Première plainte, en France, d'un joueur contre un casino.
Après les fumeurs en croisade contre l'industrie du tabac et les obèses en guerre contre les chaînes de fast-food, les joueurs qui portent plainte contre les casinos. En France, pour la première fois, un casino vient d'être assigné devant un tribunal de grande instance par un joueur, qui y a laissé 600 000 euros en dix ans. L'histoire de Jean-Philippe Bryk, 43 ans, commence pourtant comme un conte de fées. En 1995, lors de sa première visite au casino du grand café de vichy (groupe Partouche), le garagiste empoche 1 500 euros. Quelques jours plus tard, il y retourne et, bingo, gagne dix fois plus : 15 200 euros. Fin du conte de fées, début du cauchemar. Progressivement, Jean-Philippe Bryk passe de plus en plus de temps aux machines à sous, puis au poker, à 99 % dans le même établissement. Pour sa passion dévorante, il délaisse son commerce, emprunte partout, vend ses biens, dilapide l'héritage maternel...
«Sans provision». «Bien sûr que mon client a sa part de responsabilité, estime son défenseur, Me Gilles-Jean Portejoie. Mais on reproche au casino de ne pas avoir décelé sa dépendance, de l'avoir laissée s'installer, et même de l'avoir encouragée.» Et l'avocat d'égrener les exemples accusateurs. Ainsi, aucun membre du casino n'a tilté quand monsieur Bryk a commencé à passer l'intégralité de ses journées dans les salles de jeux, allant jusqu'à signer «douze chèques de 500 euros sans provisions en moins de huit jours». Jean-Philippe Bryk était plutôt considéré comme un VIP à qui l'on offrait consommations et dîners. Pis encore, selon Gilles-Jean Portejoie : un jour où le fidèle client avait cassé à deux reprises une machine à sous, le casino lui signifia une interdiction d'accès... avant de se raviser dix minutes plus tard, car «monsieur Partouche passait l'éponge».
«Je suis allé jusqu'à leur signer 123 chèques de 500 euros en quatre mois sans aucune réaction. J'étais un joueur illimité», confirme Jean-Philippe Bryk, qui considère que l'action intentée en justice est pour lui la meilleure des thérapies. Et d'ajouter : «J'ai commencé à prendre conscience quand j'ai pu en parler à haute voix. Alors à travers ce procès, j'espère aussi aider les autres.» La direction du groupe Partouche, on s'en doute, ne partage pas cet avis. «Ce monsieur est majeur et sain d'esprit, se défend Hubert Benhamou, président du directoire. A aucun moment, nous ne lui avons forcé la main. Nous vérifions que notre client dispose de ses facultés, nous l'informons, mais nous ne pouvons pas empêcher les gens de jouer des sommes supérieures à ce qu'ils avaient envisagé de jouer à l'origine. On leur propose même de ne plus accepter leurs chèques ou leurs cartes bleues, mais ils nous répondent qu'ils sont suffisamment grands pour décider.»
Recours collectif. D'autres pays connaissent des évolutions similaires. Ainsi, en Autriche, un addict du jeu aurait récemment gagné un procès contre un casino. Idem aux Etats-Unis, malgré les politiques de prévention mises en place par les casinotiers. Des joueurs ont ainsi déposé un recours collectif contre l'usage des machines à sous par l'industrie du jeu, qu'ils considèrent comme abusif. Ils estiment que grâce à la technologie, ces machines sont programmées pour faire croire au joueur qu'il peut gagner le coup suivant, alors qu'en réalité, elles ne lui laissent aucune chance. Le procès doit avoir lieu à San Francisco, et les joueurs sont défendus par le célèbre avocat David Boies, qui représentait Al Gore lors de la bataille postélectorale de Floride.
(source : liberation.fr/Sandrine CABUT et D'ALLONNES David REVAULT et Pascal RICHE)