LES MOTIVATIONS DES JOUEURS QUI JOUENT A DES JEUX DE HASARD & D’ARGENT SUR INTERNET
(poker, paris hippiques ou sportifs, sur les sites agrées par l’ARJEL)
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Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN
Sociologue
Chercheur associé au Centre Max Weber (CMW) Université Lumière ( Lyon II)
Salarié à l’ARJEL (Autorité de régulation des jeux en ligne) comme chargé d’étude de décembre 2011 à juillet 2015.
Jean-pierre.martignoni@univ-lyon2.fr
JANVIER 2016
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Etude sur les joueurs de sites agrées de jeu en ligne en France réalisée par Jean-Pierre MARTIGNONI, sociologue . Cette étude reflète les analyses et opinions de l’auteur et ne saurait être associées à celles de l’ARJEL » (Charles Coppolani, Président de l’ARJEL)
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Avant propos
Le Président de l’ARJEL, Charles Coppolani a interdit que la présente étude soit publiée sur le site de l’autorité de régulation. Sociologue spécialiste des jeux de hasard et d’argent, chargé d’étude à l’ARJEL depuis 2011, nous avons condamné cette décision arbitraire et la manière dont elle a été effectuée (1) D’autres solutions étaient possibles pour défendre l’intérêt scientifique et historique de l’étude, sans nuire à l’image de l’ARJEL ou à la politique Des Jeux du gouvernement…dans le respect des personnes concernées et du travail effectué.
Cette recherche approfondie, basée sur un échantillon représentatif de la population des joueurs en ligne (turfistes, parieurs sportifs, joueurs de poker), comportait en effet un volet quantitatif important (sondage en ligne sur une population de 4145 joueurs) et un volet qualitatif significatif, fruit de longs mois de travail (185 entretiens de joueurs réalisés en face à face au siège de l’ARJEL à Paris ou par téléphone).Par ailleurs le rapport de l’étude « quanti » avait reçu l’aval de Jean-François VILLOTE, premier Président de l’ARJEL, et devait être publié sur le site de l’autorité de régulation. Le rapport de l’étude « quali » (analyse des entretiens) était programmé pour 2015.
Cette publication et plus globalement cette recherche n’a pu être menée à son terme pour les raisons suivantes : 1/Jean-François VILLOTE a soudainement démissionné de la Présidence de l’ARJEL. 2/Son successeur Charles COPPOLANI n’a pas souhaité : que nous poursuivions notre mission au sein de l’autorité ( licenciement sans parachute doré !), que le volet quanti de l’étude soit publié sur le site de l’ARJEL, que nous réalisions les entretiens prévus au domicile des joueurs (investigation pourtant déterminante pour connaître l’impact social des jeux en ligne sur le joueur et la famille entourage : conjoint, enfant…).
Spécialiste du champ ludique, rédacteur d’ouvrages et de multiples articles sur la politique Des Jeux et la politique en matière de recherches sur le jeu (2), expert à l’Inserm pour l’expertise sur les jeux d’argent et pour de nombreuses autres expertises en France (3) ou à l’international ; Président fondateur de l’Observatoire des jeux… nous avons condamné ces décisions malgré le contexte politique. La visite de Christian Eckert à l’Arjel , l’ouverture d’un nouveau site Evalujeu sur l’addiction… ont en effet constitué une étape supplémentaire d’une politique Des Jeux très contradictoire qui met systématiquement en avant le jeu compulsif, la dépendance au jeu, l’addiction. Publier dans le même temps une vaste étude ethnosociologique quantitative et qualitative qui remet objectivement en cause cette vision réductrice du e.gambling, cela aurait fait tâche, cela aurait suscité le débat.
Cette politique dite de jeu « responsable se situe en réalité entre injonction paradoxale, principe de précaution exacerbé conflits d’intérêts et instrumentalisation réciproque (entre l’Etat Croupier, la doxa du jeu pathologie maladie, les associations rigoristes anti-jeu, le business du jeu compulsif…) Elle a déjà été critiquée aussi bien scientifiquement que politiquement, économiquement, fiscalement… Le jeu est un « Fait social », culturel, historique, économique… non une maladie. Par ailleurs la question des addictions sans substance fait débat au sein de la communauté scientifique internationale.? La Commission Européenne ne s’y est pas trompée. Elle a financé une recherche menée par le Professeur Rebecca Cassidy dans le cadre du projet GAMSOC (« Gambling in Europe ») dont certains résultats vont dans le sens de ces critiques. Le rapport de cette étude, intitulé «Fair Game producing gambling research», conclut notamment que « les recherches sur les jeux tendent à se restreindre aux personnes pour qui les jeux d'argent sont devenus une obsession pathologique, une addiction, au lieu de porter sur les implications sociales et culturelles »
Dans ce contexte il était pertinent – de notre point de vue - non pas d’interdire mais au contraire de publier sur le site de l’ARJEL les deux volets de cette étude - réalisée à l’ARJEL - qui : 1 = donnait un autre regard sur les joueurs en ligne (profils, pratiques, motivations, comportements, attentes, représentations, socialités...) et leur passion pour le poker, les paris hippiques ou sportifs en ligne. 2 = éclairait de multiples façons la réalité contemporaine des jeux en ligne et l’impact social du ludique numérique sur les joueurs concernés et la famille entourage. 3 = analysait les synergies nouvelles que construisent les français joueurs entre le gambling en dur et le e.gambling notamment en matière de poker et de paris hippique ; tout en soulignant les spécificités de cette nouvelle « race » de joueurs que sont les pure player.
Le Président « actuel » de l’ARJEL en a décidé autrement. Nous avons précisé - dans un article (4) et un droit de réponse (5) les détails de cette affaire - que l’AFP a curieusement passé sous silence ! (6) - nous n’y reviendrons pas. ?Nous avons pris acte cependant que C. Coppolani n’a pas « voulu interdire » complètement ( alors qu’il aurait pu le faire) la publication de l’étude. Ce qui laisse un espoir pour la suite si la politique en matière de recherche sur les jeux d’argent et plus largement la politique des jeux de la France était un jour revisitée par le gouvernement « actuel »… ou le suivant.
Au final, nous retrouvons, grâce à « l’actuel » Président de l’ARJEL notre liberté de chercheur qui dans une belle ironie, rejoint la première motivation des joueurs online....Quand on demande aux e.gamblers «pourquoi ils jouent» ils répondent en effet majoritairement : facilité, rapidité, simplicité.. liberté. Ces mots issus du sens pratique des joueurs et de leurs représentations résument bien la philosophie des jeux d’argent digitaux (poker, paris hippiques, paris sportifs) pratiqués dans l’espace privé domestique ou de manière nomade. C’est peut être ces mots - et notamment le plus beau d’entre eux liberté - que certaines personnes ne souhaitaient pas lire sur le site officiel de l’ARJEL dans le moment politique considéré et vis à vis et d’une politique des jeux dite responsable mais dont en réalité il n’est même pas certain qu’elle le soit…par exemple au regard de la croissance spectaculaire du volume d’affaire de la Française des jeux en 2015 (7)
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Nous publions dans cet article un premier volet de cette étude consacrée « aux motivations des joueurs en ligne, d’autres suivront.
