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Cour des comptes - La régulation des jeux d’argent et de hasard
Décret n° 2015-669 du 15 juin 2015 relatif aux prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos
Arrêté du 15 mai 2015 modifiant les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Décret no 2015-540 du 15 mai 2015 modifiant la liste des jeux autorisés dans les casinos fixée par l’article D.321-13 du code de la sécurité intérieure
Arrêté du 30 décembre 2014 modifiant les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007
Décret no 2014-1726 du 30 décembre 2014 modifiant la liste des jeux autorisés dans les casinos fixée par l’article D. 321-13 du code de la sécurité intérieure
Décret no 2014-1724 du 30 décembre 2014 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Les jeux d’argent en France - Avril 2014
Arrêté du 6 décembre 2013 modifiant les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Arjel - Rapport d'activité 2012
Arjel Mars 2013
Régulation du secteur des jeux en ligne et nouvelles technologies
Arrêté du 28 février 2013 modifiant l'arrêté du 29 octobre 2010 relatif aux modalités d'encaissement, de recouvrement et de contrôle des prélèvements spécifiques aux jeux de casinos
Arrêté du 14 février 2013 modifiant les dispositions de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Décret no 2012-685 du 7 mai 2012 modifiant le décret no 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques
Rapport d'information de M. François TRUCY, fait au nom de la commission des finances n° 17 (2011-2012) - 12 octobre 2011
Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d’argent en 2010
Décret no 2011-906 du 29 juillet 2011 modifiant le décret no 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques
Décret no 2010-605 du 4 juin 2010 relatif à la proportion maximale des sommes versées en moyenne aux joueurs par les opérateurs agréés de paris hippiques et de paris sportifs en ligne
LOI no 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne
Fédération Suisse des Casinos - Rapport 2009
Arrêté du 29 juillet 2009 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Projet de Loi du 30 mars 2009 relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne
Arrêté du 24 décembre 2008 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Rapport Bauer - Juin 2008 - Jeux en ligne et menaces criminelles
Rapport Durieux - MARS 2008 - Rapport de la mission sur l’ouverture du marché des jeux d’argent et de hasard
Rapport d'information du 6 février 2008 - le monopole des jeux au regard des règles communautaires
Étude de législation comparée n° 180 - décembre 2007 - Les instances de contrôle du secteur des jeux
Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos (JO du 17 mai 2007)
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance
Décret no 2006-1595 du 13 décembre 2006 modifiant le décret no 59-1489 du 22 décembre 1959 et relatif aux casinos
Décret n° 2006- 1386 du 15 novembre 2006
Rapport Trucy

Evolution des jeux de hasard


mots clefs : sociales


Vendredi 17 mars 2017 : Colloque à Valenciennes : le jeu problématique une addiction ?



Colloque à Valenciennes : le jeu problématique une addiction ?

Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN

Président fondateur de l’Observatoire des jeux (ODJ) fondé avec M.Valleur ( Directeur du centre Marmottan) et C.Bucher ( psychiatre)

Jean-pierre.martignoni@univ-lyon2.fr

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· Un important colloque sur la question du jeu se déroulera à Valenciennes les 5,6 avril 2017 au théâtre d'Anzin. Organisé par le GREID (Association GRoupe Ecoute Information Dépendance) Franck Hugot (directeur du Greid) Elise Bourdin (éducatrice spécialisée) Inès Roux (Psychologue) en sont les organisateurs. Ces deux journées, soutenues par Valenciennes Métropole, traiteront de la problématique des jeux de hasard et d’argent » à travers « le prisme » du jeu excessif, addictif, compulsif… : « Quand jouer n’est plus un jeu»

· Logiquement, la plupart des intervenants sont des acteurs régionaux, soignants, psychologues, médecins, thérapeutes, cadres de santé, éducatrices spécialisées…Mais un certain nombre de personnalités ont accepté d’y participer, notamment - et c’est a souligner - Jean-François Vilotte, mais également : Pr Robert Ladouceur (professeur émérite de psychologie, université de Laval, Québec) Dr Marc Valleur, psychiatre, Centre médical Marmottan. On trouve aussi la police des jeux, des opérateurs, J. Lefebvre pour le PMU ; Richard Fricher & Carine Boucau, MCD au célèbre casino régional de Saint Amand les eaux, bastion historique du groupe fondé par Isidore « Partouche ».

