, 10 au total par mois. Mais, ces mesures étaient insuffisantes pour ceux opposés à l’arrivée des casinos sur le sol japonais. La population n’était d’ailleurs majoritairement pas non plus en faveur de l’introduction de casinos puisque d’après un sondage réalisé par Kyodo en 2018, 65% des japonais interrogés étaient contre. Quant aux collectivités locales, sur les 47 départements et 20 grandes villes interrogées par Kyodo en début d’année, trois départements avaient répondu favorablement, tandis que six collectivités locales hésitaient encore et 12 refusaient catégoriquement l’installation de casino pour des raisons sociétales. Pourtant, l’ouverture de casinos est un enjeu économique de taille, permettant d’accroître le secteur touristique, de créer des emplois ou encore d’attirer des investisseurs, et qui aurait le potentiel pour engranger un marché de 1,75 billion de yens soit l’équivalent de 14 milliards d’euros environ sur les trois casinos d’après les projections de Goldman Sachs. Le Japon pourrait alors devenir le deuxième marché mondial des jeux d’argent, juste derrière Macao, selon Nikkei Asian Review !
Des conditions supplémentaires pour rassurer la population
Dans un pays où les jeux d’argent étaient encore interdits avant le vote du casino bill, cela n’a pas suffi à calmer les anti-casinos qui accusaient alors le gouvernement de privilégier l’économie à la société, et s’inquiétaient de la possible implication de yakuza, ces derniers ayant menacé d’infiltrer les casinos en contournant les règles si la loi passait. Une autre inquiétude était celle de voir débarquer à l’avenir un tourisme « de mauvaise qualité ». En réponse, le gouvernement japonais a validé en début de semaine des normes complétant la loi votée en juillet 2018. L’une de ces règles concerne la promotion de ces établissements dans un objectif de prévention et ne pas inciter les japonais à la dépendance aux jeux d’argent. Il n’y aura ainsi aucune publicité autorisée dans le pays, y compris aux alentours des casinos, à l’exception des zones internationales des aéroports et des ports. L’autre norme approuvée concerne la structure même des futurs établissements. Ces derniers devront être d’une surface bien plus importante que les plus gros établissements hôteliers du pays ! Pour déterminer ce point, le Japon se serait inspiré des complexes de loisirs à Singapour, où seuls deux gigantesques casino resorts ont ouvert leurs portes depuis 2009 mais qui ont permis au pays de devenir le 3ème marché mondial des jeux d’argent. En effet, le gouvernement a décrété que ces futurs casino resorts doivent être « d’une surface jamais vue et d’une haute qualité » en comportant au minimum 100 000 m² dédiés uniquement aux logements hôteliers, plus des surfaces pour accueillir conférences et expositions ou un centre de congrès qui devra être en mesure d’accueillir au moins 3 000 personnes dans une surface de 60 000 m². Sachant que le plus grand espace du Japon de cet ordre se trouve à Tôkyô et qu’il s’agit du Tokyo Big Sight (où se déroule par exemple le Comiket) avec ses 95 000 m² ! Sachez aussi qu’en moyenne, un grand hôtel de luxe japonais ne comporte "que" 930 chambres et 47 suites. En somme, des conditions qui reflètent une volonté d’attirer les grands parieurs fortunés. En plus de ces contraintes, le gouvernement imposera également aux opérateurs de casino que la surface dédiée aux jeux d'argent n’excède pas plus de 3% de tout le resort. Une dernière condition a été dévoilée afin d’éviter le blanchiment d’argent : l’obligation pour tout établissement de déclarer auprès du gouvernement toute transaction en espèce à partir d’un million de yens (soit 8 049€).
Initialement, le premier casino devait ouvrir ses portes pour 2020, soit les Jeux Olympiques et bénéficier ainsi de l’arrivée de nombreux touristes pour booster l’économie nipponne, mais avec les contestations et les polémiques, il s’avère que le premier casino ne devrait pas ouvrir ses portes avant 2024 voire 2025. Il se trouve également que seules trois collectivités locales semblent finalement intéressées de proposer leur candidature pour accueillir un casino avec complexe hôtelier : Nagasaki, Wakayama et Ôsaka. Cette dernière, où, contrairement à l’opinion nationale, 68% des habitants étaient en faveur de l’ouverture d’un casino d’après un sondage réalisé en 2013, prévoirait le site de Yumeshima, qui accueillera également ... l’Exposition Universelle en 2025 ! Néanmoins, pour l’heure il n’a pas encore décidé quels seraient les opérateurs de ces casinos. Ce sont les collectivités locales qui devraient décider, une fois que les villes hôtes seront choisies.
(source : .japanfm.fr/The Japan Times, Nikkei Asian Review, Asahi Shimbun, Bloomberg)