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Introduction
La légalisation de certains jeux de hasard en ligne réalisée par le législateur en 2010, a modifié le paysage ludique contemporain, sans pour autant cannibaliser les jeux d’argent en dur qui, à l’exception des casinos français (8) et du PMU (9), ont poursuivi leur croissance, notamment en matière de loteries et de jeux de grattage (10). Outre la symbolique forte affichée par cette loi - fin de la prohibition de certains jeux d’argent sur internet - l’introduction du .fr ludique a permis l’émergence de nouveaux joueurs qui ne jouaient pas en ligne précédemment ou le faisaient illégalement en .com.
L’offre ludique numérique nouvellement autorisée a eu le double avantage d’intégrer certains jeux de hasard dans la modernité d’internet, tout en mettant la France en conformité vis à vis des directives européennes. Les principaux acquis de cette « ouverture maîtrisée à la concurrence » ont été d’assécher « pour partie » le marché illégal, de fiscaliser une activité qui échappait à l’impôt, de sécuriser ce secteur, d’informer et de protéger les joueurs... Néanmoins, cette entrée du jeu d’argent dans l’univers domestique des populations, les possibilités de jeu nomade (accrue par la démocratisation des tablettes, des Smartphones et celle du haut débit), « la permanence ludique » qu’offrent les jeux de hasard sur internet, sont source d’interrogations, parfois d’inquiétudes excessives (11) notamment en ce qui concerne les conséquences sociales sur les sujets joueurs et la famille entourage, sur les populations les plus jeunes et/ou les plus vulnérables.
Dans ce contexte, même si la recherche d’une régulation optimale et d’un « point d’équilibre » passe - comme l’a souvent souligné le premier Président de l’ARJEL, JF Vilotte (12) - par l’actualisation de la législation nationale ; la meilleure manière de comprendre les jeux d’argent en ligne et les évolutions en cours consiste à réaliser des études sur les populations concernées, pour saisir - à la source - la réalité ethno-sociologique de ces nouvelles pratiques ludiques digitales, afin d’apporter aux pouvoirs publics des données empiriques non partisanes susceptibles de l’informer. Ces études apparaissent également importantes pour l’Histoire, afin que l’historique des jeux en ligne ne soit pas uniquement la chronologie d’une réglementation mais garde trace, à travers les témoignages et l’expérience de joueurs, d’une culture ludique en construction qui concerne toutes les catégories sociales, toutes les classes d’âge...
Dans cette perspective une vaste enquête en ligne a été réalisée à l’ARJEL sous la Présidence de JF Vilotte, dans le but d’effectuer une analyse comparative des joueurs récurrents, en les séparant en trois catégories représentatives de la population mère : turfistes, parieurs sportifs, joueurs de poker pratiquant un seul jeu. 75% des joueurs inscrits sur des sites agréés par l’ARJEL n’exercent en effet qu’une seule des trois activités ludiques. Dans chacune de ces trois catégories, les joueurs tirés au sort de manière aléatoire, ont reçu un courrier électronique et ont pu répondre de manière anonyme à un questionnaire auto-administré accessible à travers un lien et un site dédié. Sur les réponses aux 150 000 mèls envoyés - 50 000 par segment - un redressement a été effectué pour rendre plus représentatif le panel des réponses par rapport à la population réelle des joueurs. Par ailleurs, les questionnaires incomplets et les réponses incohérentes ou inexploitables ont été écartées. Au final le nombre de réponses valides s’est élevé à 4145 :
- 1556 pour les joueurs de poker
- 1342 pour les turfistes
- 1247 pour les parieurs sportifs.
A = LES MOTIVATIONS DES JOUEURS EN LIGNE
1 : Facilité, simplicité, liberté
Une kyrielle de raisons explique pourquoi les Français jouent aux jeux d’argent en ligne mais sept motivations principales (tableau A ci après) - qui représentent 98,6% des réponses - rendent compte de cette pratique ludique. Très majoritaire (33,5% en moyenne) la première motivation des joueurs concerne le triptyque facilité, simplicité, liberté. Fortement sollicitée par les turfistes (55,8%), cette motivation arrive également en tête chez les parieurs sportifs (27,9%) et se positionne au troisième rang pour les joueurs de poker (16,7%) C’est l’un des enseignements importants de ce questionnement. Si les Français jouent aux jeux d’argent sur internet, c’est avant tout parce que c’est simple, facile, rapide, pratique… et que les joueurs se sentent libres dans cette pratique ludico-digitale qui s’exerce généralement à la maison mais aussi de manière nomade.
Les e.gamblers soulignent les nombreux avantages empiriques qu’autorise le jeu sur internet : ne pas avoir à se déplacer, jouer tranquillement dans l’intimité du foyer, jouer sans contrainte d’horaires... . Contre toute attente ne plus sortir de chez soi pour aller jouer permet également à certains joueurs de faire des petites économies récurrentes, paramètre financier non négligeable en période de contraction du budget des ménages. La permanence, l’instantanéité, l’offre diversifiée des opérateurs, représentent aussi des éléments importants de cette catégorie. La convergence numérique et « la mobilité » qu’autorisent Smartphones et tablettes, est aussi mise en avant par les joueurs pour expliquer le choix du jeu en ligne. Ces évolutions technologiques de l’informatique connecté nomade accentuent la disponibilité et l’ubiquité des jeux en ligne.
Par ailleurs, certains joueurs motivent leur choix du jeu sur internet parce qu’ils refusent (ou évitent) désormais de fréquenter le réseau du Pari Mutuel Urbain (mais aussi parfois celui de la Française des Jeux) à cause des imperfections observées et/ou des nuisances subies dans ces espaces. Le jeu en ligne offre désormais une alternative aux joueurs non satisfaits des réseaux ludiques traditionnels (pourtant riches en socialité et sociabilité) notamment celui du PMU.
