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Arrêté du 15 mai 2015 modifiant les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
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Arrêté du 30 décembre 2014 modifiant les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007
Décret no 2014-1726 du 30 décembre 2014 modifiant la liste des jeux autorisés dans les casinos fixée par l’article D. 321-13 du code de la sécurité intérieure
Décret no 2014-1724 du 30 décembre 2014 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Les jeux d’argent en France - Avril 2014
Arrêté du 6 décembre 2013 modifiant les dispositions de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
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Arrêté du 28 février 2013 modifiant l'arrêté du 29 octobre 2010 relatif aux modalités d'encaissement, de recouvrement et de contrôle des prélèvements spécifiques aux jeux de casinos
Arrêté du 14 février 2013 modifiant les dispositions de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
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Rapport d'information de M. François TRUCY, fait au nom de la commission des finances n° 17 (2011-2012) - 12 octobre 2011
Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d’argent en 2010
Décret no 2011-906 du 29 juillet 2011 modifiant le décret no 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques
Décret no 2010-605 du 4 juin 2010 relatif à la proportion maximale des sommes versées en moyenne aux joueurs par les opérateurs agréés de paris hippiques et de paris sportifs en ligne
LOI no 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne
Fédération Suisse des Casinos - Rapport 2009
Arrêté du 29 juillet 2009 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Projet de Loi du 30 mars 2009 relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne
Arrêté du 24 décembre 2008 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos
Rapport Bauer - Juin 2008 - Jeux en ligne et menaces criminelles
Rapport Durieux - MARS 2008 - Rapport de la mission sur l’ouverture du marché des jeux d’argent et de hasard
Rapport d'information du 6 février 2008 - le monopole des jeux au regard des règles communautaires
Étude de législation comparée n° 180 - décembre 2007 - Les instances de contrôle du secteur des jeux
Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos (JO du 17 mai 2007)
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance
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Décret n° 2006- 1386 du 15 novembre 2006
Rapport Trucy

Evolution des jeux de hasard



Jeudi 17 septembre 2015 : ARJEL : Etude sur les joueurs en ligne (turfistes, parieurs sportifs, joueurs de poker)



ARJEL : Etude sur les joueurs en ligne (turfistes, parieurs sportifs, joueurs de poker)


LE DESSOUS DES CARTES


« Etude sur les joueurs de sites agrées de jeu en ligne en France réalisée par Jean-Pierre MARTIGNONI, sociologue. Cette étude reflète les analyses et opinions de l’auteur et ne saurait être associées à celles de l’ARJEL »



Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN

( sociologue)



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Après plus de 15 mois de réflexion (!) le Président de l’ Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL) - Charles Coppolani – a donc finalement interdit que l’étude « ethnosociologie des jeux de hasard et d’argent en ligne : poker, paris hippiques, paris sportifs » ( volet 1 étude quanti, 66 PAGES) soit publiée sur le site de l’Autorité de régulation. Sociologue, spécialisé sur des jeux de hasard et de l’industrie des jeux d’argent (gambling et e.gambling), chargé d’étude et salarié à l’ARJEL depuis décembre 2011 nous avons condamné cette décision - communiqué de presse du 24 juillet 2015 (1) - que nous considérons peu ou prou comme une censure qui ne veut pas dire son nom.

Cette recherche approfondie, basée sur un vaste échantillon représentatif de la population des joueurs en ligne extrait du frontal de l’ARJEL (turfistes, parieurs sportifs, joueurs de poker) , comportait :

  • un important volet quantitatif : sondage en ligne auto administré sur une population de 4145 joueurs

  • un axe qualitatif très significatif :185 entretiens de joueurs réalisés au siège de l’ARJEL à Paris (en face à face ou par téléphone) qui représentaient des dizaines d’heures d’enregistrement


L’étude quanti était reproductible, les chiffres précis. Les règles de la méthode avaient été appliquées, le souci méthodologique et épistémologique constant. Nous avions par exemple purifié le questionnement (questions ouvertes, neutralité du vocabulaire..) afin ne pas surdéterminer les réponses d’un sujet sensible et complexe. Toutes les étapes (échantillon, pré enquête, test, questionnaire, redressement…) avaient été validées par nos responsables hiérarchiques, des « pointures » de l’ARJEL qui ont le sens de l’Etat et des affaires publiques. Il s’agissait d’offrir des pistes de réflexion, d’interpréter des statistiques, en restant au plus près des pratiques ludiques numériques observées et des représentations. Nous avons systématiquement utilisé des marqueurs de précaution (souvent, majoritairement…) afin de moduler les analyses et éviter la surinterprétation.

