Paris - Paris sportifs en plein boom, paris hippiques qui font grise mine et poker sur le déclin. Cinq ans après la libéralisation du secteur, il n'y a pas eu "d'eldorado" et les sites veulent s'ouvrir à de nouveaux jeux: casino, jeux d'adresse ou fantasy game.
Le 6 avril 2010, la France vote l'ouverture des paris et jeux de hasard en ligne, alors que l'offre illégale est en pleine expansion. La libéralisation concerne les paris sportifs, les paris hippiques et le poker mais pas le casino ni les jeux de tirage et grattage, qui restent le monopole de la Française des jeux.
La première année, la nouvelle Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) dénombre 35 opérateurs agréés. Mais ils ne sont plus que 17 fin 2014.
"Ça n'a pas été l'eldorado que certains espéraient et que d'autres craignaient, il n'y a pas eu d'explosion de la demande, bon nombre d'opérateurs ont été surpris", a déclaré mercredi lors d'un colloque à l'Assemblée nationale Éric Woerth, ministre du Budget lors de la libéralisation.
L'association française du jeu en ligne (Afjel), qui regroupe plusieurs opérateurs, évoque un "bilan mitigé" et une "situation très fragile".
Dans le détail, le marché des paris sportifs en ligne a presque triplé, son PBJ (produit brut des jeux, soit la différence entre les mises des joueurs et leurs gains) passant de 79 millions d'euros en 2010 à 228 millions en 2014.
En 2014, le montant des mises engagées sur les paris sportifs, en hausse continue depuis la libéralisation (1,109 milliard) a dépassé pour la première fois celui des paris hippiques (1,034 milliard).
De son côté, le marché des paris hippiques est passé d'un PBJ de 99 à 255 millions au cours de la même période, mais ce marché est en baisse depuis deux ans. Pour le poker, la chute est encore plus marquée. Le PBJ engagé sur le cash game et les tournois est passé de 314 millions en 2011 à 241 en 2014.
"Le marché du jeu en ligne n'est pas encore à maturité, les opérateurs sont encore fragiles. Le marché concerne un nombre de jeux limité. Des évolutions doivent se passer", tranche le président de l'Arjel, Charles Coppolani, interrogé par l'AFP.
Selon Eric Woerth, "il y a un décalage entre la réalité de la régulation et celle de la société". "internet évolue tout le temps" alors que pour la régulation, "l'horloge s'est arrêté en 2010".
Les opérateurs réclament de longue date l'ouverture du marché aux casinos en ligne, estimant que cela "ne portera pas préjudice à l'activité des casinos existants en France, et permettra de juguler l'activité illégale actuellement très forte sur ce secteur", selon l'Afjel.
"Ces jeux de casino représentent 30% à 40% de l'activité dans des pays comme l'Italie, l'Espagne ou la Belgique où ils ont été légalisés en ligne", rappelle Julien Brun, directeur général d'Unibet.
Unibet et certains opérateurs veulent aussi pouvoir s'ouvrir aux jeux d'adresse comme "Candy Crush" et aux "Fantasy games" devenus incontournables pour tous les amateurs de sport voulant se transformer en manageurs virtuels et se mesurer à leurs amis (ou à des inconnus), en gérant des effectifs de joueurs de foot par exemple.
Clôturant le colloque, le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert a dit mercredi que le gouvernement suivrait quatre pistes "pour promouvoir le jeu responsable et rendre le marché des jeux légaux plus attractif". Il s'agit d'élargir les missions de l'Arjel pour "y inclure explicitement la lutte contre le jeu excessif", instaurer des modérateurs de temps de jeu (et pas seulement de mises) pour le poker, simplifier les procédures judiciaires introduites par l'autorité de régulation et permettre l'organisation de parties de poker communes avec les autres pays européens.
La libéralisation du secteur a-t-elle accru les comportements addictifs' "Avec l'ouverture du marché, je m'attendais à voir plus de joueurs problématiques. Ce n'est pas le cas", a estimé Mohamed Ali Gorsane, psychiatre spécialiste de l'addiction. "L'écrasante majorité des gens qui viennent me voir le font après de longues années, peut-être dix ans, car ils sont dans le déni. Les nouveaux, je les verrai peut-être dans quelques années."
(source : lexpress.fr/AFP)