Avec ses boiseries et ses dorures, le casino de Monte-Carlo n'a rien perdu de sa magnificence mais depuis plusieurs années, les jeux ne rapportent plus à la Principauté: leur relance est une priorité et rien n'est laissé au hasard pour faire renaître la fascination d'antan.
Dîners d'exception, installations éphémères pour relooker l'entrée du casino et ses 28 colonnes Second Empire, boutique de souvenirs, combat de boxe, black jack et roulette anglaise en bord de mer l'été prochain, tournoi de roulette inédit à un million de dollars: depuis l'arrivée de Pascal Camia à la tête du département des jeux de la Société des Bains de Mer (SBM) il y a un an et demi, les innovations se multiplient.
Il était temps. Depuis six ans, la SBM ne verse pratiquement plus un sou de dividende à l'Etat monégasque actionnaire. Elle a payé au mieux 1 centime par action de 2010-11 à 2012-13, zéro sur les trois derniers exercices et le résultat opé
rationnel des jeux a été négatif six années sur sept.
Sans le jack-pot de l'immobilier --la SBM loue aussi bureaux, boutiques et appartements de luxe--, la situation serait pire et le magazine Monaco Hebdo, un brin provocateur, titrait fin 2016: "SBM: vers la fin des jeux de table?".
- "Rectifier le tir" -
Eric Elena, élu sortant au parlement monégasque et croupier au temps où la clientèle fumait d'abondance, le concède: "Les jeux sont en mutation partout, que ce soit à Monaco, Vegas, Macao, Londres... On a eu un peu de mal à s'adapter mais on est en train de rectifier le tir".
Le trou d'air a commencé au tournant des années 2000, avec le passage à l'euro, puis l'interdiction de fumer (2008), la réglementation accrue contre le blanchiment (2009), l'ouverture des marchés européens aux jeux d'argent en ligne, le développement fulgurant de casinos asiatiques et un contexte concurrentiel globalement plus dur. Une partie de la clientèle italienne s'est aussi évaporée avec la crise.
Pascal Camia résume le paradoxe de Monte-Carlo aujourd'hui: "On est l'une des trois marques les plus connues, mais nous réalisons seulement 0,3% du produit brut mondial des jeux (chiffre d'affaires, ndlr)".
La SBM garde des atouts avec ses palaces et sa longue expérience d'une clientèle aussi riche que fantasque qui a tenu en haleine la chronique mondaine à partir de 1863 et fait la fortune de Monaco et de sa famille régnante. A ses débuts, la SBM versait une rente en francs or au souverain. Cotée en bourse, elle reste contrôlée par l'Etat monégasque (64,21%) et un précieux gisement d'emplois (plus de 3.000).
- "Tout personnaliser" -
"On a 155 ans d'expérience et sur des petits détails, on a les moyens de tout personnaliser, la manière de poser les cartes, le choix du croupier. On veut être la haute couture du jeu, c'est notre ADN", professe M. Camia qui cherche la martingale pour faire naître une nouvelle génération de joueurs et retenir les plus gros, notamment asiatiques.
Signe du changement, le temple historique de la roulette française, la salle Europe, mythique avec son horloge héritée d'un temps où les joueurs, au coude à coude avec toute l'aristocratie fortunée d'Europe, cocottes et duchesses, surveillaient l'heure pour repartir à Nice par le train, a été réaménagée.
"Les clients étaient subjugués par la beauté des lieux mais on avait le sentiment d'un endroit un peu mystérieux, silencieux et ça ne créait pas le divertissement. Or dans l'ensemble des casinos à l'international, les premières salles sont faites pour les non joueurs ou ceux qui jouent pour le côté fun", explique M. Camia.
"On a ajouté un espace lounge cosy pour faire rester les gens plus longtemps, créer une ambiance", détaille-t-il. On peut donc désormais pénétrer dans le saint des saints pour 10 euros, y boire un verre, à la condition de respecter un dress code qui bannit les tongs et les jean troués, même de luxe.
(source : nvesting.com/AFP)