Dans le monde infernal des casinos, les joueurs misent plus que leur argent. Ils jouent aussi avec leur vie. Pierre Bordage a exploré cette autodestruction dans son roman "Tout sur le zéro".
Ils n’ont rien de vraiment commun entre eux, et ils n’auraient jamais dû se rencontrer. Ils ont juste un point de ralliement. Un seul, mais il est de taille. C’est le casino qui les attire inéluctablement. Entre le peintre en mal d’inspiration, le père de famille qui élève seul ses enfants, l’employée d’une grande surface de bricolage ou bien cette femme qui s’ennuie ferme dans son milieu bourgeois, le casino est un peu leur bouée de survie. Ils n’y viennent pas pour parler de la pluie et du beau temps. Une fois la porte passée, seul le jeu les accapare. Pire même, les vampirise.
Que des perdants…
Pierre Bordage est allé voir ce qui se passe dans le cerveau de ces joueurs qui sont, une fois dans la place, à côté de la roulette ou de la machine à sous, comme la limaille de fer face à un aimant. Le contact ne peut que s’établir. Il décrit d’abord un premier contraste saisissant entre le décor de paillettes du casino, son clinquant de façade, et la profonde tristesse de ces vies qui tournent en rond.
En dehors du casino, un joueur passe ses journées au ralenti. Rien ne l’intéresse vraiment. Seul le jeu va le sortir de cette léthargie, lui apporter de l’électricité, comme celle qui recharge un jouet mécanique. «?Sa tristesse s’est envolée, il n’y a que le jeu pour vous sortir aussi brutalement de la mélancolie, pour vous injecter une telle dose de fulgurance?», écrit Pierre Bordage.
Bien sûr, il y a des soirées chanceuses. Seulement, un joueur a oublié depuis si longtemps les règles les plus élémentaires de la comptabilité. Pour lui, gagner une somme d’argent n’est pas l’opportunité d’éponger les pertes. Ce sont de nouvelles sensations en perspective lorsqu’il s’agira de parier sur la petite boule blanche, ou de rassasier la machine à sous. Après, il faut se rattraper aux branches pour ne pas se retrouver sur la paille, inventer mille et un mensonges à ses proches. Avec acuité, et au fil de portraits sans concession, Pierre Bordage raconte ce cercle infernal du jeu où il n’y a que des perdants.
(source : ouest-france.fr)