Mais bien évidemment, comme dans tout travail intellectuel, il y avait un style, une écriture, des couleurs…une objectalité pour parler comme feu l’ethnologue Pierre Sansot. Comme l’a rappelé récemment le sociologue Jean Louis Fabiani, « les sciences sociales sont des sciences narratives, un article de sciences sociale n’est pas un article de physique, on produit des récits »(2) Cette étude contrastait forcément un peu vis à vis des livraisons habituelles de l’ARJEL, notamment les trimestriels, mais elle était complémentaire. Elle s’inscrivait sur un autre registre intellectuel et scientifique, qui correspondait à notre fonction à l’ARJEL comme sociologue.


Le volet 1 de cette recherche (étude quanti), que l’actuel Président de l’ARJEL a interdit de mettre en ligne sur le site de l’autorité de régulation, avait en outre reçu l’aval pour publication de Jean-François VILLOTE avant son départ. Ce qui n’est pas la moindre des choses vu la rigueur de l’ancien Président de l’ARJEL qui aurait mis son veto si cette publication n’avait présenté aucun intérêt pour la puissance publique, les opérateurs, les joueurs et les observateurs du champ ludique. Cette étude représentait la suite logique de la recherche exploratoire publiée sur le site de l’ARJEL (« Sociologie des joueurs en ligne », mars 2013, 14 pages) que JF Vilotte présentait de la manière suivante dans l’avant propos : «  Au delà de la publication trimestrielle par l’ARJEL des éléments sur le comportement des joueurs il a semblé utile d’engager une étude plus complète sur la sociologie du jeu en ligne. L’ARJEL, afin d’assurer une totale transparence du marché et d’adapter les outils de régulation à ses évolutions poursuivra ces études sociologiques. (…) D’ores et déjà (…) les données recueillies permettent de mieux connaître le marché des jeux en ligne, les motivations et les comportements des joueuses et des joueurs. L’Arjel a souhaité que ces informations puissent être partagées en toute transparence ( ibid page 2)


Le volet 2 (étude quali : ethno-sociologique des joueurs en ligne : poker, paris hippiques, paris sportifs, 300 pages) était en cours de rédaction et devait être publié en 2015. Mais l’enquête n’était pas terminée et des entretiens complémentaires étaient programmées, notamment au domicile des joueurs. C. Coppolani a mis son véto. L’ensemble du processus de recherche a donc subi un cout d’arrêt fatal à cause de cette longue réflexion du Président de l’ARJEL nonobstant le fait que, dès son arrivée Rue Leblanc (le siège de l’ARJEL à Paris dans le 15° arrondissement) M. Coppolani a programmé notre licenciement sans indemnité, après un CDD d’agent public de l’Etat commencé en 2011 et renouvelé sept fois…


Nous condamnons vivement l’ensemble de ces décisions et interdictions, même si cela n’a pas représenté pour nous – hélas - une totale surprise. Nous avions annoncé dès janvier 2014 en interne à l’Arjel et en externe auprès de collègues chercheurs à Lyon ou à Paris que :

  • que nous serions débarqué à cause de l’arrivée de M. Coppolani

  • que ’étude ne serait pas publiée car le nouveau Président de l’ARJEL nommé par le gouvernement était aussi, dans une belle confusion des genres, Président de l’Observatoire des jeux (ODJ) dont nous étions – ironie de l’Histoire - le Président fondateur

  • que cet Observatoire était très activiste depuis plusieurs mois (voir encadré) pour enfoncer le clou en matière de pathologie du jeu

  • que la nomination de M. Coppolani était très politique,

  • qu’il y avait un historique lourd en matière de recherche sur le gambling et d’instrumentalisation de cette recherche (par exemple l’expertise Inserm)

  • que le dossier (politique des jeux, politique en matière de recherche sur les jeux d’argent) était sensible et que Bercy semblait désormais vouloir tout contrôler

  • qu’au final nous serions « victime » collatérale de la démission inattendue de JF Vilotte