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Autre raison qui explique les jeux en ligne, le jeu pratiqué à la maison autorise réflexion, concentration, prise de distance... Contre toute attente, ces états intellectuels permettent à certains joueurs de mieux contrôler leur pratique ludique digitale, notamment sur le registre financier. Cet autocontrôle qui relève de la responsabilité sociale individuelle (RSI) - responsabilité largement répandue dans le corps sociétal et qui en assure sa cohésion – diverge des «hypothèses» et a-priori de la doxa du jeu pathologie maladie qui affirment souvent - avec le sens commun - que les jeux en ligne entraine ipso facto une spirale ludique infernale, une inflation de la dépense, à cause de leurs caractéristiques intrinsèques (argent virtuel, joueur seul devant l’écran, permanence de l’offre de jeu ...).
La réalité de la praxis ludique du joueur en ligne semble plus complexe que ces analyses de bon sens relayées par les médias depuis des années comme une évidence. Comme il est chez lui, au calme, que rien ne presse et qu’il sait qu’il peut jouer quand il le souhaite, l’attitude du joueur en ligne apparaît plus sereine. Outre l’environnement favorable à la réflexion, le e.gambler dispose de nombreux indicateurs pour être raisonnable, c’est à dire pour agir avec raison. Par exemple, comme il connait avec précision et en permanence le solde de son compte, il est davantage en mesure d’être comptable de son jeu. Il peut également en permanence se fixer des limites en utilisant les modérateurs de jeu prévus par le législateur.
Dernier résultat de cette première catégories de motivations qui bouscule les idées reçues, certains joueurs - hommes - signalent que les jeux en ligne favorise « leur présence à la maison », au sein du couple et de la famille car ils évitent de sortir, d’aller au bistrot pour aller jouer. Cette question sensible de l’impact des jeux d’argent en ligne sur le foyer conjugal, de ses conséquences intra familiales entre les conjoints et, le cas échéant, vis- à- vis des enfants, devait être approfondie par des études complémentaires au domicile des joueurs. Malheureusement et curieusement Charles Coppolani a mis son véto et ses études de terrain n’ont pu être réalisées.
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En final, citons - en respectant la ponctuation et la typographie utilisées - la réponse d’un joueur qui résume bien finalement l’esprit qui prévaut dans cette première catégorie de motivations : « Pas de déplacement, jeux 24h/24, gains virés directement sur le compte, accès aux statistiques, discrétion, autonomie.... LIBERTE !!! ».
Fondamentalement, les jeux d’argent en ligne offrent de la liberté et de l’indépendance aux Français joueurs, qui peuvent parier comme ils le souhaitent, quand ils le souhaitent. Cette absence de contraintes, cette souplesse d’utilisation, cette modernité des jeux en ligne pratiqués dans l’univers privé du sujet joueur ou de manière mobile, expliquent pour grande partie le « succès » des jeux autorisés par la loi de mai 2010, initiée par le Sénat (13 ) et François Trucy (14), voulue par le Gouvernement, votée par le Parlement.
Paroles de joueurs
- « Plus pratique, plus convivial de jouer chez soi »
- « Je peux jouer à l’heure que je veux »
- « Le fait d'être à la maison : confort, concentration...
- » « Plus pratique et plus efficace que de se déplacer»
- « Pratique, très flexible. »
- « Je ne supportais plus de devoir aller jouer dans des bars ou la clientèle et les patrons sont antipathiques »
- « je joue en ligne pour la facilité et éviter les mauvaises fréquentations.».
- « Liberté de jouer chez soi plutôt que dans des lieux où la confiance ne règne plus et où il faut attendre les bonnes grâces d'un "taulier" à dix secondes du départ.»
- «Pas obligé de consommer comme dans un bar PMU» «Pas de cigarettes, pas de bistrot.»
- « Cela me permet de jouer au poker sans être absent de chez moi. Ma femme regarde ses séries TV, moi je fais une ou deux parties : un free roll ; un sit and go à 25 centimes .».
- « Une facilité d’utilisation assez remarquable, on est chez soi, pas besoin de sortir, c’est très facile, je joue à n’importe quelle heure de la journée, j’ai pas besoin de consommer comme dans un café PMU. Avec internet je suis libre.»
- « Accessibilité, liberté, en plus je suis chez moi dans le confort de la maison. Par ailleurs je peux jouer au poker de façon multiple, au casino ou dans un cercle je ne joue que sur une table, sur internet je peux ouvrir 8, 10 tables en même temps.»
- « Jouer en ligne pour une femme, cela peut l’intéresser. Ma femme déteste entrer dans un café, la majorité masculine.... cela la rebute. Jouer aux paris hippiques en ligne pour les femmes facilite l’accès au jeu, sans passer par une contrainte de lieu et de promiscuité. »
- « Je joue en ligne pour pouvoir jouer quand je veux et pour éviter de me rendre dans des troquets, ne pas passer mon temps dans ces endroits.»
- « Avant, je jouais le dimanche après mon marché mais à chaque fois que je voulais aller au PMU c’était compliqué pour garer ma voiture, en plus j’étais obligée de consommer. En ouvrant un compte en ligne, je trouve cela plus pratique et plus économique.»
2 : Prendre, rechercher... du plaisir
Si nos concitoyens « flambent » sur internet, c’est également pour « prendre » ou « chercher » du plaisir (17,9% des motivations en moyenne). La recherche de plaisir constitue l’une des bases du bonheur, quête par essence subjective. Nous nous éloignons avec cette motivation de l’intérêt pragmatique (simplicité, rapidité...), de l’intéressement pécuniaire ( argent) pour nous approcher d’une quête plus hédoniste.
Ce petit plaisir, des milliers de Français le cherchent désormais aussi dans les jeux autorisés sur internet, avec cependant des différences significatives selon les catégories. Si les turfistes sont 10,2% à rechercher du plaisir dans les jeux en ligne et les parieurs sportifs 15,1%, les joueurs de poker mettent cette quête largement en tête de leur motivation principale (28,4%).
3 : Gagner...de l’argent
La troisième raison qui explique pourquoi on joue sur internet est plus traditionnelle. Elle concerne la volonté des Français de gagner de l’argent, avec toutes les nuances que ce souhait comporte : 17,2% en moyenne avec respectivement 20,4% pour les parieurs sportifs, 16,6% pour les turfistes et la 2ème place de leurs motivations, mais, et c’est à souligner, en 4ème place pour les joueurs de poker avec 14,5%).
Contre l’incohérence de l’hypothèse psychanalytique freudienne – jouer pour perdre et se punir (15 )- qui fait débat au sein de la communauté scientifique (16 ), le joueur affiche au contraire une ambition optimiste logique : gagner... de l’argent. Le joueur a l’honnêteté de reconnaître que s’il joue, c’est par intérêt et parce qu’il est intéressé. Si de nombreux Français ont ouvert un compte en ligne pour jouer « de l’argent », c’est tout simplement dans l’espoir «d’en gagner», tout en récupérant souvent au passage bonus d’entrée, primes de fidélité et de parrainage, qui ont fortement boosté les jeux en ligne à l’ouverture du marché et continuent de le dynamiser.
