Pour des Etats Généraux du gambling (1) :
Lettre envoyée aux députés et sénateurs
Madame, Monsieur,
Je voudrais attirer votre attention sur l'économie et la sociologie des
jeux de hasard et d'argent (confer en annexe quatre articles publiés
dans des revues ou dans la presse)
Alors que le gouvernement s'apprête à ouvrir le capital de la Française
des jeux, privatisation sur laquelle les Français sont « réservés »
selon Les Echos (1) Il est grand temps que députés et sénateurs se
prononcent sur une refondation de la Politique Des Jeux de la France,
politique qui a fait la part trop belle jusqu'à présent aux mesures
liberticides, au principe de précaution, aux associations rigoristes
anti jeu et surtout à la doxa du jeu pathologie maladie et aux
addictologues qui exploitent le business du jeu compulsif. Le jeu - cet
impôt démocratique volontaire - est un élément de sociabilité
populaire, un secteur de l'économie des loisirs et du tourisme qui
rapporte des devises à la France, non une pathologie. Par son coté
aléatoire, il est même pour de nombreux Français et Français d’origine
étrangère une « force égalitaire » (2)
Fait social et culturel très ancien le jeu n'est pas une maladie, c’est
un loisir, une passion qui a même parfois des effets thérapeutiques
grâce à l'espoir qu'il suscite, aux socialités qu'il entraîne.
Loteries, casinos, hippodromes font partie en outre du patrimoine
ludique national. Les 200 casinos hexagonaux associent jeux
traditionnels, machines à sous, hôtellerie haut de gamme, restauration,
spectacles, festivals… et attirent une clientèle internationale. La
filière hippique (qui « hâte le pas en Chine » (3) suite « au geste
diplomatique et d’amitié » d’Emmanuel Macron qui a offert un hongre de
la garde républicaine au Président Xi Jinping) fait rayonner la France
dans le monde (Grands Prix, ventes de yearlings) Mais que serait cette
filière sans ses 6,5 millions de turfistes qu’une mesure liberticide
voudrait identifier ? Les 44 700 points de vente de proximité (12 800
pour le PMU, 31 900 pour la FDJ) jouent un rôle social insoupçonné dans
la vie de nos villes, quartiers et campagnes. L'hypocrisie actuelle
apparaît donc contre-productive, nonobstant les
conflits d'intérêts
entre Bercy, la FDJ, la doxa du jeu pathologie maladie et
l’observatoire des jeux (installé à Bercy), conflits d’intérêts qui
pourraient un jour intéresser Bruxelles et la Commission Européenne.
Cette politique ambiguë gêne les opérateurs.
Les casinotiers
ont perdu 24 % de leur volume d'affaire en sept ans, le PMU stagne voir
recule. Seule la FDJ fort de monopole en profite (14,3 milliards en
2016 ; 15,1 en 2017 ) mais pour combien de temps ? L'opérateur
historique a perdu 1,6 million de joueurs en six ans. L’État n’assume
pas de vouloir exploiter franchement la manne ludique. Il y a sous
couvert de sante publique et de lutte contre le jeu des mineurs ( comme
si on pouvait faire disparaître la socialisation ludique contemporaine
qui assure la reproduction des joueurs, sans parler de la transmission
ludique intergénérationnelle ) un fond de morale qui considère le jeu
comme une passion funeste, un péché.
La nouvelle représentation nationale issue des dernières élections doit
dépasser les a priori qu’elle a parfois sur les jeux d’argent pour
rebattre les cartes de ce dossier qui concerne plusieurs millions de
nos concitoyens. Une commission pourrait préparer des "Etats Généraux
du gambling" en dur et en ligne afin que les différents acteurs du
champ ludique puissent débattre (opérateurs, personnels, chercheurs
spécialisés et pas seulement les addictologues qui veulent médicaliser
les passions des Français…,mais aussi la société civile et notamment
les joueurs -1° parti de France ! - qui finance totalement ce secteur.
La France a désormais besoin d'une politique des jeux ambitieuse,
pragmatique, transparente, « généreuse » ( 4)… qui soit en harmonie
avec la nouvelle donne politique.
Une belle opportunité a été manquée avec l'implantation d'un casino à
Paris. Suite au rapport du préfet Duport, favorable au projet,
Anne Hidalgo a répondu que ce n'était pas sa tasse de thé
!(5) En attendant que ce projet d’envergure international soit étudié
plus sérieusement par le gouvernement, suggérons-lui de relancer
l’impôt ludique en organisant une mégaloterie, comme le font les
Américains avec le powerball (6) et comme le perpétuent les Espagnols
depuis 1812 avec la Loteria de Navidad. En relançant l'impôt
ludique, l'Etat ne ferait en réalité que renouer avec l'histoire. Les
loteries importées d'Italie par Casanova ont fait rentrer de l'argent
dans les caisses publique et les révolutionnaires de 1789 ont
transformé la Loterie royale en Loterie nationale, un impôt citoyen. La
manne ludique a ensuite aidé les gueules cassées de la Grande Guerre
et, en 1933, les parlementaires ont réintroduit la Loterie pour lutter
contre les calamités agricoles. Dans toutes ces époques, le jeu n'était
pas synonyme d'addiction mais de solidarité. Comme l'a précisé le
professeur Pierre Tremblay (Université du Québec, Montréal),
l'exploitation par les Etats des jeux de hasard est un phénomène
universel dont la finalité originelle est humanitaire et vise le
développement du bien commun.