(*) L’Observatoire des jeux (ODJ) que nous avons crée avec deux psychiatres (Marc Valleur et Christian Bucher) et un avocat Matthieu Vincent, mais dont nous avons été -d’après le sénateur François Trucy qui a désormais quitté le Palais du Luxembourg ( ) - exclu par un mystérieux cabinet, est dominé, depuis son installation, par la doxa du jeu pathologie maladie. L’ODJ multiplie depuis deux ans des publications (scientifiques ?) loin d’être neutres : « Poker en ligne et addiction », «Taux de retour aux joueurs (TRJ) et addiction » etc… Certaines, très « approximatives », ont même entrainé un communiqué immédiat de l’ARJEL. Voilà par exemple comment JM Costes (membre de l’ODJ et ancien directeur de l’Observatoire des drogues) résumait sur le site de l’ODJ (hébergé par Bercy !) l’étude  « TRJ et addiction »: « la littérature scientifique n’apporte pas de preuves définitives sur le lien existant entre TRJ élevé et addiction, non parce que ce lien est inexistant mais parce que sa mise en évidence est très difficile, voire impossible à démontrer sur le plan méthodologique. L’argument de l’absence de démonstration scientifique formelle ne permet pas néanmoins de remettre en cause la possible existence de ce lien. » !! ( in« Taux de retour au joueur (TRJ), addiction et blanchiment », Observatoire des jeux (ODJ), mai 2012.)

Face à ce tels propos, publiés sur le site de Bercy, une seule conclusion s’impose : REDUCTIO AD ABSURDUM*


* Expression latine à propos d’une personne qui conduit un raisonnement jusqu’à ses plus extrêmes conséquences, y compris absurdes et contradictoires, en allant jusqu’à démontrer la fausseté, voire la ridicule inconsistance, des hypothèses sur lesquelles il repose.


Malgré ce contexte nous avons ensuite ( après consultation en interne à l’ARJEL et auprès de collègues universitaires) tout tenté, pendant des mois, pour trouver une solution positive avec le Président de l’ARJEL, basée sur le bon sens, le sens de l’intérêt général et de l’intérêt scientifique. En vain. Mutisme, indifférence, silence, ostracisme.

Certes, sociologue spécialisé sur le champ ludique des jeux d’argent, et ayant écrits de multiples articles sur la question de la Politique Des Jeux(PDJ) et de la politique en matière de recherches sur le jeu, nous comprenons les raisons politiques court terme de ces décisions mais nous les condamnons. Il est clair que la visite de Christian Eckert à l’Arjel en avril 2015, l’ouverture du site Evalujeu, constituent le point d’orgue d’une Politique Des Jeux « dite » de jeu responsable, qui met systématiquement en avant l’addiction, le jeu excessif, le jeu pathologique…. Publier sur le site de l’ARJEL une vaste étude représentative qui remet objectivement en cause cette vision réductrice du e. gambling, cela aurait fait tâche, cela aurait suscité le débat.

Car cette politique de « jeu responsable », engagée depuis longtemps par l’Etat, Bercy et la FDJ, apparait en réalité très contradictoire. Se situant entre injonction paradoxale, principe de précaution exacerbée, conflits d’intérêts et instrumentalisation réciproque (entre l’Etat Croupier, la doxa du jeu pathologie maladie, le business du jeu compulsif), cette politique des jeux a déjà été fortement critiquée aussi bien politiquement, économiquement que scientifiquement et pas seulement par nous. Aymeric Brody, dans un article « Pour une approche du gambling en termes de jeu »publié dans la dernière livraison de la revue numérique Sciences du jeu (3,2015, « Questionner les jeux d’argent et de hasard ) résume bien une partie de ces critiques ( confer note 3)


Cette politique des jeux d’argent et cette politique en matière de recherches sur les jeux de hasard ne concerne pas que la France. A terme la Commission Européenne – pour ne parler que d’elle - ne sera pas dupe. Elle a financé une recherche («  Gambling in Europe » menée par le Professeur Rebecca Cassidy) dans le cadre du projet GAMSOC dont les résultats vont dans le sens de ces critiques. Le rapport du projet, intitulé «Fair Game: producing gambling research», conclut notamment :« les recherches sur les jeux de hasard sont souvent limitées dans leurs objectifs et tendent à se restreindre aux personnes pour qui les jeux d'argent sont devenus une obsession pathologique. Le financement est souvent proposé en soutien de recherches sur les personnes pour qui ces jeux sont devenus (…) une addiction, au lieu de porter sur les implications sociales et culturelles »

Dans ce contexte il était stratégiquement pertinent – outre l’intérêt scientifique et historique - non pas d’interdire mais au contraire :

  • de publier sur le site de l’ARJEL, le volet quantitatif de cette étude et ensuite l’important volet qualitatif qui devait « éclairer » de multiples façons la réalité contemporaine des jeux d’argent en ligne et l’impact sur le joueur et la « famille entourage » qui se situe aux antipodes de la vision réductrice véhiculée par la doxa du jeu pathologie maladie.