Certes, dans une vision moraliste et/ou politiquement correct des faits sociaux, il serait facile de traiter le joueur d’opportuniste ou de ne voir que cupidité dans son entrée dans les jeux en ligne. Mais le joueur nous ramène à la réalité économique du moment, et rappelle les difficultés financières rencontrées. En période de marasme, de difficultés financières, d’imposition fiscale accrue, de baisse du moral des ménages... les jeux de hasard représentent dans l’imaginaire des populations, une manière de tenter de faire de l’argent, une façon d’essayer d’améliorer l’ordinaire en joignant l’utile à l’agréable.
Les jeux d’argent pratiqués sur internet n’échappent pas à cette règle d’or de la chose ludique, qui explique le succès ancestral des jeux de hasard et l’espoir contemporain qu’ils représentent toujours. Dans le même temps, impossible de réduire l’action du joueur en ligne à une volonté alchimique utilitariste qui possède sa logique économique (transformer son argent en or…même quand on en possède peu) , car si le joueur joue toujours pour l’argent, il ne joue pas que pour l’argent et ses motivations sont multiples.
Les « ambitions financières » du joueur en ligne sont en outre souvent très modestes. S’il a ouvert un compte en ligne, c’est pour essayer d’obtenir un très sage « complément de revenus », « tenter d'arrondir ses fins de mois » ou « gagner de temps en temps un peu d'argent avec des mises faibles » ; certains se contenteraient même de « gagner le double de ce qu’ils parient » ; d’autres, philosophes, affirmant ne pas perdre d’argent, quand on joue, c’est déjà gagner.
En termes de gains, l’espérance des Français dans les jeux en ligne règlementés par l’ARJEL apparaît assez différent que celui existant dans les jeux de hasard à gros pactoles (Euro millions, Loto, Quinté+) Cette prise de distance vis à vis de l’argent n’est pas sans conséquence en termes de comportement et de responsabilité. Les joueurs interrogés semblent avoir bien conscience, d’une part que l’argent gagné en ligne est de l’argent facile, d’autre part que ces jeux comportent des risques spécifiques.
Paroles de joueurs
- Le joueur utilise souvent la richesse du parler populaire pour parler de cette quête d’argent « Gagner de la thune » « Pour l’oseille » « Pour gagner un peu de sous... ».
- Et même quand, en réponse à la question « pourquoi jouez- vous en ligne ?, il se fait volontairement interrogateur (« à votre avis ? ») voire provocateur (« à votre avis ? pour perdre bien sûr !!! »), il souligne bien évidemment que s’il joue c’est, en réalité - comme l’a précisé un joueur - « pour en gagner ».
- « Gagner de l'argent "facilement" » « Pour gagner facilement de l'argent », « c'est de l'argent facile»
- « La passion et l'argent ... la passion de l'argent allant de pair avec le manque d'argent!! »
- « C'est toujours important de gagner de l'argent,... sans argent on ne peut pas vivre ».
- « Argent gratuit grâce au bonus d’entrée, j'en profite
4 : S’amuser, se distraire
Si les Français jouent sur le Net, c’est également pour s’amuser, se distraire (13,42% en moyenne). Ces jeux offrent de la détente, de l’amusement ; ils possèdent un coté distractif, festif, ensemble qui situe cette pratique culturelle sur le registre des loisirs et du divertissement. Notons cependant un différentiel important selon les segments. Les joueurs de poker jouent beaucoup plus pour s’amuser (22,2%) que les turfistes (6,3%), les parieurs sportifs occupent une position intermédiaire (11,8%).
Néanmoins, ces pourcentages peuvent paraître faibles et laisser supposer qu’il ne resterait plus grand chose de la païdia (17 ) dans les jeux d’argent en ligne, au profit exclusif du ludus (17). En réalité, ces résultats indiquent que les joueurs ont pleinement conscience que le jeu - quand il est lié à l’argent et à la virtualité d’internet –constitue une activité réservée aux adultes et pas un simple amusement anodin.
Dans une période où l’on parle beaucoup de jeu responsable, le joueur nous rappelle sans doute ici qu’en jouant de l’argent sur internet, il vient certes pour s’amuser, se distraire, tout en sachant que ces jeux ne sont pas pour les enfants. Les jeux d’argent en ligne apparaissent comme un amusement, mais un amusement sérieux. Ces résultats suggèrent également que les joueurs considèrent les jeux en ligne comme une distraction plaisante, mais qu’ils ont d’autres sources d’amusement et de détente dans leur temps libre.
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Les trois dernières raisons évoquées par les joueurs pour expliquer leur intérêt pour les jeux en ligne ont un poids nettement moins important dans les motivations. Elles représentent 16,6% des réponses de la motivation principale, contre 82% pour les quatre premières raisons.
5 : S’intéresser à un jeu ou à un sport
La cinquième motivation qui rend compte de la pratique des Français pour les jeux en ligne, correspond à une quête ludico-intellectuelle (8,5% en moyenne). C’est parce qu’ils s’intéressent spécifiquement à un sport (notamment le football) ou à un jeu (le poker), parce qu’ils sont passionnés de paris hippiques, que de nombreux Français jouent sur internet. Cet intérêt ne se réduit pas au clic qui concrétise le pari. Le joueur s’informe, cherche une stratégie, suit des matchs ou des courses de chevaux à la télévision, améliore ses connaissances, engrange de l’expérience en cash game ou en tournoi, échange avec d’autres joueurs. Toujours inachevée, cette quête a des vertus existentielles car elle revient toujours au « même » tout en étant « différente » à chaque partie, à chaque pari, à chaque match. Cette quête apparaît nettement plus importante pour les parieurs sportifs (15%) que chez les joueurs de poker (5,4%), ou chez les turfistes (5,1%).
6 : Adrénaline, sensation, émotion, excitation
Si nos concitoyens jouent sur internet, c’est également pour l’adrénaline, les sensations, l’excitation... Ils trouvent le jeu sur internet palpitant, piquant, voire stressant ; « du bon stress » précisent certains.
Mais, contrairement à ce que pouvait présupposer le sens commun, ce registre des émotions apparaît minoré pour les joueurs, du moins dans leurs motivations. (5% en moyenne avec respectivement 7,3% pour les parieurs sportifs 6,1% pour les joueurs de poker et 1,6% pour les turfistes). Mais nous constaterons, dans les apports de la pratique, que l’expérience du jeu en ligne modifie fortement le ressenti physique et psychologique des joueurs.