Recevez Madame Monsieur mes respectueuses salutations
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN
NOTES
(1
)
Privatisation d’ADP et de la FDJ : les Français réservés « (Les
Echos du 20 mars 2018, pages 1,4)Selon le sondage sur « Les
Français et les privatisations » EcoScope réalisé par Opinion Way
pour les Echos et Radio classique : les français souhaitent :
- que l’Etat garde ses actions (32%) situation actuelle
- que la FDJ soit privatisée (26%)
-que la FDJ soit nationalisée (21%)
-que l’Etat vende une partie de ses actions mais demeure
actionnaire(18%)
(2) Florence Weber, » le travail d’a coté, une ethnographie des
perceptions » ( Paris, Ecole des hautes études en sciences
sociales, 2009). F. Weber rapporte dans cet ouvrage que le « gout
du hasard » qu’elle a constaté en milieu ouvrier est perçue comme «
une force égalitaire ».
(3) « La filière hippique française hâte le pas en Chine » (
Christophe Palierse, Les Echos du 5 mars 2018)
(4)
= »Jeux d’argent et solidarité « (4 pages, 14 notes, décembre 2017,
publié sur : lescasinos.org du 21/12/2017 ; casino legal France du
22/12 ) Sous titres de l’article : A/ =
Grand Loto de Noel = « Stéphane Pallez (PDJ de la FDJ) comme vous
exploitez la nativité à des fins mercantiles, redistribuer aux plus
démunis les bénéfices de cette loterie de Noel serait un geste à la
symbolique forte » B/ =Fond ludique mondial/loterie caritative : la
puissance des jeux de hasard et d’argent ( JHA) pour affronter
l’immense misère du monde.)
(5)JP Martignoni /« Paris, Macao, la Tour Eiffel …et Anne Hidalgo «
: alors que Paris a rejeté le projet d’un casino parisien, Macao
inaugure un gigantesque resort - The Parisian - qui exploite les
symboles de notre capitale » (7 pages, 17 notes, octobre 2016 )
publié sur lescasinos.org du 19/10 2016)
(6)
JP Martignoni : « Le powerball : un phénomène social qui devrait
donner à penser aux « politiques » (9 pages, 27 notes, mars 2016)
publié sur : lescasinos.org du 29 mars 2016
-----------
annexes
-------------
1. « Les jeux d’argent : un impôt démocratique » :
Les loteries, casinos et jeux à gratter ont mauvaise presse. Ils
permettent pourtant à l’Etat de se financer. Un Etat bien hypocrite
et qui aurait tout à gagner à revoir sa politique en la matière.
( Les Echos, 30 décembre 2016)
2. « Pour une politique des jeux responsable…et raisonnable » :
les campagnes de prévention contre l’addiction se sont imposées
dans le milieu des jeux d’argent, une hypocrisie pour JP Martignoni
( La Tribune de Lyon, 5 avril 2017)
3. « Entre 1995 et 2016 la FDJ a augmenté son chiffre d’affaires de
160% »
mais dans le même temps le nombre de joueurs a baissé de 18%. Cela
signifie, comme l’a noté la Cour des Comptes(*) , une pratique
ludique plus intensive des clients de la FDJ. Ces statistiques,
rarement citées par les médias et la Française des jeux, dévoilent
les aberrations de la politique de jeu responsable affichée par la
FDJ ( Dossier économie du Progrès de Lyon 19 décembre 2017)
(*
JP Martignoni : Mission Myard/Juanico (I) : Cour Des Comptes &
Politique Des Jeux :
un premier aperçu du rapport sur les jeux de hasard & d’argent
des Sages de la rue Campon»
»
(8 pages, 6 novembre 2016, publié sur lescasinos.org du 4/11/2016)
---------
1.
"Une sociologie du gambling contemporain", Pouvoirs, revue
française d’études constitutionnelles et politiques, n°139, 2011,
p.51-64.
Référence électronique de l’article :
http://www.revue-pouvoirs.fr/Une-sociologie-du-gambling.html
2.
« Les jeux d’argent : un impôt démocratique » :
Les loteries, casinos et jeux à gratter ont mauvaise presse.
Ils permettent pourtant à l’Etat de se financer. Un Etat bien
hypocrite et qui aurait tout à gagner à revoir sa politique en
la matière*
Sous titre rédigé par les Echos
.
( Les Echos du 30/12/2016)
JEAN-PIERRE MARTIGNONI-HUTIN
/ Sociologue ( les echos.fr/idées-débats/cercle)
du
30/12/2016)
l'hippodrome de Deauville-La Touques ( Calvados ). – SIPA)
Que cela plaise ou non, les jeux d'argent représentent un
formidable impôt démocratique. C'est la seule fiscalité volontaire,
et tout le monde peut jouer, sans distinction d'origine sociale, de
richesse ou de couleur de peau. Dernière vertu de l'impôt ludique,
tous les joueurs ont leur chance - Fortuna, la divinité latine de
la chance, a les yeux bandés.
