Pour remplacer les cercles de jeu moribonds, l'hypothèse de créer des casinos dans la capitale ressurgit. Le gouvernement a créé un groupe d'études à ce sujet qui doit rendre son rapport en avril.
Discrètement, voilà qu'une petite révolution se prépare dans le monde des jeux parisiens. Face à l'avalanche de scandales ayant entraîné la fermeture de la majorité des cercles de jeu de la capitale, le ministère de l'Intérieur s'interroge sur le devenir de l'offre légale de jeux à Paris.
Une réflexion qui a conduit la Place Beauvau à confier, ces derniers jours, une mission d'étude à l'ancien préfet de la région Ile-de-France, Jean-Pierre Duport, consacrée à l'avenir des cercles de jeu à Paris.
« Le statut juridique et le mode de fonctionnement de certains cercles ont contribué à l'apparition de délits et de fraudes diverses, résume un fin connaisseur du dossier. Le temps de l'opacité est révolu. Il faut réfléchir, et c'est l'enjeu de cette mission, à proposer des lieux de jeux transparents et contrôlés. » En creux, il se murmure que la mission du préfet devra trancher entre deux propositions : rénover le statut juridique des cercles de jeu ou autoriser l'implantation de casinos dans la capitale en abrogeant la loi qui l'interdit actuellement.
Voilà des mois que l'actualité des cercles de jeu parisiens s'entrechoque avec la chronique judiciaire. Concorde, Wagram, Cadet, Eldo, ACF. Au total, depuis 2007, ce sont treize établissements qui ont définitivement rangé leurs jetons, bien souvent à la suite d'enquêtes qui ont mis à jour des escroqueries diverses. « Entre habitués, on se dit qu'on est encore des privilégiés, sourit Armand, 47 ans, usager régulier du club Clichy-Montmartre, dernier établissement ouvert à Paris. Mais le débat est biaisé. Même si le Clichy a très bonne réputation, on se dit qu'en haut lieu, certains ont décidé de la mort des cercles de jeu. »
Alors que plusieurs spécialistes du milieu des jeux doutent que la mission Duport préconise le toilettage juridique des cercles, l'implantation de casinos dans la capitale apparaît comme l'issue la plus probable. Si la mission n'a pas encore tranché, elle multiplie ces derniers jours des auditions de professionnels du secteur et de responsables politiques de la Ville de Paris.
« Officiellement, je ne doute pas que certains élus répugnent à l'idée d'implanter un ou plusieurs casinos et invoquent des risques de troubles à l'ordre public », commente un membre de l'opposition au Conseil de Paris. « Mais si l'on est pragmatique, il faut prendre en considération deux facteurs : d'abord les casinos sont implantés dans près de 200 communes en France et tout se passe bien. Ensuite, une telle perspective représente des rentrées fiscales conséquentes pour l'Etat, mais aussi pour Paris. » Contactée, la mairie de Paris n'a pas répondu à nos questions.
Selon plusieurs estimations, ce sont près de 30 MEUR que pourraient se partager annuellement la commune et l'Etat. D'ici là, la mission Duport poursuit ses consultations et devrait remettre ses préconisations dans le courant du mois d'avril. Sans vrai suspense ? Dans un rapport confidentiel en date du mois de mai 2014, l'inspection générale de l'administration préconisait déjà de « fixer dès maintenant une date de suppression des cercles », et ajoutait qu'il fallait « organiser l'implantation de casinos dans l'agglomération parisienne ».
199 casinos autorisés en France
En un peu plus d'un siècle, la loi encadrant le fonctionnement des casinos a connu bien des évolutions. Soumise à une autorisation du ministère de l'Intérieur, l'ouverture d'un établissement de jeu est réglementée par la loi du 15 juin 1907, permettant la construction de casinos uniquement dans les villes thermales et les stations balnéaires. En 1919, le législateur interdit les jeux de hasard dans un rayon de 100 km autour de Paris, avant d'autoriser vingt-deux ans plus tard l'ouverture d'un seul casino, à enghien-les-bains (Val-d'Oise).
Enfin en 1988, l'autorisation est donnée aux aires touristiques de plus de 500 000 habitants, si elles participent pour 40 %, au fonctionnement d'un centre dramatique, d'un opéra où d'un orchestre national. Interdite de casinos, la capitale ne comptait que des cercles de jeu, dont la gestion de plusieurs enseignes avait été confiée à des Corses à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en contrepartie de l'effort de guerre et des actes de résistance. Actuellement, la France compte 199 casinos répartis sur le territoire qui ont enregistré en 2014 un produit brut des jeux (NDLR : différence entre la mise et les gains des joueurs) de 2,123 Mds€.
(source : leparisien.fr/Adrien Cadorel)