· Cette diversité donne à cette manifestation un caractère national, d’autant qu’elle se déroule dans un contexte particulier (élections présidentielles, important rapport de la Cour des Comptes pour refonder la Politique Des jeux de la France, rapport Myard/Juanico, projet sécuritaire d’identifier des millions de joueurs pour soi-disant lutter contre l’addiction, le jeu des mineurs, les interdits de jeu, le blanchiment (LAB/FT)…) Ajoutons, pour souligner que ce colloque est en phase avec l’actualité du gambling et du e.gambling, une offensive générale de la Française des jeux pour attirer de jeunes joueurs, placer ses pions sur les paris sportifs à cote fixe et le live betting dans son réseau de proximité, au grand dam de la filière hippique. L’opérateur historique des loteries - qui met en avant sa politique de jeu responsable et de lutte contre le jeu compulsif, le jeu des mineurs - pourrait être accusé dans cette affaire de double langage et d’abus de position dominante, notamment par Bruxelles) (1)

· Ironie de l’histoire dans cette belle région du Nord - Pas-de-Calais, – région très joueuse particulièrement touchée par la crise économique - la Française des jeux championne de la lutte contre le jeu excessif (sic) teste actuellement le «ticket à gratter digital»( Illiko Live) En fusionnant le jeu de grattage avec le jeu numérique, l’opérateur vise clairement une population jeune qui joue déjà sur mobile à des jeux type Candycrush ou Clash of Clans... (Confer l’interview de Stéphane Pallez, présidente-directrice générale de la FDJ, réalisée par Christophe Caron dans La Voix du Nord du 07/02/2017)

· Ajoutons pour conclure (et c’est une invitation supplémentaire à participer à ce colloque) que les organisateurs ont eu l’intelligence de ne pas fermer les débats, comme c’est souvent le cas en matière de jeu pathologie maladie. Ils posent en exergue une question épistémologiquement pertinente, dont tout le reste dépend en réalité : le jeu problématique une addiction ? Ce doute scientifique des organisateurs est tout à leur honneur intellectuel, dans une période ou certains s’interrogent sur « la médecine face à la post-vérité » (2) ou d’autres condamnent le fait que « la culture scientifique est en recul dans les médias ou, trop souvent, les raisonnements simplistes sont présentés comme des informations incontestable » (3)

· Certes, cette question du jeu « problématique », du jeu « responsable » et de « la recherche sur les jeux d’argent » est une question ancienne, complexe, conflictualiste* et deux jours ne suffiront pas pour la traiter. Mais assurément, la région Nord pas de Calais - ou l’on pleure deux fois quand on y vient - apporte sa contribution au débat, à travers cette manifestation.

*confer en annexe A une habile synthèse réalisée par A. Brody docteur de l’Université Sorbonne Paris Cité , qui montre ou se situe la critique scientifique contre la doxa du jeu pathologie maladie, effectuée depuis des lustres par certains sociologues et historiens.

*Confer en annexe B, un de nos articles qui date de 2011 mais reste d’actualité et qui montre que la soi disante politique jeu responsable de la Française des jeux (plus de 14 milliards de CA en 2016) masque en réalité une incitation au jeu accrue

© Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN, Sociologue (Université Lumière, Lyon 2) , Chercheur associé au Centre Max Weber(CMW) équipe TIPO (Travail, institutions, professions et organisations) institut des sciences de l’homme, ISH, Lyon 2, Lyon, France, UE. Mars 2017.

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Notes :

  1. (à paraître) : JP Martignoni : « Identifier les joueurs : une mesure liberticide = Alors que le débat sur l’identification des parieurs s’accentue, la Française des jeux, fort de son monopole, place ses pions sur les paris sportifs à cote fixe et le live betting ( prise de paris en direct) dans son réseau de proximité, au grand dam de la filière hippique. L’opérateur historique des loteries pourrait être accusé d’abus de position dominante notamment par Bruxelles »(*) ( 8 pages, 26 notes, 6 annexes, Mars 2017)
  2. « La médecine face à la post vérité » (Didier Raoult, professeur de microbiologie à la faculté de Marseille) (Les Echos du 27/2/2017 ; idées&débats)
  3. « Plus que jamais la République a besoin de savant » Bernard Accoyer (député LR Haute Savoie), JY Le Déaut (député PS Meurthe et Moselle), D. Orliac(député RRD du Lot) ( Les Echos du 7 mars 2017, le point de vue)

annexe A = extrait de l’article = « Pour une approche du gambling en termes de jeu » A. Brody ( revue sciences du jeu, 3 | 2015 : Questionner les jeux d'argent et de hasard )