L'Etat croupier
Dans une période où les Français subissent une fiscalité
confiscatoire, chacun devrait se réjouir de cet impôt indolore qui
rapporte de l'argent à l'Etat, aux communes, aide le sport, la
culture et donne parfois du bonheur aux gens. Mais cette pratique
culturelle populaire est en permanence médicalisée par certains
addictologues, qui exploitent le business du jeu compulsif.
L'association jeu = drogue = dépendance = isolement est
omniprésente. L'hypocrisie est totale, le double langage constant.
Derrière la façade d'une politique de jeu responsable, nous
observerons qu'en réalité l'Etat n'a jamais vraiment assumé d'être
un Etat croupier. Il a transformé la moralisation en
pathologisation.
Un patrimoine
Fait social et culturel très ancien, le jeu n'est pas une maladie.
C'est un loisir, une passion qui a même parfois des effets
thérapeutiques grâce à l'espoir qu'il suscite, aux sociabilités
qu'il entraîne. Loteries, casinos, hippodromes font en outre partie
du patrimoine ludique national.
Les grands « casinos resorts » associent hôtellerie, restauration
haut de gamme, thermalisme, spectacle et attirent une clientèle
internationale. La filière hippique fait rayonner la France dans le
monde (Grands Prix, ventes de yearlings) grâce au PMU et à ses 6,5
millions de turfistes. Les 32.000 revendeurs de la FDJ jouent
également un rôle social insoupçonné dans la vie de nos villes,
quartiers et campagnes.
L'hypocrisie actuelle apparaît donc contre-productive, nonobstant
les
conflits d'intérêts
entre Bercy, la FDJ et la doxa du jeu pathologie. Cette politique
ambiguë gêne bien entendu les opérateurs.
Les casinotiers
ont perdu 24 % de leur volume d'affaire en sept ans. Seule la FDJ
en profite, mais pour combien de temps ? L'opérateur historique a
perdu 1,6 million de joueurs en six ans.
Pour des états généraux
Deux députés (Régis Juanico, Jacques Myard) ont été nommés fin 2015
rapporteurs d'une
mission d'évaluation de la régulation des jeux d'argent
. Souhaitons que les pouvoirs publics profitent de ces travaux pour
lancer des états généraux des jeux d'argent, afin que la politique
du secteur ne soit plus prise en otage par des fonctionnaires de
Bercy, des addictologues, des associations familiales antijeu.Il
est également temps que l'Etat revoie sa copie en matière de
recherches sur les jeux, que les joueurs soient partie prenante de
cette politique, que la représentation nationale favorise le
développement de cette activité économique. Une belle opportunité a
été manquée avec l'implantation d'un casino à Paris. A la suite du
rapport du préfet Duport, favorable au projet,
Anne Hidalgo a répondu que ce n'était pas sa tasse de thé
!
Pour la solidarité
En attendant que ce projet soit étudié plus sérieusement par le
gouvernement, suggérons-lui d'organiser une mégaloterie, comme le
font les Américains avec le powerball et comme le perpétuent les
Espagnols depuis 1812 avec la Loteria de Navidad.En relançant
l'impôt ludique, l'Etat ne ferait que renouer avec l'histoire. Les
loteries importées d'Italie par Casanova ont fait rentrer de
l'argent dans les caisses publiques, et les révolutionnaires de
1789 ont transformé la Loterie royale en Loterie nationale. La
manne ludique a ensuite aidé les gueules cassées de la Grande
Guerre et, en 1933, les parlementaires ont réintroduit la Loterie
pour lutter contre les calamités agricoles. Dans toutes ces
époques, le jeu n'était pas synonyme d'addiction mais de
solidarité. Comme l'a précisé le professeur Pierre Tremblay
(Université du Québec, Montréal), l'exploitation par les Etats des
jeux de hasard est un phénomène universel dont la finalité
originelle est humanitaire et vise le développement du bien commun.
Jean-Pierre Martignoni-Hutin, sociologue, est président
fondateur de
l'Observatoire des jeux (ODJ).
3.
« Pour une politique des jeux responsable…et raisonnable » :
les campagnes de prévention contre l’addiction se sont imposées
dans le milieu des jeux d’argent, une hypocrisie pour JP
Martignoni
( La Tribune de Lyon, 5 avril 2017)
4.
« Entre 1995 et 2016 la FDJ a augmenté son chiffre d’affaires de
160% »
mais dans le même temps le nombre de joueurs a baissé de 18%.
Cela signifie forcément, comme l’a noté la Cour des Comptes,
une pratique ludique plus intensive des clients de la FDJ. Ces
statistiques, rarement citées par les médias et la Française
des jeux, dévoilent les aberrations de la politique de jeu
responsable affichée par la FDJ( Dossier économie du Progrès de
Lyon 19 décembre 2017)