Les policiers des courses et des jeux ont opéré une descente, cette semaine, dans le dernier cercle parisien. Cinq personnes, dont le directeur général et trois banquiers, ont été mises en examen.
Sa devanture à colonnes rehaussée de l'inscription « Académie de billard » et ses hauts plafonds ornés de moulures conféraient au lieu prestige et renommée. Mais les pratiques illicites mises au jour par les enquêteurs du Service central des courses et jeux (SCCJ) pourraient conduire à la fermeture définitive du « clichy » et marquer ainsi la fin des cercles de jeux à Paris.
Plus de 10 millions depuis 2015
Implantés au 84, rue de clichy dans le 9e arrondissement, les salons feutrés du cercle clichy-Montmartre, créé dans sa forme moderne en 1947 par Jean Bauchet, ont vu débarquer, ce mardi 3 juillet, dès potron-minet, plusieurs dizaines de policiers de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Dans la foulée, neuf personnes, dont trois « banquiers », indispensables à la tenue des parties, le directeur général des lieux, sa fille – employée comme directrice administrative –, et le directeur des jeux ont été placés en garde à vue. Les perquisitions menées ont permis la saisie de près de 600 000 euros en argent liquide et de deux armes de poing.
Ce jeudi 5 juillet, cinq suspects ont finalement été mis en examen, notamment pour des faits de blanchiment de fraude fiscale en bande organisée, travail dissimulé et abus de confiance par les juges d'instruction, Marine Fontange et Dominique Blanc du pôle financier de Paris. Le directeur général du clichy a été placé sous contrôle judiciaire après le versement d'une caution de 3 millions d'euros, sa fille a suivi le même chemin après s'être acquittée du versement de 200 000 euros. Les trois banquiers ont, eux, versé 50 000 euros chacun avant de recouvrer la liberté. Selon nos informations, les principaux responsables du clichy sont suspectés d'avoir détourné des yeux du fisc plus de 10 millions d'euros depuis 2015.
Un patrimoine estimé à plus de 120 millions d'euros
Des « enveloppes » contenant le fruit des parties disputées au sein du « clichy » auraient été discrètement remises, pendant des années, par les banquiers au patron des lieux. Toujours selon nos informations, l'un d'entre eux aurait avoué avoir agi ainsi depuis 1994... Payés 500 euros par journée de présence, les banquiers avaient déclaré dans les registres de compte avoir perçu plusieurs millions d'euros depuis 2015. « En réalité, ces sommes étaient récupérées illégalement par le directeur général des lieux, confie une source judiciaire. Ce dernier l'a d'ailleurs reconnu au cours de sa garde à vue. En revanche, il n'a pas précisé la destination finale de ces sommes. Un document comptable, découvert au cours des perquisitions, a permis d'apprendre que les héritiers de ce cercle étaient à la tête d'un patrimoine estimé à près de 120 millions d'euros. »
Des investissements immobiliers au Maroc pourraient faire l'objet d'une saisie au titre des avoirs criminels dans le cadre de ce dossier. Les amateurs de poker risquent de perdre le dernier lieu consacré à leur passion sous forme de cercle de jeux à Paris avec la révélation de cette nouvelle affaire judiciaire. Depuis 2008, sur les dix cercles que comptait la capitale, neuf – l'Aviation Club de France, le Cadet, le Concorde, le Wagram, le cercle de l'Industrie et du Commerce, l'Anglais... – ont ainsi été fermés, notamment au détour d'affaires de blanchiment liées au grand banditisme. Depuis le 1er janvier, une nouvelle loi autorise dans la capitale des « clubs de jeux » de manière très réglementée. Le premier de ces nouveaux « clubs » a été ouvert en avril dernier par le groupe de casinos Tranchant, à deux pas des Champs-Élysées.
(source : lepoint.fr/Stéphane Sellami)