(…) La » passion du jeu » a depuis longtemps fait l’objet d’une condamnation morale, que ce soit pour des raisons religieuses, philosophiques, sociales ou politiques (voir notamment Mehl, 1990 ; Belmas, 2006 ; Hamayon, 2012). Le penchant des joueurs pour les jeux de hasard et d’argent – puisque que c’est de ces jeux en particulier dont il est question – a successivement été dénoncé comme un péché (XVIIe siècle), puis un vice (XVIIIe), avant d’être condamné comme une violation des lois visant à réprimer cette « passion funeste »(…)

Depuis que l’Association américaine de psychiatrie (APA) a reconnu en 1980 le « jeu pathologique » comme un « trouble mental », l’étude du gambling a commencé à être envisagé sous un angle médical. Classé à l’époque parmi les « troubles du contrôle des impulsions » (APA, 1983 : 315), le jeu pathologique fut d’abord défini dans la nosographie psychiatrique comme une « impossibilité de résister aux impulsions à jouer et à un comportement de jeu qui compromet, gêne ou désorganise les objectifs personnels, familiaux ou professionnels. » (315) Aujourd’hui, les psychiatres parleraient davantage d’une « addiction sans substance » ou d’une « addiction comportementale » (APA, 2013) pour qualifier ce phénomène de dépendance au jeu, comme si c’était le jeu lui-même qui était à l’origine de l’assuétude du joueur.(…)

C’est du moins l’analyse critique que font certains sociologues pour remettre en cause la « doxa du jeu pathologique » (Martignoni-Hutin, 2011), n’hésitant pas à parler d’une « pathologisation » (Suissa, 2005) pour rendre compte du discours médical à l’égard du jeu 2 . Suivant cette perspective critique, il conviendrait d’analyser la construction sociale du « jeu pathologique » en réinscrivant l’histoire du concept dans un processus plus vaste de « médicalisation » et de contrôle des comportements déviants aux États-Unis (Conrad & Schneider, 1980 ; Rosecrance, 1985) et à travers le monde (Suissa, 2008). Ce faisant, on comprend mieux comment le discours des psychiatres américains s’est imposé à partir des années 1980 pour faire du jeu pathologique un problème médical (Castellani, 2000), avant d’être reconnu comme un problème sanitaire et social dans les années 1990-2000 (Suissa, 2003, 2006 ; Mangel, 2009). En parlant de pathologisation ou de médicalisation, il s’agit non seulement de décrire ce processus qui préside à la reconnaissance du jeu pathologique comme une maladie ou un problème de santé publique, mais aussi de souligner cette tendance générale à penser le jeu – y compris celui des « joueurs sociaux » – en termes de pathologie. Selon l’INSERM (2008 : 38) qui se réfère notamment aux travaux de Suissa : « L’usage même de ce terme – pathologie/maladie – relève d’une idéologie de la médicalisation, en tant que modalité de contrôle social dans la gestion des rapports sociaux de déviance. » Face à cette idéologie dominante, le sociologue s’efforcera de déconstruire les catégories d’usage en matière de gambling pour redéfinir les termes du débat scientifique.(…)

Tel est précisément l’enjeu d’un article dans lequel Jean-Pierre Martignoni-Hutin pose la question suivante : « Que peut apporter la sociologie dans le débat sur le jeu compulsif ? » (Martignoni-Hutin, 2005) La réponse du sociologue se situe à plusieurs niveaux : une fois le travail de déconstruction engagé sur le plan épistémologique et conceptuelle, la sociologie interviendrait dans le débat scientifique pour reformuler le problème, discuter les études sur le sujet et réaliser de nouvelles enquêtes. Dans un texte plus récent, Martignoni-Hutin (2011) pose finalement les jalons d’une « sociologie du gambling contemporain » qui ne soit pas focalisée sur la dimension pathologique du jeu, considérant « qu’il y a danger à aborder les jeux d’argent à travers la problématique de l’addiction, car une fois acceptés comme entité morbide individualisée, ces jeux sont analysés comme des formes plus ou moins aiguës de jeu pathologique. » (Martignoni-Hutin, 2011 : 59). Pour éviter cet écueil, il faudrait étudier, selon lui, « la biographie du joueur, son histoire sociale, économique, familiale, conjugale… avant de le traiter un peu facilement de drogué du jeu. » (60) En somme, il s’agirait d’aborder la trajectoire du joueur non plus sous l’angle de l’addiction mais de la socialisation. Cherchant à ouvrir le débat au-delà de sa discipline, Martignoni-Hutin plaide même pour la création d’un « observatoire pluridisciplinaire dédié aux jeux d’argent et [à] la socialisation ludique contemporaine » (56). Si un Observatoire des jeux (ODJ) a depuis vu le jour en France, force est de constater que celui-ci s’intéresse davantage aux conséquences du jeu sur un plan sanitaire (…)

