Maldonne pour l'un des deux derniers cercles de jeux parisiens : le Club anglais a été fermé lundi soir après une opération de police portant sur des soupçons de fraudes s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Le Club anglais, qui emploie une quarantaine d'employés, est le neuvième cercle de jeux à faire l'objet d'une fermeture administrative depuis 2008.
Cinq hommes, soupçonnés de "travail dissimulé en bande organisée" et "blanchiment" de ce délit, ont été arrêtés lundi et mardi à Paris et en région parisienne, a-t-on appris de sources proches de l'enquête. Les suspects, âgés de plus de 70 ans - étaient entendus mardi en garde à vue dans les locaux du Service central des courses et jeux (SCCJ) à Nanterre, près de Paris.
Parmi eux, figurent deux anciens policiers, dont un avait été affecté à la brigade des courses et jeux de la préfecture de police de Paris.
Au Club anglais, les cinq hommes arrêtés sont soupçonnés notamment d'avoir versé en liquide une partie importante des salaires et des primes, pour des montants très élevés.
Plusieurs témoignages ont amené les enquêteurs à ce cercle, pourtant considéré comme sérieux. Un surveillant de table a affirmé que, de 1993 à 2015, les salaires étaient donnés de la main à la main : jusqu'à 3.000 euros chaque mois pour certains cadres du cercle et 800 euros pour les croupiers. "Une pratique courante dans les cercles de jeux qui ont depuis été fermés", a expliqué une source policière.
Plus de cinq millions d'euros en liquide ont été retrouvés dans les coffres du cercle situé boulevard des Capucines dans le IXe arrondissement de Paris, a précisé une source policière, confirmant une information du Point.fr.
Trois millions d'euros ont également été retrouvés sur le compte bancaire du cercle, qui a pourtant un statut d'association à but non lucratif.
Les investigations ont été menées dans le cadre d'une information judiciaire confiée à des juges d'instruction parisiens.
L'affaire trouve son origine dans un conflit social en 2015. Des dirigeants du Cercle avaient déposé plainte contre des croupiers qu'ils soupçonnaient de faciliter la tricherie. Un employé mis en cause avait alors dénoncé à son tour un système de rémunération occulte, selon une source proche de l'enquête. Cette affaire fait l'objet d'une autre information judiciaire ouverte pour escroquerie en bande organisée.
Vers des 'clubs londoniens'
Dans la capitale, il ne reste désormais plus que le cercle clichy Montmartre, qui devrait à terme disparaître, comme le prévoit le projet de loi relatif au statut de Paris adopté par le Parlement le 16 février.
En effet, à la place des cercles de jeu, la nouvelle loi autorise la création, à titre expérimental, de clubs de jeux à Paris, une mesure de "lutte contre l'argent dissimulé" selon la majorité, mais que la droite avait fustigée comme permettant "le retour des casinos".
En 1947, les cercles ont été institués en association de type loi de 1901 contrairement aux casinos, soumis à des règles très strictes. A but non lucratif, ils ont obligation de reverser une partie de leurs gains à des associations, humanitaires par exemple.
Lieux mythiques de la nuit parisienne depuis plus de soixante ans, les cercles de jeux ont vécu des moments difficiles, marqués par des scandales à répétition ou des fermetures administratives.
Depuis 2008, huit cercles - Aviation Club de France, Cadet, Concorde, Wagram... - avaient déjà été fermés sur les dix que comptait Paris. Les procès se sont succédé avec souvent en arrière-plan la Corse et le grand banditisme.
Le service central des courses et jeux avait ainsi été remanié en 2013 pour faire le ménage.
En février 2015, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, avait confié une mission au préfet Jean-Pierre Duport afin de moraliser la gestion des cercles de jeux. Suite à son rapport, le gouvernement avait écarté la solution des casinos, privilégiant celle de clubs comme ceux existant à Londres, bien encadrés et très "select".
A partir du 1er janvier 2018, les clubs pourront ouvrir à titre expérimental et pour une durée de trois ans, charge au gouvernement de présenter au plus tard huit mois avant la fin de l'expérimentation un rapport d'évaluation au Parlement.
(source : lepoint.fr/AFP)