  • de nous laisser terminer l’enquête qualitative dans de bonnes conditions. Mais là également, contre toute attente le Président de l’ARJEL a interdit que nous réalisions l’enquête complémentaire prévue au domicile des joueurs, fruit d’un long travail d’approche et de mise en confiance avec les e.gamblers et alors que nous avions les autorisations de la CNIL. Cette décision a été pour nous particulièrement consternante, des mois de travail annulés par la volonté d’un seul homme.


L’ARJEL ( l’Etat, le gouvernement) aurait eu une longueur d’avance avec cette enquête « à domicile », particulièrement pertinente pour des jeux d’argent digitaux, qui se déroulent souvent à la maison dans l’univers privé domestique, dernière terra incognita des sociologues. En outre nous étions au diapason de la volonté du gouvernement : de mesurer objectivement l’impact des jeux d’argent en ligne dans la vie des familles concernés, d’analyser les recompositions et synergies ludiques suscitées par la légalisation du ludique numérique depuis 2010 ; au delà des gesticulations, postures et des impostures scientifiques, imposées par la doxa du jeu pathologie maladie et le business du jeu compulsif qui, en réalité, prend en otage l’Etat Croupier dans cette affaire.


Nous avons trouvé le veto du Président de l’ARJEL sur ce registre très curieux, comme ensuite sa demande insistante, si l’étude quanti était publiée sur le site ARJEL ( car au début il était d’accord  avec des modifications mineures) qu’elle le soit en précisant : « étude réalisée par JP Martignoni avec la collaboration de l’ARJEL » alors que nous étions salarié à l’ARJEL depuis 2011 et que l’étude était le fruit d’un travail collectif.


Au final nous ne pouvons que condamner l’ensemble du processus que M. Coppolani a coordonné très doucement…mais très surement. Mais pour éviter tout ressentiment, et bien montrer que nous n’en faisons pas une affaire de personnes, nous voudrions remercier le Président « actuel » de l’ARJEL :

  • d’avoir prolongé notre contrat de quelques mois pour tenir compte d’un drame familial intervenu en 2013  (mort de notre cher fils Jacques en pleine santé à l’âge de 20 ans)

  • de ne pas avoir complètement censuré cette étude, comme il aurait pu le faire contractuellement, et d’autoriser sa publication sous certaines conditions ( encadré ci dessous)


Nous prenons acte que le Président actuel de l’Arjel ( nous le citons) n’a pas « voulu interdire » complètement la publication de l’étude concernée sous réserve ( nous le citons à nouveau) « que l’ARJEL n’y soit en aucune manière associée et à condition que figure en première page la mention : Etude sur les joueurs de sites agrées de jeu en ligne en France réalisée par Jean-Pierre MARTIGNONI, sociologue. Cette étude reflète les analyses et opinions de l’auteur et ne saurait être associées à celles de l’ARJEL »


Pour conclure, même si nous avons beaucoup investi à l’ARJEL depuis 5 ans au détriment de notre carrière intellectuelle et de notre visibilité ( en tant qu’agent public de l’Etat nous étions tenus au devoir de réserve), même si pour la première fois de notre trajectoire nous avons subi une censure alors que notre patron c’était L’Etat finalement, nous serons beau joueur, à défaut d’être le gagnant de cette pitoyable affaire. Car d’une certaine manière nous retrouvons, grâce à « l’actuel » Président de l’ARJEL – Charles Coppolani - notre LIBERTE de chercheur, qui, dans une belle ironie, rejoint la première motivation des joueurs online….