annexe B

LA POLITIQUE « JEU RESPONSABLE » DE LA FRANCAISE DES JEUX MASQUE EN REALITE « UNE INCITATION AU JEU ACCRUE »

Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin ( sociologue)

(20 avril 2011)

• « Après avoir lancé « Crescendo » en novembre 2010 et « 2011 année de rêve » en décembre, la Française des jeux (FDJ) a commercialisé « Mots croisés » en février 2011 et quelques jours après « Créatio », un jeu de grattage disponible uniquement sur internet. Depuis, la FDJ a lancé :? ? « Mille Bornes », en mars, un jeu qui n’est pas donné par les temps qui courent (5 euros)? ? « Poker « en avril un jeu à 3 euros qui vise à surfer sur la succès du Poker en dur et en ligne? ? elle annonce un deuxième tirage pour Euromillions à partir du 10 mai 2011 alors que le Loto compte déjà trois tirages hebdomadaires (lundi, mercredi, samedi).? ? et pour la première fois en avril 2011 un jeu consacré au tennis, Roland Garros

• Christophe Blanchard Dignac ( PDG de la Française des jeux) peut se réjouir, ses équipes marketing font preuve d’une imagination débordante pour lancer en permanence de nouveaux « jeux » et notamment des jeux de grattage. Peut-être faudrait-il parler de « produits », de « coups marketing » tant l’intérêt ludique de ces jeux paraît parfois restreint. Il s’agit en réalité de faire le plus d’argent possible le plus rapidement possible en jouant, coté joueur sur la tentation du « je vais essayer au moins une fois », coté médias sur « le buzz de la nouveauté ». Agences de presse et médias jouent en effet un rôle considérable dans ces lancements en reprenant pro domo les nombreux « communiqués de la FDJ » (nonobstant les budgets publicitaires considérables qui accompagnent ces lancements). Le fait que par ailleurs la FDJ « arrose » en permanence de ses publicités de nombreux journaux ( locaux et nationaux) et organes d’information ( radio, télé), favorise objectivement ce curieux prosélytisme ludique, opéré gratuitement par les médias à chaque nouveau jeu de la FDJ. La directrice de la communication de la FDJ (Laetitia Olivier) ne cache pas qu’elle doit jongler entre des métiers très différents dont « influence ( lobby, presse) » ( cité par Stratégie .fr du 27 janvier 2011)

• L’opérateur historique avait déjà surperformé en 2010 (+5,5 %) en dépassant pour la première fois la barre symbolique des 10 milliards. Avec une telle politique, l’opérateur « publique » atteindra facilement le taux de croissance de 3% qu’il s’est fixé pour 2011 et sans doute le dépassera-t-il. Mais de tels résultats ne tombent pas du ciel. Ils proviennent de « l’activisme commercial » de la FDJ. Christophe Blanchard Dignac court donc le risque de subir des critiques pour « cette incitation au jeu particulièrement prononcée », alors qu’il affiche par ailleurs une politique éthique de jeu responsable.

• Ainsi, certains esprits critiques pourraient accuser le PDG de la Française des jeux de surfer et même d’exploiter sans vergogne une crise économique qui perdure. Les Français en grande difficulté financière cherchant plus que jamais à « décrocher le pactole » pour « changer de vie » , « se refaire », ou tout simplement pour essayer « d’améliorer l’ordinaire ». Un ordinaire de plus en plus affecté par l’augmentation des prix, la dépression économique mondiale, l’ imposition fiscale locale et nationale en perpétuelle augmentation ; sans oublier l’arrivée inflationniste de l’Euro dont nos concitoyens ne se sont toujours pas remis. Conscient de cette situation ( parfois dramatique pour les catégories populaires et désormais aussi pour les classes moyennes) CB Dignac exploiterait sans le dire, la théorie de la pauvreté de certains économistes spécialisés dans le gambling : plus on est pauvre plus on joue.