7 : Passer du temps, prendre du bon temps
Les temporalités spécifiques qu’autorisent les jeux en ligne apparaissent comme une motivation très secondaire. Certes, les jeux d’argent sur internet permettent aux joueurs de passer du temps, de prendre du bon temps, voire de lutter contre l’ennui. (3,1% en moyenne dont 5,7 % pour les joueurs de poker) mais ce souci pascalien d’occuper son temps semble peu concerner les Français qui jouent sur internet.
Ces jeux semblent davantage se situer sur le registre d’un temps court – celui de la rapidité d’internet, du clic rapide - que sur celui d’un temps long, qu’on trouve par exemple dans les casinos avec les machines à sous ou autour des tapis verts. Mais là également nous constaterons, dans les apports de la pratique, que forts de leur expérience en ligne, les joueurs revisitent ensuite cette notion subjective de temps ludique, elle-même parfois très corrélée au type de jeux concernés (par exemple poker cash game ou poker tournoi pour les joueurs de poker).
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TABLEAU A
Motivations (*) | Turfistes | Parieurs sportifs | Joueurs de poker | Moyenne |
1 : Facilité, simplicité, liberté | 55,8% | 27,9% | 16,7% | 33,5% |
2 : Argent, gagner, gain | 16,6% | 20,4% | 14,5% | 17,2% |
3 : Plaisir | 10,2% | 15,1% | 28,4% | 17,9% |
4 : Intérêt pour un jeu ou un sport | 5,1% | 15% | 5,4% | 8,5% |
5 : Amusement, distraction, loisirs | 6,3% | 11,8% | 22,2% | 13,4% |
6 : Adrénaline, émotion, sensation | 1,6% | 7,3% | 6,1% | 5,0% |
7 : Passer le temps, s’occuper | 1,9% | 1,6% | 5,7% | 3,1% |
Autres | 2,4% | 0,8% | 0,9% | 1,4% |
(*)Précisions épistémologiques : comment ont été déterminées ces motivations
Dans une vaste enquête « exploratoire » réalisée par l’ARJEL en 2012 sous notre responsabilité scientifique (#) les personnes interrogées avaient fourni - dans un questionnement totalement ouvert - leurs motivations. Des centaines de réponses différentes avec leurs mots, expressions, formules… s’étaient dévoilées. Certaines étaient très laconiques, d’autres très prolixes. La pléthore de ces matériaux imposait une synthèse dans le cadre de la présente étude quanti réalisée à l’aide d’un questionnaire en ligne auto-administré envoyé depuis l’ARJEL.? Dès lors, pour rendre l’analyse possible- et pour sa clarté- des regroupements ont été effectués à partir des résultats de l’étude exploratoire. Sept catégories « objectales » de motivations ont été proposées aux joueurs. ( voir tableau) Cette construction possède sa part de subjectivité, mais elle a été réalisée de manière pertinente. Il s’agissait de retrouver l’idée émise par le joueur, de comprendre le sens de sa ou de ses réponse(s) et de ne pas s’en tenir strictement au vocable utilisé. Il s’agissait - tout en y mettant de l’ordre - de ne pas trahir la pensée du joueur à l’endroit des raisons – souvent nombreuses - qui expliquent pourquoi il a décidé d’entrer dans l’aventure ludique sur internet, pourquoi il a décidé d’ouvrir un compte chez un opérateur. Les sept catégories de motivations qui apparaissent en final, possèdent par conséquent une certaine « épaisseur » et ne se réduisent pas stricto sensu aux termes utilisés pour en rendre compte.
- (#)1 :« Analyse des questions ouvertes du questionnaire ARJEL » (enquête quanti/quali ARJEL 2012, N=395)( Paris, Arjel, octobre 2012, 53 pages, rapport interne non publié)
- (#)2 = « Sociologie des joueurs de jeux de hasard et d’argent en ligne : étude exploratoire ( enquête quali ARJEL 2012, nombre d’entretiens réalisés N=64) ( Paris, Arjel, janvier 2013, 154 pages, rapport interne non publié, rapport provisoire de l’enquête quali)
- (#) 3 = « Sociologie des joueurs en ligne, enquête ARJEL 2012 » ( Publié sur le site de l’ARJEL, mars 2013, 15 pages) (résumé publié sur le « Portail de l’economie et des finances : « Profil type du joueur en ligne « (18 avril 2013) -enquête quanti ARJEL juin septembre2012, population N=400) - préface de Jean François Vilotte, 1° Président de l’ARJEL 2010-2013 : « Propos introductifs à l’enquête sur la sociologie des joueurs »
B = CE QUE LES JOUEURS EN LIGNE CHERCHENT DANS LES JEUX D’ARGENT EN LIGNE ET CE QU’ILS Y TROUVENT
Après avoir sondé les joueurs pour connaître leurs « motivations », il était pertinent d’observer ce que leur « apportent » les jeux en ligne. La comparaison permettant de mesurer l’écart ou la concordance, existants entre les attentes et les bénéfices procurés par ces jeux. Le tableau B ci dessous donne une vue d’ensemble de cette comparaison pour l’ensemble des joueurs.
Tableau B: Ce que les joueurs cherchent dans les jeux en ligne … et ce qu’ils y trouvent !
| Motivations | Apports |
Facilité, simplicité, liberté | 33,5% | 1 | 13,6% | 4 |
Plaisir | 17,9% | 2 | 14,8% | 2 |
Argent | 17,2% | 3 | 11,2% | 6 |
Amusement, distraction, loisirs | 13,4% | 4 | 27,1% | 1 |
Intérêt pour un jeu ou un sport | 8,5% | 5 | 12,6% | 5 |
Adrénaline, émotion, sensation | 5,0% | 6 | 14,1% | 3 |
Passer le temps, s'occuper | 3,1% | 7 | 6,0% | 7 |
Autre | 1,4% | 8 | 0,6% | 8 |
Sur le registre de la facilité, simplicité, liberté, (motivation n°1 des joueurs en ligne avec 33,5%), l’attente semble relativement déçue (13,6% en moyenne, n°4 dans les apports). Cela indiquerait que certains joueurs ont pu avoir des difficultés techniques pour jouer en ligne ou ont rencontré des problèmes au niveau de la relation client avec les opérateurs. Mais il serait réducteur de sur-interpréter cet écart qui peut souligner aussi que les joueurs se sont très vite habitués à la liberté, la rapidité, la simplicité qu’offre l’internet ludique. Notons, malgré cet écart, que si, en moyenne, cette catégorie arrive en quatrième position des apports de la pratique des jeux en ligne, les turfistes, mettent cette catégorie largement en tête des bénéfices qu’offrent les jeux en ligne (26,6%).
Sur le registre du plaisir, les attentes des joueurs (motivation n°2 des joueurs, 17,9%) ne semblent pas entièrement satisfaites (14,8%, n°2 dans les apports). Les Français trouvent dans les jeux en ligne du plaisir mais moins qu’ils ne l’envisageaient au départ.