Quand on demande aux e.gamblers « pourquoi ils jouent » dans une question stratégiquement ouverte par soucis épistémologique, ils répondent en effet majoritairement  : facilité, rapidité, simplicité.. LIBERTE. Cette phrase résume bien finalement, la modernité numérique et la philosophie des jeux d’argent digitaux ( poker, paris hippiques, paris sportifs) pratiqués à la maison dans l’espace privé domestique ou de manière nomade, comme la phrase d’Aragon – «  Que le hasard vous serve mais préparez vous à l’accueillir », (titre d’un de nos livres (4) ) synthétisait bien la logique ludico-existentielle des machines à sous. 


C’est peut être ces mots - et notamment le plus beau d’entre eux LIBERTE - que, dans ce domaine comme dans de nombreux autres, ceux qui croient servir ceux qui nous gouvernent ne souhaitaient pas lire sur le site officiel de l’ARJEL.




Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN

  • Sociologue

  • Chercheur associé au Centre Max Weber ( CMW- Université Lumière – Lyon 2)

  • Membre de la Commission National des Sanctions (CNS- Paris Bercy)

© Lyon le 17 septembre 2015


contact : Jean-pierre.martignoni@univ-lyon2.fr


NB : outre les participants au débat sur poker académie ( voir note 1 ci dessous) nous souhaitons remercier les nombreuses personnes ( hommes politiques, collègues universitaires, joueurs) qui nous ont apporté leur soutien suite à notre communiqué de juillet 2015. Nous publions ci dessous un extrait de ces soutiens envoyés par les joueurs :


  1. Gilles X : C'est fort dommage de ne pas pouvoir rendre public le résultat de plusieurs années de travail, d'autant plus que cette étude avait l'air vraiment intéressante et poussait beaucoup plus loin la réflexion que la plupart des QCM que l'on reçoit d'habitude, se cantonnant à savoir si l'on est addict aux jeux...Pour cela, recevez tout mon soutien

  2. Gérard X : « c'est l'habitude en prenant des fonctions de démolir le travail du prédécesseur, je peux regretter d'avoir consacré du temps pour un dossier enterré, par contre je ne regrette pas mes contacts avec vous, empreints d'une grande courtoisie, d'une grande connaissance sociale et d'un  grand professionnalisme merci de votre implication avec coeur dans cette action »

  3. Bernard X : «  je peux vous dire que je suis choqué de cette décision de la part du nouveau Président de l'ARJEL, un travail de longue haleine comme celui que vous meniez sur le sujet concerné devait être mené à son terme et rendu public, de multiples enseignements pouvant en être tirés. Ces personnes qui sont nommés et qui, par le fait du prince, décide purement et simplement d'annihiler une telle étude ne sont pas dignes de respect. Il y a un mépris de votre personne, de votre travail, de votre expertise; un mépris, également, de toutes les personnes à qui vous vous adressiez et qui (je suppose) n'ont jamais rechigné à accepter les entretiens, pensant servir un sujet de société non négligeable »

  4. Eric X : « Je ne peux que regretter très vivement ce revirement de l'ARJEL...Je transmets ce communiqué de presse à la communauté de "Poker académie" auquel j'appartiens »

  5. Bruno X : «  Bonjour Monsieur,Je suis tout autant scandalisé que vous par la situation. Je vous avais parlé à demi-mots des problèmes que rencontrent les jeux sociaux en ligne. Ces problèmes, qui engagent la responsabilité morale, politique et pénale des sites ainsi que de l'organisme de régulation, sont bien trop graves pour qu'une étude telle que la vôtre puisse être publiée. Je ne suis donc finalement pas vraiment surpris de son interdiction par étouffement. Le contraire aurait été bien trop dangereux pour les dirigeants de l'Arjel ainsi que pour tout les hauts fonctionnaires et politiques qui sont mouillés dans ce montage. Le refus de votre étude pourrait bien constituer l'élément déclencheur d'un scandale politico-administratif qui s'étendrait bien au-delà de nos frontières. Je tiens seulement à vous prévenir que vous allez vous heurter à des personnes très puissantes qui ne reculeront devant rien pour vous faire taire.

  6. Thierry : « Je déplore comme vous cette décision, j'ai eu plaisir à m'entretenir régulièrement avec vous »

  7. Michel X : « Difficile de comprendre les intentions de l’ARJE »

  8. Bernard X : « On assiste de plus en plus à ces excès d'autorité, et à des prises de décision insuffisamment réfléchies. La compétence des décideurs n'est manifestement pas analysée comme il se devrait. Les erreurs de jugement se multiplient de façon inquiétante, et on en voit hélas les résultats désastreux, qui s'accumulent dans une indifférence générale ».