• D’autres pourraient soupçonner le « patron » de la Française des jeux de n’avoir guère l’esprit public, de ne pas avoir le sens de l’intérêt général, mais d’agir en réalité, comme « la pire des entreprises privées », exploitant jusqu’à la corde dans une vision courtermiste, un précieux patrimoine ludique qui ne lui appartient pas, contribuant ainsi à « tuer la poule aux œufs d’or » de Bercy, tout en piétinant sans vergogne un « principe de précaution » longtemps instrumentalisé pour freiner l’ouverture à la concurrence et combattre les directives européennes. Même si elle a depuis retourné sa veste ( et d’une belle manière) la FDJ a longtemps mis en avant sa politique de jeu raisonnable pour tenter de prouver que la meilleure façon de lutter contre le jeu pathologique était de maintenir le monopole, qui existe encore en matière de loteries et de jeux de grattage.

• Mais c’est justement sur ce terrain du jeu responsable, du jeu pathologie maladie, de la responsabilité sociale de l’entreprise Française des jeux (RSE), que Christophe Blanchard Dignac pourrait en final être montré du doigt, mis en accusation et en contradiction, et cela sur trois registres

1/ Le premier concerne la « dangerosité » des jeux que vend l’opérateur historique à travers un réseau très dense de distributeurs (35800) Le chercheur Jörg Häfeli a établi « un instrument d’évaluation du potentiel de dangerosité des jeux de hasard et d’argent » (1) Parmi les critères qui le définisse on trouve notamment :? ? Le critère de disponibilité : la probabilité accrue de développer un comportement de jeu problématique est directement lié à la disponibilité d’un jeu? ? Le critère du degré d’interactivité : dans certains jeux « le joueur est émotionnellement impliqué », » il vit à fleur de peau la façon dont se prépare l’issue du jeu » . J. Häfeli précise « on observe cela pour les loteries dont le tirage s’effectue en direct à la télévision «? ? Le critère de mise sur le marché : une mise sur le marché à grande échelle entraine une banalisation du jeu. Cette normalisation favorise l’excessivité. La routine se substitue à la réflexion critique précise par ailleurs deux autres chercheurs Meyer & Hayer ( 2005)? ? Le critère de l’anonymat : le potentiel de risques de jeu excessif s’élève avec le degré d’anonymat d’un jeu car le joueur ne craint aucune stigmatisation. L’anonymat supprime l’effet modérateur du contrôle social induit dans le fait de déclarer son identité, comme par exemple quand on joue dans un casino. En outre cet anonymat rend plus difficile la prévention, précise J. Häfeli.

Contre toute attente on s’aperçoit que ces critères correspondent exactement aux caractéristiques des jeux de la FDJ, notamment des loteries et des jeux de grattage. Les jeux de l’opérateur historique possèdent objectivement un potentiel addictogène important et ne correspondent pas à une offre « douce ». A l’avenir et notamment si l’Observateur des jeux fonctionne comme un véritable Observatoire scientifique et non comme une simple Commission, la FDJ devra faire avec des instruments d’évaluation objectifs et ne pourra plus définir elle même la dangerosité ou l’innocuité de ses produits. Les jeux considérés comme les plus dangereux étant avant tout dans l’imaginaire du joueur freudien véhiculé par la doxa du jeu pathologie maladie ( financée par la FDJ), les jeux de casino (roulette, black-jack, machines à sous, poker) et les paris hippiques.

2/ Le deuxième registre concerne plus largement les études sur le jeu. La Française des jeux essaie depuis deux ans ( avec une accélération depuis la libéralisation des jeux en ligne) de verrouiller entièrement le volet « recherche sur le jeu pathologique ». Elle finance le centre du jeu excessif de Nantes à hauteur de deux millions d’euros sur 8 ans, soit la bagatelle de 13,11 millions de nos bons vieux francs. La FDJ est le « partenaire fondateur » du centre de Nantes. Ce n’est pas pour rien et ce n’est pas hasard qu’elle a fondé ce centre, auto proclamé centre de référence sur le jeu excessif. Sans la FDJ il n’existerait pas. Ce scandaleux conflit d’intérêts n’a jamais été dénoncé dans les médias à une exception près : Claire Legros dans l’hebdomadaire la Vie (confer annexe ci dessous )