En matière d’argent – comme on pouvait s’y attendre - les joueurs observent une différence négative entre leurs attentes (motivation n°3 des joueurs 17,2%) et les résultats financiers de leur jeu (11,2%, n°6 dans les apports). Les joueurs, qui viennent souvent dans l’espoir de gagner de l’argent, sont moins nombreux à estimer être récompensés par des gains. Logiquement, leur espérance ludique se trouve confrontée à la réalité de l’espérance mathématique des jeux de hasard et ce sont les joueurs de poker (7,7%) qui se plaignent le plus de cette désillusion qui entraine parfois chez eux une suspicion illégitime.
Par contre, l’intérêt pour un jeu ou un sport (5° motivation) se trouve largement satisfaite dans la réalité de l’expérience ludique internet. Alors que cette motivation ne concerne que 8,5% des joueurs elle pèse 12,6% dans les apports de la pratique. Jouer en ligne accentue l’intérêt ludico-intellectuel que le joueur porte sur son jeu favori (le poker) ou sur les supports sur lesquels s’effectuent ses paris (sports, courses de chevaux). C’est notamment le cas pour les parieurs sportifs (19,1%).
Mais l’enseignement majeur de cette analyse comparative se situe dans la catégorie amusement, distraction, loisirs qui est multipliée par deux par rapport aux motivations. (13,4% des motivations mais 27,1% des apports de la pratique). Les Français s’engagent dans les jeux en ligne pour la facilité, la simplicité, la liberté, ensuite pour l’argent mais découvrent souvent un excellent moyen de s’amuser, de se distraire. Cette satisfaction de pouvoir se divertir grâce aux jeux en ligne concerne toutes les populations ; en premier chef les joueurs de poker (30,6%) mais également, dans une moindre mesure, les turfistes (27,5%) et les parieurs sportifs (23,2%).
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Autre résultat important de cette comparaison : la catégorie émotions, sensations... Alors que, contre toute attente, cette catégorie ne concernait que 5% des motivations, elle atteint 14,1% des apports de la pratique. Visiblement les joueurs apprécient la charge émotionnelle que procurent ces jeux pratiqués sur internet. C’est notamment le cas des parieurs sportifs (17,8%) et des joueurs de poker (17,2%). Les turfistes en ce qui les concernent semblent moins concernés par cette montée d’adrénaline que provoque la pratique ludique devant son ordinateur (7,3%).
Le jeu en ligne permet également de passer du temps. Cette occupation temporelle qu’autorise les jeux en ligne d’une manière totale - 365 jours par an, en diurne ou en nocturne - semble satisfaite (6%) bien au-delà des attentes (3,1%). Traditionnellement, les joueurs jouent pour gagner de l’argent mais aussi pour acheter du temps. Les joueurs estiment qu’ils en ont largement pour leur argent en matière de temps et considèrent qu’à budget égal, ils ont plus de temps de jeu en jouant sur internet que dans les espaces en dur. Les joueurs de poker (9,2%), les parieurs sportifs (9,2%) et, dans une moindre mesure, les turfistes (3,5%) constatent que les jeux en ligne représentent une façon d’occuper son temps, de prendre du bon temps.
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Au final si nous mettons en perspective l’ensemble des résultats de cette comparaison (confer tableau C ci-dessous), deux éléments se détachent :
- les jeux d’argent sur internet n’apportent pas exactement aux Français ce qu’ils y cherchaient au départ, mais ils trouvent - dans l’expérience du jouer en ligne - beaucoup d’autres choses auxquelles ils n’avaient peut-être même pas pensé au départ. La pratique du jeu sur internet modifie sensiblement les représentations qu’avaient les joueurs avant de s’engager dans ces jeux ;
- l’écart ou la concordance existant entre les attentes et les bénéfices de la pratique des jeux d’argent sur internet, apparaissent différents selon les catégories.
Ainsi les joueurs de poker ( tableau D ) cherchent avant tout du plaisir (28,4%), de l’amusement, de la distraction (22,2%) de la facilité, de la liberté (16,7%) et trouvent principalement de l’amusement (30,6%), du plaisir (20,9%) des émotions, des sensations (17,2%).
Les turfistes ( tableau E ) cherchent surtout de la liberté, de la facilité (55,8%), de l’argent (16,6%) et du plaisir (10,2%) et découvrent avant tout dans ces jeux une source d’amusement et de distraction (27,5%), de la liberté (26,6%) et dans une moindre mesure de l’argent (12,6%) et du plaisir (11,3%).
Quant aux parieurs sportifs, ( tableau F) si leurs motivations se concentrent principalement sur deux raisons (facilité, liberté 27,9%; argent 20,4%), les apports de la pratique se distribuent de manière plus homogène sur les cinq autres catégories, respectivement : amusement, distraction (23,2%), intérêt pour un sport (19,1%), adrénaline, émotions, sensations (17,8%), argent (14,2%), et plaisir (12%).
Au final on s’aperçoit que Français qui jouent de l’argent sur internet ne sont pas les simples consommateurs passifs d’un marché mais apparaissent comme les sujets sociaux actifs d’une pratique ludique spécifique. Certes, les joueurs trouvent pour partie dans ces jeux ce qu’ils y cherchent mais la hiérarchie et l’intensité de leurs motivations de départ se trouvent modifiés par leur expérience en ligne . Fondamentalement, ce sont les joueurs produisent le sens qu’ils donnent à leur pratique.