  9. Tangui X : « quel dommage »

  10. Marc X : « Je suis aussi désolé que vous »

  11. Olivier X : « je suis désolé de la tournure prise pour votre étude qui m'intéressait beaucoup ».

  12. Bernard X : je suis désole de cette situation. Vous faisiez un travail important et avec attention. En espérant que cette étude puisse un jour voir le jour 

  13. Samuel X : « Je retiendrai la courtoisie et le professionnalisme avec lequel vous avez diligenté cette mission. Je garde un excellent souvenir de nos relations et suis certain que ces qualités ne sauraient vous quitter lors de vos prochaines missions


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Notes :


(1) « Le Président de l’Autorité de régulation des jeux d’argent - Charles Coppolani - en ligne interdit qu’une étude sociologique sur les joueurs en ligne soit publiée sur le site de l’ARJEL » (24 juillet 2015, 1 page). Ce communiqué de presse a été envoyé à l’AFP qui très curieusement n’a pas donné aucune suite. Il a été publié notamment sur lescasinos.org du 24 juillet 2015 et sur poker-académie  avec différentes réactions de joueurs: :http://www.poker-academie.com/forum/poker-business/900566-arjel-une-etude-sur-le-poker-et-les-jeux-en-ligne-qui-tombe-a-l-eau.html#

(2)Jean Louis Fabiani, sociologue EHESS , «  la sociologie par les textes » Sciences humaines n°273 septembre 2015, 28-31)

(3) Extraits de l’article d’Aymeric Brody : Pour une approche du gambling en termes de jeu ( in Sciences du jeu. 3,2015, « Questionner les jeux d’argent et de hasard »)

[Perspectives critiques )

  • ( Certains sociologues) remettent «  en cause la « doxa du jeu pathologique » (Martignoni-Hutin, 2011), n’hésitant pas à parler d’une « pathologisation » (Suissa, 2005) pour rendre compte du discours médical à l’égard du jeu. Suivant cette perspective critique, il conviendrait d’analyser la construction sociale du « jeu pathologique » en réinscrivant l’histoire du concept dans un processus plus vaste de « médicalisation » et de contrôle des comportements déviants aux États-Unis (Conrad & Schneider, 1980 ; Rosecrance, 1985) et à travers le monde (Suissa, 2008).

  • Ce faisant, on comprend mieux comment le discours des psychiatres américains s’est imposé à partir des années 1980 pour faire du jeu pathologique un problème médical (Castellani, 2000), avant d’être reconnu comme un problème sanitaire et social dans les années 1990-2000 (Suissa, 2003, 2006 ; Mangel, 2009). En parlant de pathologisation ou de médicalisation, il s’agit non seulement de décrire ce processus qui préside à la reconnaissance du jeu pathologique comme une maladie ou un problème de santé publique, mais aussi de souligner cette tendance générale à penser le jeu – y compris celui des « joueurs sociaux » – en termes de pathologie.

  • Selon l’INSERM (2008 : 38) qui se réfère notamment aux travaux de Suissa : « L’usage même de ce terme – pathologie/maladie – relève d’une idéologie de la médicalisation, en tant que modalité de contrôle social dans la gestion des rapports sociaux de déviance. » Face à cette idéologie dominante, le sociologue s’efforcera de déconstruire les catégories d’usage en matière de gambling pour redéfinir les termes du débat scientifique.

  • Tel est précisément l’enjeu d’un article dans lequel Jean-Pierre Martignoni-Hutin pose la question suivante : « Que peut apporter la sociologie dans le débat sur le jeu compulsif ? » (Martignoni-Hutin, 2005) La réponse du sociologue se situe à plusieurs niveaux : une fois le travail de déconstruction engagé sur le plan épistémologique et conceptuelle, la sociologie interviendrait dans le débat scientifique pour reformuler le problème, discuter les études sur le sujet et réaliser de nouvelles enquêtes.

  • Dans un texte plus récent, Martignoni-Hutin (2011) pose finalement les jalons d’une « sociologie du gambling contemporain » qui ne soit pas focalisée sur la dimension pathologique du jeu, considérant « qu’il y a danger à aborder les jeux d’argent à travers la problématique de l’addiction, car une fois acceptés comme entité morbide individualisée, ces jeux sont analysés comme des formes plus ou moins aiguës de jeu pathologique. » (Martignoni-Hutin, 2011 : 59).