La Française des jeux vient par ailleurs soudainement de verser 270 OOO euros à deux universités parisiennes pour verrouiller un volet plus large gambling & sciences sociales. Christophe Blanchard Dignac instrumentalisant à cette occasion certaines conclusions de l’expertise Inserm, qui invitaient les pouvoirs publics ( et non les opérateurs !) à mener des recherches sur les jeux d’argent et à installer un Observatoire des jeux. La également les circonstances et les raisons de ce « financement parisien » soudain sont loin d’être clairs. Ne parlons même pas de l’enquête sur « le caractère addictif des jeux en ligne » réalisée par MM. Ladouceur/Lejoyeux à Bichat et financée également par la FDJ. Les conflits d’intérêts semblent se cumuler dans le champ ludique vu que Michel Lejoyeux fait partie dans le même temps de la Commission n° 1 de l’ARJEL. Quant au psychologue cognitiviste Robert Ladouceur ses rapports incestueux avec Loto Québec ( qui se chiffrent en millions de dollars canadiens) ont été dénoncés depuis des lustres (2) et les résultats de ses études sur le jeu pathologique ont été critiqués.

Il y a bien, au niveau de la recherche sur le jeu, la mise en place par Christophe Blanchard Dignac d’un « Plan B », sans Comite consultatif du jeu et sans Observatoire. La Française des jeux finançant la quasi-totalité des études en cours sur les jeux d’argent, nonobstant « sa commande à l’AFNOR », visant à auto définir la notion de « jeu responsable » pour mieux la contrôler. Toutes ces actions et tout cet argent engagé par l’opérateur ont pour but de court-circuiter l’Observatoire des jeux, avant même qu’il ne soit installé et sans doute même au départ, pour qu’il ne soit jamais installé. La FDJ est en conflit intérêts jusqu’au cou dans cette affaire. Christophe Blanchard Dignac continue avec de gros moyens financiers son travail de verrouillage pour occuper tout le terrain : financement de la doxa du jeu pathologie maladie, communication permanente, instrumentalisation des agences de presse (et donc des médias) sur la question du jeu responsable… On est visiblement face à un plan stratégique parfaitement concerté.

Certes, depuis le 11 mars 2011 l’Observatoire des jeux (ODJ) a été installé. Mais sa composition semble pour l’instant confirmer les craintes que nous avons exprimées ( 3 ). A savoir que les les pouvoirs publics ont cédé à la tentation de mettre en place de manière délibérée un Observatoire « croupion » Actuellement (la qualité des personnes n’est pas en cause) l’Observatoire des jeux ressemble davantage à une Commission, à un COJER bis, qu’à un Observatoire scientifique des jeux de hasard. L’ODJ apparaît en outre strictement mono-disciplinaire et centré uniquement sur le jeu pathologie maladie.

Pour remettre les compteurs à zéro en matière de recherches sur le jeu il aurait fallu dès le départ doté l’observatoire de moyens qui soient à la hauteur des enjeux scientifiques et statistiques du secteur, c’est à dire avec un budget au moins aussi important que celui de l’Observatoire des drogues. Au lieu de ça « le cabinet » nomme Jean Michel Costes à l’Observatoire des jeux ( la également la qualité, et en l’occurrence vu le cumul des fonctions, les qualités de la personne ne sont pas en cause) qui est déjà… directeur de l’Observatoire des drogues.?

3/ Nous l’avons vu, la FDJ en fait beaucoup en matière de jeu responsable mais elle en fait sans doute trop. Cela nous permet d’aborder le troisième registre sur lequel le PDG de la Française des jeux pourrait être mis en contradiction…en accusation. Nous pensons que cet engagement en matière de RSE cache une autre réalité. La politique jeu responsable de Christophe Blanchard Dignac serait beaucoup moins éthique qu’elle ne veut bien le dire. Elle aurait en réalité pour fonction de cacher un activisme commercial & marketing forcené. La FDJ met en avant depuis deux trois ans une politique des jeux raisonnable, « finance ses ennemis » (les anti jeu de la doxa du jeu pathologie) pour mieux les contrôler, mais dans le même temps se lance dans une course effrénée à la croissance, jamais vue depuis sa création.