Tableau C : les « apports » des jeux en ligne pour les trois catégories de joueurs |
Apports | Turfistes | Parieurs sportifs | Joueurs de poker |
Facilité liberté | 26,6% | 2 | 9,4% | 6 | 4,7% | 7 |
Argent | 12,6% | 3 | 14,2% | 4 | 6,8% | 6 |
Plaisir | 11,3% | 4 | 12% | 5 | 20,9% | 2 |
Intérêt pour un jeu un sport | 9,2% | 5 | 19,1% | 2 | 9,7% | 4 |
Amusement, distractions | 27,5% | 1 | 23,2% | 1 | 30,6% | 1 |
Adrénaline, émotion | 7,3% | 6 | 17,8% | 3 | 17,2% | 3 |
Passer le temps | 5,4% | 7 | 3,5% | 7 | 9,2% | 5 |
Autres | 0,1% | 8 | 0,7% | 8 | 1% | 8 |
Tableau D : Ce que les joueurs de poker cherchent dans les jeux en ligne …et ce qu’ils y trouvent |
| Motivations | Apports de la pratique | Ecarts |
Facilité liberté | 16,7% | 4,7% | -12 |
Argent | 14,5% | 6,8% | -7,7 |
Plaisir | 28,4% | 20,9% | -7,5 |
Intérêt pour un jeu un sport | 5,4% | 9,7% | +4,3 |
Amusement, distractions | 22,2% | 30,6% | +8,4 |
Adrénaline, émotion | 6,1% | 17,2% | +11,1 |
Passer le temps | 5,7% | 9,2% | +3,5 |
Autres | 0,9% | 1,0 | +0,1 |
Tableau E : Ce que les turfistes cherchent dans les jeux en ligne …et ce qu’ils y trouvent |
| Motivations | Apports de la pratique | Ecarts |
Facilité liberté | 55,8% | 26,6% | -29,2 |
Argent | 16,6% | 12,6% | -4 |
Plaisir | 10,2% | 11,3% | +1,1 |
Intérêt pour un jeu un sport | 5,1% | 9,2% | +4,1 |
Amusement, distractions | 6,3% | 27,5% | +21,1 |
Adrénaline, émotion | 1,6% | 7,3% | +5,7 |
Passer le temps | 1,9% | 5,4% | +3,5 |
Autres | 2,4% | 0,1% | -2,3 |
Tableau F : Ce que les parieurs sportifs cherchent dans les jeux en ligne …et ce qu’ils y trouvent |
| Motivations | Apports de la pratique | Ecarts |
Facilité liberté | 27,9% | 9,4% | -18,5 |
Argent | 20,4% | 14,2% | -6,2 |
Plaisir | 15,1% | 12% | -3,1 |
Intérêt pour un jeu un sport | 15% | 19,1% | +4,1 |
Amusement, distractions | 11,8% | 23,2% | +11,4 |
Adrénaline, émotion | 7,3% | 17,8% | +10,5 |
Passer le temps | 1,6% | 3,5% | +1,9 |
Autres | 0,8% | 0,7% | -0,1 |
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Conclusion
A l’issue de cette étude, une double certitude apparaît :
1 : celle d’avoir apporté un éclairage nécessaire sur les motivations des joueurs en ligne sur laquelle circule bien des fantasmes, préjugés.
2 : dans le même temps, malgré la richesse des matériaux récoltés qui mériteraient d’être exploités dans des analyses complémentaires, nous pensons qu’il ne faut pas surestimer le pouvoir d’engendrement du quantitatif, qui possède ses limites, artefacts, notamment quand il est réalisé dans le cadre d’une enquête en ligne auto-administré où le joueur est face à lui- même, face au questionnaire, face à ses subjectivités et ses objectivations. En d’autres termes, toute la réalité sociologique des joueurs en ligne et toute la richesse ludico-culturelle des jeux de hasard et d’argent concernés ne se trouve pas dans la présente étude.
Malgré ces modérateurs épistémologiques l’étude fait apparaître :en ce qui concerne les motivations que si le choix de l’internet ludique s’explique notamment par la simplicité, la facilité, et la liberté qu’il autorise, des nuances parfois subtiles apparaissent dans les raisons expliquant pourquoi on joue en ligne confirmant la singularité des trois communautés de joueurs.
Plus largement la mise en place du .fr, l’autorisation du e.gambling, a grandement favorisé la démocratisation, la visibilité et l’acceptation sociale du phénomène vis à vis du .com, les jeux d’argent pratiqués sur internet font désormais partie des vies numériques - domestiques ou nomades - de certains français. Les barrières sont tombées et le jeu n’est plus « une occupation séparée, soigneusement isolée du reste de l’existence et accomplie dans des limites précises de temps et de lieu » comme l’écrivait en 1958, le sociologue Roger Caillois.
Pour comprendre cette évolution, les sondages et enquêtes quantitatives ne suffisent pas, il faut aller au contact des joueurs et de la famille entourage, afin d’apprécier l’impact social de ces jeux, la réalité d’une culture ludique en construction qui possède ses spécificités et qui n’est pas coupée de la vie réelle des Français concernés et de leur histoire de vie. Ce nécessaire travail de terrain permettra d’aboutir à une « ethnosociologie des joueurs en ligne » seule à même de rendre compte scientifiquement du fait social et culturel considéré qui intéresse en permanence, non seulement les médias nationaux (18 ) et internationaux ( 19 ) mais plus fondamentalement les observateurs, décideurs (politiques, économiques…) du secteur considéré.
Même si l’autorisation de jouer légalement en ligne et l’ouverture à la concurrence n’ont pas modifié pour l’instant fondamentalement « l’équilibre et la hiérarchie du secteur des jeux d’argent » comme l’a souligné une livraison de l’Insee ( 20) , cette évolution n’est pas sans incidence sur la vie des Français qui s’engagent - peu ou prou - dans l’aventure ludique numérique à domicile. Elle participe également de la socialisation des populations qui ne sont pas encore en âge de jouer mais qui sont au contact de joueurs.
Au moment ou l’observateur des jeux (ODJ) lance à l’ARJEL une nouvelle étude sur l’addiction en ligne, qui est déjà critiquée par les joueurs à cause de la surdétermination de son questionnement ( 21), que chacun a en mémoire les sérieux problèmes scientifiques que posent d’autres études réalisées par l’ODJ ( 22 ), il est plus que jamais nécessaire de rappeler ( aux pouvoirs publics mais aussi aux opérateurs de jeux en ligne ou en dur) que la recherche ethno-sociologique et socio-anthropologique, doit participer de cette volonté de connaissance ; afin de mettre à jour sans a priori et en les respectant les logiques et responsabilités qui sous- tendent les comportements des acteurs du champ et notamment les premiers concernés par cette nouvelle pratique culturelle numérique : les joueurs en ligne, ces sujets sociaux riche d’une histoire biographique….. qui ne sont pas des malades même quand ils sont dans l’excessivité.
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Cet article reflète les analyses et opinions de l’auteur et ne saurait être associées à celles de l’ARJEL »
© jp.martignoni-hutin janvier 2016, Lyon, France.
