L'annonce, le 13 février, de l'incarcération du président de la Société Française des casinos (1), a fait l'effet d'une bombe dans la cité thermale. Car la SFC est l'unique repreneur du casino de Luchon, fermé depuis sept ans. Et forcément, les langues se délient. Pour autant, la SFC a bien l'intention de concrétiser son projet. Entretien exclusif avec Carlos Ubach, le nouveau PDG, ancien directeur général délégué.
Où en est la SFC aujourd'hui ?
Les faits reprochés à l'ancien président relèvent de sa vie privée et n'engagent aucunement une société de 300 personnes, cotée en bourse, qui exploite neuf casinos. S'il est présumé innocent, le président a démissionné de toutes ses fonctions. Nous avons pris des mesures d'urgence. Un conseil d'administration extraordinaire m'a confié la présidence.
Quelles ont été vos premières actions ?
Nous avons rassuré nos autorités de tutelle, nos salariés, nos fournisseurs, les mairies partenaires (2). La SFC a toujours la capacité de faire face à ses obligations, ses investissements, ses projets.
Vous restez donc engagé sur Luchon...
Plus que jamais. La ville a du potentiel, le maire et le conseil départemental ont des projets pour dynamiser la station. Nous avons pris un peu de retard, et nous attendons la réponse de l'administration et de la préfecture.
Comprenez-vous les opposants ?
Nous ne faisons pas de politique. Luchon a tout intérêt à avoir un nouveau casino, après trois faillites et un appel d'offres infructueux. Si nous abandonnions, que se passerait-il ? Nous sommes l'unique candidat à la reprise, et nous sommes prêts à prendre des risques ici. Les grands groupes ne s'intéressent qu'aux gros projets.
Vos détracteurs évoquent votre plan de redressement...
Comme nombre de nos confrères, nous avons connu des difficultés vers 2010. Le tribunal de commerce a homologué notre plan de redressement. Nous avons payé six des annuités de la dette, bientôt la septième. Et on remboursera les prochaines. Nous avons fait des bénéfices, grâce à notre croissance externe. Nous sommes passés de trois casinos en 2012 à neuf en 2017, et bientôt 10 avec Luchon.
Que dites-vous aux sceptiques ?
La relance du casino par un investisseur privé a un intérêt collectif pour la commune et les contribuables. Nous investirons un minimum d'un million au départ, puis nous monterons en puissance. Nous créerons 13emplois et 17 ensuite. Nous allons permettre la rénovation et la maintenance d'un bâtiment en mauvais état, créer un pôle de loisirs, d'attraction touristique, amener de nouveaux clients, contribuer à des animations festives et culturelles. Ce sera une réelle plus-value pour la ville. Et une partie des prélèvements sur les jeux lui reviendra.
Pourquoi changer de site ?
Le bâtiment historique est excentré et a de grosses charges de fonctionnement. Il ne correspond plus au modèle économique. Nous préférons les thermes Chambert, bien mieux placés, au bout des allées d'étigny, près des thermes qui vont être modernisés. Nous commencerons au rez-de-chaussée par les salles de jeux et un restaurant, puis nous espérons nous agrandir à l'étage, pour l'heure laissé à l'abandon. Nous y envisageons des salles de réunion, de séminaires, de réception, de mariages. On n'attend plus le client, nos commerciaux le démarchent. Nous avons l'expérience des petites structures comme Luchon, et nous les développons constamment.
(1) Pascal Pessiot a été mis en examen pour «corruption de mineur de 15 ans» et «enregistrement, importation et diffusion de vidéos et photos pédopornographiques»
(2) En Occitanie, la SFC détient ou gère les casinos de Gruissan, Port-la-Nouvelle, port-leucate (Aude), Collioure (Pyrénées-Orientales) et Capvern (Hautes-Pyrénées).
Les opposants restent mobilisés
Sur le terrain, les opposants au projet pointent du doigt la santé financière de la SFC. «Nous avons toujours été très circonspects, rappelle Jean-Paul Ladrix, à la tête de l'opposition municipale. Dans le plan de redressement, les principales annuités vont arriver : la SFC devrait rembourser 20% de sa dette en 2018, soit 1.452.000 €, 25% en 2019, soit 1.816.000€ et enfin 20% en 2020, soit 1.089.000€.» éric Azemar, président de l'ALVA, l'association Luchon Vallées Avenir, enfonce le clou. «Si la SFC honore ses dettes, elle ne pourra investir dans aucun projet, dont celui de Luchon. Et si elle investit à Luchon ou ailleurs, elle n'aura pas de quoi honorer son plan de redressement. Nous attendons toujours la décision préfectorale et l'avis de la commission des jeux. Mais au moins, le prétexte du casino a permis de refaire la toiture de Chambert, c'est une excellente nouvelle». Eric Azémar a attaqué le permis de construire, délivré il y a quelques semaines, devant le tribunal administratif de Toulouse.
(source : ladepeche.fr/V.B)