En final la politique éthique mis en œuvre par CB. Blanchard Dignac aurait pour conséquence en réalité – sous couvert d’une action visant à lutter contre le jeu excessif et le jeu de mineur – de produire plus de jeu. Habile stratège le patron de la FDJ aurait profité du débat sur le jeu pathologique, de l’inquiétude des pouvoirs publics en matière de santé publique, non pas pour mettre la pédale douce en matière de développement mais au contraire pour accélérer sa croissance tout azimut.?Si notre hypothèse se vérifiait, cela voudrait dire que la politique de jeu responsable mis en œuvre par CB Dignac des deux dernières années va produire en final… du jeu pathologique ! Les meilleures preuves de cette démonstration se situent dans les résultats de l’opérateur. Si la FDJ a réussi contre toute attente en pleine crise économique à augmenter son volume d’affaire, c’est parce qu’elle a très fortement boosté son offre de jeux en ligne et surtout en dur et qu’elle continue à le faire à marche forcée

En final, certains pourront considérer que le PDG de la FDJ – responsable mais pas coupable – n’est après tout qu’un grand commis de l’Etat qui fait très bien son travail et remplit avec zèle les caisses du Trésor Public. Reste à savoir de quelle marge de manœuvre CB Dignac a disposé dans cette affaire et si elle n’a pas été trop grande justement. Reste à savoir si la politique des jeux de la France doit se décider à Bercy ou dans la forteresse de Boulogne (siège de la FDJ). Reste à savoir si les excès de zèle du patron de la FDJ, sa politique expansionniste, sa boulimie ne sont pas en contradiction avec la Politique des jeux responsable affichée par le gouvernement depuis quelques années, et inaugurée par Nicolas Sarkozy avec les casinos quand il était Ministre de l’Intérieur (mise en place d’un contrôle aux entrées obligatoire pour les machines à sous).?

D’autres considèreront que ce n’est pas un problème de « personnes » et que les vraies questions sont les suivantes : « L’industrie des jeux de hasard et d’argent est elle compatible avec les notions de jeu responsable et de développement durable ? « ( Martignoni 2010), « Comment réussir à concilier une politique responsable de développement des activités de jeux ? » ( Peano 2010) « L’éthique dans l’industrie du jeu, quels enjeux et quelle crédibilité ? « (Massin 2010) , « La gestion des jeux de hasard et d’argent : une perspective éthique ? « (6) Ces problématiques, certains chercheurs spécialisés dans le gambling les posent depuis longtemps dans des colloques et publications. La puissance publique pourrait s’en inspirer.

Quant à la question du financement par l’industrie du jeu de la recherche sur le jeu excessif (une convergence d’intérêts primaires qui entraîne un conflit intérêts que la Française des jeux connaît bien) la également les chercheurs ont travaillé la question (Hurst, Mauron , 2010) (7) Monsieur Blanchard Dignac pourrait s’en inspirer. Potius sero quam numquam* »

* Mieux vaut tard que jamais

© JP Martignoni , 20 avril 2011

CQFD = quelques heures après que le présent article soit terminé, la Française des jeux lançait UN NOUVEAU JEU DE GRATTAGE : ROLAND GARROS. Ce nouveau jeu conforte l’analyse de la présente contribution. Rappelons que la FDJ propose 19 jeux à gratter , secteur qui a rapporté 4,29 milliards d’euros en 2010 en progression de 10,6%. Le jeu Cash 500 000 euros à lui seul, rapporte 1,189 milliards d’euros. Cette frénésie, cet activisme commercial forcené, cette incitation au jeu accrue pourraient un jour être reprochée à Christophe Blanchard Dignac ( le PDG de la FDJ) qui met en avant non sans une certaine duplicité, « une politique des jeux éthique, raisonnable et responsable »(sic)

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Notes

?(1) Jörg Häfeli : « Un instrument d’évaluation du potentiel de dangerosité des jeux de hasard et d’argent » (75-91) In C. Dunand, M. Rihs-Middel, & O. Simon (Eds.), Prévenir le jeu excessif dans une société addictive : D’une approche bio-pscho-sociale à la définition d’une politique de santé publique. Genève : Éditions Médecine & Hygiène., 2010

(2) Pierre Desjardins : « Le livre noir de Loto Québec « ( Les intouchables Montréal, Québec, 2003)