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Notes :
- «Le Président de l’Autorité de régulation des jeux d’argent - Charles Coppolani - en ligne interdit qu’une étude sociologique sur les joueurs en ligne soit publiée sur le site de l’ARJEL » (COMMUNIQUE DE PRESSE 24 juillet 2015, publié sur lescasinos.org du 24 juillet 2015 et sur poker-academie avec différentes réactions de joueurs: :http://www.poker-academie.com/forum/poker-business/900566-arjel-une-etude-sur-le-poker-et-les-jeux-en-ligne-qui-tombe-a-l-eau.html#)
- Martignoni, J.-P. (2011)= « Une sociologie du gambling contemporain » » (51-64) in « Pouvoirs : revue française d’études constitutionnelles et politiques, n°139, Les jeux d’argent, novembre 2011, 164 pages, Editions du Seuil)
- Expertise pour le compte l'Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP) (30 novembre 2015)
- « LE DESSOUS DES CARTES » ( article, 8 pages, septembre 2015 (publié sur lescasinos.org du 17 septembre 2015)
- "Rififi à l'ARJEL" (suite) : Jean-Pierre MARTIGNONI répond au Président de l'ARJEL, Charles Coppolani ( 5 pages, 9 notes, décembre 2015) ( article non publié) Finalement fin décembre 2015 Matthieu Sustrac responsable de pokernews nous propose un court article qu’il a rédigé et qui reprend peu ou prou nos propos) = « ???Rififi à l'ARJEL, épisode 3? » (4 pages, décembre 2015, publié sur pokernews du 28 décembre 2015)
- / L’AFP et les jeux d’argent : quel jeu joue l’Agence France Presse ? (10 pages, 20 notes, 2 annexes, décembre 2015) , publié sur lescasinos.org du 9 décembre/2015)
- « Année record pour la Française des jeux » par Denis Cosnard (Le Monde du 14/1/2016)
- Après 7 années consécutives de baisse ( - 24%) les casinos ont lègèrement progressé pour la saison 2014/2015 à 2 ,2 milliards d’euros (+2,8%) confer = 1/ « Les casinos français ont redressé la barre en 2015 » ( Boursier.com du 23/12/2015) 2/ « Les casinos français retrouent la gagne » ( Le Monde économie du 23/12/2015) Dans cet article Denis Cosnard précise que : » La légalisation des jeux d’argent et de hasard en ligne, en 2010, a aussi entraîné une multiplication de sites faisant directement concurrence aux casinos classiques »)
- Les enjeux PMU 2015 s’élèvent à 9,797 milliards d’euros, en recul de 1,8%. Le Produit Brut des jeux total baisse de 2% à 2,413 milliards d’euros. L’activité hippique totalise 8,992 milliards d’euros d’enjeux (-1,8%), pour un produit brut en recul de 1,9%. Les enjeux France sont en repli de 2,9% à 8,184 milliards d’euros. Les activités Internet au global enregistrent une baisse de 2,2% à 1,627 milliard d’euros.( Mercredi 13 janvier 2016 par Canalturf)
- « Ticket gagnant pour Stéphane Pallez. Nommée à la tête de la Française des jeux (FDJ) par le gouvernement Valls en novembre 2014, cette ancienne du Trésor vient de boucler un premier exercice record. Les ventes de billets du Loto, de Cash ou encore d’Euromillions ont atteint 13,7 milliards d’euros en 2015, selon les chiffres dévoilés jeudi 14 janvier. C’est 5,4 % de plus qu’en 2014, ce qui en fait l’une des trois meilleures progressions de l’histoire de l’entreprise. »( « Année record pour la Française des jeux » par Denis Cosnard (Le Monde du 14/1/2016) Confer également : » Loto, paris, jeux à gratter : la martingale de la Française des jeux en 5 graphiques » par Anne Aaël Durant(Le Monde 14/I/2016)
- Confer par exemple la violente charge contre les jeux en ligne menée par JY Archer ( économiste au cabinet Archer) dans son article : «Jeux en ligne ? Poison social en devenir ! ( Le cercle.lesechos.fr du 1/7/2012).
- « L’ARJEL doit veiller à la recherche du point d’équilibre entre l’attractivité de l’offre légal et les objectifs de régulation » ( Jean- François Vilotte, Président de l’ ARJEL ( 2010-2013) (Paris, vœux de l’ ARJEL aux acteurs et observateurs du marché des jeux en ligne, 16 janvier 2012)
- Cf. rapports du sénateur François Trucy au nom de la commission des finances n°223 du 13 février 2002 et n°58 du 7 novembre 2006.
- Après 30 ans passés au palais du Luxembourg : F. Trucy a quitté le Sénat en 2014. Nous avons écrit à Gérard Larcher, Président du Sénat pour signaler que la République des jeux était bien ingrate avec ses principaux serviteurs et notamment avec F. Trucy parti en catimini du Sénat. Le Président du Sénat nous a répondu par son Chef de Cabinet Jean Claude BOURJAC. Confer notre article : « Hommage à François Trucy : sénateur de la République des jeux » (28 avril 2015 , 3 pages, 12 notes) (publié en Franc sur : casino.org du 28/4 ; au Canada sur le site d’Alain DUBOIS : jeuenligne.ca du 30/4)
- Christian Bucher et Jean-Louis Chassaing « Addiction au jeu : éléments psychopathologiques », Psychotropes 3/2007 (Vol. 13), p. 97-116.?
- JP Martignoni : « jeu problématique, jeu responsable : le jeu excessif est- il vraiment pathologique ? (47-73) in « jeux de hasard et d’argent : comprendre, prévenir, soigner » (Paris, l’Harmattan, 2011).
- Pour le sociologue Roger Caillois (Les jeux et les hommes : le masque et le vertige, éd. Originale 1956, rééd. 1967,1985, Paris, Gallimard) le jeu est le mélange du ludus (respecter les règles du jeu et s’y plier) et de la païdia (puissance primaire d’improvisation, récréation primesautière et détendue volontiers excessive) Confer également Jacques Henriot, Le jeu, Paris, Puf, 1969).
- Télérama spécial jeu : les joueurs n°3336,3337 janvier 2014, 1-61
- Hors série Courrier international, « la vie est un jeu de Tokyoa à Buenos Aires..bienvenue dans le monde ludique ( décembre 2013, 98 pages)
- Les jeux d’argent en France, Insee Première n°1493, avril 2014
- Observatoire des Jeux : une nouvelle étude en cours sur les jeux en ligne ( club poker, décembre 2015)
- « Observatoire des jeux : un rapport mensonger ? « Poker académie 21 février 2014)
- Voilà ce qu’on peut lire sur le site de Bercy qui accueille les travaux Observatoire des jeux (ODJ) dont Charles Coppolani est le Président. JM Costes (membre de l’ODJ et ancien directeur de l’Observatoire des drogues ) résume son l’étude « TRJ et addiction » de la manière suivante = « la littérature scientifique n’apporte pas de preuves définitives sur le lien existant entre TRJ élevé et addiction, non parce que ce lien est inexistant mais parce que sa mise en évidence est très difficile, voire impossible à démontrer sur le plan méthodologique. L’argument de l’absence de démonstration scientifique formelle ne permet pas néanmoins de remettre en cause la possible existence de ce lien. » !! (« Taux de retour au joueur, addiction et blanchiment », Observatoire des jeux, mai 2012)
Confer également = « Observatoire des jeux : un rapport mensonger ? « Poker académie 21 février 2014)