  • Si un Observatoire des jeux (ODJ) a depuis vu le jour en France, force est de constater que celui-ci s’intéresse davantage aux conséquences du jeu sur un plan sanitaire (…) qu’à la « socialisation ludique » des joueurs. En France comme ailleurs, le prisme du jeu pathologique continue d’orienter le regard des chercheurs vers des considérations psychologiques, médicales ou sanitaires.

  • Analysant les titres et les résumés des articles scientifiques publiés dans le Journal of Gambling Studies, Brian Castellani (2000 : 51-52) observe ainsi dans le contexte anglophone une surreprésentation des travaux renvoyant le jeu pathologique au « modèle médical ». Non seulement la psychopathologie du jeu – entendue au sens large – domine par la place qu’elle occupe dans la littérature scientifique internationale, mais elle domine également en imposant ses catégories aux autres approches disciplinaires du gambling. Relevons par exemple que, si l’approche sociologique tend à aborder le jeu pathologique comme un « problème social » (Suissa, 2013), c’est toujours d’un problème de jeu dont il est question.

  • Quelque part, la sociologie du gambling que Martignoni-Hutin appelle de ses vœux serait elle-même victime de la « doxa » dès lors que, pour entrer dans le débat scientifique, elle doit réinvestir les thèmes et les termes de la psychopathologie du jeu. Même s’il cherche à la déconstruire, le sociologue reconnaîtra implicitement cette frontière entre le normal et le pathologique dont il sait qu’elle résulte d’une « construction sociale » (Martignoni-Hutin, 2005 : 59).

  • Certes, il est difficile d’imaginer aujourd’hui une étude du gambling qui ne se réfère pas, d’une manière ou d’une autre, au cadre épistémologique et conceptuel de la psychopathologie du jeu, mais faut-il pour autant reprendre les termes du débat sur le jeu compulsif – surtout quand on sait le poids des mots dans ce type de controverse disciplinaire ?

  • S’il n’est pas question de déclencher une « guerre des disciplines » (Martignoni-Hutin, 2005 : 57), doit-on pour autant céder les armes ? Comme Martignoni-Hutin, nous pensons qu’un travail de déconstruction est nécessaire, de la même manière qu’il nous paraît indispensable de reconstruire un cadre épistémologique et conceptuel qui, dans la mesure du possible, ne soit pas soumis à une conception psychopathologique du jeu. (…)

comprendre (sans juger) ce rapport que le joueur entretient avec son jeu : l’exemple du hasard

  • Si la psychologie cognitivo-comportementale a tendance à considérer que celui qui cherche à contrôler le hasard par ses décisions se berce d’illusions et risque la dépendance (voir Barrault & Varescon, 2012), nous pensons quant à nous que le joueur a de bonnes raisons de croire en ses chances – sinon il y a fort à parier qu’il ne jouerait pas.


  • Certes, son comportement à l’intérieur du jeu n’est peut-être pas conforme à la « morale mathématique » (Martignoni-Hutin, 2000 : 167) dont se réclament certains psychologues mais, comme l’observe finement Martignoni-Hutin à propos des machines à sous : « Il y a chez le joueur un sens ludique – véritable sens pratique – adapté aux vicissitudes du jeu et aux caprices du hasard. » (Martignoni-Hutin, 2000 : 164).


  • Pour comprendre (sans juger) ce rapport que le joueur entretient avec son jeu, il s’agirait d’appréhender chacune de ses décisions non comme une « illusion de contrôle » (Langer, 1975) mais comme une forme d’engagement – y compris monétaire – dans la pratique du jeu (illusio).


  • C’est à cette condition que la pratique des jeux de hasard et d’argent prendra tout son sens ludique et qu’il deviendra possible d’éclairer sous un nouveau jour le comportement du joueur à l’intérieur du jeu. C’est en tout cas l’objectif de ce troisième numéro de la revue Sciences du jeu. (3,2015, « Questionner les jeux d’argent et de hasard »)


(4) : " Ethnosociologie des machines à sous : que le hasard vous serve mais préparez-vous à l'accueillir " (Paris , L'Harmattan, mai 2000, collection Logiques Sociales, 220 p.)


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