(3) JP Martignoni : « Il ne faut surtout pas que l’Observatoire soit un Observatoire croupion »* (IGAmagazine n°9, avril 2011, 42-45) ; Communiqué sur l’observatoire des jeux de hasard et d’argent annoncé par un arrêté du 11 mars publié au journal officiel ( 13 mars 2011) ( 2 pages, 21 mars 2011)

(4) Isabelle Toussaint : « Hippisme : trop de courses tue les courses « ( dépêche AFP du 12 mars 2011)

(5) « Les jeux d’argent en ligne : un an après son adoption quelle mise en œuvre de la loi sur la libéralisation des jeux d’argent en ligne « (Colloque Agora Europe organisé par JF Lamour et F. Trucy, Paris, Maison de la Chimie, 22 mars 2011)

(6) JP Martignoni : L’industrie des jeux de hasard et d’argent est-elle compatible avec les notions de jeu responsable et de développement durable ? : intérêts, contradictions et enjeux » ( 226-232) Valérie Peano : « Comment réussir à concilier une politique responsable de développement des activités de jeux avec une industrie globale de plus en plus performante ? (233-237) Sophie Massin : « « L’éthique dans l’industrie du jeu, quels enjeux et quelle crédibilité ? « (213-218)Magali Brodeur : « La gestion des jeux de hasard et d’argent : une perspective éthique ? « ( 219-226) Ces quatre article se trouvent dans l’ouvrage collectif : C. Dunand, M. Rihs-Middel, & O. Simon (Eds.), Prévenir le jeu excessif dans une société addictive : D’une approche bio-pscho-sociale à la définition d’une politique de santé publique. Genève : Éditions Médecine & Hygiène., 2010

(7)Samia A. Hurst, Alex Mauron : « Financement industriel de la recherche et conflits d’intérêts », (241-248) ibid. : C. Dunand, M. Rihs-Middel, & O. Simon (Eds.), Prévenir le jeu excessif dans une société addictive : D’une approche bio-pscho-sociale à la définition d’une politique de santé publique. Genève : Éditions Médecine & Hygiène., 2010

Annexe

« Conflit d'intérêts dans l'univers du jeu = Un congrès international francophone d’addictologie s'ouvre à Nantes demain 6 octobre. Une initiative financée principalement par… la Française des jeux ».( CLAIRE LEGROS publié le 05/10/2010 dans La Vie)

« Du 6 au 8 octobre, les médecins spécialistes de l’addiction aux jeux d’argent ont rendez-vous à Nantes pour un congrès international. Une initiative louable au moment où le marché des jeux en ligne explose en France, mais dont l’organisation pose question. En effet, c’est la Française des jeux (FDJ), premier opérateur français des jeux d’argent (10 milliards d’euros de CA en 2009), qui est le principal partenaire financier de l’organisateur du congrès. Le deuxième n’étant autre que le PMU. Le rapprochement date de 2007. À l’époque, la FDJ souhaite cultiver une image d’industriel responsable et cherche des partenaires du côté médical. Elle approche plusieurs services spécialisés dans le traitement des joueurs pathologiques et propose des financements. À Nantes, le partenariat aboutit à la création d’un Centre de référence sur le jeu excessif (CRJE), financé à hauteur de 250 000 € par an par la FDJ et de 70 000 € par le PMU, l’hôpital mettant à disposition son personnel médical.

Des experts de l’addiction financés par les opérateurs de jeux… Alors, comment garantir l’indépendance de leurs travaux de recherche? Interrogés, la directrice du centre de Nantes, Christelle Andrès, ainsi que Raymond Bovero, à la FDJ, mettent en avant la convention signée entre les partenaires. Christelle Andrès reconnaît qu’il serait "souhaitable pour le centre de renforcer les garde-fous en développant les crédits publics et en devenant une fondation". Pour Jean-Pierre Martignoni, sociologue du jeu à l’université Lyon-II, "le conflit d’intérêts est patent, comme lorsque la FDJ finance une étude à l’hôpital Bichat pour évaluer le caractère addictogène des jeux en ligne". Pour en sortir, plaide-t-il, "il faudrait un engagement fort de l’État et la création d’un observatoire indépendant". ??Problème : l’État, dont la mission est de protéger les joueurs fragiles, est aussi l’actionnaire à 70 % de la FDJ. Conflit d’intérêts ou grand écart… faites vos jeux ! « » CL


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